LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société civile immobilière Barbet du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. X... ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 12 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 3 mai 2017), que la société EDF a conclu une promesse de vente avec la société Lanfry portant sur un groupe d'immeubles et fait réaliser par M. X... des travaux sur l'installation électrique pour permettre l'exploitation différenciée du site par le vendeur, bénéficiaire d'un prêt à usage d'un garage, et par l'acquéreur ; que la vente a été réitérée par acte authentique du 21 juillet 2004, la société civile immobilière Barbet (la SCI) se substituant à la société Lanfry, celle-ci devenant titulaire d'un bail commercial sur les locaux autres que le garage ; qu'estimant que le câblage électrique était insuffisant pour délivrer, sans risque de disjonction ou d'incendie, la puissance électrique promise dans l'acte de vente, la SCI et la société Lanfry ont, après désignation d'un constatant, puis d'un expert judiciaire, assigné la société EDF en garantie des vices cachés et appelé M. X... en intervention forcée ;
Attendu que, pour faire application de la clause exclusive de la garantie des vices cachés et rejeter les demandes, l'arrêt retient que la SCI ne consacre, dans ses écritures, aucun développement sur cette question et que, si elle fait valoir dans ses conclusions que la société EDF a fait preuve de mauvaise foi car elle présente la qualité de professionnel de l'électricité et qu'elle a vendu le bien en toute connaissance du vice affectant le câble litigieux, elle n'en déduit pas que la clause exclusive de la garantie serait inapplicable ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de toute précision dans les écritures, il incombe aux juges du fond de donner leur exacte qualification aux faits invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions et de les examiner, sous tous leurs aspects juridiques, conformément aux règles de droit qui leur sont applicables, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande formée par la SCI Barbet contre la société Electricité de France, l'arrêt rendu le 3 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée ;
Condamne la société EDF aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Electricité de France et la condamne à payer à la SCI Barbet la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Barbet.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande formée par la SCI Barbet contre la société Électricité de France fondée sur les vices cachés de l'immeuble vendu ;
AUX MOTIFS QUE, sur l'existence d'un vice caché, en application de l'article 1641 du code civil « le vendeur n'est tenu de garantir l'acquéreur que des défauts cachés de la chose vendue, uniquement si ces défauts la rendent impropre à l'usage auquel elle était destinée ou diminue tellement cet usage que l'acquéreur ne l'aurait pas acquise ou en aurait donné un prix moindre » ; que la SCI Barbet soutient que la vente est atteinte d'un vice caché, l'installation électrique ne lui permettant pas d'atteindre la puissance promise de 205kVA ; qu'en effet, il n'est pas contesté qu'au moment de la vente, les installations Lanfry n'étaient alimentée que par deux câbles (1 câble éclairage 4 x 25 mm2 et 1 câble 4 x 185 mm2 alu), donnant une puissance maximale de 158 kVA et que le 3ème câble, susceptible de fournir une alimentation complémentaire n'était pas raccordé ; que cet état de fait ressort tant des conclusions de l'Apave que du constat fait par M. Michel Y..., lequel dans sa note technique du 26 juin 2006, relève un état de surchauffe du câble utilisé pour l'alimentation de l'atelier au bord de la rupture, à l'origine des nombreux déclenchements du disjoncteur général, mais également du rapport d'expertise judiciaire de M. Jean-Claude Z..., lequel conclut à l'inaptitude du réseau de câblage à fournir la puissance électrique promise ; que pour écarter l'existence d'un vice, le tribunal a considéré qu'aucun élément ne permettait d'établir que le câble non raccordé ne pouvait pas être utilisé et dès lors fournir la puissance souhaitée ; qu'or, plusieurs pièces démontrent que ce raccordement ne pouvait raisonnablement se faire sans remplacer le câble antérieurement endommagé ; qu'en effet, il est établi que le dit câble, intégré dans la masse de béton du plancher, avait fait l'objet d'une rupture dans les années 1190, consécutive à la fissuration générale de ce plancher ; que par ailleurs, M. Y..., dans sa note technique du 22 juin 2006, a indiqué très clairement que « ce câble, non utilisé depuis longtemps et ayant subi une réparation avec mise en place d'une boîte de jonction, dont un point faible, ne peut présenter une fiabilité optimale pour une alimentation industrielle et ne peut donc répondre au problème d'alimentation de l'atelier » ; que le cabinet Norisko équipements, dans son compte-rendu de vérification périodique du 30 novembre 2015, préconisait déjà le « remplacement du câble d'alimentation » ; que si l'expert, M. Z..., n'est pas allé au bout de ses investigations, celui-ci relève malgré tout en page 45 de son rapport que « même si les résultats avait été conformes aux normes correspondantes, le vieillissement accéléré qu'a subi ce câble lors de l'affaissement de la dalle et de son échauffement anormal avant la vente, et le point faible constitué par le coffret de connexion sur son parcours ne permettent pas de considérer raisonnablement que ce câble puisse être réutilisé » ; que la cour retient donc, contrairement aux premiers juges, l'existence d'un vice ; que ce vice était caché car la SCI Barbet ne pouvait, au moment de l'achat, se rendre compte que le câblage électrique dont elle disposait n'allait pas lui permettre d'atteindre la puissance convenue ; que par ailleurs, le vice était de nature l'immeuble impropre à sa destination, l'installation d'une part ne procurant pas la puissance électrique promise, d'autre part s'avérant dangereuse, avec risque de court-circuit et d'incendie ; que l'existence d'un vice caché est donc bien établie ; que, sur l'application de la clause exclusive de garantie, en vertu de l'article 1643 du code civil, le vendeur « est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie » ; que l'acte authentique, signé le 21 juillet 2004, comporte en page 10 une clause exclusive de garantie des vices cachés ainsi libellée : « Le nouveau propriétaire prendra le bien dans son état, au jour de l'entrée en jouissance, sans recours contre l'ancien propriétaire pour quelque cause que ce soit ; et notamment à raison de fouilles ou excavations qui auraient pu être pratiquées sous le bien, de tous éboulements qui pourraient en résulter par la suite, la nature du sol et du sous-sol n'étant pas garantie ; comme aussi sans recours contre l'ancien propriétaire pour l'état des constructions ; pour les vices de toute nature, apparents ou cachés ; pour les mitoyennetés, pour erreur dans la désignation, le cadastre ou la contenance, toute différence excédât-elle un vingtième devant faire son profit ou sa perte » ; que l'application de cette clause est invoquée par la société EDF, dans l'hypothèse où l'existence d'un vice caché serait retenue ; que la SCI Barbet ne consacre, dans ses écritures, aucun développement à la question de la clause exclusive de garantie ; que si elle fait valoir, page 11 de ses conclusions, que la société EDF a fait preuve de mauvaise foi car elle présente la qualité de professionnel de l'électricité et qu'elle a vendu le bien en toute connaissance du vice affectant le câble litigieux, elle n'en déduit nullement que la clause exclusive de garantie serait inapplicable ; que la cour ne peut, par conséquent, que confirmer le rejet des demandes formées par la SCI Barbet ainsi que le rejet subséquent de l'appel en garantie formée par la société EDF à l'encontre de M. X..., devenu sans objet ;
1) ALORS QUE le juge doit se prononcer sur les prétentions implicitement mais nécessairement comprises dans la demande ; qu'en l'espèce, la SCI Barbet demandait la condamnation d'EDF à des dommages-intérêts pour vice caché, ce dont il résultait implicitement mais nécessairement qu'elle demandait que la clause exclusive de garantie insérée à l'acte de vente soit déclarée inapplicable ; qu'en jugeant que « la SCI Barbet ne consacre, dans ses écritures, aucun développement à la question de la clause exclusive de garantie », pour se dispenser ensuite de vérifier si les conditions d'applicabilité de la clause étaient réunies, la cour d'appel a violé l'article 5 du code de procédure civile ;
2) ALORS, subsidiairement, QUE le juge n'est pas lié par les moyens de droit soulevés par les parties, fussent-ils non contestés ; qu'en relevant que l'application de la clause exclusive de garantie insérée dans l'acte de vente « est invoquée par la société EDF » et que « la SCI Barbet ne consacre, dans ses écritures, aucun développement à la question de la clause exclusive de garantie », pour en déduire qu'elle « ne peut, par conséquent, que confirmer le rejet des demandes formées par la SCI », la cour d'appel qui s'est estimée à tort liée par les moyens de droit soulevés par les parties, a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
3) ALORS en toute hypothèse QUE le juge doit vérifier, au besoin d'office, que les conditions d'application de la loi qu'il met en oeuvre sont réunies ;
que les clauses exclusives de garantie ne peuvent pas être invoquées par le vendeur qui, au moment de la vente, avait connaissance du vice caché ; qu'en l'espèce, la SCI Barbet soutenait qu'EDF lui avait « revendu le bien [
] en toute connaissance du vice » (conclusions d'appelant, p. 11, § 5) ; qu'en jugeant que la clause exclusive de garantie insérée à l'acte de vente devait jouer au profit d'EDF, tout en refusant de rechercher si EDF avait connaissance du vice lors de la vente, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article 1643 du code civil ;
4) ALORS QUE le juge doit vérifier, au besoin d'office, que les conditions d'application de la loi qu'il met en oeuvre sont réunies ; que les clauses exclusives de garantie ne peuvent pas être invoquées par un vendeur professionnel ; qu'en l'espèce, la SCI Barbet soutenait qu'EDF avait la qualité de professionnel (conclusions d'appelant, p. 11, § 5) ; qu'en jugeant que la clause exclusive de garantie insérée à l'acte de vente devait jouer au profit d'EDF, tout en refusant de rechercher si EDF avait la qualité de vendeur professionnel, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article 1643 du code civil.