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06/06/2018 | FRANCE | N°16-27543

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 juin 2018, 16-27543


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 11 octobre 2016), que M. Y..., engagé par contrat du 2 septembre 1999 par l'association ADEUS (Agence de développement et d'urbanisme de l'agglomération strasbourgeoise, ci-après l'association) en qualité de secrétaire général, est devenu, après plusieurs promotions, directeur adjoint de l'association au cours de l'année 2002, puis a assuré l'intérim du poste de directeur à compter du 30 mars 2009 ; que par délibération du 10 juin 2009, le conseil d'administration

de l'association a nommé Mme A... aux fonctions de directrice générale ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 11 octobre 2016), que M. Y..., engagé par contrat du 2 septembre 1999 par l'association ADEUS (Agence de développement et d'urbanisme de l'agglomération strasbourgeoise, ci-après l'association) en qualité de secrétaire général, est devenu, après plusieurs promotions, directeur adjoint de l'association au cours de l'année 2002, puis a assuré l'intérim du poste de directeur à compter du 30 mars 2009 ; que par délibération du 10 juin 2009, le conseil d'administration de l'association a nommé Mme A... aux fonctions de directrice générale de l'association ; que l'association a notifié à M. Y..., par lettre recommandée du 19 octobre 2010, son licenciement pour cause réelle et sérieuse, en lui reprochant une attitude de dénigrement systématique de la direction générale d'une part, une attitude générale d'obstruction d'autre part ; que, le 6 octobre 2011, M. Y... a saisi la juridiction prud'homale pour faire constater qu'il a été victime de harcèlement moral, obtenir l'annulation du licenciement et la condamnation de l'association ADEUS à lui payer une certaine somme en réparation de ses préjudices financiers et moraux ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses prétentions, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il reprochait à l'employeur d'avoir commis ou laissé commettre à son égard des agissements de harcèlement moral en invoquant expressément la méconnaissance des articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et en demandant réparation du préjudice résultant de l'exécution fautive par l'employeur du contrat de travail ; qu'en retenant qu'il ne demande plus de constater qu'il a été victime de harcèlement et se limite à contester son licenciement, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions et méconnu l'objet du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il faisait valoir qu'il était fondé à obtenir une indemnité en réparation du préjudice subi résultant, ensemble, de l'exécution fautive par l'employeur du contrat de travail et de la perte d'emploi ; qu'en le déboutant de son entière demande par des motifs tirés exclusivement de la régularité de la procédure de licenciement et de l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement supposées, sans se prononcer sur l'existence du préjudice distinct invoqué par le salarié et relatif à l'exécution fautive du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu d'abord que c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes des conclusions rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu que le salarié ne demandait plus de constater qu'il avait été victime de harcèlement moral ;

Attendu ensuite que, par motifs adoptés des premiers juges, la cour d'appel a constaté l'absence de violation par l'employeur de son obligation de sécurité et de son obligation de prévention du harcèlement moral ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens réunis :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter en conséquence de toutes ses demandes, alors, selon les moyens :

1°/ que lorsque la procédure conventionnelle prévoit que le licenciement ne peut intervenir sans qu'une commission soit consultée, l'intervention de cet organisme constitue une garantie de fond pour le salarié ; que le salarié soutenait que l'association n'avait pas justifié de la régularité de la procédure conventionnelle dès lors qu'elle n'avait pas produit de compte-rendu de la réunion de la commission paritaire ; que dans son arrêt avant-dire-droit, la cour d'appel avait elle-même invité l'employeur à lui communiquer l'avis recueilli auprès de la commission paritaire préalablement à l'engagement de la procédure de licenciement ; qu'en affirmant que la procédure a été respectée sans qu'ait été communiqué aucun document permettant de s'assurer que la commission paritaire a entendu les parties et envisagé les mesures à prendre en sorte que le directeur a pu examiner ses propositions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 1235-3 du code du travail ;

2°/ que le fait de dénigrer son supérieur hiérarchique et de faire obstruction à ses décisions, reproché à un salarié, doit être apprécié dans son contexte ; que le salarié faisait valoir que la nouvelle directrice avait, à compter de l'automne 2009, pris à son encontre diverses mesures humiliantes, telles que la suppression du titre de « directeur adjoint », le retrait de la carte de parking, celui de l'option internationale de son abonnement téléphonique, la fin à son adhésion au club de la Fédération nationale des agences d'urbanisme et l'évincement de la fonction de représentant de l'ADEUS dans des réseaux locaux ; qu'en omettant d'examiner, comme elle y était invitée, si le comportement reproché au salarié en juillet et août 2010 n'était pas l'aboutissement de près d'une année de brimades, de mise à l'écart et de vexations subies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-3 du code du travail ;

Mais attendu d'abord qu'ayant constaté que les représentants du personnel avaient été convoqués à la réunion de la commission paritaire chargée d'examiner le projet de licenciement du salarié, que celui-ci s'y était présenté et avait pu s'y exprimer, et retenu que l'avis de cette commission avait été recueilli, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, que le licenciement du salarié était justifié par une cause réelle et sérieuse ;

D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de l'ensemble de ses prétentions ;

AUX MOTIFS QU'à hauteur de Cour, le salarié appelant ne soutient plus la nullité de son licenciement pour cause de harcèlement moral, ni ne demande de constater qu'il a été victime de harcèlement moral sur son lieu de travail ; qu'il se limite à contester son licenciement, tant sur la forme que sur le fond ;

1°) ALORS QUE le salarié reprochait à l'employeur d'avoir commis ou laissé commettre à son égard des agissements de harcèlement moral en invoquant expressément la méconnaissance des articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et en demandant réparation du préjudice résultant de l'exécution fautive par l'employeur du contrat de travail ; qu'en retenant que le salarié ne demande plus de constater qu'il a été victime de harcèlement et se limite à contester son licenciement, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'appelant et méconnu l'objet du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le salarié faisait valoir qu'il était fondé à obtenir une indemnité en réparation du préjudice subi résultant, ensemble, de l'exécution fautive par l'employeur du contrat de travail et de la perte d'emploi ; qu'en déboutant le salarié de son entière demande par des motifs tirés exclusivement de la régularité de la procédure de licenciement et de l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement supposées, sans se prononcer sur l'existence du préjudice distinct invoqué par le salarié et relatif à l'exécution fautive du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et d'AVOIR en conséquence débouté le salarié de toutes ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE le salarié appelant invoque le non-respect par l'employeur de la procédure conventionnelle de licenciement, et à ce titre des dispositions de l'article 38 de l'accord d'entreprise du 25 novembre 1991, qui dispose : « aucune sanction écrite, quel que soit le motif, ne peut être adressée à un employé de l'Agence sans que les délégués du personnel en aient été avertis. Le Directeur informe dans les 8 jours (par lettre recommandée) l'agent à l'égard duquel est envisagé le licenciement, de son passage devant la Commission Paritaire. Préalablement à l'engagement de toute procédure de licenciement, l'avis de ladite Commission qui se réunit automatiquement, est ainsi recueilli. Cette dernière envisage les mesures à prendre. Le Directeur, sous l'autorité du Président, examine alors ses propositions » ; qu'il est constant que l'association ADEUS, envisageant de sanctionner le salarié a, par lettre recommandée avec avis de réception du 7 septembre 2010, convoqué M. Y... devant la commission consultative paritaire pour le 20 septembre 2010, que celui-ci s'y est présenté et a pu s'y exprimer ; que le délai de prévenance de huit jours prévu avant le passage devant la commission paritaire a donc bien été respecté ; qu'il est par ailleurs justifié de la convocation des représentants du personnel, Mme Sophie B... et M. Jean C..., délégués du personnel, M. Christian D..., délégué syndical, à la réunion de la commission paritaire, ce avec pour objet l'examen du projet de licenciement de M. Y... ; que Mme B... et M. C... attestent, sans être démentis, avoir assisté à la réunion de la commission et que l'avis de la commission a été recueilli immédiatement ; que M. D... atteste avoir, pour sa part, assisté M. Y... devant la commission, puis lors de l'entretien préalable au licenciement le 14 octobre 2010 ; que les dispositions de l'article 38 de l'accord d'entreprise ont ainsi été respectées ; que la commission paritaire n'avait pas à rendre compte de son avis qui a été régulièrement recueilli, ni l'employeur à notifier cet avis au salarié avant de poursuivre la procédure de licenciement ; que le moyen tiré d'un non-respect de la procédure conventionnelle de licenciement n'est donc pas fondé ;

ALORS QUE lorsque la procédure conventionnelle prévoit que le licenciement ne peut intervenir sans qu'une commission soit consultée, l'intervention de cet organisme constitue une garantie de fond pour le salarié ; que le salarié soutenait que l'association n'avait pas justifié de la régularité de la procédure conventionnelle dès lors qu'elle n'avait pas produit de compte-rendu de la réunion de la commission paritaire ; que dans son arrêt avant-dire-droit, la cour d'appel avait elle-même invité l'employeur à lui communiquer l'avis recueilli auprès de la commission paritaire préalablement à l'engagement de la procédure de licenciement ; qu'en affirmant que la procédure a été respectée sans qu'ait été communiqué aucun document permettant de s'assurer que la commission paritaire a entendu les parties et envisagé les mesures à prendre en sorte que le directeur a pu examiner ses propositions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 1235-3 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et d'AVOIR en conséquence débouté le salarié de toutes ses demandes :

AUX MOTIFS propres QUE, s'agissant du premier grief tiré d'une attitude de dénigrement systématique de la direction générale, l'employeur reproche à M. Y... l'envoi, le 25 août 2010, à au moins trois salariés de l'agence, d'un courriel de protestation contre le déménagement de son bureau ainsi rédigé : « Je prends acte, considérant que cette décision scandaleuse fait partie d'un tout de toute manière inacceptable : le vieux peut être viré de son bureau puisque bientôt il ne sera plus là ! Ceci est odieux. Une saloperie de plus que j'ajoute à une longue liste » ; que le salarié s'en est expliqué dans un courriel du 27 août 2010 libellé comme suit : « Je suis désolé pour mon message d'humeur de la dernière fois. Il est dû au fait que je n'ai jamais donné mon accord à ce déménagement, et ce pour une raison simple, c'est qu'Anne n'a jamais eu le courage de m'en parler. Pour elle, c'est une décision de plus qui vise à me dégoûter définitivement. C'est totalement immoral. Et si je peux me permettre une remarque personnelle, j'avoue je ne comprends pas ton positionnement qui te coupe de plus en plus du personnel, alors qu'il est très probable que les jours d'Anne à la tête de l'Agence soient déjà comptés. A toi de voir ! » ; que l'employeur en déduit : « cette correspondance montre à l'évidence une volonté de déstabilisation du personnel, des pressions directes et inacceptables, ajoutées à la propagation de fausses rumeurs sur un probable limogeage de la Directrice » ; que M. Y... ne conteste pas l'envoi des courriers électroniques susvisés qu'il a en particulier adressé à M. E..., directeur adjoint de l'ADEUS, avec lequel il a, comme directeur adjoint-secrétaire général, assuré l'intérim de la direction du 30 mars 2009 à la nomination, le 10 juin 2009, de la nouvelle directrice Mme Anne A... ; qu'il fait valoir qu'il se trouvait en congés le 25 août 2010 ; que s'il était en congés payés du 9 au 27 août 2010, il n'était pas pour autant délié de l'obligation de loyauté inhérente au contrat de travail et que s'étant adressé à des collègues de travail en usant de la messagerie électronique de l'entreprise, il ne s'est pas exprimé en dehors du cadre professionnel ; qu'il a, dans ces courriels, fait montre d'insubordination caractérisée en mettant en cause les décisions prises et l'autorité de la nouvelle directrice en termes violents et irrespectueux, et en incitant M. E... à se désolidariser, sous-entendu comme lui-même, de la direction générale, laissant entendre que Mme A... ne serait pas maintenue à la direction de l'ADEUS ; qu'un tel comportement, quand bien même M. Y... a pu être déçu de n'avoir pas été retenu comme directeur au moment où le poste se libérait ou désapprouver l'organisation mise en place par la nouvelle direction, ou encore avoir été placé en arrêt de travail du 12 au 23 juillet 2010 au motif d'un « état dépressif lié à conflit au travail », constitue, eu égard en particulier aux fonctions qui étaient les siennes, une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en second grief, l'employeur reproche au salarié une attitude générale d'obstruction et indique notamment dans la lettre de licenciement : « l'enquête que M. Robert F... a eu à diligenter en sa qualité de Président a révélé que votre comportement s'inscrivait dans une attitude générale d'obstruction et de refus de s'inscrire, parfois en des termes violents et inacceptables, dans l'évolution de l'Agence qui a été décidée par l'Assemblée générale. Depuis septembre 2009, l'Agence a évolué ... Durant toute cette période, vous vous êtes inscrit en opposition aux décisions qui avaient été prises et vous vous êtes exprimé devant les personnels, en soutenant que la Directrice prenait des décisions plus que discutables, ... De nombreux mails échangés montrent que dans les faits cette attitude de rejet n'a guère évolué dans le temps ... Cette posture vous a même amené à refuser de réaliser les tâches qui vous étaient demandées .... » ; que M. Y... ne conteste pas le reproche qui lui est fait d'une attitude générale d'obstruction ; qu'il fait valoir que sous couvert de ce grief, la lettre de licenciement ne vise aucun fait fautif et par conséquent aucun fait qui ne serait prescrit ; mais que le motif invoqué est en lui-même suffisamment précis pour constituer un motif matériellement vérifiable de licenciement ; que l'association produit le courriel adressé par M. E... à Mme A... le 10 juillet 2010 intitulé « ras le bol ... », dénonçant le comportement de dénigrement et critiques réitérées de M. Y... depuis quelques mois des décisions prises par la direction et les plaintes et inquiétudes que ce comportement suscite de la part du personnel, le courriel se terminant en ces termes : « ... Nous avons assez de travail sans faire celui d'une personne qui devrait être compétente, solidaire et faire son travail a minima. Dans ces conditions, il nous faut trouver une ou des solutions, ce n'est plus vivable pour le personnel ni pour moi ... » ; qu'il s'ensuit qu'à la date du 7 septembre 2010, date de la convocation du salarié devant la commission paritaire marquant l'engagement de la procédure de licenciement, les faits sur lesquels repose le grief n'étaient pas prescrits ; que le grief invoqué est établi ;

AUX MOTIFS adoptés QUE sur la contestation de l'autorité de la directrice de l'agence : à l'occasion de l'aménagement des locaux de l'agence en août 2010, M. Y... écrit: « je prends acte de cette décision scandaleuse qui fait partie d'un tout de toute manière inacceptable ... Ceci est odieux. Une saloperie de plus que j'ajoute à une longue liste », qu'il s'excuse de ce message peu après auprès du directeur adjoint auquel il l'avait adressé: « je suis désolé de mon message d'humeur de la dernière fois. Il est dû au fait que je n'ai jamais donné mon accord à ce déménagement, et ce pour un raison simple, c'est qu'Anne n'a jamais eu le courage de m'en parler. Pour elle c'est une décision de plus qui vise à me dégouter définitivement » ; qu'il ajoute : «Et si je peux me permettre une remarque personnelle, j'avoue que je ne comprends pas ton positionnement qui te coupe de plus en plus du personnel, alors qu'il est probable que les jours d'Anne à la tête de l'agence sont déjà comptés. A toi de voir » ; que M. Y... met ses propos sur le compte de l'émotion que le déménagement de son bureau avait suscitée ; que cependant, d'une part, M. Y... utilise des termes extrêmement virulents pour qualifier le comportement de Mme A..., qui montrent qu'il a perdu le sens de la mesure et qu'il met en cause avec une violence déplacée les décisions que Mme A... a prises ; que c'est un acte d'insubordination caractérisée ; que d'autre part, M. Y... demande à M. E..., directeur adjoint, de se désolidariser, sous-entendu comme il le fait lui-même, de Mme A... puisque celle-ci se verra signifier prochainement la fin de son mandat à la tête de l'agence ; que cette incitation à l'insubordination, en colportant une fausse nouvelle puisque Mme A... est toujours directrice générale de l'agence, est une nouvelle insubordination ; que la contestation par M. Y... de l'autorité de Mme A... ressort également de l'attestation de Mme G..., qui dit que lors d'une réunion du Cercle de l'II, M. Y... « m'a fait part de sa contrariété à voir Anne A... nommée directrice. Il aurait lui-même été candidat à ce poste, ce que je savais. Il considérait qu'elle n'était pas la plus qualifiée et que son mode de management et sa vision de l'aménagement n'étaient pas adaptés à une structure comme l'ADEUS » ; que ce témoignage montre que M. Y... est particulièrement imprudent dans les propos qu'il adresse à un tiers qui ne peut qu'être « un peu étonné de ce déballage véhément sur des questions internes à l'ADEUS » et qu'il pense donc être légitime dans ces propos qui visent à dénigrer sa directrice ; qu'un tel manquement d'un cadre dirigeant de ce niveau à son obligation de discrétion et de loyauté à l'égard de sa directrice constitue également une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que sur l'attitude générale d'obstruction, l'agence produit un courriel de M. E... adressé le 10 juillet 2010 à Mme A... dans lequel il se plaint des comportements répétés de dénigrement, de critiques des décisions prises par Mme A..., de propagation de rumeurs et de ragots destinés à nuire à Mme A... et au président de l'agence ; que M. Y... se contente de dire que les propos qui lui sont imputés sont sans aucune mesure avec l'attitude de dénigrement auquel il a été lui-même confronté ; qu'il ne nie donc pas les propos tenus, les dénigrements, les critiques des décisions prises par la direction de l'agence, les colportages de rumeurs et ragots concernant le départ imminent de Mme A... ou de M. F... ; que le sabotage de l'autorité de la directrice auquel s'est livré M. Y... ne peut être justifié et en aucune façon par le sentiment qu'il avait d'être harcelé, sentiment dont if a été dit plus haut qu'il ne reposait pas sur une réalité objective ; que dans ces conditions, le comportement d'obstruction de M. Y... repose sur un faisceau de preuves suffisant et justifie le licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

ALORS QUE le fait de dénigrer son supérieur hiérarchique et de faire obstruction à ses décisions, reproché à un salarié, doit être apprécié dans son contexte ; que le salarié faisait valoir que la nouvelle directrice avait, à compter de l'automne 2009, pris à son encontre diverses mesures humiliantes, telles que la suppression du titre de « directeur adjoint », le retrait de la carte de parking, celui de l'option internationale de son abonnement téléphonique, la fin à son adhésion au club de la Fédération nationale des agences d'urbanisme et l'évincement de la fonction de représentant de l'ADEUS dans des réseaux locaux ; qu'en omettant d'examiner, comme elle y était invitée, si le comportement reproché au salarié en juillet et août 2010 n'était pas l'aboutissement de près d'une année de brimades, de mise à l'écart et de vexations subies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-27543
Date de la décision : 06/06/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 11 octobre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 jui. 2018, pourvoi n°16-27543


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.27543
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