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14/06/2018 | FRANCE | N°17-19717

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 juin 2018, 17-19717


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Vu les articles L. 112-2 et R. 112-3 du code des assurances, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 26 mars 2010, M. X..., exploitant d'un élevage, a souscrit, par l'intermédiaire de Mme Y..., agent général d'assurance, une assurance multirisque agricole « élevages spécialisés » auprès de la sociétÃ

© Areas dommages (l'assureur) ; que le 5 août 2010, un incendie est survenu dans un des...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Vu les articles L. 112-2 et R. 112-3 du code des assurances, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 26 mars 2010, M. X..., exploitant d'un élevage, a souscrit, par l'intermédiaire de Mme Y..., agent général d'assurance, une assurance multirisque agricole « élevages spécialisés » auprès de la société Areas dommages (l'assureur) ; que le 5 août 2010, un incendie est survenu dans un des bâtiments de son exploitation ; que l'assureur a refusé sa garantie en faisant valoir que les stipulations des clauses 207 et 220 des conventions spéciales P 730 NB 102 n'avaient pas été respectées, aucun contrat d'entretien pour les installations de chauffage au gaz et d'alarme n'ayant été souscrits ; que M. X... l'a assigné, ainsi que Mme Y..., en indemnisation de ses préjudices ;

Attendu que pour déclarer les clauses 207 et 220 des conventions spéciales « élevages spécialisés » inopposables à l'assuré et, en conséquence, condamner l'assureur à garantie, l'arrêt retient qu'elles figurent dans un document P 730 NB 102 que M. X... n'a pas signé et que la seule mention des conditions particulières, signées par lui, selon laquelle « Aréas accorde sa garantie aux conditions générales modèle P 730 BA et aux présentes conditions particulières. L'assuré reconnaît avoir reçu un exemplaire de chacun des documents qui constituent le contrat », ne suffit pas à rapporter la preuve de la réception et de la prise de connaissance par l'assuré, au moment où il a signé le contrat d'assurance, des autres conditions particulières mentionnées sur des documents distincts, dont les conventions spéciales « élevages spécialisé » où figurent les clauses litigieuses, peu important qu'un renvoi à celles-ci soit opéré dans les tableaux de garantie annexés ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que M. X... avait signé les conditions particulières du contrat qui renvoient expressément aux conventions spéciales P 730 NB contenant les clauses 207 et 220 stipulant les conditions litigieuses, et mentionnent que l'assuré reconnaît avoir reçu un exemplaire de chacun des documents qui constituent le contrat, ce dont il résultait que ces conventions spéciales, même non signées, avaient été portées à sa connaissance au moment de la signature du contrat d'assurance et que les conditions stipulées aux clauses 207 et 220 y figurant lui étaient opposables, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Areas dommages la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de Mme Y... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Areas dommages

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré les clauses 207 et 220 des conventions spéciales élevages spécialisés inopposables à l'assuré, et en conséquence, D'AVOIR condamné la société Areas assurances à payer à M X..., sous la déduction de la provision de 5 000 euros versée, la somme de 87 819 euros HT, outre la TVA applicable au jour du paiement au titre de la valeur de remplacement du bâtiment et la somme de 62 813,84 euros au titre des pertes d'exploitation ;

AUX MOTIFS QUE « le 26 mars 2010, M Laurent X... a souscrit, par l'intermédiaire de Mme B... Y..., agent général d'assurance, un contrat d'assurance multirisque élevages spécialisés auprès de la société d'assurance mutuelle Aréas Dommages, avec effet au 1er janvier 2010, concernant des bâtiments d'élevage agricole situés à [...] dans le Morbihan.
Ces bâtiments étaient précédemment assurés auprès de la société Aréas Dommages par la mère de M X..., du 1er janvier 2005 au 1er janvier 2010, date à laquelle ce dernier a repris l'élevage précédemment exploité par ses parents.
Le 5 août 2010, un incendie s'est déclaré dans le bâtiment P5 de l'exploitation.
Le 16 août 2010, la société Aréas Dommages a versé une provision de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice, sous réserve du calcul définitif de l'indemnité après étude du contrat et dans l'attente du résultat de l'expertise diligentée par la société d'assurance.
Par lettre en date du 9 novembre 2010, la société Aréas Dommages a informé M X... de son refus de garantir le sinistre, l'expertise ayant révélé un certain nombre de points de non-conformité et l'assuré n'ayant pas fourni, malgré les demandes de l'expert, les justificatifs portant sur la vérification annuelle de l'installation de chauffage au gaz et la souscription d'un contrat d'entretien pour le gaz et pour l'installation d'une alarme.
Par actes en date des 6 et 31 août 2012, M Laurent X... a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieux la société Aréas Dommages et Mme B... Y..., agent général de ladite société, aux fins d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.
Par le jugement déféré, le tribunal a considéré que les clauses 207 et 220 des conventions spéciales en matière d'assurance des élevages spécialisés étaient opposables à M X... et que les conditions de garantie n'étaient pas remplies puisque l'assuré ne s'était pas conformé au contrat qui lui imposait de maintenir constamment son installation de chauffage au gaz et l'alarme. Par ailleurs, il a estimé que l'agent général et la société d'assurances n'avaient pas manqué à leur obligation d'information et de conseil en présence de termes contractuels sans équivoque.

1. M X... soulève l'inopposabilité des clauses 207 et 220 contenues dans le document P730NB 102 relatif aux conventions spéciales en matière d'assurances des élevages spécialisés qui n'ont pas été portées à sa connaissance, au motif qu'il ne l'a pas signé, que la mention selon laquelle il a reconnu avoir reçu un exemplaire de « ces » documents qui constituent le contrat ne renvoie pas aux dites conventions spéciales et que la mention « suite des conditions particulières sur document P730CD et P730NB » n'est pas de nature à établir que lesdits documents ont été effectivement portés à sa connaissance au moment de la souscription du contrat.
La société d'assurance mutuelle Aréas Dommages rétorque que M. X... a signé les conditions particulières du contrat dans lesquelles il reconnaît avoir reçu l'ensemble des documents contractuels dont les conventions spéciales d'élevages spécialisés où figurent les clauses litigieuses.
En vertu de l'article L 112-2 du code d'assurances, avant la conclusion du contrat, l'assureur remet à l'assuré un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes ou une notice d'information sur le contrat qui décrit précisément les garanties assorties des exclusions ainsi que les obligations de l'assuré.
Dès lors, la clause énonçant une condition de garantie n'est opposable à l'assuré que si le document qui la contient lui a été remis ou si elle a été portée à sa connaissance de manière précise.
Les clauses 207 et 220 invoquées par la société Aréas Dommages pour dénier sa garantie figurent dans un document P730NB 102 intitulé conventions spéciales élevages spécialisés que M Laurent X... n'a pas signé.
Dans les conditions particulières seules signées par M. X..., figure la mention suivante « Aréas accorde sa garantie aux conditions générales modèle P730BA et aux présentes conditions particulières. L'assuré reconnaît avoir reçu un exemplaire de chacun de ces documents qui constituent le contrat ».
Ces conditions particulières relatives à l'assurance des élevages spécialisés constituent expressément la « suite des conditions particulières sur documents P730CD et P730NB ».
Cette seule mention qui ne fait état que des « présentes conditions particulières »
qui ne sont que « la suite » d'autres documents ne suffit pas à rapporter la preuve de la réception et de la prise de connaissance par l'assuré, au moment où il a signé le contrat d'assurance, des autres conditions particulières mentionnées sur des documents distincts dont les conventions spéciales élevages spécialisés où figurent les clauses litigieuses, peu important que dans les tableaux de garantie annexés, il soit effectué un renvoi aux clauses 207 et 220.
Le fait que M X... ait, quelques lignes plus bas, déclaré « avoir reçu, préalablement à la signature du contrat, une information complète sur les garanties, les franchises, les exclusions, le tarif et les obligations qui lui incombent » ne permet pas plus de rapporter la preuve que ce dernier a reçu les conventions spéciales litigieuses et en a eu une connaissance précise.
Par ailleurs, le fait que M X... ait signé l'annexe à la proposition multirisque agricole élevages spécialisés qui mentionne simplement au titre du descriptif des bâtiments la présence de radiants électriques ou gaz et celle d'alarmes de détection d'anomalie ne saurait justifier qu'il a eu connaissance des clauses 207 et 220 même si celles-ci sont visées dans le document.
Enfin, il ne peut être tiré aucune conséquence juridique de la lettre adressée par le conseil de l'assuré (pièce de M X... n° 9) puisque l'inopposabilité des clauses en litige y est invoquée comme elle l'a été dans ses conclusions de première instance.
Dès lors, le jugement entrepris sera infirmé et les clauses 207 et 220 des conventions spéciales seront déclarées inopposables à l'assuré et la société Aréas Dommages sera tenue de garantir les conséquences de l'incendie du 5 août 2010 » (arrêt pages 3 à 5) ;

ALORS D'UNE PART QU'une clause de limitation de garantie est opposable à l'assuré si le document qu'il a signé renvoie expressément au document qui contient cette clause et indique qu'il l'a reçu ; qu'en l'espèce, les conditions particulières signées par M X... ont expressément renvoyé pour « la suite des conditions particulières » au document P 730NB contenant les clauses 207 et 220 ; que pour déclarer néanmoins ces clauses inopposables à M X..., la cour d'appel a décidé que si « l'assuré reconnaît avoir reçu un exemplaire de chacun de ces documents qui constituent le contrat ... cette seule mention ... ne suffit pas à rapporter la preuve de la réception et de la prise de connaissance par l'assuré, au moment où il a signé le contrat d'assurance, des... conventions spéciales élevages spécialisés où figurent les clauses litigieuses » (arrêt page 5, §
4) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L.112-2 et R.112-3 du code des assurances, ensemble article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

ALORS D'AUTRE PART QU'une clause est opposable à l'assuré si le document qui la contient lui a été remis ou si elle a été portée à sa connaissance ; qu'en l'espèce, les conditions particulières signées par M X... mentionnent expressément, pour l'assurance des élevages spécialisés, que la suite des conditions particulières est prévue par le document P 730 NB contenant les clauses de limitation de garantie et que « le sociétaire déclare avoir reçu, préalablement à la signature du contrat, une information complète sur les garanties, les franchises, les exclusions, le tarif et les obligations qui lui incombent » (conditions particulières, page 1/1, en production n° 4) ; qu'en décidant néanmoins que cette mention « ne permet pas plus de rapporter la preuve que (l'assuré) a reçu les conventions spéciales litigieuses et en a eu une connaissance précise », la cour d'appel a violé les articles L.112-2 et R.112-3 du code des assurances, ensemble article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

ALORS ENFIN QUE la prise de connaissance par l'assuré d'une clause de limitation de garantie peut être déduite de la simple mention, dans les conditions particulières du contrat d'assurance signées par l'assuré, d'une clause spécifique des conditions générales ; qu'en l'espèce, le document n° P 730 CD, intitulé « Multirisque des élevages spécialisés », qui constitue la suite des conditions particulières et dont chaque page a été paraphé par M X..., renvoie expressément aux clauses 207 et 220 des conditions particulières P 730 NB, de sorte que la prise de connaissance par l'assuré de ces clauses peut être déduite de ces mentions ; qu'en déclarant néanmoins qu'il importe peu que dans les tableaux de garantie annexés, il soit effectué un renvoi aux clauses 207 et 220 pour déclarer ces clauses inopposables à l'assuré, la cour d'appel a violé les articles L.112-2 et R.112-3 du code des assurances, ensemble article 1134 du code civil dans sa version applicable aux faits.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-19717
Date de la décision : 14/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 29 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 14 jui. 2018, pourvoi n°17-19717


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.19717
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