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24/05/2018 | FRANCE | N°16-18621;16-18622;16-18623;16-18624;16-18625;16-18626;16-18627;16-18628;16-18629;16-18630;16-18631;16-18632;16-18633;16-18634;16-18635;16-18636;16-18637;16-18638;16-18639;16-18640;16-18641;16-18642;16-18643;16-18644;16-18645;16-18646;16-18647;16-18648;16-18649;16-18650;16-18651;16-18652;16-18653;16-18654;16-18655;16-18656;16-18657;16-18658;16-18659;16-18660;16-18661;16-18662;16-18663;16-18664;16-18665

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 mai 2018, 16-18621 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° 16-18.621 à 16-18.665 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Toulouse, 7 avril 2016), que la société Bouyer, jusqu'alors gérée par son fondateur et ayant une activité de production de systèmes de sonorisation des lieux publics et des moyens de transport, a été cédée en 1989 à la société SonoFinance appartenant au groupe REL puis, en 1994, a été rachetée par la société Montalbanaise de sonorisation appartenant au groupe Natexis auquel a succédé en octob

re 2000 le groupe Tyco ; qu'en janvier 2008, la société Funkwerk a pris le contrôle d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° 16-18.621 à 16-18.665 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Toulouse, 7 avril 2016), que la société Bouyer, jusqu'alors gérée par son fondateur et ayant une activité de production de systèmes de sonorisation des lieux publics et des moyens de transport, a été cédée en 1989 à la société SonoFinance appartenant au groupe REL puis, en 1994, a été rachetée par la société Montalbanaise de sonorisation appartenant au groupe Natexis auquel a succédé en octobre 2000 le groupe Tyco ; qu'en janvier 2008, la société Funkwerk a pris le contrôle de la société Bouyer en devenant son actionnaire unique ; que par jugement du 12 janvier 2010, le tribunal de commerce a ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au profit de la société Bouyer, puis, par décision du 26 mai 2010, a autorisé sa cession au profit de la société Coflec et le licenciement de 64 salariés ; que par jugement du 26 août 2010, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Bouyer, M. R... ayant été désigné en qualité de liquidateur ; que M. X... et 44 autres salariés de la société Bouyer, licenciés pour motif économique courant juin 2010, ont saisi la juridiction prud'homale de demandes de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l'obligation de prévention de sécurité ainsi que des dommages-intérêts pour licenciements sans cause réelle et sérieuse notamment à l'encontre de la société Funkwerk sur le fondement d'une situation de coemploi et, à titre subsidiaire, sur le fondement de fautes délictuelles de cette dernière ayant conduit à la liquidation judiciaire de l'employeur ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les salariés font grief aux arrêts de dire que la société Funkwerk ne pouvait être qualifiée de coemployeur et de rejeter l'ensemble de leurs demandes formulées à son encontre, alors selon le moyen :

1°/ que la qualité de coemployeur peut être reconnue à une société juridiquement distincte d'une autre, elle-même employeur, quand est caractérisée entre elles une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, sans qu'il soit nécessaire de constater l'existence d'un rapport de subordination individuel de chacun des salariés de la filiale à l'égard de la société mère ; qu'ayant relevé que la société Funkwerk avait acquis 100 % du capital de la société Bouyer, que le directeur général de cette dernière, M. VV..., avait été nommé par la société Funkwerk, qu'il était placé sous la dépendance hiérarchique directe d'un dirigeant de cette dernière, à laquelle il devait rendre compte régulièrement de sa gestion et que les deux sociétés avaient des activités complémentaires, il en résultait une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les deux sociétés ; qu'en considérant néanmoins que la société Funkwerk ne pouvait être qualifiée de coemployeur du personnel de sa filiale, la société Bouyer, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant par là même l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que la qualité de coemployeur de deux sociétés juridiquement distinctes ne peut être retenue que s'il est caractérisé entre ces sociétés une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, sans qu'il soit nécessaire de constater l'existence d'un rapport de subordination individuel de chacun des salariés de la filiale à l'égard de la société mère ; qu'ayant relevé que M. VV..., directeur général de la société Bouyer, était rattaché à l'autorité hiérarchique d'un dirigeant de la société Funkwerk et qu'il devait rendre compte à la direction de la société mère de l'avancement des négociations quant au plan de sauvegarde de l'emploi, sans en déduire une immixtion dans la gestion de la société Bouyer, la cour d'appel a encore violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur à l'égard du personnel employé par une autre, hors l'existence d'un lien de subordination, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ;

Et attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve produits devant elle, la cour d'appel a constaté la réalité d'une autonomie décisionnelle de la société Bouyer par rapport à la société mère Funkwerk, notamment dans la gestion sociale et financière de l'entreprise ainsi que dans la stratégie commerciale ou la production, et que leurs activités et clientèles étaient différentes ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu en déduire l'absence, entre les deux sociétés, d'une confusion d'intérêts, d'activité et de direction et qu'en conséquence, la société Funkwerk n'avait pas la qualité de coemployeur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que les salariés font grief aux arrêts de dire que la société Funkwerk n'avait commis aucune faute à leur égard, alors selon le moyen :

1°/ qu'ayant constaté que la société Bouyer, détenue à 100 % par la société Funkwerk, avait connu une dégradation extrêmement rapide de sa trésorerie et que la société mère avait refusé de financer à perte un plan de sauvegarde, la cour d'appel devait en déduire que cette société avait concouru à la déconfiture de l'employeur et à la disparition des emplois qui en est résulté ; qu'en considérant néanmoins que la société Funkwerk n'avait commis aucune faute, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa version alors applicable ;

2°/ que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que la cour d'appel, après avoir constaté que la société Bouyer était détenue à 100 % par la société Funkwerk, a jugé que les deux sociétés constituant des entités juridiquement distinctes, la société mère n'avait pas la possibilité de s'immiscer dans la gestion de sa filiale pour mettre en oeuvre en ses lieu et place une stratégie industrielle et commerciale ainsi qu'une politique de gestion des ressources humaines, que ce soit en termes de plan de formation ou de prévention des risques psychosociaux ; qu'en se prononçant ainsi sans rechercher si la société Funkwerk, qui avait pourtant nommé le directeur général de la société Bouyer et qui en était l'actionnaire à 100 %, n'était pas en mesure de prévenir la dégradation de sa situation économique et financière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa version alors applicable ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté que la situation de la société Bouyer était compromise depuis le début des années 2000 en l'absence de mise en oeuvre de moyens commerciaux, technologiques ou industriels par les acquéreurs successifs, qu'une large partie de la trésorerie injectée avant la cession au profit de la société Funkwerk avait été absorbée au cours de l'exercice 2008 par les pertes de la société dont la dégradation extrêmement rapide de la trésorerie n'avait pu être empêchée malgré de multiples actions menées au sein de l'entreprise au cours de l'année 2009, que l'avance en compte courant de la société Bouyer au profit de la société Funkwerk constatée au 26 novembre 2009 avait été remboursée et que la facturation de "management fees" entre les deux sociétés correspondait à de réelles prestations, que la société Funkwerk n'avait pas à mettre en oeuvre au lieu et place de sa filiale une stratégie industrielle et commerciale ainsi qu'une politique de gestion des ressources humaines notamment par des plans de formation ou de prévention des risques psychosociaux, et que la dégradation rapide de la trésorerie de la société Bouyer était de nature à légitimer le refus de financer un plan de sauvegarde de l'emploi par la société Funkwerk qui était elle-même en difficultés économiques ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu décider que la société Funkwerk n'avait pas, par les décisions de gestion prises, commis de faute ayant compromis la bonne exécution par sa filiale de ses obligations ni contribué à sa situation de cessation des paiements ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne les demandeurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens communs aux pourvois n° W 16-18.621 à U 16-18.665 produits par la SCP Delamarre et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour M. X... et les 53 autres salariés ou leurs ayants droit

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société Funkwerk ne pouvait être qualifiée de co-employeur et d'avoir rejeté, en conséquence, l'ensemble des demandes du salarié formulées à son encontre ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'

« Il appartient au salarié de démontrer que la société FUNKWERK AG avait à son égard la qualité de co-employeur ; qu'il n'est ni invoqué ni démontré que la prestation de travail du salarié a été exécutée sous la subordination de la société FUNKWERK AG ; qu'en dehors de l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu'au soutien de la démonstration d'une telle ingérence de la société FUNKWERK AG dans la gestion économique et sociale de la société Bouyer, le salarié invoque les éléments suivants : depuis janvier 2008, la société FUNKWERK AG était l'actionnaire unique de la société Bouyer qui était totalement dépendante du groupe, le dirigeant de la société Bouyer a été désigné par elle, il provenait du groupe et en référait systématiquement au groupe qui prenait toutes les décisions économiques et sociales, la société FUNKWERK AG s'était engagée à financer le plan social puis est revenue sur cet engagement, provoquant ainsi l'état de cessation de paiement de la société Bouyer ; que le fait qu'une filiale soit détenue à 100 % par une autre société crée nécessairement un lien de dépendance par rapport à la société mère et s'il n'est pas contesté que la société FUNKWERK AG avait désigné le directeur général de sa filiale, cette décision n'était que l'expression de sa situation d'actionnaire unique de la société Bouyer et ne peut caractériser en soi une immixtion anormale de la société mère dans la gestion de sa filiale, et ce, même si ce dirigeant provient du groupe ; que ce dirigeant, Monsieur VV..., était rattaché à l'autorité hiérarchique d'un dirigeant de la société mère, il n'est pas démontré que ce rattachement se traduisait par une ingérence de la société FUNKWERK AG dans la gestion sociale ; qu'en particulier, il n'est ni justifié ni même allégué que la société FUNKWERK AG soit intervenue ou se soit substituée à l'employeur contractuel que ce soit dans le recrutement de tel salarié, dans le déroulement des carrières, dans la fixation des rémunérations du personnel ou dans l'exercice du pouvoir disciplinaire de celle-ci ; que certes, il ressort de l'examen des comptes rendus de réunions du comité d'entreprise de la société Bouyer que Monsieur VV... devait rendre compte à la direction de la société mère de l'avancement des négociations quant au plan de sauvegarde de l'emploi ; que, cependant, la lecture de ces comptes rendus démontre que ce plan a été élaboré au sein de la société Bouyer en concertation avec les institutions représentatives du personnel de cette société sans qu'il soit établi que les mesures prévues ont été dictées par la société mère ; que la réalité de l'autonomie décisionnelle de la société Bouyer à ce sujet est d'ailleurs confortée par le refus finalement opposé par la société FUNKWERK AG à la prise en charge financière du second plan adopté au sein de la société Bouyer ; que, par ailleurs, sur le plan de la stratégie commerciale, les activités respectives, des deux sociétés étaient certes complémentaires mais distinctes puisque la société Bouyer produisait et commercialisait des systèmes de sonorisation des lieux publics et moyens de transport (amplificateurs, haut-parleurs, microphones) alors que le groupe FUNKWERK est spécialisé dans les systèmes de communication informatique professionnels, les alarmes, les logiciels et les solutions téléphoniques ; que les deux sociétés avaient donc des activités et des clientèles différentes et il n'est ni démontré ni même allégué que la société mère intervenait dans la gestion des commandes, la fabrication des produits ou la fixation de leurs prix ; qu'enfin, s'il est exact, que le 5 janvier 2010, Monsieur VV... indiquait au comité d'entreprise que la société FUNKWERK AG lui avait demandé de préparer le dossier de cessation de paiement de la société Bouyer, la saisine du tribunal de commerce était inéluctable compte tenu du rapport d'alerte établi le 31 décembre 2009 par le commissaire aux comptes et de la situation financière dans laquelle se trouvait la société Bouyer ; que dès lors, à défaut de lien de subordination et faute pour le salarié de caractériser une immixtion de la société FUNKWERK AG dans la gestion économique et sociale de la société Bouyer excédant la nécessaire coordination des actions économiques entre des sociétés appartenant à un même groupe, il convient de considérer que la société FUNKWERK AG n'a pas la qualité de co-employeur » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE

« Pour retenir que la société Funkwerk AG est, ou pas, le co-employeur avec la SAS BOUYER des salariés, il faut au préalable définir le rôle et la fonction de chaque société ; (...) que l'article L. 1224-1 du code du travail fixe une liste de situations dans lesquelles les contrats de travail en cours sont maintenus en cas de modification de la situation juridique de l'employeur ; que cette liste n'est pas exhaustive et la jurisprudence considère qu'il y a maintien des contrats en cours chaque fois qu'il y a continuité de la même entreprise ; qu'en effet, la Cour de cassation a posé comme principe que les articles 1er et 3ème de la directive du 14 février 1977 du Conseil des communautés européennes et l'article L. 1224-1 du code du travail s'applique même en l'absence d'un lien de droit entre les employeurs successifs, à tout transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que la mise en oeuvre de l'article L. 1224-1 du code du travail en cas de modification est soumise à deux conditions : l'existence d'une entité économique autonome, le maintien de l'identité et la poursuite de l'activité de l'entité économique ; que l'article L. 1224-1 du code du travail s'applique à tout transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivi ou reprise ; qu'à ce jour, selon une jurisprudence constante : « constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ; que cette définition paraît en réalité assez proche de celle donnée par la jurisprudence communautaire et celle issue de la directive du 12 mars 2001 ; que pour cette dernière, l'entité économique est entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d'une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire ; qu'il ressort de la définition jurisprudentielle contenue dans l'arrêt du 7 juillet 1998, que l'entité économique doit comprendre plusieurs éléments : des moyens corporels, des éléments incorporels, du personnel propre ; qu'en principe, la présence d'un personnel propre constitue un élément supplémentaire en vue de la reconnaissance d'une entité économique autonome ; que toutefois, dans certains secteurs reposant essentiellement sur de la main-d'oeuvre, la jurisprudence tant communautaire que nationale peut être amenée à considérer cette condition relative au personnel comme le seul élément constitutif de l'entité ; que selon cette définition jurisprudentielle, l'ensemble des moyens humains ou matériels doit être organisé ; qu'un objectif propre doit en outre être poursuivi ; que les salariés de la SAS BOUYER n' apportent pas la preuve qu'ils étaient directement sous les directives de la société FUNKWERK AG, tant en ce qui concerne la direction, l'administratif, la gestion financière, la fabrication, la conception des produits et leurs commercialisations ; qu'en conséquence, le Conseil retient que la SAS BOUYER a conservé son entité économique autonome lors du rachat par la société FUNKWERK AG ; que celui qui invoque le bénéfice d'un contrat de travail doit prouver l'existence d'un lien de subordination avec le "Co-employeur" dans le cas présent ; qu'un lien de subordination se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le lien de subordination se caractérise également par l'autorité et le pouvoir de contrôle de l'employeur sur les modalités d'exécution des tâches, la fixation des horaires, la désignation du lieu du travail, les conditions matérielles d' exercice de l'activité et les contraintes déterminées unilatéralement par l'employeur : « respect des délais, remise périodique de comptes rendus d'activité, affectation des secteurs d'activité etc. ; que les contrats de travail établis lors de l'embauche initiale des salariés, ils ont subi aucune modification lors du rachat de la SAS BOUYER par la société FUNKWERK AG ; que l'ensemble du personnel recevait les directives directement de la SAS BOUYER et non de la société Funkwerk AG ; qu'en conséquence, le Conseil retient le lien de subordination de l'ensemble des salariés à la SAS Bouyer ; que pour que la société FUNKWERK AG soit retenue comme co-employeur, dût-elle avoir rempli trois confusions : d' intérêts, d'activité et de direction ; que, sur la confusion d'intérêts : la société SAS Bouyer était autonome sur le plan financier ; que ce n'était pas la société FUNKWERK AG qui gérait directement le financier, tout au plus, sa participation à la décision du montant à allouer aux deux plans sociaux que les salariés ont refusés ; que la société FUNKWERK AG était, certes, le principal actionnaire, mais cela ne suffit pas et les salariés n'apportent pas de preuve contraire pour reconnaître une ingérence de la société FUNKWERK AG à la gestion financière de la SAS BOUYER ; que, sur la confusion d'activité : aucune preuve fourni par l'ensemble du personnel de la SAS BOUYER pour reconnaître que la société FUNKWERK AG avait une quelconque fonction dans l'organisation et le fonctionnement de la SAS Bouyer, soit au point de vue de la production, de la conception, de la gestion du personnel, de la commercialisation des produits ; que le seul élément est une note de la société Funkwerk AG destinée à la clientèle, qui avance une synergie commerciale entre les deux sociétés avec des productions complémentaires, mais cela ne suffit pas pour retenir une confusion d'activité de la part de la société FUNKWERK AG dans la SAS BOUYER ; que, sur la confusion de direction, la société Funkwerk AG, lors du rachat de la SAS BOUYER, a repris 100 % des actions de celle-ci, elle était en droit, de ce fait, à pouvoir désigner la personne qui assumerait la direction de la SAS BOUYER ; qu'aucune preuve ne peut être retenue pour affirmer que la société FUNKWERK AG s'ingérait dans la direction et la gestion de la SAS BOUYER, pour preuve, lorsque la direction de la SAS BOUYER et les membres du comité d'entreprise se sont accordés sur un plan de sauvegarde de l'emploi en novembre 2009, la direction de la SAS BOUYER a demandé une aide financière de la part de la société FUNKWERK AG ; que cette aide n'a pas été accordée par le groupe, ce qui prouve la dépendance des directions des deux sociétés, puisque le plan de sauvegarde avait été entériné par la direction de la SAS BOUYER, et refusé par la société FUNKWERK AG ; que suivant tous les éléments développés ci-dessus, et en conséquence, le Conseil dit et juge que la société FUNKWERK AG n'est pas retenue comme co-employeur de l'ensemble des salariés de la SAS Bouyer » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE

La qualité de co-employeur peut être reconnue à une société juridiquement distincte d'une autre, elle-même employeur, quand est caractérisée entre elles une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, sans qu'il soit nécessaire de constater l'existence d'un rapport de subordination individuel de chacun des salariés de la filiale à l'égard de la société mère ; qu'ayant relevé que la société Funkwerk avait acquis 100 % du capital de la société Bouyer, que le directeur général de cette dernière, M. VV..., avait été nommé par la société Funkwerk, qu'il était placé sous la dépendance hiérarchique directe d'un dirigeant de cette dernière, à laquelle il devait rendre compte régulièrement de sa gestion et que les deux sociétés avaient des activités complémentaires, il en résultait une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les deux sociétés ; qu'en considérant néanmoins que la société Funkwerk ne pouvait être qualifiée de co-employeur du personnel de sa filiale, la société Bouyer, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant par là-même l'article L. 1221-1 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE

La qualité de co-employeur de deux sociétés juridiquement distinctes ne peut être retenue que s'il est caractérisé entre ces sociétés une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, sans qu'il soit nécessaire de constater l'existence d'un rapport de subordination individuel de chacun des salariés de la filiale à l'égard de la société mère ; qu'ayant relevé que Monsieur VV..., directeur général de la société Bouyer, était rattaché à l'autorité hiérarchique d'un dirigeant de la société Funkwerk et qu'il devait rendre compte à la direction de la société mère de l'avancement des négociations quant au plan de sauvegarde de l'emploi, sans en déduire une immixtion dans la gestion de la société Bouyer, la cour d'appel a encore violé l'article L. 1221-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société Funkwerk n'avait commis aucune faute à l'égard du salarié ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE

« Malgré l'absence de reconnaissance de la qualité de co-employeur, la responsabilité délictuelle de la société mère peut être engagée s'il est démontré qu'elle a commis des fautes ayant concouru à la déconfiture de sa filiale ; qu'en l'espèce, Monsieur X... soutient que la société FUNKWERK AG a volontairement abandonné la société Bouyer que ce soit économiquement, commercialement et socialement et a ainsi contribué d'une part, aux licenciements collectifs de la moitié des salariés et, d'autre part, au niveau très faible d'employabilité de tous les salariés ainsi qu'à la dégradation de leur état de santé ; (...) que le rapport du cabinet Syndex conclut « à la responsabilité de la société FUNKWERK AG dans la situation économique et sociale de la société Bouyer » ; que cette affirmation ne peut qu'être largement nuancée : en premier lieu, il ressort des éléments relevés dans ce rapport que la situation de la société Bouyer était compromise depuis le début des années 2000 et que les acquéreurs successifs, notamment le groupe TYCO, précédent actionnaire, n'avaient mis en place aucun moyen conséquent au niveau commercial, technologique et industriel ; que la situation financière avait certes été assainie avant la cession des actions de la société Bouyer au profit de la société FUNKWERK AG mais il n'est pas contesté qu'une large partie de la trésorerie injectée avant la cession par le cédant (TYCO) avait été absorbée au cours de l'exercice 2008 par les pertes de la société ; qu'en second lieu, les deux sociétés constituant des entités juridiquement distinctes, la société mère n'avait pas la possibilité de s'immiscer dans la gestion de sa filiale pour mettre en oeuvre en ses lieu et place une stratégie industrielle et commerciale ainsi qu'une politique de gestion des ressources humaines que ce soit en termes de plan de formation ou de prévention des risques psychosociaux ; que par ailleurs, si le premier plan de sauvegarde de l'emploi n'a été amorcé qu'en juin 2008, ce plan relevait de l'initiative de la direction de la société Bouyer et, compte tenu du changement d'actionnaire intervenu en janvier 2008, le délai écoulé ne peut être qualifié d'excessif. En outre, la société FUNKWERK AG ne peut se voir imputer à faute la durée de la procédure de contestation du premier plan de sauvegarde, étant observé qu'après l'annulation judiciaire de celui-ci, la société Bouyer a immédiatement mis en oeuvre les consultations nécessaires en vue de l'élaboration d'un second plan ; qu'en troisième lieu, l'examen des comptes rendus de réunions du comité d'entreprise fait apparaître que contrairement à ce qui est affirmé dans le rapport du cabinet Syndex, des actions ont été menées au sein de la société Bouyer : en janvier 2009, le directeur général présentait un nouveau découpage des zones de commercialisation emportant redistribution des secteurs de l'équipe commerciale (compte rendu CE du 27.01.2009), un projet de division de la société en deux entités destiné à réduire les dépenses était prévu (compte rendu CE du 20.05.2009), en juin 2009, le nouveau directeur général évoquait devant le comité d'entreprise la nécessité de définir une nouvelle stratégie de l'entreprise (compte rendu CE du 23.06.2009), en octobre 2009, le directeur général annonçait la nécessaire rationalisation de la gamme de produits fabriqués par l'entreprise ainsi qu'un séminaire des commerciaux, prévu le 14 octobre, pour définir les lignes de conduite ; que l'amélioration de la production était soulignée (compte rendu CE du 6.10.2009), en novembre 2009, le directeur général informait les membres du comité d'entreprise que le groupe avait décidé de consentir en 2010 un prêt de 2,7 millions d'euros à la société Bouyer (compte rendu du 9.11.2009) ; qu'en quatrième lieu, le commissaire aux comptes, après avoir sollicité le 3 décembre 2009 les explications de la société Bouyer, soulignait, dans son rapport d'alerte établi le 31 décembre 2009, l'extrême gravité de la dégradation de la trésorerie de la société Bouyer, passée de 3.820 K€ au 31 décembre 2008 à 346 K€ à fin décembre 2009, ainsi que le montant des besoins mensuels de trésorerie de la société Bouyer (250 K€ à 300 K€) qui rendaient impossible le financement du plan de sauvegarde et compromettaient à très court terme la situation financière de la société ; que cette dégradation extrêmement rapide de la trésorerie de la société est de nature à expliquer l'attitude de la société mère ainsi que son refus de financer à perte un plan de sauvegarde, étant souligné que le prétendu engagement pris initialement par la société FUNKWERK AG à ce sujet ne repose que sur les affirmations des salariés, reprises dans le rapport du cabinet Syndex mais qui ne sont étayées par aucune pièce probante ; que ce refus ne peut donc être qualifié de légèreté blâmable et a fortiori de fautif d'autant que, compte tenu de la situation financière de la société Bouyer, l'intervention financière de la société mère aurait pu être qualifiée de soutien abusif au sens de l'article L. 650-1 du code de commerce et que le groupe FUNKWERK rencontrait lui-même des difficultés économiques ; qu'enfin, si l'existence d'un compte courant d'un montant de 900 K€ au 26 novembre 2009 auprès de la société FUNKWERK AG est établie par le rapport d'alerte, il ressort du courrier de la société Bouyer du 18 décembre 2009 que cette avance a été remboursée suite au rapport, ce qui met à néant l'argumentation reposant sur une ponction abusive de trésorerie ; que par ailleurs, la facturation de managment fees entre une société mère et ses filiales notamment pour les prestations de direction générale fournies par la société holding ne caractérise pas en soi une pratique abusive dès lors qu'il n'est ni démontré ni même allégué que ces sommes auraient été versées sans contrepartie réelle ; qu'il n'est ainsi pas établi que la société FUNKWERK AG a, par sa faute ou sa légèreté blâmable, compromis la bonne exécution par sa filiale de ses obligations ou a contribué à la situation de cessation de paiement de la société Bouyer ; qu'en conséquence, la décision déférée qui a débouté Monsieur X... de ses demandes à l'encontre de la société FUNKWERK AG sera confirmée » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE

« C'est en premier lieu le groupe FUNKWERK AG qui est mis en eu cause par les salariés en précisant que pendant les deux aimées de son actionnariat au sein de la SAS Bouyer, leurs travaux de formation étant restés faible, ce que renforce leur faible développement des compétences el leur faible niveau d' employabilité ; que ce constat est mentionné dans le rapport ERGOTEC ; qu'il ressort des différents relevés de carrière des salariés, que la majorité de ceux-ci ne sont pas restés à leur niveau d'embauche, ce qui tend à prouver qu'il ont bien reçu une formation soit interne, soit externe de l'entreprise ; que l'article L 632 1-1 du code du travail est issu des lois du 4 mai 2004 et du 18 janvier 2005, de sorte que, avant 2004, l'obligation de l'employeur au titre de la formation était fondée uniquement sur l'obligation générale d'exécution loyale du contrat ; que le deuxième alinéa de l'article L. 632 1-1 du code du travail a été instauré par une loi du 24 novembre 2009 ; qu'en matière de responsabilité contractuelle, il appartient au demandeur, conformément aux principes généraux du droit, d'établir que sont réunis trois éléments distincts : une faute commise par le défendeur, un préjudice subi par le demandeur, le lien de causalité entre ces deux parties ; qu'aucun des salariés de la SAS BOUYER n'apportent un quelconque manquement de la société sur le plan de la formation, tout au plus, ils incriminent le groupe FUNKWERK AG, en se référençant sur les rapports ERGOTEC et SYNDEX, de ne pas avoir assumé ses responsabilité sur le plan de la formation du personnel ; qu'il est à noter que ces rapports énoncent des informations générales qui sont assez éloignés des cas concrets de chaque salarié ; que dans les conclusions de l'ensemble du personnel, il n'existe aucun cas concret de manquement de formation qui aurait bloqué une évolution de carrière d'un salarié, ni d' un quelconque préjudice subi suite à un manquement de formation ; que suivant les éléments ci-dessus développés, les salariés de la SAS BOUYER ne rapportent pas de preuve d'une quelconque faute commise par l'employeur sur un plan de manquement de son devoir de formation, ni qu'ils aimaient subi un préjudice à ce manquement, ils ne rapportent également aucun lien de causalité entre la faute et le préjudice : en conséquence, l'ensemble des salariés de la SAS BOUYER seront déboulés de leurs demandes de dommages et intérêts formulées à ce titre » ;

ALORS, D'UNE PART, QU'

Ayant constaté que la société Bouyer, détenue à 100 % par la société Funkwerk, avait connu une dégradation extrêmement rapide de sa trésorerie et que la société mère avait refusé de financer à perte un plan de sauvegarde, la cour d'appel devait en déduire que cette société avait concouru à la déconfiture de l'employeur et à la disparition des emplois qui en est résulté ; qu'en considérant néanmoins que la société Funkwerk AG n'avait commis aucune faute, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa version alors applicable ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE

Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que la cour d'appel, après avoir constaté que la société Bouyer était détenue à 100 % par la société Funkwerk, a jugé que les deux sociétés constituant des entités juridiquement distinctes, la société mère n'avait pas la possibilité de s'immiscer dans la gestion de sa filiale pour mettre en oeuvre en ses lieu et place une stratégie industrielle et commerciale ainsi qu'une politique de gestion des ressources humaines, que ce soit en termes de plan de formation ou de prévention des risques psychosociaux ; qu'en se prononçant ainsi sans rechercher si la société Funkwerk AG, qui avait pourtant nommé le directeur général de la société Bouyer et qui en était l'actionnaire à 100 %, n'était pas en mesure de prévenir la dégradation de sa situation économique et financière, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil dans sa version alors applicable.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-18621;16-18622;16-18623;16-18624;16-18625;16-18626;16-18627;16-18628;16-18629;16-18630;16-18631;16-18632;16-18633;16-18634;16-18635;16-18636;16-18637;16-18638;16-18639;16-18640;16-18641;16-18642;16-18643;16-18644;16-18645;16-18646;16-18647;16-18648;16-18649;16-18650;16-18651;16-18652;16-18653;16-18654;16-18655;16-18656;16-18657;16-18658;16-18659;16-18660;16-18661;16-18662;16-18663;16-18664;16-18665
Date de la décision : 24/05/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Société - Filiale - Décisions prises par l'actionnaire - Décisions dommageables pour l'entreprise ayant aggravé sa situation - Effets - Déconfiture de l'employeur et disparition d'emplois - Détermination

Ayant constaté que la situation économique de la filiale était compromise depuis plusieurs années en l'absence de mise en ¿uvre de moyens commerciaux, technologiques ou industriels par les acquéreurs successifs, que la dégradation très rapide de la trésorerie de la filiale peu après le rachat par la société mère mise en cause n'avait pu être empêchée malgré de multiples actions menées au sein de l'entreprise, que l'avance en compte courant de la filiale au profit de la société mère avait été remboursée et que la facturation de "management fees" entre les deux sociétés correspondait à de réelles prestations, une cour d'appel a pu en déduire qu'une société mère n'avait pas, par ses décisions de gestion, commis de faute ayant compromis la bonne exécution par sa filiale de ses obligations ni contribué à sa situation de cessation des paiements


Références :

article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 07 avril 2016

Sur l'action des salariés en responsabilité extracontractuelle dirigée contre une société mère ayant concouru à la déconfiture de l'entreprise et à la perte des emplois des salariés, à rapprocher :Soc., 24 mai 2018, pourvoi n° 16-22881, Bull. 2018, V, n° 88 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 mai. 2018, pourvoi n°16-18621;16-18622;16-18623;16-18624;16-18625;16-18626;16-18627;16-18628;16-18629;16-18630;16-18631;16-18632;16-18633;16-18634;16-18635;16-18636;16-18637;16-18638;16-18639;16-18640;16-18641;16-18642;16-18643;16-18644;16-18645;16-18646;16-18647;16-18648;16-18649;16-18650;16-18651;16-18652;16-18653;16-18654;16-18655;16-18656;16-18657;16-18658;16-18659;16-18660;16-18661;16-18662;16-18663;16-18664;16-18665, Bull. civ.Bull. 2018, V, n° 87
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, V, n° 87

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.18621
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