LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° T 16-18.457 et U 16-18.458 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme B... et un autre salarié ont été engagés par la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon (la caisse) ; que la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance a dénoncé, le 20 juillet 2001, divers accords collectifs nationaux et locaux applicables au sein des entreprises du réseau des caisses d'épargne, dont l'un, du 19 décembre 1985, prévoyait le versement, outre d'un salaire de base, notamment de primes de vacances, familiale et d'expérience ; qu'aucun accord de substitution n'a été conclu à l'expiration des délais prévus à l'article L. 2261-13 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ; qu'au mois d'octobre 2002, à l'issue de la période de survie des accords qui avaient été dénoncés, la caisse a informé ses salariés que ces primes, devenues des avantages individuels acquis, ne figureraient plus de manière distincte sur les bulletins de salaire comme auparavant mais seraient intégrées au salaire de base ; que, par deux arrêts (Soc, 1er juillet 2008, n° 07-40.799 et 06-44.437, Bull V n° 147), la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que la structure de la rémunération résultant d'un accord collectif dénoncé constitue à l'expiration des délais prévus par le troisième alinéa de l'article L. 2261-13 du code du travail un avantage individuel acquis qui est incorporé au contrat de travail des salariés employés par l'entreprise à la date de la dénonciation ; qu'en conséquence de ces décisions, la caisse a, à compter de 2010, établi des bulletins de paie mentionnant sur des lignes distinctes le salaire de base et les avantages individuels acquis pour des montants cristallisés à la date de leur incorporation aux contrats de travail ;
Sur les premier et deuxième moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le troisième moyen, qui est recevable :
Vu les articles L. 2261-13 du code du travail et 1134 du code civil dans leur rédaction applicable au litige ;
Attendu que la structure de la rémunération résultant d'un accord collectif dénoncé constitue à l'expiration des délais prévus à l'article L. 2261-13 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige un avantage individuel acquis qui est incorporé au contrat de travail des salariés employés par l'entreprise à la date de la dénonciation, l'employeur ne pouvant la modifier sans l'accord de chacun de ces salariés, quand bien même estimerait-il les nouvelles modalités de rémunération plus favorables aux intéressés ; qu'un engagement unilatéral de l'employeur contraire à ce principe ne peut avoir force obligatoire ;
Attendu que pour débouter la caisse de sa demande en paiement, pour la période non prescrite, de sommes correspondant à l'augmentation des avantages individuels acquis correspondant aux primes familiale, de vacances et d'expérience du fait de leur intégration dans le salaire de base, et la condamner à délivrer, pour la période allant du 1er août 2005 au 31 décembre 2009, tout bulletin de paie faisant apparaître distinctement le salaire de base et chacune des primes maintenues au titre des avantages individuels acquis valorisées en fonction de l'évolution du salaire de base, les arrêts retiennent que lorsque l'employeur, prenant acte de la nécessité de respecter la structure de la rémunération, fait réapparaître sur les bulletins de paie à partir de janvier 2010 les avantages individuels acquis, il ne décide pas de revenir sur les décisions qu'il a déjà prises sur la fraction de prime triennale de la prime de durée d'expérience en cours d'acquisition et sur l'incidence des augmentations de salaires sur les primes cristallisées, que ces décisions ne sont pas le fruit d'une seule présentation mais résultent de la volonté de la caisse qui se garde bien de préciser comment elle pourrait revenir rétroactivement pour les années 2005 à 2010, dans la limite de la prescription, sur ses décisions en matière de rémunération et sur les salaires qu'elle a versés, rappel devant tout de même être fait que les dénonciations d'engagement unilatéraux répondent à des questions de forme et de fond, notamment sur leurs prises d'effet ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'intégration des primes constitutives des avantages individuels acquis dans l'assiette de calcul des augmentations du salaire de base n'était que la conséquence de la décision illicite prise par la caisse en octobre 2002 de modifier unilatéralement la structure de la rémunération en intégrant lesdits avantages individuels acquis au salaire de base, ce dont elle aurait dû déduire qu'elle ne pouvait constituer un engagement unilatéral de l'employeur ayant force obligatoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déboutent la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon de sa demande en paiement de sommes correspondant à l'augmentation des avantages individuels acquis correspondant aux primes familiale, de vacances et d'expérience du fait de leur intégration dans le salaire de base, et la condamnent à délivrer, pour la période allant du 1er août 2005 au 31 décembre 2009, à Mme B... et M. Y... tout bulletin de paie faisant apparaître distinctement le salaire de base et chacune des primes maintenues au titre des avantages individuels acquis valorisées en fonction de l'évolution du salaire de base, les arrêts rendus le 6 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits aux pourvois n° T 16-18.457 et U 16-18.458 par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF aux arrêts attaqués d'AVOIR condamné la Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon à payer aux salariés des rappels de prime familiale pour la période de 2005 à 2011 ainsi que la prime familiale à compter du 1er janvier 2012 sur les bases de la présente décision sans pouvoir opérer de minoration à raison de l'absence d'enfants à charge et de l'AVOIR condamnée à verser au syndicat Sud CELR des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession
AUX MOTIFS QUE « le salarié réclame le paiement d'un rappel de prime familiale pour la période de 2005 à 2011 en indiquant que, marié(e) et parent de deux enfants, son employeur lui a fait une mauvaise application des dispositions de l'article 16 de l'accord collectif national du 19 décembre 1985 qui précisent qu'une « prime familiale est versée avec une périodicité mensuelle, à chaque salarié du réseau chef de famille, le montant de cette prime est calculé par attribution d'un nombre de points sur la base suivante, 3 points pour un chef de famille sans enfant, 7 points pour un chef de famille avec un enfant, Il points pour un chef de famille avec deux enfants, 24 points pour un chef de famille avec trois enfants, 38 points pour un chef de famille avec quatre et cinq enfants et 52 points pour un chef de famille six enfants » en considérant que ses enfants n'étaient plus à charge, critère non prévu par le texte conventionnel.
Selon la Caisse d'épargne (conclusions dite communes) l'accord d'entreprise du 21 juin 1994 intitulé contrat social de la Caisse d'épargne du Languedoc Roussillon est venu préciser les modalités pratiques du versement de cette prime, qu'à la suite des arrêts de la Cour de cassation des 27 mars 2013 et 22 mars 2015 elle ne conteste plus le principe selon lequel «cette prime doit être versée à chaque salarié, même lorsque l'autre membre du couple était aussi salarié au sein du réseau des caisses d'épargne», « qu'il est incontestable que cette prime ne peut plus être majorée dès que les enfants cessent d'être à charge puisque la Cour de Cassation (Soc 2 avril 2014, n° 13-10.403) a confirmé la position d'une cour d'appel qui avait considéré qu'il n'y avait lieu, pour apprécier le droit au versement d'une prime familiale et déterminer son montant, de ne tenir compte que des seuls enfants à la charge du salarié intéressé et ainsi ayant relevé que les deux enfants du salarié issus de sa première union étaient âgés de 29 et 27 ans et que l'enfant de sa seconde épouse était âgée de 22 ans et percevait une pension alimentaire de son père, la cour d'appel a légalement justifié sa décision », confirmant ainsi un arrêt du 18 décembre 2013 (Soc. 18 décembre 2013, n° 12- 28291) qui avait rejeté un pourvoi contre un arrêt de la cour de céans concernant l'appelante qui avait «exactement décidé que la prime familiale attribuée au salarié sur la base de quatre enfants devait être, à compter de mars 1998, recalculée en ne prenant en compte que trois enfants, celui de son épouse, né d'une précédente union, n'étant plus à cette date à la charge de l'intéressé».
Ensuite la Caisse d'épargne indique (conclusions pour le seul dossier de Mme X...) que :
- la Cour de Cassation considère que les avantages individuels acquis doivent être pris en compte dans l'assiette de comparaison pour contrôler le respect de la rémunération annuelle minimale conventionnelle (Soc. 24 avril 2013 n° 12-10.196) et si celle-ci est respectée, la caisse d'épargne ne peut être condamnée à un rappel de salaire au titre des primes de vacances, familiales et d'expérience en plus de la rémunération annuelle minimale et à des dommages intérêts en réparation de l'atteinte portée aux intérêts collectifs de la profession (cass. Soc. 15 mai 2015, n° 12-29767, cass soc. 15 Avril 2015, n° 14-13340 et suivants).
- Mme X... (pièce n° 10) a perçu une rémunération a minima supérieure de 44% à la rémunération annuelle minimale conventionnelle (RAM) et si par extraordinaire, la Cour venait à faire droit aux demandes fondées sur l'interprétation des dispositions conventionnelles relatives aux primes, elle ne pourra que constater que le salarié ne peut réclamer un salaire supérieur à la rémunération annuelle minimale conventionnelle et n'a droit à aucun rappel de salaire.
Le premier juge relève à juste titre que l'article 16 de l'accord collectif national du 19 décembre 1985 ne prévoit aucune exclusion pour le versement de la prime familiale au chef de famille et « que c'est à tort que la Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon a limité le bénéfice de cet élément de salaire familial à un seul époux ou parent lorsque les deux faisaient parties du réseau, ou aux seuls salariés avec des enfants à charge de moins de 18 ans ou moins de 25 ans s'ils perçoivent un revenu inférieur à 55% du SMIC alors qu'elle devait être attribuée à tous les salariés vivant en couple, avec ou sans enfant, ainsi qu'à tous les salariés vivant avec un ou plusieurs enfants.
En effet l'emploi du terme chef de famille n'induit pas une restriction.
Seule la lecture des pièces versées aux débats fait apparaître que cette restriction est issue de l'accord d'entreprise du 21 juin 1994 intitulé contrat social de la Caisse d'épargne du Languedoc Roussillon (cf pièce n° 0-pages 15 et 16) et si la Caisse d'épargne se prévaut, au soutien de son argumentation, de décisions de la Cour de cassation, elle ne conclut pas (ou n'ose pas conclure) que cet accord d'entreprise pourrait utilement restreindre les droits ouverts au salarié par un accord collectif national.
Pour autant les deux arrêts cités par la Caisse d'épargne doivent être replacés dans la série de très nombreuses décisions de la Chambre sociale au sujet de la prime familiale.
Dès le 2 décembre 2008 (sur appel d'une décision de la Cour d'appel de Paris du 24 mai 2007) la chambre sociale de la Cour de cassation (n° 07-11432) indique que l'article 16 de l'accord collectif national du 19 décembre 1985 ne comporte aucune exclusion qui procéderait de la notion d'enfant à charge, exclusion qui ne saurait résulter de l'avis de la commission d'interprétation instituée par l'accord collectif «qui ne s'impose au juge que si l'accord lui donne la valeur d'un avenant».
Le 30 juin 2009 la chambre sociale de la Cour de cassation (n° 08-41.463) casse, au visa de l'article 16 de l'accord collectif du 19 décembre 1985, l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 30 janvier 2008 qui, pour débouter le salarié de sa demande de rappel de prime familiale pour trois enfants, avait retenu que cette prime est destinée aux chefs de famille ayant des enfants à charge (« en indiquant que la notion de chef de famille implique celle de charge») au motif «qu'il ne résulte pas du texte de l'accord du 19 décembre 1985 que le versement de la prime familiale est réservé aux seuls salariés ayant des, enfants à charge ».
Le 17 février 2010 la chambre sociale de la Cour de cassation (n° 08-41949) rejette le pourvoi à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'appel - de Montpellier du 20 février 2008 en précisant que cette dernière a fait une exacte application de l'article 16 de l'accord collectif du 19 décembre 1985 en retenant qu'il ne permet pas le versement de la prime familiale « au salarié du réseau des Caisses d'épargne au titre d'enfants de son concubin dont celui-ci n'a pas la garde et pour lesquels il verse une pension alimentaire» (et ce sans mobiliser la notion d'enfant à charge).
Le 25 mai 201l la chambre sociale de la Cour de cassation (n°s 09-6990 et suivants) confirme le principe déjà énoncé selon lequel il ne résulte pas du texte de l'accord du 19 décembre 1985 que le versement de la prime familiale est réservé aux seuls salariés ayant des enfants à charge.
Le 18 décembre 2013 la chambre sociale de la Cour de cassation (n° 12-28291) rejette le pourvoi à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 26 septembre 2012 en indiquant que la majoration de la prime familiale ne peut être accordée à un salarié du réseau des Caisses d'épargne au titre de l'enfant issu d'une première union de son épouse qui n'est plus à la charge de l'intéressé.
Ce principe constant sur les enfants à charge est réaffirmé à de nombreuses reprises, notamment par arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 4 novembre 2015 (n° 14-18917 : «ayant relevé qu'il n'y avait pas lieu d'introduire une restriction aux conditions d'attribution de la prime familiale dans la mesure où la convention rédigée en termes clairs et précis n'en prévoyait pas, la cour d'appel a exactement décidé que la prime familiale devait être attribuée au salarié justifiant être père de trois enfants »).
Même si l'arrêt du 2 avril 2014 (n° 13-10403- non publié) a pour effet de rejeter une demande de rappel de prime familiale aux motifs relevés que «les deux enfants du salarié issus de sa première union étaient âgés de 29 et 27 ans et que l'enfant de sa seconde épouse était âgée de 22 ans et percevait une pension alimentaire de son père», il n'y a toujours pas lieu, en ce qui concerne la demande présentée par le salarié pour ses deux enfants âgés de plus de 25 ans en 2005 de la rejeter en considérant qu'ils ne sont plus à sa charge.
Contrairement à ce que prétend la Caisse d'épargne par dénaturation des termes des arrêts des 15 avril et 15 mai 2015, la Cour de Cassation n'a jamais dit que le respect de la rémunération annuelle minimale conventionnelle empêchait une condamnation pour des primes de vacances, familiales et d'expérience impayées ou insuffisamment payées, ces décisions ayant pour seule portée d'indiquer que les avantages individuels acquis résultant des primes de vacances, familiales et d'expérience doivent être pris en compte dans l'assiette de comparaison pour contrôler le respect de la rémunération annuelle minimale conventionnelle.
Une rémunération annuelle minimale conventionnelle avec prise en compte des sommes versées pour des primes de vacances, familiales et d'expérience peut être respectée alors que l'employeur ne remplit pas le salarié de tous ses droits au titre des primes ...
Outre cette dénaturation, la Caisse d'épargne ajoute une confusion en concluant (cf page 9/11 des conclusions pour le seul dossier l'opposant à Mme X...) que «le salarié ne peut réclamer un salaire supérieur à la rémunération annuelle minimale conventionnelle et n'a droit à aucun rappel de salaire» (sic), confondant sans doute rémunération maximale et rémunération minimale.
En conséquence et sans pouvoir rajouter au texte de l'article 16 de l'accord collectif du 19 décembre 1985 une restriction qui n'y figure pas, la demande de rappel de salaire présentée par le salarié fondée sur le fait qu'il est parent de deux enfants, doit être accueillie pour le montant réclamé, explicité suivant décompte précis et non remis en cause en ses modalités de calcul par l'employeur »
ET AUX MOTIFS QUE « le préjudice causé par l'employeur à l'intérêt collectif de la profession sera intégralement réparé par l'allocation au syndicat Sud CELR d'une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts »
ALORS QUE l'article 16 de l'accord collectif du 19 décembre 1985 stipule qu'« une prime familiale est versée avec une périodicité mensuelle, à chaque salarié du réseau, chef de famille. Le montant de cette prime est calculé par attribution de points sur la base suivante : chef de famille sans enfant : 3 points, chef de famille avec un enfant : 7 points, chef de famille avec deux enfants : 11 points, chef de famille avec trois enfants : 24 points, chef de famille avec quatre et cinq enfants : 38 points, chef de famille avec six enfants : 52 points » ; que la majoration de la prime familiale n'a lieu de s'appliquer qu'aux salariés ayant des enfants à charge ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé le texte susvisé.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF aux arrêts attaqués d'AVOIR condamné la Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc-Roussillon à verser aux salariées la somme de 100 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi
AUX MOTIFS QUE « Le préjudice subi du fait que l'employeur ne paie pas l'intégralité de la prime familiale et n'effectue pas la ventilation ci-dessus définie sur les bulletins de paie pour la période d'août 2005 au 31 décembre 2009 sera intégralement réparé par l'allocation d'une somme de 100 € de dommages intérêts »
1/ ALORS QUE la cassation à intervenir du chef de dispositif ayant condamné l'exposante au paiement d'un rappel de prime familiale entrainera la cassation par voie de conséquence de ce chef de dispositif en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;
2/ ALORS QUE l'engagement de la responsabilité de l'employeur suppose que soient caractérisés une faute et un préjudice en résultant ; qu'en accordant à la salariée des dommages et intérêts en sus d'un rappel de prime et de la condamnation de l'employeur à rectifier les bulletins de salaires pour la période d'août 2005 à décembre 2009 au seul motif qu'elle avait subi un préjudice du fait du non-paiement de l'intégralité des primes et de l'absence de ventilation de ces différentes primes sur les bulletins de paie, sans caractériser la faute commise par l'employeur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
3/ ALORS QU'en retenant que la salariée avait subi un préjudice du fait que l'employeur n'avait pas payé l'intégralité des primes et n'avait pas effectué la ventilation ci-dessus définie sur les bulletins de paie pour la période d'août 2005 au 31 décembre 2009, sans préciser la nature de ce préjudice ni caractériser qu'il se distinguait du seul retard de paiement des primes, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1153 alinéa 4 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF aux arrêts attaqués d'AVOIR débouté la société Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon de sa demande de remboursement des salaires versés à la suite de ses décisions de payer, pour la prime de durée d'expérience, une prime majorée de la fraction de prime triennale en cours d'acquisition et de réévaluer ces primes en fonction du salaire de base et d'AVOIR ordonné sous astreinte la délivrance par la société Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon de tout bulletin de paie, même récapitulatif faisant apparaître pour la seule période du 1er août 2005 au 31 décembre 2009 la distinction entre les avantages individuels acquis issus de la prime de durée d'expérience, de la prime familiale et de la prime de vacances du salaire de base, et qui soit conforme aux prévisions du présent arrêt
AUX MOTIFS QUE « Dans l'hypothèse où la Cour décide de faire droit à la rectification des bulletins de paie pour la période postérieure à août 2005, la Caisse d'épargne sollicite la rectification du salaire de base, le remboursement des sommes correspondant à la fraction de la part triennale en cours d'acquisition et à l'incidence des augmentations de salaires sur les primes cristallisées.
La Caisse d'Epargne motive cette demande en indiquant que « la cristallisation telle que pratiquée par ses soins a été doublement favorable aux intimés » puisque :
- elle a «décidé d'intégrer au salaire de base non pas la prime de durée d'expérience acquise au jour de dénonciation mais d'une prime majorée de la fraction de prime triennale en cours d'acquisition» ;
- alors qu'en application de la jurisprudence en matière d'avantage individuel acquis les salariés ont droit au maintien du niveau de leur rémunération mais ne peuvent prétendre à la réévaluation, le fait d'intégrer ces primes au salaire de base leur a permis de bénéficier au contraire des augmentations générales des salaires de base décidés au sein du réseau.
Il convient de distinguer le problème de forme, la présentation des bulletins de paie, de celui de fond du niveau et de la structure de la rémunération.
Solliciter la délivrance de bulletins de paie en réclamant la ventilation des avantages individuels acquis du salaire de base en application du principe du respect de la structure de la rémunération n'implique nullement que la salariée remette en cause le niveau et la structure de la rémunération et ce d'autant que son action ne se fonde que sur le respect des conditions de fond du paiement des primes conventionnelles, conditions totalement indépendantes des décisions prises par l'employeur au moment de la «cristallisation».
D'ailleurs lorsque l'employeur, prenant acte de la nécessité de respecter la structure de la rémunération, fait réapparaître sur les bulletins de paie à partir de janvier 2010 les avantages individuels acquis, il ne décide pas de revenir sur les décisions qu'il a déjà prises sur la fraction de prime triennale de la prime de durée d'expérience en cours d'acquisition et sur l'incidence des augmentations de salaires sur les primes cristallisées.
Ces décisions ne sont pas le fruit d'une seule présentation mais résultent de la volonté de la Caisse d'épargne qui se garde bien de préciser comment, plus de quatorze ans après la dénonciation des accords des 19 décembre 1985 et 21 juin 1994 et des conséquences salariales qu'elle en a tiré à l'époque, elle pourrait revenir rétroactivement pour les années 2005 à 2010, dans la limite de la prescription, sur ses décisions en matière de rémunération et sur les salaires qu'elle a versés, rappel devant tout de même être fait que les dénonciations d'engagement unilatéraux répondent à des questions de forme et de fond, notamment sur leurs prises d'effet...
Ces éléments justifient le rejet des demandes présentées par la Caisse d'épargne »
ALORS QUE la structure de la rémunération résultant d'un accord collectif dénoncé constitue à l'expiration des délais prévus à l'article L. 2261-13 du code du travail un avantage individuel acquis qui est incorporé au contrat de travail des salariés employés par l'entreprise à la date de la dénonciation, l'employeur ne pouvant la modifier sans l'accord de chacun de ces salariés, quand bien même estimerait-il les nouvelles modalités de rémunération plus favorables aux intéressés ; qu'un engagement unilatéral de l'employeur contraire à ce principe ne peut avoir force obligatoire ; qu'en l'espèce, il était constant que la Caisse d'Epargne du Languedoc Roussillon avait décidé unilatéralement d'intégrer des avantages individuels acquis (prime familiale, prime de vacances et prime de durée d'expérience) dans la rémunération de base et en conséquence de prendre en compte les montants correspondants pour appliquer les augmentations de salaire, et que la prime de durée d'expérience avait été intégrée au salaire de base non pas pour son montant atteint lors de la dénonciation de l'accord mais majorée de la fraction de prime triennale en cours d'acquisition ; que cette intégration dans le salaire de base constitutive d'une modification unilatérale de la structure de la rémunération étant illicite, l'intégration des primes constitutives des avantages individuels acquis dans l'assiette de calcul des augmentations du salaire de base et la majoration de la prime de durée d'expérience qui n'en étaient que la conséquence ne pouvaient constituer un engagement unilatéral de l'employeur ayant force obligatoire ; qu'en jugeant que la Caisse d'Epargne du Languedoc Roussillon ne pouvait revenir sur les engagements unilatéraux qu'elle avait pris en matière de rémunération et sur les salaires qu'elle avait versés entre 2005 et 2010, dans la limite de la prescription, pour la débouter de sa demande de remboursement des sommes correspondant à l'augmentation dont avaient bénéficié ces primes du fait de leur intégration dans le salaire de base, la Cour d'appel a violé les articles L. 2261-13 du code du travail et 1134 du code civil.