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20/06/2018 | FRANCE | N°17-17350

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 juin 2018, 17-17350


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par délibération du 23 novembre 2015, le CHSCT de l'établissement de la Poste de la plate-forme de distribution du courrier de Saint-Denis a désigné un expert en raison du risque grave résultant de la mise en oeuvre d'une réorganisation au sein de l'établissement ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

M

ais sur le second moyen :

Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, alors applicable ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par délibération du 23 novembre 2015, le CHSCT de l'établissement de la Poste de la plate-forme de distribution du courrier de Saint-Denis a désigné un expert en raison du risque grave résultant de la mise en oeuvre d'une réorganisation au sein de l'établissement ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, alors applicable ;

Attendu que, pour débouter le CHSCT de sa demande de prise en charge des frais exposés dans le cadre de sa défense et de ses dépens, la cour d'appel retient qu'il est partie perdante ;

Qu'en statuant ainsi, alors que sauf abus, l'employeur doit supporter les frais de contestation de la procédure d'expertise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le CHSCT de sa demande de prise en charge de ses frais non compris dans les dépens, et laisse les dépens à la charge de chaque partie, l'arrêt rendu le 27 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;

Condamne la société La Poste aux dépens ;

Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la société La Poste à payer au CHSCT de la Poste de la Réunion la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la Poste de la Réunion.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé la décision du CHSCT de la plate-forme de distribution de Saint Denis du 23 novembre 2015 qui avait désigné un expert sur le fondement de l'article L. 4614-12 du Code du travail ;

AUX MOTIFS QUE « la Cour ne peut faire sienne l'analyse du premier juge qui, pour rejeter le recours de la société La Poste a retenu qu'il existait au sein de l'établissement concerné un risque grave actuel et persistant auquel aucune réponse satisfaisante n'avait pu être apportée avec les moyens dont disposait l'entreprise, justifiant le recours à l'expertise décidée par le Comité qui lui permettait de rendre un avis éclairé sur la nouvelle organisation et d'avancer des propositions de nature à apporter des solutions en ce qu'il était établi que ces facteurs de risques conduisait à leur cumul à l'existence et à des conditions de travail particulièrement dégradées permettant de qualifier ce risque de grave et d'anormal de sorte que l'expertise prévue par l'article L. 4614-12 du code du travail pouvait être décidée sans que le Comité n'excède les pouvoirs qui lui sont attribués ; qu'en effet, ainsi que le soutient l'appelant, le recours aux services d'un cabinet d'expert sur le fondement du texte précité suppose l'existence d'un risque grave qui doit être exceptionnel ; que ce recours doit être l'ultime recours lorsqu'il ne peut être remédié à un risque professionnel avec les moyens dont dispose l'entreprise ; que le risque grave s'entend comme un péril anormal et qu'il ne peut s'agir du risque inhérent à toute activité professionnelle et qui comme tel justifie le recours au technicien qu'est l'expert et qui seul peut proposer au comité les solutions techniques qui peuvent y remédier ; que la mission, qui peut être donnée à l'expert, a vocation à lui fournir les éléments lui permettant d'exercer les prérogatives de sa compétence ne peut être d'ordre général ; que ni les risques désignés et identifiés dans le cadre de la délibération à supposer même qu'ils soient réels, ni la mission particulièrement générale et étendue, dont l'expert s'est trouvé investi, ne répondent à ces critères spécifiques s'agissant de risques professionnels n'ayant aucun caractère de spécialité, d'anormalité ou d'urgence particulière justifiant qu'il soit fait appel à un expert ; que la mission donnée à l'expert reprise intégralement ci-devant consiste à procéder à une analyse générale des conditions de travail au sein de l'établissement, de la question des effectifs et de la charge de travail et de leur adéquation par référence aux risques généraux créés par l'activité d'un établissement postal et non à fournir au comité un avis lui permettant de proposer une solution pour remédier à un risque particulier ; qu'en décidant cette mesure, le comité a excédé les pouvoirs dont il était investi de sorte que la délibération déférée doit être annulée et l'ordonnance entreprise infirmée en toutes ses dispositions » ;

1°) ALORS QUE le CHSCT peut désigner un expert rémunéré par l'employeur en présence d'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel, constaté dans l'établissement ; qu'au cas présent, le CHSCT pour fonder l'expertise décidée le 23 novembre 2015 mettait en avant les conséquences de la réorganisation sur les conditions de travail des salariés, notamment altérées par l'insuffisance des moyens mis à disposition des agents et l'inadéquation entre leur durée de travail et leur charge de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour annuler la délibération portant désignation de l'expert, a retenu qu'il n'existait pas de risque grave constaté dans l'établissement postal de Saint Denis de la Réunion, faute pour les événements retenus par le CHSCT pour fonder l'expertise de s'avérer spéciaux, anormaux ou urgents ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants, sans rechercher s'il existait des risques graves affectant la santé des salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 du Code du travail.

2°) ALORS QU' interdiction est faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ; que la délibération du CHSCT en date du 23 novembre 2015 indiquait les circonstances dans lesquelles il était décidé de recourir à l'expertise et tenant aux conséquences de la réorganisation opérée en 2015 sur la durée, la charge et les conditions de travail des postiers de l'établissement de Saint Denis de la Réunion ; qu'en affirmant néanmoins, pour faire droit à la demande d'annulation de la délibération, que la mission de l'expert était définie de manière trop générale par simple référence aux risques généraux créés par l'activité d'un établissement postal, la cour d'appel a violé le principe faisant interdiction aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause ;

3°) ET ALORS QUE les juges ne peuvent écarter les prétentions d'une partie sans analyser l'ensemble des documents fournis par elle à l'appui de ses prétentions ; qu'aux termes du courrier en date du 24 décembre 2015, il était établi l'existence de risques, identifiés et actuels, pesant sur la santé physique et mentale des salariés de l'établissement Saint Denis PDC ; qu'en affirmant néanmoins, pour faire droit à la demande d'annulation de l'expertise, qu'il n'existait pas de risque grave de nature à la fonder, sans aucunement prendre en considération ni analyser, même sommairement, la lettre d'observations de l'inspection du travail, la cour d'appel a violé les articles 455 du code de procédure civile et 1353 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle avait condamné la Poste à verser au CHSCT la somme de 4.693 euros au titre des frais judiciaires nécessaires à sa défense et d'avoir rejeté la demande formulée par le CHSCT à ce titre à hauteur d'appel ;

ALORS QU'il résulte de l'article L. 4614-13 du code du travail que l'employeur doit supporter le coût de l'expertise qu'il prévoit et celui de sa contestation dès lors qu'aucun abus du CHSCT n'est établi ; qu'en ne faisant pas droit à la demande du CHSCT de prise en charge des frais et honoraires exposés dans l'instance en contestation de l'expertise, sans caractériser l'existence d'un abus du CHSCT, la cour d'appel a violé l'article L. 4614-13 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-17350
Date de la décision : 20/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 27 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 jui. 2018, pourvoi n°17-17350


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.17350
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