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31/05/2018 | FRANCE | N°17-18870

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 31 mai 2018, 17-18870


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble, l'article 2 de l'arrêté du 17 octobre 1995 relatif à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société FTI (la société), entreprise de travail temporaire, a saisi la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail d'un recours portant sur le taux de la cot

isation d'accident du travail due, pour l'année 2015, pour ses salariés intéri...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble, l'article 2 de l'arrêté du 17 octobre 1995 relatif à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société FTI (la société), entreprise de travail temporaire, a saisi la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail d'un recours portant sur le taux de la cotisation d'accident du travail due, pour l'année 2015, pour ses salariés intérimaires, qui lui avait été notifié par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Midi-Pyrénées (la CARSAT) ;

Attendu que pour rejeter ce recours, l'arrêt retient que la société conteste l'effectif de 149 salariés intérimaires retenu par la CARSAT au motif que celle-ci se fonde sur la déclaration annuelle des données sociales qui prend en compte des modalités de calcul différentes de celles prévues pour le calcul du taux de cotisation ; que la société produit un tableau récapitulatif interne pour justifier d'un effectif moindre ; que ce document ne peut constituer une preuve suffisante dès lors qu'il a été établi unilatéralement par l'intéressée pour les besoins de la cause ;

Qu'en statuant ainsi, en écartant, sans l'examiner, un élément de preuve produit par la société pour établir le fait juridique que constitue l'effectif de son établissement pour la fixation du taux de ses cotisations d'accidents du travail, la Cour nationale a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevable le recours formé par la société, l'arrêt rendu le 29 mars 2017, entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, autrement composée ;

Condamne la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Midi-Pyrénées aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande
de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Midi-Pyrénées et la condamne à payer à la société FTI ainsi qu'à M. X..., agissant en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société FTI, la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société FTI et M. X..., ès qualités

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré le recours formé par la société FTI contre la décision de la CARSAT de Midi-Pyrénées, fixant son taux de cotisation pour l'exercice 2015 au titre de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles, mal fondé, d'AVOIR dit que c'est à bon droit que la CARSAT de Midi-Pyrénées a retenu un effectif moyen de 149 salariés pour le calcul du taux de cotisation de l'exercice 2015 de la société FTI, et d'AVOIR débouté cette dernière de toutes ses demandes ;

AUX MOTIFS QU' en application de l'article D. 242-6-16 du code de la sécurité sociale, le nombre de salariés d'un établissement est déterminé par année civile selon les modalités fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ; que le nombre de salariés d'une entreprise qui exploite plusieurs établissements est égal à la somme du nombre de salariés de chaque établissement, à l'exception des établissements situés dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle ; que l'article 2 de l'arrêté du 17 octobre 1995 pris en application de l'article susvisé précise que « pour les établissements de travail temporaire, l'effectif de ces établissements formé par le personnel visé par l'article L. 1251-16 du code du travail est égal à la moyenne des nombres de salariés présents au dernier jour de chaque mois de la dernière année connue. Toutefois, le personnel des entreprises de travail temporaire non visé par l'article L. 1251-16 du code du travail constitue un établissement distinct qui fait l'objet d'une tarification différenciée ; l'effectif de cet établissement est déterminé suivant les dispositions du premier alinéa du présent article » ; que l'article L. 133-5-4 du code de la sécurité sociale, issu de la loi du 21 décembre 2011, dispose que : tout employeur est tenu d'adresser chaque année, à un organisme désigné par décret, une déclaration annuelle des données sociales (DADS) faisant ressortir le montant des rémunérations versées à chacun de ses salariés ou assimilés au cours de l'année précédente ; que les données consignées dans la DADS servent à l'ouverture et au calcul des droits des salariés aux assurances sociales, à la vérification des déclarations des cotisations sociales de l'employeur, à la détermination du taux de certaines cotisations ainsi qu'à l'accomplissement par les administrations et organismes destinataires de leurs missions ; qu'en l'espèce, la société FTI conteste l'effectif de 149 salariés intérimaires retenu par la caisse d'assurance retraite de la santé au travail de Midi-Pyrénées au motif qu'elle se base sur la DADS qui prend en compte des modalités de calcul différentes de celles prévues pour le calcul du taux de cotisation accidents du travail / maladies professionnelles ; que la cour rappelle toutefois que la DADS est un document officiel rempli par l'employeur lui-même et qu'il lui appartient de le faire en appliquant la législation en vigueur et constate que l'employeur peut choisir, en la complétant, d'isoler chacune des missions de ses salariés intérimaires ou non ; que la société FTI ne peut dès lors soutenir que la DADS est inexacte et ne permet pas de déterminer les périodes travaillées dans la mesure où elle a elle-même choisi de ne pas les inscrire dans la DADS qu'elle a complété ; que de même, la société FTI ne saurait arguer du fait que son logiciel informatique ne lui permet pas d'avoir la main sur les données à inscrire sur la DADS dès lors qu'elle a la possibilité de la compléter via un logiciel à la norme 4DS sur le site net-entreprise et si elle n'en dispense pas directement sur le site e-ventail ; que par ailleurs, la société FTI produit au soutien de ses prétentions un tableau récapitulatif interne pour justifier d'un effectif moindre ; que la cour constate qu'il ne peut constituer une preuve suffisante dès lors qu'il a été établi unilatéralement par la demanderesse ; qu'il s'ensuite que la cour ne peut se fonder que sur la DADS déclarative pour vérifier le calcul des effectifs de la société FTI et non un tableau récapitulatif effectué par la société elle-même pour les besoins de la cause ; qu'ainsi, c'est à bon droit que la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail d'Aquitaine [de Midi-Pyrénées] s'est fondée sur la DADS établie par la société FTI, seul document faisant foi au vu des textes susvisés, pour retenir un effectif de 149 salariés intérimaires au titre de l'année 2013 et pour calculer le taux de cotisation de l'exercice 2015 ;

ALORS, D'UNE PART, QUE selon l'article D. 242-6-2 du code de la sécurité sociale, le mode de tarification de la cotisation accident du travail et maladie professionnelle est déterminé en fonction de l'effectif global de l'entreprise ; que l'article 2 de l'arrêté du 17 octobre 1995 pris en application de cette disposition prévoit que l'effectif de salariés intérimaires des entreprises de travail temporaire est égal à la moyenne des nombres de salariés présents au dernier jour de chaque mois de la dernière année connue ; que si l'article D. 133-9-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige issue du décret n°2013-506 du 14 juin 2013, dispose que les DADS sont transférées aux CARSAT, aucun texte ne précise que la DADS est le seul document faisant foi permettant d'établir le calcul de l'effectif global de l'entreprise au sens de l'article D. 242-6-2 du code de la sécurité sociale ; que l'effectif global d'une entreprise au sens de cette disposition est un fait juridique dont la preuve peut être rapportée par tout moyen; qu'en l'espèce, la CNITAAT a constaté que la DADS prenait en compte des modalités de calcul différentes de celles prévues pour le calcul du taux de cotisation (arrêt, p. 7 § 6 et 7) ; qu'il résultait de ces constatations que la DADS ne pouvait pas servir à établir le calcul de l'effectif global de la société FTI déterminant le taux de cotisation et que le juge de la tarification devait donc déterminer ces effectifs au regard des éléments produits aux débats ou, au besoin, en ordonnant une mesure d'instruction ; qu'en énonçant pourtant que la cour ne pouvait se fonder que sur la DADS pour vérifier le calcul des effectifs de la société FTI et que seule la DADS faisait foi au regard des textes réglementaires (arrêt, p.8), la CNITAAT a violé les articles D. 242-6-2 et D. 133-9-2 du code de la sécurité sociale et l'article 2 de l'arrêté du 17 octobre 1995 ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en l'espèce, il appartenait à la CNITAAT de déterminer, au vu des pièces versées aux débats, quel était l'effectif global de la société FTI pour l'année 2013 au sens des articles D. 242-6-2 et D. 133-9-2 du code de la sécurité sociale et de l'article 2 de l'arrêté du 17 octobre 1995, afin de trancher le litige ; que la CNITAAT a constaté que la DADS prenait en compte des modalités de calcul différentes de celles prévues pour le calcul du taux de cotisation (arrêt, p. 7 § 6 et 7) ; que la CNITAAT a, cependant, refusé de déterminer quel était l'effectif global à retenir conformément aux règles de droit applicables, au motif que seule la DADS faisait foi ; qu'en statuant ainsi, la CNITAAT a refusé de trancher le litige et a méconnu son office, violant l'article 12 du code de procédure civile ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties ; qu'en l'espèce, la CARSAT ne contestait pas la réalité des données communiquées par la société FTI dans le tableau récapitulatif interne ; qu'au contraire, la CARSAT en utilisait les données pour affirmer que la différence existant entre la DADS et les données du tableau provenait d'une « absence de rigueur dans les déclarations des employeurs sur les DADS qui fausse le nombre de salariés présents à chaque fin de mois, ce qui aboutit de fait à des différences d'effectif parfois importantes » (concl. de la CARSAT, p. 4 § 5) ; que la CARSAT reconnaissait ainsi que les données de la DADS ne permettaient pas de calculer la moyenne des nombres de salariés présents au dernier jour de chaque mois de la dernière année connue, c'est-à-dire l'effectif global des salariés à prendre en compte pour établir le taux de cotisations ; qu'en refusant pourtant de prendre en considération ce tableau récapitulatif interne au motif qu'il avait été établi pour les besoins de la cause, que la société ne pouvait se constituer une preuve à elle-même et que la cour ne pouvait se fonder que sur la DADS pour vérifier le calcul des effectifs de la société FTI, seule la DADS faisant foi (arrêt, p. 8), tandis qu'il était admis que la DADS ne permettait pas de calculer l'effectif global des salariés et que la réalité des données du tableau récapitulatif transmis par la société FTI n'était pas contestée, la CNITAAT a modifié l'objet du litige, violant l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE pour corroborer son tableau récapitulatif interne, la société FTI versait aux débats la liste des salariés présents au dernier jour du mois pour l'année 2013 ; qu'en énonçant que le tableau récapitulatif interne ne pouvait constituer une preuve suffisante dès lors qu'il avait été unilatéralement établi par la société FTI, sans vérifier si la liste des salariés présents au dernier jour du mois pour l'année 2013 venait corroborer les données figurant dans le tableau récapitulatif interne, la CNITAAT a privé sa décision de motif, méconnaissant ainsi les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE le juge doit examiner l'ensemble des éléments produits aux débats ; que la règle selon laquelle nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n'est pas applicable aux faits juridiques ; que l'effectif global d'une entreprise au sens de l'article D. 242-6-2 du code de la sécurité sociale est un fait juridique dont la preuve peut être rapportée par tout moyen ; qu'en l'espèce, la CNITAAT a écarté sans l'examiner le tableau récapitulatif interne produit par la société FTI pour démontrer que ses effectifs annuels étaient de 53 salariés, au motif qu'il avait été établi unilatéralement pour les besoins de la cause ; qu'en statuant ainsi, bien que l'adage selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ne soit pas applicable à la preuve d'un fait juridique tel que les effectifs de la société FTI pour l'année 2013, la CNITAAT a violé les articles 1353 du code civil et 455 du code de procédure civile ;

ALORS, DE SIXIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE le juge ne peut procéder par voie d'affirmation et doit indiquer l'origine de ses constatations de fait ; qu'en l'espèce, la société FTI contestait avoir manqué de rigueur en remplissant la DADS pour l'année 2013 et faisait valoir qu'elle avait rempli les documents conformément aux dispositions en vigueur en matière d'effectifs et en application des règles spécifiques prévues pour les déclarations auprès de l'Urssaf (concl, p. 6 in fine) ; que la CARSAT alléguait que l'employeur pouvait recenser sur la DADS le nombre de salariés intérimaires présents au dernier jour du mois (concl., p. 4 § 4), sans produire aucune pièce au soutien de son moyen ; qu'en affirmant pourtant, par voie d'affirmation et sans indiquer l'origine de ses constatations de fait, que l'employeur pouvait choisir, en complétant la DADS, d'isoler chacune des missions de ses salariés intérimaires ou non (arrêt, p. 7 § 7), de sorte que société FTI ne pouvait soutenir que la DADS était inexacte et ne permettait pas de déterminer les périodes travaillées, la CNITAAT a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, DE SEPTIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QU'il n'existe aucune obligation pour les entreprises de travail temporaire de détailler les missions de leurs salariés sur la DADS ; qu'elles peuvent indiquer ce détail uniquement si elles sont en mesure de le faire ; qu'en l'absence d'une telle précision, qui n'est pas obligatoire, la DADS ne peut permettre de calculer l'effectif global à prendre en compte pour déterminer le taux de cotisation pour une entreprise temporaire ; que dans un tel cas, la preuve de la présence des salariés chaque fin de mois doit pouvoir être rapportée par tout moyen par l'employeur, peu important les données mentionnées dans la DADS ; qu'en l'espèce, la société FTI contestait avoir manqué de rigueur en remplissant la DADS pour l'année 2013 et faisait valoir qu'elle avait rempli les documents conformément aux dispositions en vigueur en matière d'effectifs et en application des règles spécifiques prévues pour les déclarations auprès de l'Urssaf (concl, p. 6 in fine) ; qu'en énonçant pourtant que l'employeur pouvait choisir, en la complétant, d'isoler chacune des missions de ses salariés intérimaires ou non et que l'employeur avait la possibilité de compléter la déclaration via un logiciel à la norme 4DS sur le site net-entreprise ou directement sur le site e-ventail (arrêt, p. 7 in fine), pour en déduire que la cour ne pouvait se fonder que sur la DADS pour vérifier le calcul des effectifs de la société FTI, la déclaration constituant le seul document faisant foi (arrêt, p. 8), tandis que la société FTI avait rempli la DADS conformément aux règles spécifiques prévues pour cette déclaration puisqu'elle n'avait aucune obligation de détailler les missions des salariés intérimaires, la CNITAAT a violé les articles D. 242-6-2 et D. 133-9-2 du code de la sécurité sociale et l'article 2 de l'arrêté du 17 octobre 1995.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-18870
Date de la décision : 31/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour nationale de l'incapacité et de la tarification (CNITAAT), 29 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 31 mai. 2018, pourvoi n°17-18870


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.18870
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