LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° B 18-80.872 F-P+B
N° 1780
19 JUIN 2018
VD1
RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, le dix-neuf juin deux mille dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BARBIER, les observations de la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR et PÉRIER, avocat en la Cour et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;
Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité formulée par mémoire spécial reçu le 14 mai 2018 et présentée par :
- M. Mehdi Z..., assisté de son curateur,
l'UDAF du Bas-Rhin,
à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de NANCY, en date du 21 décembre 2017, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 19 septembre 2017, n° 17-81.919), dans l'information suivie contre lui du chef de tentative de meurtre aggravée, a prononcé sur sa requête en nullité de la procédure ;
Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
"L'article 706-113 du code de procédure pénale, en ce qu'il limite l'obligation faite au procureur de la République ou au juge d'instruction d'aviser le tuteur ou le curateur ainsi que le juge des tutelles à la seule hypothèse de l'engagement de poursuites à l'encontre de la personne protégée, sans étendre cette obligation au placement d'une personne protégée en garde à vue, méconnaît-il les droits et libertés constitutionnellement garantis, et plus particulièrement l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?" ;
Attendu que la disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas été déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;
Attendu que la question posée présente un caractère sérieux ;
Que l'article 706-113 du code de procédure pénale ne prévoit pas que l'officier de police judiciaire, ou l'autorité judiciaire sous le contrôle de laquelle se déroule cette période de privation de liberté, ait l'obligation, même lorsqu'il a connaissance de la mesure de protection légale dont fait l'objet la personne gardée à vue, de prévenir le tuteur ou le curateur de celle-ci de sa situation ;
Qu'il peut en résulter, si la personne gardée à vue s'abstient de demander que son tuteur ou curateur soit informé de la mesure, voire s'y oppose, que l'intéressée opère des choix, tels qu'ils sont prévus par les articles 63-2 et suivants du code de procédure pénale, notamment au regard de ses droits de défense, contraires à ses intérêts ;
Que la loi du 5 juin 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs confère, de droit, au mandataire désigné la mission de veiller, non seulement aux intérêts patrimoniaux de la personne protégée, mais également à la protection de sa personne, à laquelle doit être rattachée la défense contre une accusation de nature pénale ; que la vérification, par le tuteur ou curateur, de ce que l'assistance du majeur protégé par un avocat sera assurée durant la garde à vue, ou que le refus, par ce majeur, d'une telle assistance est dépourvu d'équivoque, entre, à l'évidence, s'il est informé de la mesure de garde à vue, dans sa mission ;
Qu'ainsi, la disposition critiquée est susceptible de porter aux droits de défense garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 une atteinte non proportionnée au but de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions poursuivi par le législateur ;
D'où il suit qu'il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
Par ces motifs :
RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;