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30/05/2018 | FRANCE | N°16-18453

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 mai 2018, 16-18453


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon (la caisse) ; que la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance a dénoncé, le 20 juillet 2001, divers accords collectifs nationaux et locaux applicables au sein des entreprises du réseau des caisses d'épargne, dont l'un, du 19 décembre 1985, prévoyait le versement, outre d'un salaire de base, notamment de primes de vacances, familiale et d'expérience ; qu'aucun accord de

substitution n'a été conclu à l'expiration des délais prévus à l'arti...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon (la caisse) ; que la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance a dénoncé, le 20 juillet 2001, divers accords collectifs nationaux et locaux applicables au sein des entreprises du réseau des caisses d'épargne, dont l'un, du 19 décembre 1985, prévoyait le versement, outre d'un salaire de base, notamment de primes de vacances, familiale et d'expérience ; qu'aucun accord de substitution n'a été conclu à l'expiration des délais prévus à l'article L. 2261-13 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ; qu'au mois d'octobre 2002, à l'issue de la période de survie des accords qui avaient été dénoncés, la caisse a informé ses salariés que ces primes, devenues des avantages individuels acquis, ne figureraient plus de manière distincte sur les bulletins de salaire comme auparavant mais seraient intégrées au salaire de base ; que, par deux arrêts (Soc, 1er juillet 2008, n°s 07-40.799 et 06-44.437, Bull V n° 147), la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que la structure de la rémunération résultant d'un accord collectif dénoncé constitue à l'expiration des délais prévus par le troisième alinéa de l'article L. 2261-13 du code du travail un avantage individuel acquis qui est incorporé au contrat de travail des salariés employés par l'entreprise à la date de la dénonciation ; qu'en conséquence de ces décisions, la caisse a, à compter de 2010, établi des bulletins de paie mentionnant sur des lignes distinctes le salaire de base et les avantages individuels acquis pour des montants cristallisés à la date de leur incorporation aux contrats de travail ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen annexé, qui n ‘est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, qui est recevable :

Vu les articles L. 2261-13 du code du travail et 1134 du code civil dans leur rédaction applicable au litige ;

Attendu que la structure de la rémunération résultant d'un accord collectif dénoncé constitue à l'expiration des délais prévus à l'article L. 2261-13 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, un avantage individuel acquis qui est incorporé au contrat de travail des salariés employés par l'entreprise à la date de la dénonciation, l'employeur ne pouvant la modifier sans l'accord de chacun de ces salariés, quand bien même estimerait-il les nouvelles modalités de rémunération plus favorables aux intéressés ; qu'un engagement unilatéral de l'employeur contraire à ce principe ne peut avoir force obligatoire ;

Attendu que pour débouter la caisse de sa demande en paiement, pour la période non prescrite, de sommes correspondant à l'augmentation des avantages individuels acquis correspondant aux primes familiale, de vacances et d'expérience du fait de leur intégration dans le salaire de base, et la condamner à délivrer, pour la période allant du 1er août 2005 au 31 décembre 2009, tout bulletin de paie faisant apparaître distinctement le salaire de base et chacune des primes maintenues au titre des avantages individuels acquis valorisées en fonction de l'évolution du salaire de base, l' arrêt retient que lorsque l'employeur, prenant acte de la nécessité de respecter la structure de la rémunération, fait réapparaître sur les bulletins de paie à partir de janvier 2010 les avantages individuels acquis, il ne décide pas de revenir sur les décisions qu'il a déjà prises sur la fraction de prime triennale de la prime de durée d'expérience en cours d'acquisition et sur l'incidence des augmentations de salaires sur les primes cristallisées, que ces décisions ne sont pas le fruit d'une seule présentation mais résultent de la volonté de la caisse qui se garde bien de préciser comment elle pourrait revenir rétroactivement pour les années 2005 à 2010, dans la limite de la prescription, sur ses décisions en matière de rémunération et sur les salaires qu'elle a versés, rappel devant tout de même être fait que les dénonciations d'engagement unilatéraux répondent à des questions de forme et de fond, notamment sur leurs prises d'effet ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'intégration des primes constitutives des avantages individuels acquis dans l'assiette de calcul des augmentations du salaire de base n'était que la conséquence de la décision illicite prise par la caisse en octobre 2002 de modifier unilatéralement la structure de la rémunération en intégrant lesdits avantages individuels acquis au salaire de base, ce dont elle aurait dû déduire qu'elle ne pouvait constituer un engagement unilatéral de l'employeur ayant force obligatoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon de sa demande en paiement de sommes correspondant à l'augmentation des avantages individuels acquis correspondant aux primes familiale, de vacances et d'expérience du fait de leur intégration dans le salaire de base, et la condamne à délivrer, pour la période allant du 1er août 2005 au 31 décembre 2009, à Mme X... tout bulletin de paie faisant apparaître distinctement le salaire de base et chacune des primes maintenues au titre des avantages individuels acquis valorisées en fonction de l'évolution du salaire de base, l'arrêt rendu le 6 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon de sa demande de remboursement des salaires versés à la suite de ses décisions de payer, pour la prime de durée d'expérience, une prime majorée de la fraction de prime triennale en cours d'acquisition et de réévaluer ces primes en fonction du salaire de base et d'AVOIR ordonné sans astreinte la délivrance par la société Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon de tout bulletin de paie, même récapitulatif faisant apparaître pour la seule période du 1er août 2005 au 31 décembre 2009 la distinction entre les avantages individuels acquis issus de la prime de durée d'expérience, de la prime familiale et de la prime de vacances du salaire de base, et qui soit conforme aux prévisions du présent arrêt

AUX MOTIFS QUE « Dans l'hypothèse où la Cour décide de faire droit à la rectification des bulletins de paie pour la période postérieure à aout 2005, la Caisse d'épargne sollicite la rectification du salaire de base, le remboursement de 839,90 € brut au titre de la fraction de la part triennale en cours d'acquisition et de 1 038,72 € au titre de l'incidence des augmentations de salaires sur les primes cristallisées.
La Caisse d'épargne motive cette demande en indiquant que «la cristallisation telle que pratiquée par ses soins a été doublement favorable aux intimés » puisque :
- elle a «décidé d'intégrer au salaire de base non pas la prime de durée d'expérience acquise au jour de dénonciation mais d'une prime majorée de la fraction de prime triennale en cours d'acquisition» (avantage qui représente une somme de 839,90 € pour Mme X...) ;
- alors qu'en application de la jurisprudence en matière d'avantage individuel acquis les salariés ont droit au maintien du niveau de leur rémunération mais ne peuvent prétendre à la réévaluation, le fait d'intégrer ces primes au salaire de base leur a permis de bénéficier au contraire des augmentations générales des salaires de base décidés au sein du réseau (avantage qui représente une somme de 1038,72 € pour Mme X...).
Il convient de distinguer le problème de forme, la présentation des bulletins de paie, de celui de fond du niveau et de la structure de la rémunération.
Solliciter la délivrance de bulletins de paie en réclamant la ventilation des avantages individuels acquis du salaire de base en application du principe du respect de la structure de la rémunération n'implique nullement que Mme X... remette en cause le niveau et la structure de la rémunération et ce d'autant que son action ne se fonde que sur le respect des conditions de fond du paiement des primes conventionnelles, conditions totalement indépendantes des décisions prises par l'employeur au moment de la «cristallisation».
D'ailleurs lorsque l'employeur, prenant acte de la nécessité de respecter la structure de la rémunération, fait réapparaître sur les bulletins de paie à partir de janvier 2010 les avantages individuels acquis, il ne décide pas de revenir sur les décisions qu'il a déjà prises sur la fraction de prime triennale de la prime de durée d'expérience en cours d'acquisition et sur l'incidence des augmentations de salaires sur les primes cristallisées.
Ces décisions ne sont pas le fruit d'une seule présentation mais résultent de la volonté de la Caisse d'épargne qui se garde bien de préciser comment, plus de quatorze ans après la dénonciation des accords des 19 décembre 1985 et 21 juin 1994 et des conséquences salariales qu'elle en a tiré à l'époque, elle pourrait revenir rétroactivement pour les années 2005 à 2010, dans la limite de la prescription, sur ses décisions en matière de rémunération et sur les salaires qu'elle a versés, rappel devant tout de même être fait que les dénonciations d'engagement unilatéraux répondent à des questions de forme et de fond, notamment sur leurs prises d'effet...Ces éléments justifient le rejet des demandes présentées par la Caisse d'épargne »

ALORS QUE la structure de la rémunération résultant d'un accord collectif dénoncé constitue à l'expiration des délais prévus à l'article L. 2261-13 du code du travail un avantage individuel acquis qui est incorporé au contrat de travail des salariés employés par l'entreprise à la date de la dénonciation, l'employeur ne pouvant la modifier sans l'accord de chacun de ces salariés, quand bien même estimerait-il les nouvelles modalités de rémunération plus favorables aux intéressés ; qu'un engagement unilatéral de l'employeur contraire à ce principe ne peut avoir force obligatoire ; qu'en l'espèce, il était constant que la Caisse d'Epargne du Languedoc Roussillon avait décidé unilatéralement d'intégrer des avantages individuels acquis (prime familiale, prime de vacances et prime de durée d'expérience) dans la rémunération de base et en conséquence de prendre en compte les montants correspondants pour appliquer les augmentations de salaire, et que la prime de durée d'expérience avait été intégrée au salaire de base non pas pour son montant atteint lors de la dénonciation de l'accord mais majorée de la fraction de prime triennale en cours d'acquisition ; que cette intégration dans le salaire de base constitutive d'une modification unilatérale de la structure de la rémunération étant illicite, l'intégration des primes constitutives des avantages individuels acquis dans l'assiette de calcul des augmentations du salaire de base et la majoration de la prime de durée d'expérience qui n'en étaient que la conséquence ne pouvaient constituer un engagement unilatéral de l'employeur ayant force obligatoire; qu'en jugeant que la Caisse d'Epargne du Languedoc Roussillon ne pouvait revenir sur les engagements unilatéraux qu'elle avait pris en matière de rémunération et sur les salaires qu'elle avait versés entre 2005 et 2010, dans la limite de la prescription, pour la débouter de sa demande de remboursement des sommes correspondant à l'augmentation dont avaient bénéficié ces primes du fait de leur intégration dans le salaire de base, la Cour d'appel a violé les articles L. 2261-13 du code du travail et 1134 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Caisse d'Epargne du Languedoc Roussillon à verser à la salariée la somme de 150 € de dommages intérêts en réparation du préjudice subi

AUX MOTIFS QUE « Le préjudice subi du fait que l'employeur ne paie pas l'intégralité des primes familiale et de vacances et n'effectue pas la ventilation ci-dessus définie sur les bulletins de paie pour la période d'août 2005 au 31 décembre 2009 sera intégralement réparé par l'allocation d'une somme de 150 € de dommages intérêts »

1/ ALORS QUE l'engagement de la responsabilité de l'employeur suppose que soient caractérisés une faute et un préjudice en résultant ; qu'en accordant à la salariée des dommages et intérêts en sus d'un rappel de prime et de la condamnation de l'employeur à rectifier les bulletins de salaires pour la période d'août 2005 à décembre 2009 au seul motif qu'elle avait subi un préjudice du fait du non-paiement de l'intégralité des primes et de l'absence de ventilation de ces différentes primes sur les bulletins de paie, sans caractériser la faute commise par l'employeur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

2/ ALORS QU'en retenant que la salariée avait subi un préjudice du fait que l'employeur n'avait pas payé l'intégralité des primes familiale et de vacances et n'avait pas effectué la ventilation ci-dessus définie sur les bulletins de paie pour la période d'août 2005 au 31 décembre 2009, sans préciser la nature de ce préjudice ni caractériser qu'il se distinguait du seul retard de paiement des primes, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1153 alinéa 4 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-18453
Date de la décision : 30/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 06 avril 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 mai. 2018, pourvoi n°16-18453


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.18453
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