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30/05/2018 | FRANCE | N°17-12998

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 mai 2018, 17-12998


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, que Mme X... a été engagée par la société Hôpital service SFGH, aux droits de laquelle vient la société Elior services propreté et santé, laquelle relève de la convention collective nationale des entreprises de propreté ; que, par un accord d'établissement (établissement de Meyreuil) conclu le 28 septembre 2013 entre la société Elior services propreté et santé et les délégués syndicaux CGT, CFDT et CFTC de l'établissement de Meyreuil,

il a été décidé de l'octroi de divers avantages de rémunération au profit des s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, que Mme X... a été engagée par la société Hôpital service SFGH, aux droits de laquelle vient la société Elior services propreté et santé, laquelle relève de la convention collective nationale des entreprises de propreté ; que, par un accord d'établissement (établissement de Meyreuil) conclu le 28 septembre 2013 entre la société Elior services propreté et santé et les délégués syndicaux CGT, CFDT et CFTC de l'établissement de Meyreuil, il a été décidé de l'octroi de divers avantages de rémunération au profit des salariés affectés sur le site de ST Microelectronics à Rousset, " compte tenu des spécificités techniques et de la forte disponibilité demandée par le client" ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en application du principe d'égalité de traitement ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de la salariée, qui est recevable, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande au titre d'une prime de transport et d'une prime d'assiduité alors, selon le moyen, que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif ; qu'en l'espèce, il est constant que les salariés ont saisi, en septembre 2012, le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de réclamer à l'encontre de la société ESPS, sur le fondement du principe de l'égalité de traitement, le paiement de différentes primes dont ils avaient été privées ; que pour les débouter de leurs demandes s'agissant de la prime « d'insalubrité », dite également « de salissure », ainsi que de la prime de transport et de la prime d'assiduité, la cour d'appel a énoncé qu'aux termes de l'article L. 1224-3-2 du code du travail, créé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les salariés de la société ESPS travaillant sur les sites autres que celui de l'hôpital Sainte-Marguerite ne pouvaient prétendre au bénéfice de cet avantage obtenu par les salariés de ce site dont les contrats de travail ont été poursuivis ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu l'article 2 du code civil, ensemble l'article L. 1224-3-2 par fausse application et le principe d'égalité de traitement par refus d'application ;

Mais attendu, d'abord, que l'évolution générale de la législation du travail en matière de négociation collective et de la jurisprudence en ce qui concerne le principe d'égalité de traitement à l'égard des accords collectifs conduit à apprécier différemment la portée de ce principe à propos du transfert des contrats de travail organisé par voie conventionnelle ;

Attendu, ensuite, que la différence de traitement entre les salariés dont le contrat de travail a été transféré en application d'une garantie d'emploi instituée par voie conventionnelle par les organisations syndicales représentatives investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote et les salariés de l'employeur entrant, qui résulte de l'obligation à laquelle est tenu ce dernier de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur au jour du transfert, n'est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et se trouve dès lors justifiée au regard du principe d'égalité de traitement ;

Attendu que l'arrêt relève que la prime d'assiduité et la prime de transport étaient servies à des salariés dont le contrat de travail avait été transféré, en application de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté, à la société Elior services propreté et santé, et qu'elles correspondaient à des avantages dont ils bénéficiaient chez leur précédent employeur ;

Qu'il en résulte que la société Elior services propreté et santé était fondée à les maintenir au seul bénéfice des salariés transférés sans que cela constitue une atteinte prohibée au principe d'égalité de traitement ;

Que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée en son dispositif ;

Que le moyen ne peut donc être accueilli ;

Sur le second moyen du pourvoi incident de la salariée, qui est recevable, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'extension à son profit de la majoration du travail de nuit et du travail de dimanche et de la prise en charge en totalité de la mutuelle obligatoire, dont bénéficient les seuls salariés affectés sur le site ST Microelectronics de Rousset, alors, selon le moyen :

1°/ qu' une différence de traitement entre salariés de sites distincts doit être justifiée par des éléments objectifs et pertinents produits par l'employeur ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de la cour d'appel que les salariés produisaient aux débats l'accord de site de Rousset, duquel il ressortait (article 11) une majoration pour le travail de nuit et le travail le dimanche et une prise en charge totale des cotisations mutuelles depuis octobre 2013 (article 14) ; qu'en déboutant néanmoins les salariés au prétexte qu'aucun bulletin de salaire relatif aux salariés du site Rousset n'avait été versé aux débats, quand la différence de traitement était suffisamment établie par l'accord de site, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé le principe d'égalité de traitement ;

2°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a également inversé la charge de la preuve en ce qu'il appartenait à l'employeur de démontrer objectivement le bien-fondé des avantages accordés aux seuls salariés du site de Rousset et dont ne bénéficiaient pas les salariés exposants, car les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des sites distincts, ne sont pas présumées justifiées si elles n'ont pas été opérées par voie d'accords d'établissements négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de ces établissements, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l'établissement et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, ce dont il incombe également à l'employeur de justifier, de sorte que faute pour l'employeur de le démontrer la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement et l'article 1315, alinéa 2, du code civil ;

3°/ que commet un déni de justice le juge qui refuse de statuer au prétexte qu'il n'est pas justifié d'éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération avec les salariés du site de Rousset, quand il résulte des écritures des salariés exposants, reprises oralement, qu'ils sollicitaient le remboursement des cotisations mutuelles depuis octobre 2013 et chiffraient leurs demandes au titre de la part salariale mutuelle depuis cette date jusqu'au mois de décembre 2015 ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile et 5 du code civil ;

4°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en affirmant, sans autre motif, que chaque salarié sera débouté de l'ensemble de ses demandes formées au titre de l'accord du site de Rousset, c'est-à-dire en déboutant les salariés de leur demande tendant à obtenir le remboursement des cotisations mutuelles à compter du 1er janvier 2016, en application de la loi de sécurisation de l'emploi qui oblige l'employeur à souscrire pour l'ensemble de ses salariés un contrat complémentaire santé mutuelle, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise de nettoyage mais affectés à des sites ou établissements distincts, opérées par voie d'accords collectifs négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ;

Et attendu que l' arrêt relève que la majoration du travail de nuit et du travail du dimanche, ainsi que la prise en charge en totalité de la mutuelle obligatoire au profit des salariés affectés sur le site de Rousset, résultent d'un accord signé le 28 septembre 2013, lequel est un accord d'établissement conclu entre la société Elior services propreté et santé et les délégués syndicaux CGT, CFDT et CFTC de l'établissement de Meyreuil et prenant en compte "les spécificités techniques et la forte disponibilité demandée par le client" sur le site de Rousset, et font ressortir que ces avantages ne sont pas étrangers à des considérations de nature professionnelle ;

Qu'il en résulte que la différence de traitement qu'instituait cet accord était justifiée ;

Que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision se trouve légalement justifiée en son dispositif ;

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;

Vu le principe d'égalité de traitement, ensemble l'article L. 1224-1 du code du travail ;

Attendu que l'obligation à laquelle est légalement tenu le nouvel employeur, en cas de transfert d'une entité économique, de maintenir au bénéfice des salariés qui y sont rattachés les droits qu'ils tiennent d'un usage en vigueur au jour du transfert, justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés ;

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'un rappel de la majoration de salaire de 80 % des dimanches travaillés et des congés payés afférents, l'arrêt, après avoir constaté que cette majoration de 80% pour les dimanches travaillés ne concernait, à l'origine, que les salariés engagés par l'association de gestion de l'oeuvre hospitalière Saint-Jean de Dieu, dont il n'est pas contesté qu'elle ne relève pas de la convention collective nationale des entreprises de propreté, que ceux-ci avaient vu leur contrat de travail transféré à la société Elior services propreté et santé en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, et que cette société n'avait maintenu cet avantage qu'à leur seul profit, retient qu'il est suffisamment établi que plusieurs salariés, appartenant à la même catégorie professionnelle, bénéficient ou ont bénéficié d'une majoration de 80 % de leur rémunération les dimanches travaillés, situation qui résulte d'avantages acquis, sans que la société Elior services propreté et santé ne justifie ni même ne soutienne qu'elle serait destinée à compenser un avantage spécifique, qu'il en découle une inégalité de traitement entre salariés qui occupent un emploi de même catégorie professionnelle, de valeur égale, dans des conditions équivalentes, sans que l'employeur justifie d'éléments objectifs et pertinents qui légitimeraient cette différence de traitement ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ces constatations que la majoration de 80 % pour les dimanches travaillés résultait de l'obligation pour le nouvel employeur de maintenir une majoration salariale qui avait été consentie à certains salariés par leur ancien employeur, la cour d'appel a violé le principe et le texte susvisés ;

Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif critiqué par le second moyen de ce pourvoi, et relatif aux dommages-intérêts dus au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône et au syndicat Commerce et Services CFDT des Bouches-du-Rhône ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Elior services propreté et santé à payer à Mme X... un rappel de la majoration de salaire de 80 % des dimanches travaillés et des congés payés afférents, et des dommages-intérêts au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône et au syndicat Commerce et services CFDT des Bouches-du-Rhône, l'arrêt rendu le 9 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute Mme X... de sa demande en paiement d'un rappel de la majoration de salaire de 80 % des dimanches travaillés et des congés payés afférents, et le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône et le syndicat Commerce et services CFDT des Bouches-du-Rhône de leur demande en dommages-intérêts ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Elior services propreté et santé, demanderesse au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société ESPS à verser à Madame X... un rappel de prime de la majoration de salaire des dimanches travaillés outre les congés payés y afférents ;

Aux motifs qu'aux termes de la convention collective applicable, les salariés qui sont amenés à travailler le dimanche bénéficient d'une majoration de leur rémunération égale à 20% ; que Madame X..., affectée sur le site de La Casamance, sollicite le versement d'une somme de 901,26 € correspondant à une majoration de 80% du taux horaire de base pour les dimanches travaillés, alors qu'elle ne bénéficie que de la majoration prévue par la convention collective ; qu'elle se prévaut de la situation de salariés du site de Saint Jean de Dieu qui ont bénéficié, par reprise de leur contrat de travail en application de l'article L 1224-1 du Code du travail, de cette majoration de 80% du taux horaire, ainsi que cela résulte de leurs contrats de travail et des avenants ; que la société ESPS soutient que cette majoration à 80% du taux horaire de base, qui résulte de la reprise des contrats de travail des salariés avec leurs avantages acquis préalablement à la reprise du marché sur le site de Saint Jean de Dieu, n'a pas vocation à s'appliquer aux salariés non concernés par cette reprise des contrats ; que les annexes aux avenants aux contrats de travail des salariés bénéficiaires de cette majoration sont intitulés : « Annexes à l'avenant de contrat de travail de Madame
transférée de l'AGOH Saint Jean de Dieu vers Hôpital-Service dans le cadre de l'externalisation des activités de bio nettoyage et services hôteliers au 1er mai 2006 » et sont rédigées dans les termes suivants : « 1- Dimanche : la majoration pour le travail du dimanche est de 80% du taux horaire de base. 2- Jours enfants malades : 4 jours à 100%. 3- Les jours fériés travaillés ou les jours fériés tombant sur un jour de repos planifié ouvrent droit à une récupération de 7 heures base temps plein
» ; qu'il résulte de ces annexes que les salariés dont les contrats de travail ont été repris étaient employés de l'association de gestion de l'oeuvre hospitalière (AGOH) Saint Jean de Dieu dont il n'est pas contesté qu'elle ne relève pas de la Convention collective des entreprises de nettoyage ; que la reprise desdits contrats de travail n'est donc pas fondée sur les dispositions de la Convention collective nationale des entreprises de propreté, mais de l'application de l'article L1224-1 du Code du travail ; qu'en l'état des pièces produites (les annexes aux avenants des contrats de travail et des bulletins de salaire) et des explications fournies aux débats, il est suffisamment établi que plusieurs salariés appartenant à la même catégorie professionnelle, bénéficient ou ont bénéficié d'une majoration de 80% de leur rémunération les dimanches travaillés, situation qui résulte d'avantages acquis, sans que la société ESPS ne justifie ni même ne soutienne qu'elle serait destinée à compenser un avantage spécifique ; qu'il en découle une inégalité de traitement entre salariés qui occupent un emploi de même catégorie professionnelle, de valeur égale, dans des conditions équivalentes, sans que la société ESPS justifie d'éléments objectifs et pertinents qui légitimeraient cette différence de traitement ; qu'il sera donc fait droit à la demande de Madame X... en considération du nombre de dimanches travaillés justifiés par les seuls bulletins de salaire produits aux débats ; qu'ainsi la société ESPS sera condamnée à lui verser la somme de 224,40 € outre celle de 22,44 € au titre des congés payés afférents de ce chef ;

ALORS QUE le maintien, sans extension aux autres salariés, des avantages individuels acquis résultant de la mise en cause de l'application d'une convention collective en cas de transfert du personnel effectué conformément à l'article L. 1224-1 du Code du travail ne méconnaît pas le principe « à travail égal, salaire égal », que ce maintien résulte d'une absence d'accord de substitution ou d'un tel accord ; qu'en affirmant, pour faire droit à la demande de Madame X... tendant à bénéficier de la majoration de salaire de 80% pour les dimanches travaillés réservée aux salariés transférés du site de Saint Jean de Dieu, « qu'il en découle une inégalité de traitement entre salariés qui occupent un emploi de même catégorie professionnelle, de valeur égale, dans des conditions équivalentes, sans que la société ESPS justifie d'éléments objectifs et pertinents qui légitimeraient cette différence de traitement », quand elle avait constaté, d'une part, que la prime litigieuse « résulte d'avantages acquis », d'autre part, que « la reprise desdits contrats de travail n'est pas fondée sur les dispositions de la Convention collective nationale des entreprises de propreté, mais de l'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail », ce dont il résultait que la salariée, qui ne faisait pas partie de ceux dont le contrat de travail avait été transféré par l'effet de la loi à la société ESPS, ne pouvait bénéficier de la majoration litigieuse, la Cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement, ensemble l'article L. 1224-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société ESPS à verser au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches du Rhône et au syndicat Commerce et Services CFDT des Bouches du Rhône des dommages et intérêts ;

Aux motifs que la société ESPS fait valoir que l'intervention volontaire de ces deux syndicats est irrecevable car les mesures critiquées ne portent pas atteinte à l'intérêt collectif de la profession, le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches du Rhône étant d'ailleurs signataire de la convention collective applicable et des accords signés sur les différents sites de la société et ne pouvant, en conséquence, se prévaloir de sa propre turpitude ; que non-respect par l'employeur des droits individuels des salariés, comme en l'espèce le principe d'égalité de traitement, constitue une atteinte à l'intérêt collectif de la profession que représentent les syndicats qui leur permet d'agir en justice par application de l'article L. 2132-3 du Code du travail ; que par ailleurs, si le rôle des syndicats est de participer à la négociation collective, ceux-ci conservent la possibilité de faire sanctionner la méconnaissance par l'employeur de certaines règles et notamment celles tenant au champ d'application des accords collectifs ; qu'en conséquence, ces deux interventions volontaires seront déclarées recevables et il leur sera alloué à chacun la somme de 10 € en réparation des atteintes portées par la société ESPS à l'intérêt collectif de la profession ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, la cassation sur le deuxième moyen, en application de l'article 625 du Code de procédure civile.
Moyens produits par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour Mme X..., demanderesse au pourvoi incident

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la salariée de ses demandes relatives au paiement d'une prime d'insalubrité et d'une prime de transport.

AUX MOTIFS QUE « [la salariée] [sollicite], à titre principal, un rappel au titre d'une prime dite « prime d'insalubrité », en fait « prime de salissure », correspondant à la somme de 0,305 euros de l'heure travaillée, prime dont [elle] [indique] qu'elle bénéficie à titre d'avantage acquis aux salariés travaillant pour la société ESPS sur le site de l'hôpital Sainte-Marguerite à Marseille ; que la société ESPS réplique que cette prime est attribuée à des salariés effectuant des travaux dangereux, insalubres incommodes ou salissants, [la salariée] ne justifiant pas relever de cette catégorie de salariés. [Elle] ajoute que cette prime ne correspond pas à une prise en charge de frais d'entretien de tenues de travail ; qu'il n'est pas contesté que, sur le site de l'hôpital Sainte-Marguerite, cette prime relève d'un avantage acquis qui existe au moins depuis 2004, date de reprise des contrats des salariés par la société ESPS, et bénéficie aux employés affectés sur ce site en raison de l'avantage dont ils bénéficiaient préalablement à la reprise du marché ; qu'aux termes de l'article L. 1224-2 du code du travail, créé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 « lorsque les contrats de travail sont, en application d'un accord de branche étendu, poursuivis entre deux entreprises prestataires se succédant sur un même site, les salariés employés sur d'autres sites de l'entreprise nouvellement prestataire et auprès de laquelle les contrats de travail sont poursuivis ne peuvent invoquer utilement les différences de rémunération résultant d'avantages obtenus avant cette poursuite avec les salariés dont les contrats de travail ont été poursuivis » ; qu'en application de ce texte, les salariés de la société ESPS travaillant sur les sites autres que celui de l'hôpital Sainte-Marguerite ne peuvent prétendre au bénéfice de cet avantage obtenu par les salariés de ce site dont les contrats de travail ont été poursuivis ; que [la salariée] sera, en conséquence, déboutée de sa demande au principal » ;

ET AUX MOTIFS QUE « [la salariée] [faisait] valoir que les salariés de la société ESPS affectés sur le site de l'hôpital Sainte-Marguerite à Marseille perçoivent un complément d'indemnité de transport de 28,05 euros mensuels, en plus de ce que prévoit la convention collective nationale des entreprises de propreté, dont ils bénéficient au titre du maintien de primes acquises antérieurement et produit en ce sens huit contrats de travail justifiant de la reprise de salariés avec maintien des avantages acquis dont ladite prime, outre plusieurs bulletins de salaire concernant Mmes A..., B... et C... ; que la société ESPS réplique que [la salariée] ne [justifie] pas des conditions exigées par la convention collective (justificatif de titre de transport collectif, justificatif de défaut d'existence de transport collectif pour se rendre sur le site) et se [compare] à des salariés bénéficiant d'avantages acquis ; qu'il convient de constater que les contrats de travail produits correspondent effectivement à la reprise de contrats dans le cadre d'une reprise de marché avec maintien des avantages acquis en vertu de la convention collective des entreprises de nettoyage et que les bulletins de salaire des trois employées susvisées sont insuffisants à déterminer que celles-ci bénéficieraient de ces primes à un autre titre, de sorte qu'en application de l'article L. 1224-3-2 du Code du travail dont il a été vu supra qu'il prohibe l'extension d'avantages obtenus par reprise du contrat à des salariés d'autres sites, [la salariée sera déboutée] de sa demande de ce chef » ;

ALORS QUE la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif ;
qu'en l'espèce, il est constant que la salariée a saisi, en septembre 2012, le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de réclamer à l'encontre de la société ESPS, sur le fondement du principe de l'égalité de traitement, le paiement de différentes primes dont elle avait été privée ; que pour la débouter de ses demandes s'agissant de la prime « d'insalubrité », dite également « de salissure », ainsi que de la prime de transport, la cour d'appel a énoncé qu'aux termes de l'article L. 1224-3-2 du code du travail, créé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les salariés de la société ESPS travaillant sur les sites autres que celui de l'hôpital Sainte-Marguerite ne pouvaient prétendre au bénéfice de cet avantage obtenu par les salariés de ce site dont les contrats de travail ont été poursuivis ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu l'article 2 du code civil, ensemble l'article L. 1224-3-2 par fausse application et le principe d'égalité de traitement par refus d'application.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la salariée de ses demandes d'extension à son profit d'avantages résultant de l'accord du site de Rousset et tendant à dire et juger que les dispositions de l'article 11 (relatif aux jours fériés et de dimanches travaillés) doit s'appliquer à l'ensemble des salariés, dans sa globalité et à ordonner à l'employeur de procéder au paiement des majorations de salaire découlant de ces dispositions sous astreinte de 100 € par jour de retard et d'AVOIR débouté la salariée de ses demandes relatives au remboursement des cotisations mutuelles depuis octobre 2013 et à la prise en charge de la cotisation mutuelle (article 14 de l'accord de site Rousset) et du bénéfice de la mutuelle ;

AUX MOTIFS QUE « sur l'extension d'avantages accordés par l'accord du site de Rousset, [la salariée] sollicite l'application à son profit des dispositions de l'article 11 de l'accord du site ST microelectronics, signé le 28 septembre 2013, entre la société ESPS et les organisations syndicales, relatif à une majoration du travail de nuit et du travail du dimanche, sans pour autant préciser le montant réclamé à ce titre. Si le salarié verse au débat l'accord de site dont il se prévaut, qui ne concerne d'ailleurs pas un établissement de santé mais un site industriel, [elles] ne produit aucun bulletin de salaire relatif à des salariés de ce site, dont on ignore de quelle catégorie ils relèveraient, quelles seraient leurs fonctions et s'ils bénéficient à ce jour de la mise en application de cet accord, ne justifiant pas d'éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération avec les salariés de ce site. En conséquence, [elle sera] débouté de l'ensemble des demandes formées au titre de cet accord » ;

1°) ALORS, D'UNE PART, QU' une différence de traitement entre salariés de sites distincts doit être justifiée par des éléments objectifs et pertinents produits par l'employeur ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de la cour d'appel que la salariée produisaient aux débats l'accord de site de Rousset, duquel il ressortait (article 11) une majoration pour le travail de nuit et le travail le dimanche et une prise en charge totale des cotisations mutuelles depuis octobre 2013 (article 14) ; qu'en déboutant néanmoins la salariée au prétexte qu'aucun bulletin de salaire relatif aux salariés du site Rousset n'avait été versé aux débats, quand la différence de traitement était suffisamment établie par l'accord de site, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé le principe d'égalité de traitement ;

2°) ALORS, D'AUTRE PART, QU'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a également inversé la charge de la preuve en ce qu'il appartenait à l'employeur de démontrer objectivement le bien-fondé des avantages accordés aux seuls salariés du site de Rousset et dont ne bénéficiaient pas les salariés exposants, car les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des sites distincts, ne sont pas présumées justifiées si elles n'ont pas été opérées par voie d'accords d'établissements négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de ces établissements, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l'établissement et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, ce dont il incombe également à l'employeur de justifier, de sorte que faute pour l'employeur de le démontrer la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement et l'article 1315 alinéa 2 du Code civil ;

3°) ALORS, EN OUTRE, QUE commet un déni de justice le juge qui refuse de statuer au prétexte qu'il n'est pas justifié d'éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération avec les salariés du site de Rousset, quand il résulte des écritures de la salariée, reprises oralement, qu'il sollicitait le remboursement des cotisations mutuelles depuis octobre 2013 et chiffraient leurs demandes au titre de la part salariale mutuelle depuis cette date jusqu'au mois de décembre 2015 ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile et 5 du Code civil ;

4°) ALORS, ENFIN, QUE le défaut de de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en affirmant, sans autre motif, que chaque salarié sera débouté de l'ensemble de ses demandes formées au titre de l'accord du site de Rousset, c'est-à-dire en déboutant la salariée de sa demande tendant à obtenir le remboursement des cotisations mutuelles à compter du 1er janvier 2016, en application de la loi de sécurisation de l'emploi qui oblige l'employeur à souscrire pour l'ensemble de ses salariés un contrat complémentaire santé mutuelle, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-12998
Date de la décision : 30/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 09 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 mai. 2018, pourvoi n°17-12998


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.12998
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