La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/05/2018 | FRANCE | N°17-10005

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 mai 2018, 17-10005


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 26 octobre 2016), que la Société d'exploitation du domaine viticole de la ville de Colmar a été mise en redressement judiciaire le 26 juillet 2011, procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement du 15 novembre 2011 ; que la société Vins d'Alsace G. Y... (la société Y...), créancière désignée contrôleur par le juge-commissaire le 30 septembre 2014, a, par une lettre recommandée du 3 octobre 2014, mis en demeure le liquida

teur d'engager une action en responsabilité pour insuffisance d'actif contre ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 26 octobre 2016), que la Société d'exploitation du domaine viticole de la ville de Colmar a été mise en redressement judiciaire le 26 juillet 2011, procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement du 15 novembre 2011 ; que la société Vins d'Alsace G. Y... (la société Y...), créancière désignée contrôleur par le juge-commissaire le 30 septembre 2014, a, par une lettre recommandée du 3 octobre 2014, mis en demeure le liquidateur d'engager une action en responsabilité pour insuffisance d'actif contre la commune de Colmar, prise en la personne de son maire en exercice (la commune), en tant que dirigeant ; que, devant son refus, la société Y... a assigné la commune en responsabilité pour insuffisance d'actif le 14 novembre 2014 ; que la Caisse régionale de crédit agricole Alsace Vosges (la Caisse), désignée contrôleur par le juge-commissaire le 26 octobre 2011, qui a pareillement mis en demeure le liquidateur le 29 décembre 2014, est ensuite intervenue volontairement à l'instance ;

Attendu que la société Y... et la Caisse font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif formée par la première contre la commune et l'intervention de la seconde au soutien de cette action alors, selon le moyen, que l'acte interruptif d'une prescription en cours est constitutif d'un acte simplement conservatoire ; qu'il s'ensuit, dans le cas où, comme dans l'espèce, l'action en comblement de l'insuffisance d'actif doit être exercée conjointement par les deux contrôleurs de la procédure collective, que chacun de ces contrôleurs a la faculté d'interrompre seul le délai de la prescription prévue par l'article L. 651-2, alinéa 3, du code de commerce, pourvu que l'autre contrôleur intervienne à ses côtés avant que l'action soit jugée ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 126, alinéa 1, du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte de la combinaison des articles L. 651-3, alinéa 2, et R. 651-4 du code de commerce que, pour être recevable, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, lorsqu'elle est exercée, à titre subsidiaire, par des créanciers nommés contrôleurs, doit être précédée d'une mise en demeure au liquidateur délivrée conjointement par au moins deux d'entre eux puis être engagée par la majorité des contrôleurs ; que s'il n'est pas exigé que cette saisine postérieure émane conjointement d'une telle majorité, la demande pouvant, contrairement à la mise en demeure préalable, être régularisée par l'intervention d'un ou plusieurs autres contrôleurs pour constituer la majorité, qui a seule qualité pour agir, c'est à la condition que cette intervention ait lieu avant l'expiration du délai triennal de prescription de l'action, conformément à l'article 126, alinéa 2, du code de procédure civile ; que, dès lors qu'il résulte des constatations de l'arrêt qu'aucune mise en demeure conjointe n'a été adressée au liquidateur avant l'acquisition de la prescription, ce qui suffisait à faire obstacle à toute interruption de celle-ci, le moyen est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Caisse Alsace Vosges agricole asalce vosges et la société Vins d'Alsace G. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la commune de Colmar, prise en la personne de son maire en exercice, la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour le Crédit agricole Alsace Vosges - caisse de crédit agricole mutuel et la société Vins d'Alsace G. Y...

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevables l'action en comblement d'insuffisance d'actif que la société Vins d'Alsace G. Y... formait contre la ville de Colmar et l'intervention du Crédit agricole d'Alsace au soutien de cette action ;

AUX MOTIFS QU'« aux termes des articles L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce, le tribunal saisi d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif par la majorité des créanciers nommés contrôleurs, lorsque le liquidateur n'a pas engagé l'action après une mise en demeure restée sans suite, dans un délai fixé à deux mois par l'article R. 651-4 du même code, à condition que l'action soit engagée dans un délai de trois ans à compter du jugement de liquidation judiciaire » (cf. arrêt attaqué, p. 3, sur ce, la cour, 7e alinéa) ; que « l'exigence d'une action commune de deux contrôleurs constitue la garantie du respect des intérêts collectifs des créanciers » (cf. arrêt attaqué, p. 3, sur ce, la cour, 8e alinéa) ; qu'« en l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que le jugement de liquidation judiciaire a été prononcé le 15 novembre 2011, et que Y... a engagé l'action en res-ponsabilité le 14 novembre 2014, après avoir régulièrement mis Me Z... en demeure d'agir, soit avant l'expiration du délai de prescription de trois ans » (cf. arrêt attaqué, p. 3, sur ce, la cour, 9e ali-néa) ; qu'« avant l'expiration du délai de prescription, seule Y... a ainsi saisi le tribunal d'une demande à l'encontre de la ville de Colmar » (cf. arrêt attaqué, p. 4, 1er alinéa) ; que « Y... invoque l'article 117 du code de procédure civile et l'article 2241 du code civil pour soutenir que sa de-mande a interrompu valablement la prescription en cours et que cette interruption profite au Crédit agricole en raison de l'indivisibilité de l'action des contrôleurs » (cf. arrêt attaqué, p. 4, 2e alinéa) ; que, « si une demande en justice affectée d'un vice de procédure interrompt la prescription aux ter-mes de l'article 2241 du code civil, ces dispositions ne s'appliquent pas en l'espèce, dans la mesure où la demande de Y... n'est entachée ni d'une irrégularité de fond au sens de l'article 117 du code de procédure civile, qui affecterait sa validité, ni d'un vice de forme au sens de l'article 112 du même code » (cf. arrêt attaqué, p. 4, 3e alinéa) ; que « la demande, régulière en la forme, pouvait être complétée par celle d'un second contrôleur dans le délai de prescription » (cf. arrêt attaqué, p. 4, 4e alinéa) ; que, cependant, « la demande de Y... se heurte à un défaut du droit d'agir de la demanderesse, au sens de l'article 122 du code de procédure civile, dans la mesure où la demanderesse ne pouvait poursuivre la ville de Colmar que conjointement avec le second contrôleur » (cf. arrêt attaqué, p. 4, 4e alinéa) ; que, « faute d'avoir été régularisée par l'intervention du Crédit agricole avant l'expiration du délai de prescription conformément à l'article 126 du même code, la demande de Y... est irrecevable » (cf. arrêt attaqué, p. 4, 6e alinéa) ; que « le caractère indivisible de la demande de Y... et de l'intervention volontaire du Crédit agricole ne peut avoir pour effet de faire de la demande irrégulière de Y... un acte valant interruption de la prescription encourue » (cf. arrêt attaqué, p. 4, 7e alinéa) ; qu'« il en résulte que l'intervention du Crédit agricole, régularisée postérieurement, n'est pas non plus recevable » (cf. arrêt attaqué, p. 4, 8e alinéa) ;

ALORS QUE l'acte interruptif d'une prescription en cours est constitutif d'un acte simplement conservatoire ; qu'il s'ensuit, dans le cas où, comme dans l'espèce, l'action en comblement de l'insuffisance d'actif doit être exercée conjointement par les deux contrôleurs de la procédure collective, que chacun de ces contrôleurs a la faculté d'interrompre seul le délai de la prescription prévue par l'article L. 651-2, alinéa 3, du code de commerce, pourvu que l'autre contrôleur intervienne à ses côtés avant que l'action soit jugée ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 126, alinéa 1er, du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-10005
Date de la décision : 24/05/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Responsabilités et sanctions - Responsabilité pour insuffisance d'actif - Procédure - Action exercée par les contrôleurs - Recevabilité - Conditions - Action conjointe de la majorité des contrôleurs - Régularisation possible par l'intervention d'un ou plusieurs créanciers pour constituer la majorité

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Responsabilités et sanctions - Responsabilité pour insuffisance d'actif - Procédure - Action exercée par les contrôleurs - Recevabilité - Conditions - Intervention d'un ou plusieurs contrôleurs pour constituer la majorité requise avant l'expiration du délai triennal de prescription de l'action - Régularisation - Défaut d'action conjointe ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Responsabilités et sanctions - Responsabilité pour insuffisance d'actif - Prescription de l'action - Action exercée par les contrôleurs - Mise en demeure conjointe adressée au liquidateur avant l'expiration du délai de prescription - Défaut - Portée

Il résulte de la combinaison des articles L. 651-3, alinéa 2, et R. 651-4 du code de commerce que, pour être recevable, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, lorsqu'elle est exercée, à titre subsidiaire, par des créanciers nommés contrôleurs, doit être précédée d'une mise en demeure au liquidateur délivrée conjointement par au moins deux d'entre eux puis être engagée par la majorité des contrôleurs. Il n'est pas exigé que cette saisine émane conjointement d'une telle majorité, la demande pouvant, contrairement à la mise en demeure préalable, être régularisée par l'intervention d'un ou plusieurs autres contrôleurs pour constituer la majorité, qui a seule qualité pour agir, mais encore faut-il que cette intervention ait lieu avant l'expiration du délai triennal de prescription de l'action, conformément à l'article 126, alinéa 2, du code de procédure civile. En l'absence de mise en demeure conjointe adressée au liquidateur avant l'expiration du délai de prescription, celle-ci est acquise


Références :

articles L. 651-3, alinéa 2, et R. 651-4 du code de commerce

article 126, alinéa 2, du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 26 octobre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 mai. 2018, pourvoi n°17-10005, Bull. civ.Bull. 2018, IV, n° 64
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, IV, n° 64

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Capron, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 01/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.10005
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award