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14/06/2018 | FRANCE | N°17-18775

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 juin 2018, 17-18775


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 691 et 695 du code civil ;

Attendu que le titre constitutif de la servitude, à l'égard de celles qui ne peuvent s'acquérir par la prescription, ne peut être remplacé que par un titre récognitif de la servitude et émané du propriétaire du fonds asservi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 mars 2017),
qu'en 2008, la SCI Eloany, propriétaire d'un bien immobilier voisin de celui de Mmes et MM. X... (les consorts X...), a insta

llé une canalisation d'eaux usées traversant leur propriété ; que les consorts X... ont ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 691 et 695 du code civil ;

Attendu que le titre constitutif de la servitude, à l'égard de celles qui ne peuvent s'acquérir par la prescription, ne peut être remplacé que par un titre récognitif de la servitude et émané du propriétaire du fonds asservi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 mars 2017),
qu'en 2008, la SCI Eloany, propriétaire d'un bien immobilier voisin de celui de Mmes et MM. X... (les consorts X...), a installé une canalisation d'eaux usées traversant leur propriété ; que les consorts X... ont assigné la SCI Eloany en dénégation de toute servitude de tréfonds et en enlèvement de la canalisation ;

Attendu que, pour rejeter les demandes, l'arrêt retient que le cahier des charges commun aux deux lotissements, lequel énonce que les acquéreurs s'engagent à souffrir le passage des canalisations sur leur propriété, constitue un commencement de preuve par écrit et que la preuve est rapportée par les circonstances de fait d'un accord entre les parties sur la constitution d'une servitude de tréfonds ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater que le commencement de preuve de l'acte récognitif faisait référence au titre antérieur constitutif de la servitude, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la SCI Eloany aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la SCI Eloany et la condamne à payer à Mmes et MM. X... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour les consorts X...

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté les consorts X... de leurs demandes ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE les demandeurs exposent que s'agissant d'une canalisation enterrée l'article 691 du code civil qui prescrit que les servitudes non apparentes ne peuvent s'établir que par titre doit recevoir application en l'espèce ; qu'en l'espèce cette obligation fait défaut, qu'au surplus Mme Madeleine X... agissait en qualité d'usufruitière et en cette qualité n'avait pas le pouvoir de faire des actes de disposition ; que si Mme X... Madeleine ne s'est pas opposée au passage de cette canalisation, elle n'a jamais eu l'intention de créer au profit de la SCI Eloany une servitude intention qui ne peut se déduire de la seule participation aux frais des travaux ; que par ailleurs, les demandeurs soutiennent que la propriété de la SCI Eloany n'est pas enclavée puisque le réseau d'assainissement public passe directement devant sa propriété, et sollicitent : - de dire qu'il n'existe aucune servitude de passage sur le sous-sol du terrain leur appartenant, - l'autorisation de condamner la canalisation installée sur leur terrain depuis 2008 ; que pour s'opposer à la demande initiée par les consorts X..., la SCI Eloany soutient : - que les allégations sont infondées, - qu'il y a eu un accord tripartite intervenu entre Madeleine X..., la SCI et Louis, ainsi qu'il est établi par la facture Veolia du 9 juillet 2007, à l'occasion du raccordement demandé en commun auprès de cette entreprise ; que l'autorisation de traverser une partie du lotissement Les Dolmens a été sollicitée et obtenue à l'occasion de l'assemblée générale du 31 juillet 2009, les travaux étant réalisés par le même entrepreneur à frais communs ; - que la démarche des consorts X..., brutale et imprévisible ne saurait aboutir ; - qu'enfin son analyse juridique de la servitude ne résiste pas à l'analyse, puisque si la servitude du fait de l'homme résulte d'un accord de volonté, le défaut de précision et de la définition du titre conduit à appliquer le droit commun de la preuve ; qu'en l'espèce, il résulte des faits énoncés qu'il y a eu un accord entre les parties sur la constitution d'une servitude continue de tréfonds ayant pour objet le passage de la canalisation de raccordement au réseau d'eaux usées, l'accord intervenu ayant vocation à s'inscrire dans le temps ; que l'exigence d'un titre récognitif prévu par l'article 691 du code civil n'exclut pas que l'insuffisance de l'acte invoqué puisse être supplée par un commencement de preuve par écrit ; qu'en l'espèce les éléments de faits démontrent incontestablement les démarches accomplies par Mme Madeleine X... : -intervention d'un entrepreneur commun pour réaliser les travaux et partager ainsi les dépens ; - accord tripartite obtenu auprès de Veolia qui démontre de surplus que la canalisation installée pour se raccorder au réseau d'assainissement d'un diamètre de 1,80 m concernait plusieurs logements ; - autorisation sollicitée auprès de l'Assemblée Générale Les Dolmens ; attestent que cette dernière a consenti une servitude sur son fonds ; que les consorts X... soulèvent par ailleurs, le défaut de pouvoir de l'usufruitière pour consentir un acte de disposition ; que ce défaut de pouvoir ne peut être opposé à des tiers de bonne foi ; qu'en conséquence, le débouté s'impose ;

ET AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 691 du code civil dispose que les servitudes continuent non apparentes, et les servitudes discontinues, apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par titre ; que s'il est possible de suppléer par témoins ou présomption à l'insuffisance d'un acte invoqué comme titre lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit, cette dérogation au principe de nécessité d'un titre n'est possible qu'en présence d'un acte qui serait insuffisant à apporter la preuve de la servitude ; que la création ou l'existence d'une servitude au profit d'un fonds dominant ne peut trouver son fondement que dans le titre du fonds servant ; que le cahier des charges du lotissement La Vigie, commun aux deux lotissements, énonce en son article 16 que les acquéreurs s'engagent à souffrir les passages des canalisations de distribution d'eau, d'électricité, égouts (
) sur leur propriété, sans indemnité (...) ; que cet acte constitue à tout le moins un commencement de preuve par écrit ; que c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la preuve de l'existence d'un accord entre les parties sur la constitution d'une servitude continue de tréfons ayant pour objet la canalisation du raccordement au réseau d'eaux usées était rapportée par l'intervention d'un entrepreneur commun chargé de réaliser les travaux et le partage des frais, l'accord tripartite obtenu auprès de Veolia le 9 juillet 2007 et l'autorisation sollicitée et obtenue lors de l'assemblée générale des Dolmens le 31 juillet 2009 ; qu'il n'est pas contesté que Mme Madeleine X..., auteur des consorts X..., n'était titulaire que d'un droit d'usufruit et n'avait pas pouvoir de consentir une servitude, acte de disposition ; que Mme Madeleine X... avait cependant l'apparence de la propriété de la maison qu'elle occupait ; qu'il n'est pas établi que la donation intervenue ait été portée à la connaissance de la société Eloany ; que la croyance de la gérante de cette société d'avoir affaire à la véritable propriétaire, habilitée à conclure l'accord, est dès lors légitime, les circonstances l'autorisant à ne pas vérifier les limites exactes des pouvoirs de Mme X... ; que c''est dès lors à juste titre que le premier juge a considéré que le défaut de pouvoir ne pouvait être opposé à des tiers de bonne foi ; que le jugement entrepris sera dans ces conditions confirmé dans toutes ses dispositions et les demandes des appelants rejetées ;

ALORS QUE le titre constitutif de la servitude, lorsqu'elle ne peut s'acquérir par la prescription, ne peut être remplacé que par un titre recognitif de la servitude et émané du propriétaire du fonds asservi ; que ne constitue pas un titre recognitif, ni même un commencement de preuve par écrit d'un tel titre, celui qui ne fait pas référence au titre antérieur constitutif de la servitude ; que le cahier des charges du lotissement la Vigie ne faisait pas référence à un titre constitutif de la servitude en cause ; qu'en considérant cependant que ce cahier des charges constituait un commencement de preuve par écrit valablement complété par l'autorisation de l'assemblée générale du lotissement de la SCI Eloany d'effectuer les travaux et l'accord de Mme Madeleine X... à la réalisation des travaux, la cour d'appel a violé les articles 691 et 695 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-18775
Date de la décision : 14/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 09 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 14 jui. 2018, pourvoi n°17-18775


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.18775
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