La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2018 | FRANCE | N°17-83141

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 juin 2018, 17-83141


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. X... Ben Y... Z...,
- Mme Nabila A..., épouse Z..., parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 3e section, en date du 31 mars 2017, qui, dans l'information suivie sur leur plainte contre personne non dénommée du chef d'homicide involontaire, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 29 mai 2018 où étaient prése

nts dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soul...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. X... Ben Y... Z...,
- Mme Nabila A..., épouse Z..., parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 3e section, en date du 31 mars 2017, qui, dans l'information suivie sur leur plainte contre personne non dénommée du chef d'homicide involontaire, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 29 mai 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme B..., conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de Mme le conseiller B..., les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général C... ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 221-6 et 121-3 du code pénal, Préliminaire, 85, 86, 177, 201, 591 et 593 du code de procédure pénale,

"en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance de non-lieu entreprise ;

"aux motifs que considérant que le juge d'instruction a rendu une ordonnance dans laquelle il précise à l'encontre du bailleur social Paris Habitat-OPH, gestionnaire de l'immeuble du [...] depuis le 1er janvier 2006, à la suite de la SAGI, les éléments suivants :
- l'accident mortel a été rendu possible du fait de l'extrême dangerosité de l'installation, la gaine grillagée au-dessus de la hauteur de 1,70 m par rapport au plat des marches permettant le passage d'une tête ou d'un bras ;
- la dangerosité de ce type d'installation était connue, des accidents étant survenus sur ces ascenseurs et la fermeture des gaines avait été rendue obligatoire par le législateur, la première échéance de l'obligation fixée au 3 juillet 2008 avant été repoussée au 31 décembre 2010 par décret du 28 mars 2008 ;
- l'entreprise Otis qui assurait la maintenance de l'installation avant l'entreprise Kone avait alerté la SAGI dès le 12 juillet 2002 que « ce type d'appareil à trémie grillagée non fermée, bien que conforme à la norme en vigueur lors de l'installation, peut présenter des risques pour l'utilisateur ; que chaque année, des incidents, voire accidents mortels se produisent sur ces ascenseurs ; qu'ainsi, nous vous encourageons fortement à engager des travaux afin de pallier aux risques encourus sur ces sites » ;
- le bailleur social a privilégié le remplacement de la cabine (esthétique) et du matériel électromagnétique au préjudice de la gaine et de l'ensemble parachute programmé 5 ans plus tard soit fin 2008 ; qu'à la décharge du bailleur, le juge d'instruction relève les éléments suivants :
- il résulte tant du rapport du pôle mesures physiques et sciences de l‘incendie du laboratoire central de la préfecture de police que du rapport d'expertise civile ordonné en référé précité que l'installation respectait les normes en vigueur applicables à ce type d'installation lors de l'accident ;
- l'ascenseur faisait l'objet d'une maintenance régulière de la part de la société Kone et l'accident n'est pas le fruit d'une défaillance mécanique de l'installation ;
- depuis la reprise de l'immeuble par Paris Habitat-OPH en janvier 2006, aucune information particulière sur la dangerosité de l'installation ne lui avait été communiquée qu'à ce titre, les auditions démontrent que si la plupart des résidents affirment qu'ils trouvaient l'installation dangereuse, aucun n'a signalé ce problème à l'établissement gestionnaire de l'immeuble ;
- s'il est constant que l'alerte formulée par l'entreprise Otis en 2002 à l'attention du précédent établissement gestionnaire n'avait pas été prise en compte immédiatement, la SAGI ayant d'abord fait effectuer une première manche de travaux de modernisation et de remplacement de la cabine de l'ascenseur en 2002-2003, la mise aux normes de la gaine était programmée pour fin 2008, soit avant le terme prévu par les textes. Le bailleur social actuel souligne, à cet égard l'ampleur de la tâche, compte tenu de l'importance du parc géré (120 000 logements sociaux), 300 gaines à changer-, des délais et des disponibilités des ascensoristes ; que, considérant, au vu de ces éléments pertinents, que :
- l'enquête a permis d'établir et de comprendre les circonstances de l'accident, le jeune garçon ayant penché sa tête vers l'intérieur de la gaine et n'ayant pas entendu la cabine descendre qui lui a happé le bras ou la tête inclinée dans le volume de déplacement de la cabine, entraînant et écrasant son corps ;
- les conclusions d'une expertise ordonnée dans le cadre d'une instance civile établissent que l'ascenseur respectait les normes en vigueur applicables à ce type d'installation lors de l'accident, même s'il présentait une extrême dangerosité pour les usagers :
- l'ascenseur du [...] , installé dans les années 30, à l'instar d'un grand nombre d'immeubles gérés par la SAGI puis par l'OPH Paris-Habitat, avait fait, par ailleurs, l'objet d'une maintenance régulière de la part de la société Kone ;
- depuis la reprise de la gestion de l'immeuble par l'OPH Paris-Habitat, en 2006, aucune information sur la dangerosité de l'installation ne lui avait été communiquée, les résidents ne l'ayant jamais alerté ; aucun signalement antérieur n'avait été fait non plus ;
- l'absence de réaction immédiate de l'OPH Paris-Habitat, le nouveau bailleur, à l'unique alerte, ne concernant d'ailleurs pas l'installation en cause, faite par l'entreprise Otis à la SAGI, l'ancien bailleur, le 12 juillet 2002, soit quatre ans avant la reprise de l'immeuble par l'OPH Paris-Habitat, ne peut constituer une négligence fautive dans la mesure où, d'une part, ce dernier n'en a pas eu connaissance avant l'accident et, d'autre part, parce qu'une politique de travaux et de mise aux normes des installations avait été engagée pour moderniser et remplacer des cabines d'ascenseur dès 2002, ceux relatifs aux gaines étant programmés pour fin 2008 conformément à la réglementation ; que ces délais d'exécution sont en cohérence avec la taille du parc immobilier géré par le bailleur soit 120 000 logements sociaux ; que considérant, en conséquence, qu'il ne ressort pas des éléments de la procédure que l'OPH Paris-Habitat ou quiconque n'a pas accompli les diligences normales lui incombant compte tenu des obligations légales et réglementaires ; que, dès lors, le délit d'homicide involontaire n'est pas constitué et qu'il convient de confirmer l'ordonnance entreprise ;

"1°) alors qu'en cas de lien de causalité directe, une faute simple suffit à engager la responsabilité pénale de son auteur pour homicide involontaire et en cas de lien de causalité indirecte, une faute caractérisée ou délibérée est requise ; que n'a pas mis la chambre criminelle en mesure d'assurer son contrôle sur cette qualification, la chambre de l'instruction qui ne s'est pas prononcée sur la nature du lien de causalité ni sur la gravité de la faute requise ;

"2°) alors qu'en toute hypothèse, n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations la chambre de l'instruction, qui après avoir relevé que « l'accident mortel a(vait) été rendu possible du fait de l'extrême dangerosité de l'installation », que « la gaine grillagée au-dessus de la hauteur de 1,70 m par rapport au plat des marches permett(ai)t le passage d'une tête ou d'un bras » et que « la dangerosité de ce type d'installation était connue, des accidents étant survenus sur ces ascenseurs » ou encore que « l'entreprise Otis qui assurait la maintenance de l'installation avant l'entreprise Kone avait alerté la SAGI dès le 12 juillet 2002 que « ce type d'appareil à trémie grillagée non fermée, bien que conforme à la norme en vigueur lors de l'installation, peut présenter des risques (mortels) pour l'utilisateur », a considéré qu'il ne ressortait pas des éléments de la procédure que l'OPH Paris-Habitat ou quiconque n'avait pas accompli les diligences normales lui incombant compte tenu des obligations légales et réglementaires lorsque le respect de la réglementation en vigueur ou l'importance du parc à gérer constituaient des circonstances inopérantes ;

"3°) alors que la chambre de l'instruction ne pouvait, sans se contredire, confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise et, dans le même temps, retenir que l'ascenseur présentait une « extrême dangerosité » qui était « connue », « des accidents étant survenus » ainsi que le soulignait le mémoire régulièrement produit dans l'intérêt des parties civiles ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, de l'ordonnance qu'il confirme et des pièces de la procédure que, le 19 juin 2008, le corps sans vie de Liyes Z..., né le [...] ,a été retrouvé coincé dans la cage de l'ascenseur de l'immeuble dans lequel il résidait, propriété de Paris Habitat- OPH ; que M. Z... et Mme A..., épouse Z..., parents de la victime, ont déposé plainte et se sont constitués partie civile contre personne non dénommée ; que la société Paris Habitat-OPH a été placée sous le statut de témoin assisté pour homicide involontaire par imprudence ou négligence ou pour avoir manqué à un obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement en n'ayant pas pris les mesures nécessaires pour pallier la dangerosité de l' installation ; qu'une ordonnance de non-lieu a été rendue ; que les parties civiles ont relevé appel ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que l'enquête a permis d'établir et de comprendre les circonstances de l'accident le jeune garçon ayant penché sa tête vers l'intérieur de la gaine et n'ayant pas entendu la cabine descendre qui lui a happé le bras ou la tête inclinée dans le volume de déplacement de la cabine, entraînant et écrasant son corps, que les conclusions de l'expertise ordonnée dans le cadre d'une instance civile établissent que l'ascenseur respectait les normes en vigueur applicables à ce type d'installation lors de l'accident, même s'il présentait une extrême dangerosité pour les usagers, que l'ascenseur, installé dans les années 1930, à l'instar d'un grand nombre d'immeubles gérés par la SAGI puis par l'OPH Paris Habitat, avait fait, par ailleurs, l'objet d'une maintenance régulière de la part de la société Kone ; que les juges ajoutent que depuis la reprise de la gestion de l'immeuble par l'OPH Paris-Habitat, en 2006, aucune information sur la dangerosité de l'installation ne lui avait été communiquée, les résidents ne l'ayant jamais alerté et qu'aucun signalement antérieur n'avait été fait non plus, que l'absence de réaction immédiate de l'OPH Paris-Habitat, le nouveau bailleur, à l'unique alerte, ne concernant d'ailleurs pas l'installation en cause, faite par l'entreprise Otis à la SAGl, l'ancien bailleur, le 12 juillet 2002, soit quatre ans avant la reprise de l'immeuble par OPH Paris-Habitat, ne peut constituer une négligence fautive dans la mesure où, d'une part, ce dernier n'en a pas eu connaissance avant l'accident et, d'autre part, parce qu'une politique de travaux et de mise aux normes des installations avait été engagée pour moderniser et remplacer les cabines d'ascenseur dès 2002, la fermeture des gaines étant programmés pour fin 2008 conformément aux dispositions du décret 2008-291 du 28 mars 2008 repoussant cette obligation au 31 décembre 2010 et que ces délais d'exécution sont en cohérence avec la taille du parc immobilier géré par le bailleur soit 120 000 logements sociaux ; que les juges en déduisent qu'il ne ressort pas des éléments de la procédure que l'OPH Paris-Habitat ou quiconque n'a pas accompli les diligences normales lui incombant compte tenu des obligations légales et réglementaires ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction, qui n'avait pas à se prononcer sur la nature directe ou indirecte du lien de causalité et sur la gravité de la faute requise, a analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte, répondu aux articulations essentielles des mémoires produits par les parties civiles appelantes, et exposé, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre de Paris Habitat-OPH et qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit d'homicide involontaire reproché, ni toute autre infraction, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-six juin deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-83141
Date de la décision : 26/06/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 31 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 jui. 2018, pourvoi n°17-83141


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.83141
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award