LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 16-87.622 F-P+B
N° 1185
ND
24 MAI 2018
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
REJET du pourvoi formé par M. Pascal G... A..., contre l'arrêt de la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis, en date du 3 décembre 2016, qui pour génocide et complicité de crimes contre l'humanité, l'a condamné à vingt-cinq ans de réclusion criminelle ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 avril 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Carbonaro, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Carbonaro, les observations de la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON et MÉGRET, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ et de la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR et PÉRIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Wallon ;
Sur sa recevabilité ;
Attendu qu'il se déduit de l'article 576, alinéa 2, du code de procédure pénale que tout avocat inscrit à l'un des barreaux d'une cour d'appel a qualité pour former un pourvoi en cassation dans l'ensemble du ressort de cette cour ;
Qu'en l'espèce, maître Z..., avocat à Paris, quoique n'ayant pas assisté M. A... devant la cour d'assises de Seine-Saint-Denis, avait qualité pour former un pourvoi en cassation contre l'arrêt de condamnation prononcé par cette juridiction ;
Que, dès lors, le pourvoi est recevable ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 310, 591 et 593 du code de procédure pénale et du principe de l'oralité des débats :
"en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats que la cour a rendu l'arrêt incident suivant : "Sur la demande de transport sur les lieux et la demande de renvoi aux fins de supplément d'information :
qu'au-delà des plans, photographies, prises de vues, cartes et vidéos figurant au dossier, lesquels pourront être débattus contradictoirement, le président peut, au cours des débats, d'office, ou à la demande des parties, ordonner le versement de tout autre document utile à la manifestation de la vérité ; que plus de vingt ans après les faits, la configuration des lieux a nécessairement évolué, rendant inopérant un transport sur les lieux qui, de surplus, est juridiquement impossible, le transport sur les lieux assimilé au prolongement de l'audience n'étant pas possible pour une juridiction de jugement en territoire étranger ; que diverses recherches sollicitées dans le cadre du supplément d'information ont déjà été réalisées, lesquelles se sont avérées jusqu'à présent vaines, que faute d'éléments nouveaux permettant d'espérer d'autres développements et alors que les mesures sollicitées demeurent strictement identiques à celle précédemment formulées, un supplément d'information n'apparaît d'aucune utilité à la manifestation de la vérité ; qu'il convient en conséquence de rejeter tant la demande de transport au Rwanda que la demande de renvoi aux fins de supplément d'information" ;
"1°) alors que la cour ne peut, sans violer le principe de l'oralité des débats, rejeter des conclusions tendant à ce que soit ordonné un supplément d'information, en se fondant uniquement sur les pièces de la procédure écrite ; qu'il résulte du procès-verbal des débats que la cour a rejeté la demande de renvoi aux fins de supplément d'information aux motifs que "diverses recherches sollicitées dans le cadre du supplément d'information ont déjà été réalisées, lesquelles se sont avérées jusqu'à présent vaines, que faute d'éléments nouveaux permettant d'espérer d'autres développements et alors que les mesures sollicitées demeurent strictement identiques à celle précédemment formulées, un supplément d'information n'apparaît d'aucune utilité à la manifestation de la vérité" ; qu'en prononçant ainsi, la cour, qui se référait nécessairement au contenu des pièces de la procédure écrite, a violé les textes susvisés ;
"2°) alors que le débat devant la cour d'assises est oral ; qu'il résulte du procès-verbal des débats que la cour a rejeté la demande transport sur les lieux au motifs qu' "au-delà des plans, photographies, prises de vues, cartes et vidéos figurant au dossier, lesquels pourront être débattus contradictoirement, le président peut, au cours des débats, d'office, ou à la demande des parties, ordonner le versement de tout autre document utile à la manifestation de la vérité" ; qu'en prononçant ainsi, la cour, qui se référait nécessairement au contenu des pièces de la procédure écrite, a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que les avocats de M. A... ont demandé un transport sur les lieux ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, la cour, par arrêt incident en date du 26 octobre 2016, énonce notamment que plus de vingt ans après les faits, la configuration des lieux a nécessairement évolué, rendant inopérant un transport sur les lieux qui, de surplus, est juridiquement impossible, le transport sur les lieux assimilé au prolongement de l'audience n'étant pas possible pour une juridiction de jugement en territoire étranger ;
Qu'en cet état, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 316, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats que le Président lorsqu'il n'a pas statué immédiatement sur les incidents contentieux mais a indiqué qu'il y répondrait ultérieurement et que les arrêts incidents ont été rendus sans que le ministère public et les parties ou leurs avocats aient été, de nouveau, entendus ;
"alors que si la cour ne se prononce pas immédiatement sur le bien-fondé d'un incident contentieux, le ministère public et les parties ou leurs avocats doivent, de nouveau, être entendus à peine de nullité ; qu'il résulte du procès-verbal des débats que saisi de conclusions d'incidents, le président, après avoir entendu le ministère public, les parties et leurs avocat, a décidé qu'il serait statué ultérieurement sur ces conclusions mais que les arrêts incidents ont été rendus sans que le ministère public et les parties ou leurs avocats aient été, de nouveau, entendus ; qu'en statuant ainsi, la cour d'assises a violé les textes susvisés ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que suite à des incidents contentieux le président a indiqué, après avoir recueilli les observations des parties, l'accusé ayant eu la parole en dernier, qu'il serait répondu aux conclusions déposées par maître B... et maître C... ultérieurement ;
Attendu que, par arrêts incidents, la cour a statué sur les demandes dont elle était saisie, sans entendre à nouveau le ministère public, les parties ou leurs avocats ;
Qu'en cet état, la cour a fait une juste application des dispositions de l'article 316 du code de procédure pénale, dès lors que n'ayant pas préalablement rendu des arrêts de sursis à statuer, elle n'avait pas à entendre à nouveau le ministère public, les parties ou leurs avocats avant de rendre ses arrêts ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 310, 591 et 593 du code de procédure pénale et du principe de l'oralité des débats :
"en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats que la cour a rejeté la demande de supplément d'information et de renvoi de l'audience à une date ultérieure et a dit qu'il sera passé outre au témoignage de M. George D... devant la cour d'assises aux motifs que "le témoin George D... ayant déjà été entendu dans le cadre d'une commission rogatoire internationale figurant au dossier, sa déposition pourra faire l'objet avant la clôture des débats de toute lecture utile susceptible d'être soumise à discussion ; que des lors, et sans qu'il soit nécessaire de diligenter un supplément d'information ni de renvoyer le procès à une audience ultérieure, il convient de passer outre à la comparution de Georges D... devant la présente cour d'assises" ;
"alors que le débat devant la cour d'assises est oral ; qu'il résulte du procès-verbal des débats que la cour a rejeté la demande aux fins de renvoi en raison de l'absence du témoin M. George D... au motifs que "le témoin George D... ayant déjà été entendu dans le cadre d'une commission rogatoire internationale figurant au dossier, sa déposition pourra faire l'objet avant la clôture des débats de toute lecture utile susceptible d'être soumise à discussion" ; qu'en prononçant ainsi, la cour, qui s'est référée au contenu des pièces de la procédure écrite, a violé les textes susvisés ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que les avocats de M. A... ont demandé un supplément d'information et le renvoi de l'audience à une date ultérieure en raison de l'absence du témoin Georges D... ;
Attendu que, pour rejeter cette demande et dire qu'il sera passé outre au témoignage de M. Georges D..., la cour, par arrêt incident en date du 28 novembre 2016 partiellement repris au moyen, énonce que ce dernier, de nationalité belge et demeurant [...], a été régulièrement cité à personne et a manifesté son opposition tant à se déplacer devant la cour d'assises qu'à témoigner par visioconférence, que son refus a été réitéré tant devant les services de police belges, que par courrier adressé par son avocat, l'ensemble des documents attestant de son refus ayant été communiqué aux parties et versé aux débats ; que les dispositions de l'article 326 du code de procédure pénale permettant la comparution forcée d'un témoin ne peuvent recevoir application si ce dernier demeure à l'étranger, que le témoignage oral de M. D..., en sa qualité de journaliste de la RTLM, n'apparaît pas essentiel à la manifestation de la vérité, d'autant que Mme Valérie E..., autre journaliste de la RTLM, a pu être entendue oralement et que toutes questions ont pu lui être posées par l'ensemble des parties sur son rôle et celui des autres journalistes de la radio au moment des faits, que par ailleurs le témoin D... ayant déjà été entendu dans le cadre d'une commission rogatoire internationale figurant au dossier, sa déposition pourra faire l'objet avant la clôture des débats de toute lecture utile susceptible d'être soumise à discussion ;
Qu'en cet état, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 310, 315, 316, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats que la cour a rejeté la demande de donner acte relatif à la manifestation d'opinion de la part du président de la cour d'assises aux motifs que : "si le président a bien fait état lors de l'interrogatoire de l'accusé de ce passage du livre en lui faisant remarquer que cet écrit exprimait son opposition au multipartisme, il n'a, à cet égard, nullement manifesté une opinion préconçue sur les faits incriminés du point de vue de la culpabilité de l'accusé au regard des crimes qui lui sont reprochés" ;
"1°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'il résulte du procès-verbal des débats que par conclusions régulièrement déposées le 17 novembre 2016, les conseils de l'accusé ont sollicité de la Cour qu'il leur soit donné acte qu'interrogeant l'accusé, le Président de la cour d'assises avait manifesté son opinion au mépris des dispositions de l'article 328 du code de procédure pénale en faisant remarquer à l'accusé qu'il était opposé au multipartisme, citant à cet effet le passage d'un livre rédigé par l'accusé "La guerre d'octobre" et versé aux débats : "si le pouvoir en place ne parvient pas à convaincre la population que les crétins pour ne pas dire les déchets politiques sous le couvert du multipartisme ne devaient pas parvenir à déclencher et faire basculer le pays dans la contre révolution, l'histoire ne le pardonnerait jamais" et que "si le président a bien fait état lors de l'interrogatoire de l'accusé de ce passage du livre en lui faisant remarquer que cet écrit exprimait son opposition au multipartisme, il n'a, à cet égard, nullement manifesté une opinion préconçue sur les faits incriminés du point de vue de la culpabilité de l'accusé au regard des crimes qui lui sont reprochés" ; qu'en rejetant la demande de la défense tendant à ce qu'il lui soit donné acte des propos tenus par le président tout en reconnaissant, dans ses motifs, la réalité des propos tenus, la cour d'assises a violé les textes susvisé ;
"2°) alors que le débat devant la cour d'assises est oral ; qu'il résulte du procès-verbal des débats que le président a bien fait état lors de l'interrogatoire de l'accusé du passage du livre versé aux débats "La guerre d'octobre" alors qu'il ne résulte d'aucune constatation du procès-verbal des débats que le livre "La guerre d'octobre" ou un passage de ce livre ait été versé aux débats, la cour d'assises a violé les textes susvisés ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que les avocats de M. A... ont déposé des conclusions demandant qu'il leur soit donné acte qu'interrogeant l'accusé, le président de la cour d'assises avait manifesté son opinion au mépris des dispositions de l'article 328 du code de procédure pénale en faisant remarquer à l'accusé qu'il était opposé au multipartisme, citant à cet effet le passage d'un livre rédigé par l'accusé "La guerre d'octobre" et versé aux débats : "si le pouvoir en place ne parvient pas à convaincre la population que les crétins pour ne pas dire les déchets politiques sous le couvert du multipartisme ne devaient pas parvenir à déclencher et faire basculer le pays dans la contre révolution, l'histoire ne le pardonnerait jamais" ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, la cour, par arrêt incident en date du 28 novembre 2016, énonce que si le président a bien fait état lors de l'interrogatoire de l'accusé de ce passage du livre en lui faisant remarquer que cet écrit exprimait son opposition au multipartisme, il n'a, à cet égard, nullement manifesté une opinion préconçue sur les faits incriminés du point de vue de la culpabilité de l'accusé au regard des crimes qui lui sont reprochés ;
Attendu que les propos critiqués ne sauraient constituer une manifestation d'opinion du président, dès lors qu'ils évoquent effectivement la position de l'accusé sur le multipartisme, sans se prononcer sur sa culpabilité ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche dès lors que le livre intitulé "La guerre d'octobre" a été versé aux débats lors du procès en première instance, n'est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 315, 316, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats que la cour a rejeté la demande de donné acte relatif à la publication, par une partie civile, sur son site internet d'extraits de compte rendus de l'audience comportant des inexactitudes aux motifs que "la cour n'est tenue de donner acte des réserves qui lui sont présentées que si celles-ci concernent des faits survenus à l'audience, constatés à cette occasion, et susceptibles de porter atteinte aux droits de la défense" et que "l'existence d'un site internet relatant les débats d'audience du présent procès est extérieur à ce dernier" ;
"alors que l'article 6, § 1, de la Convention implique pour toute juridiction nationale l'obligation de vérifier si, par sa composition, elle constitue un tribunal impartial, au sens de cette disposition, lorsque surgit sur ce point une contestation qui n'apparaît pas d'emblée dépourvue de sérieux ; que l'accusé faisait valoir, dans ses conclusions d'incident, que le collectif des parties civiles pour le Rwanda, partie civile, avait publié sur son site les extraits des comptes rendus d'audience comportant des inexactitudes ce qui violait la présomption d'innocence et était de nature à influencer de façon déloyale les jurés ; qu'en refusant de lui en donner acte ou d'ordonner une enquête au motif que "la cour n'est tenue de donner acte des réserves qui lui sont présentées que si celles-ci concernent des faits survenus à l'audience, constatés à cette occasion et susceptible de porter atteinte aux droits de la défense" et que "l'existence d'un site internet relatant les débats d'audience du présent procès est extérieur à ce dernier" alors qu'il appartenait à la cour d'employer l'ensemble des moyens à sa disposition afin de lever les doutes quant à la réalité et à la nature des faits allégués, la cour a violé les textes susvisés ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que les avocats de l'accusé ont déposé des conclusions demandant qu'il leur soit donné acte de la publication par une partie civile, sur son site internet, d'extraits de compte rendus de l'audience comportant notamment des inexactitudes ;
Attendu que pour rejeter cette demande, la cour, par arrêt incident en date du 30 novembre 2016, énonce qu'elle n'est tenue de donner acte des réserves qui lui sont présentées que si celles ci concernent des faits survenus à l'audience, constatés à cette occasion, et susceptibles de porter atteinte aux droits de la défense et que l'existence d'un site internet relatant les débats d'audience du présent procès est extérieur à ce dernier ;
Attendu qu'à bon droit la cour a refusé de donner acte de faits qui ne se sont pas produits à l'audience, dès lors que les faits allégués ne mettaient pas en cause l'impartialité de la juridiction de jugement ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 231, 351, 394, 361, 365, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce qu'il résulte de la feuille de questions que la cour et le jury ont répondu "oui" aux questions n° 1 et 4, "non" aux questions n° 2, 3, 5 et 6 et "oui" aux questions subsidiaires n° 1 et 2 ;
"1°) alors qu'une déclaration de la cour et du jury entachée de contradiction ne saurait servir de base à l'application d'une peine ; qu'en répondant négativement aux questions relatives à la culpabilité de M. A... des chefs de complicité par aide ou assistante en vue de faciliter la consommation du crime de génocide et de complicité par fourniture d'instruction en vue de commettre le crime de génocide tout en le déclarant coupable d'avoir "fait commettre" un tel crime alors que si M. A... n'a donné aucune instruction et n'a pas aidé ou assisté à la commission d'un tel crime, il ne pouvait l'avoir fait commettre, en sorte que les réponses faites aux questions n° 2, 3, 5 et 6, d'une part, et aux questions subsidiaires n° 1 et 2, d'autre part, sont contradictoires et inconciliables ;
"2°) alors que la cour d'assises ne peut connaître d'aucune autre accusation que celle qui est contenue dans le dispositif de l'arrêt de renvoi ; que, la cour et le jury ne peuvent, sans excès de pouvoir, être interrogés par une question substituant ou ajoutant un fait principal nouveau aux faits retenus par l'arrêt de mise en accusation ; qu'il résulte de l'ordonnance de mise en accusation que M. A... a été mis en accusation pour "s'être, sur le territoire du Rwanda, notamment à Kigali et dans la préfecture de Gisenyi, entre avril et juillet 1994, rendu complice d'atteintes volontaires à la vie et d'atteintes graves à l'intégrité physique ou psychique des personnes, en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d'un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, en l'espèce le groupe ethnique tutsi, en aidant et assistant sciemment les auteurs desdits actes afin d'en faciliter la préparation ou la consommation, et en donnant des instructions pour les commettre" ; qu'en répondant négativement aux questions relatives à la culpabilité de M. A... des chefs de complicité par aide ou assistante en vue de faciliter la consommation du crime de génocide et de complicité par fourniture d'instruction en vue de commettre le crime de génocide tout en le déclarant coupable d'avoir "fait commettre" un tel crime, la cour et le jury sont nécessairement entrés en voie de condamnation pour des faits nouveaux non retenus par l'arrêt de mise en accusation ; qu'en statuant ainsi, la cour et le jury ont excédé leurs pouvoirs en violation des textes susvisés ;
Sur le septième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 211-1 du code pénal, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce qu'il ne résulte pas de la feuille de question que la cour et le jury aient été interrogés sur l'élément intentionnel du crime de génocide dont M. A... a été déclaré coupable ;
"alors que le dol spécial du crime de génocide n'est caractérisé que si est établie l'intention de son auteur de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ; que la condamnation prononcée sans que la cour et le jury n'aient répondu à une question permettant de déterminer si les faits imputés à M. A... avaient été commis en connaissance du plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle du groupe ethnique tutsi et s'il avait manifesté son adhésion à celui-ci, viole les textes susvisés ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que le président, afin que chacun puisse en tenir compte dans ses plaidoiries, réquisitions ou observations, a indiqué que les questions auxquelles la cour et le jury de jugement auraient à répondre étaient conformes au dispositif de l'ordonnance de mise en accusation, que le ministère public a sollicité qu'il soit également posé à la cour d'assises et au jury, la question subsidiaire du crime de génocide en qualité d'auteur et qu'aucune observation n'a été faite, ni par le ministère public ni par les parties civiles ni par la défense, l'accusé ayant eu la parole en dernier ;
Attendu que ces questions reproduisant les termes de l'article 211-1 du code pénal, caractérisent en fait, en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel le crime prévu par ce texte en sa qualité d'auteur principal ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;
Sur le huitième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 211-1 du code pénal, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce qu'il ne résulte de la feuille de motivation que : "En conclusion, il ressort que de nombreuses personnes ont perdu la vie ou ont été victimes d'attaques constituant des actes inhumains ou des atteintes graves à leur intégrité physique ou psychique au Rwanda entre avril et juillet 1994, et ce notamment au passage de barrières qui se trouvaient partout, y compris à Kigali dès le 7 avril 1994 ; qu'il ressort également que M. Pascal F... a fourni des armes et donné des instructions aux personnes se trouvant sur certaines de ces barrières, sachant l'appartenance des victimes au groupe ethnique tutsi ou à une population civile, toutes ethnies confondues ; que M. Pascal F... a donc fait commettre des atteintes volontaires à la vie et des atteintes graves à l'intégrité physique ou psychique, en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction totale du groupe ethnique tutsi, ce qui est constitutif au regard de l'incrimination de l'article 211-1 du code pénal du crime de génocide, et non de complicité de génocide" ;
"alors que tout arrêt ou jugement doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en déclarant M. A... coupable de génocide pour avoir fait commettre des atteintes à la vie et des atteintes à l'intégrité physique et psychique aux motifs que "il ressort également que Pascal F... a fourni des armes et donné des instructions aux personnes se trouvant sur certaines de ces barrières, sachant l'appartenance des victimes au groupe ethnique tutsi ou à une population civile, toutes ethnies confondues" et que "Pascal F... a donc fait commettre des atteintes volontaires à la vie et des atteintes graves à l'intégrité physique ou psychique, en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction totale du groupe ethnique tutsi, ce qui est constitutif au regard de l'incrimination de l'article 211-1 du code pénal du crime de génocide, et non de complicité de génocide" tout en répondant négativement aux questions 2, 3, 5 et 6 affirmant ainsi que M. A... n'avait ni fourni son aide ou son assistance au génocide, ni donné des instructions en vue que des faits de génocide soient perpétrés, la cour a violé les textes susvisés ;
Sur le neuvième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 362, 366, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce qu'il résulte de l'arrêt de condamnation que M. A... a été déclaré coupable "d'avoir à Kigali, sur le territoire du Rwanda, entre avril et juillet 1994, en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle du groupe ethnique tutsi, en raison de motifs politiques, philosophiques, ethniques, raciaux ou religieux, fait commettre ;
- des atteintes volontaires à la vie à l'encontre des membres de ladite communauté ;
- des atteintes graves physique ou psychique des membres de la dite communauté et que la feuille de questions ne comporte aucune question relative aux motifs pour lesquels l'accusé se serait rendu coupable d'avoir entre avril et juillet 1994, à Kigali (sur le territoire du Rwanda), en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle du groupe ethnique tutsi, fait commettre des atteintes à la vie à l'encontre des membres de ladite communauté et des atteintes graves à l'intégrité physique ou psychique à l'encontre des membres de ladite communauté ;
"alors les mentions de la feuille de questions et les énonciations de l'arrêt de condamnation doivent, à peine de nullité, être en concordance ; qu'il résulte de l'arrêt de condamnation que M. A... a été déclaré coupable "d'avoir à Kigali, sur le territoire du Rwanda, entre avril et juillet 1994, en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle du groupe ethnique tutsi, en raison de motifs politiques, philosophiques, ethniques, raciaux ou religieux, fait commettre des atteintes volontaires à la vie à l'encontre des membres de la dite communauté" et "des atteintes graves physique ou psychique des membres de la dite communauté » alors que la feuille de questions ne comporte aucune question relative aux motifs pour lesquels l'accusé se serait rendu coupable d'avoir entre avril et juillet 1994, à Kigali, en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle du groupe ethnique tutsi, fait commettre des atteintes à la vie à l'encontre des membres de ladite communauté et des atteintes graves à l'intégrité physique ou psychique à l'encontre des membres de ladite communauté ; que du fait de cette discordance entre les mentions de la feuille de questions et celles de l'arrêt, la cassation est encourue ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de la feuille de questions et celles de la feuille de motivation mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'assises, statuant en appel, a caractérisé les principaux éléments à charge, résultant des débats, qui l'ont convaincue de la culpabilité de l'accusé, la mention litigieuse n'entraînant pas une altération du fait principal retenu, et justifié sa décision, conformément aux dispositions conventionnelles invoquées et à l'article 365-1 du code de procédure pénale ;
D'où il suit que les moyens, qui tendent à remettre en question l'appréciation souveraine, par la cour et le jury, des faits et circonstances de la cause ainsi que les éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Sur le dixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 362, 364, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que la feuille de questions ne porte aucune mention de la décision prise sur la peine ;
"alors que la cour d'assises, en cas de réponse affirmative sur la culpabilité, doit se prononcer sans désemparer sur la peine en une délibération unique, après lecture des articles 130-1, 132-1 et 132-18 du code pénal, et mention des décisions prises doit être portée sur la feuille de questions, qui est signée séance tenante par le premier juré et le président ; que ces dispositions sont d'ordre public ; les mentions de la feuille de questions et les énonciations de l'arrêt de condamnation doivent, à peine de nullité, être en concordance ; que la feuille de questions ne porte aucune mention de la décision prise sur la peine, la cassation est encourue ;
Attendu que la feuille de question, produite en défense, porte mention de la décision prise sur la peine ;
D'où il suit que le moyen manque en fait ;
Et attendu que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour et le jury ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre mai deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.