La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2018 | FRANCE | N°17-82509

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 mai 2018, 17-82509


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Mélinda X..., épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NOUMEA, chambre correctionnelle, en date du 28 février 2017, qui, pour escroquerie, l'a condamnée à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 avril 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, prÃ

©sident, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Gre...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Mélinda X..., épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NOUMEA, chambre correctionnelle, en date du 28 février 2017, qui, pour escroquerie, l'a condamnée à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 avril 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de la société civile professionnelle MATUCHANSKY, POUPOT et VALDELIÈVRE, et de Me BROUCHOT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PETITPREZ ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 30 juillet 2014, M. Ernest Z..., âgé de 84 ans, a déposé plainte en dénonçant 138 retraits bancaires frauduleux pour un montant total de 5 435 000 francs Pacifique, effectués auprès de distributeurs automatiques alors qu'il déclarait ne jamais se servir de sa carte bancaire, remise par l'agence OPT de Wé à Lifou pour ce faire, préférant retirer de l'argent au guichet ; que les investigations diligentées ont permis d'établir que la carte bancaire du plaignant avait fait l'objet d'une déclaration de perte en août 2011 et qu'une seconde carte avait été délivrée à son titulaire qui contestait l'avoir reçue, aucun justificatif de remise n'ayant été produit par l'établissement bancaire, et être l'auteur de la déclaration de perte ; que l'enquête a révélé que l'écriture figurant sur les documents d'ouverture du compte de la victime et sur la déclaration de perte de la carte semblait correspondre à celle de Mme X..., agent polyvalent, affectée à l'agence OPT de Wé, qui, sans contester avoir établi la déclaration, a affirmé que celle-ci avait été signée par M. Z... alors que ce dernier, lors de son dépôt de plainte, était toujours en possession de la première carte bancaire qui lui avait été délivrée ; qu'en outre, il a été établi que, d'une part, la nouvelle carte bancaire a été adressée à l'agence OPT au sein de laquelle la demanderesse effectuait occasionnellement le tri du courrier, d'autre part, l'intéressée était présente à Nouméa ou sur l'île de Mare à la date de chacun des 22 retraits réalisés dans ces communes ; qu'enfin, il est apparu que le compte bancaire de Mme X... a été alimenté, entre 2011 et 2014, par des versements de sommes en liquide d'un montant total de 4 981 640 francs Pacifique dont celle-ci ne pouvait justifier l'origine pour une somme de près de 4 000 000 francs Pacifique ;

Attendu que Mme X... a fait l'objet d'une convocation devant le tribunal correctionnel pour avoir à Lifou, du 21 juillet 2011 au 31 juillet 2014, trompé M. Ernest Z... en employant des manoeuvres frauduleuses, en l'espèce la falsification de documents bancaires en vue du détournement d'une carte de retrait à son nom, et l'avoir déterminé à lui remettre des fonds à son préjudice pour un montant total de 5 435 000 francs Pacifique en 138 retraits ; que, par jugement du 1er août 2016, le tribunal correctionnel de Nouméa l'a déclarée coupable du chef susvisé et condamnée à un an d'emprisonnement avec sursis, trois ans d'interdiction professionnelle, et, sur l'action civile, a alloué à la veuve de M. Z..., décédé durant la procédure, les sommes de 5 435 000 francs Pacifique au titre de son préjudice matériel, 69 000 francs Pacifique au titre des frais de transport et 80 000 francs Pacifique au titre de son préjudice moral ; que la prévenue et le ministère public ont interjeté appel de cette décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de la présomption d'innocence, des articles 313-1, 313-7, 313-8 du code pénal, des articles préliminaire, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme Mélinda X..., épouse Y..., coupable d'escroquerie au préjudice de M. Z..., l'a condamnée à la peine d'un an d'emprisonnement, dit qu'il sera intégralement sursis à l'exécution de cette peine dans les conditions, le régime et les effets du sursis avec mise à l'épreuve, dit qu'elle sera astreinte à réparer en tout ou partie en fonction de ses facultés contributives les dommages causés par l'infraction même en l'absence de décision sur l'action civile, à ne pas se livrer à l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise et a fixé à trois ans le délai d'épreuve du sursis avec mise à l'épreuve ;

"aux motifs propres que, sur l'action publique, en l'espèce, la prévenue est poursuivie pour des faits d'escroquerie au préjudice de M. Z... Ernest décédé en cours de procédure le 24 octobre 2015 ; que le 30 juillet 2014, M. Ernest Z..., né le [...] , âgé de 84 ans, déposait plainte pour des faits de retraits bancaires qui lui paraissaient frauduleux au regard de l'examen de ses relevés de compte bancaire ; qu'une enquête de gendarmerie permettait de confirmer la réalité de 138 retraits susceptibles d'être frauduleux au cours de la période de septembre 2011 à juillet 2014 pour un montant estimé de 5 435 000 FCFP ; que l'audition du plaignant révélait qu'il était toujours en possession de sa carte bancaire OPT et qu'il déclarait ne jamais s'en servir pour effectuer des retraits aux distributeurs automatiques de billets préférant retirer de l'argent au guichet ; que les investigations entreprises démontraient en outre que la carte bancaire litigieuse avait fait l'objet d'une déclaration de perte en août 2011 et qu'une nouvelle carte aurait été remise à la victime en septembre 2011 ; que la partie civile contestait sa signature sur la déclaration de perte et ajoutait n'avoir jamais reçu de nouvelle carte, les investigations auprès de la banque ne permettant pas d'apporter la preuve contraire faute de justificatif de remise ; que sur l'ensemble des retraits litigieux il apparaissait qu'un certain nombre (22) avaient été effectués à l'extérieur de Lifou plus particulièrement sur les communes de Nouméa et sur l'île de Maré ; que l'enquête démontrait que M. Z... et sa famille n'avaient effectué aucun déplacement à l'extérieur de Lifou aux périodes correspondant aux retraits litigieux en dehors de Lifou ; que des investigations se poursuivaient aux fins de déterminer la personne susceptible d'avoir utilisé frauduleusement la carte bancaire litigieuse ; qu'ainsi, l'écriture sur les documents d'ouverture de compte bancaire et sur la déclaration de perte de la carte était susceptible d'être la même et semblait correspondre à celle de Mme X..., agent polyvalent affecté à l'agence OPT de Wé à Lifou ; qu'il était également établi que la nouvelle carte bancaire avait été adressée à cette agence dans le cadre de laquelle Mme X... exerçait occasionnellement les fonctions de tri du courrier ; que celle-ci avait donc éventuellement la possibilité matérielle de récupérer à la fois la carte et son code confidentiel ; que de même, il était établi que l'appelante était présente systématiquement sur les communes où les 22 retraits litigieux ont été effectués à savoir à Maré et à Nouméa ; qu'enfin, l'enquête démontrait également que Mme X... avait effectué au cours de la période de prévention de nombreux versements en espèces sur son compte personnel devenu compte joint du couple ouvert auprès de l'agence OPT à concurrence d'une somme de 4 981 640 FCFP relativement proche du montant des sommes susceptibles d'avoir été détournées au préjudice de la partie civile ; que Mme X... était interpellée et placée en garde à vue ; qu'entendue par les enquêteurs le 14 septembre 2015, elle contestait formellement les accusations portées à son encontre ; qu'elle se contentait de soutenir qu'elle avait bénéficié d'entraide familiale à concurrence selon ses premières déclarations d'une somme de 500 à 600 000 FCFP ; que l'audition des membres de sa famille en particulier de ses soeurs confirmait l'existence de cette entraide familiale mais à concurrence d'une somme qui ne dépassait pas le million de FCFP ; que son époux, entendu dans le cadre de l'enquête n'apportait aucun élément utile à la manifestation de la vérité soulignant ignorer les versements effectués par son épouse ; que par jugement du 1er août 2016, le tribunal correctionnel de Nouméa a reconnu Mme X... coupable des faits reprochés et, en répression, a prononcé à son encontre une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis outre une interdiction d'exercer une profession bancaire ou financière pendant une durée de trois ans à titre de peine complémentaire ; que Mme X... a fait appel de cette décision ; qu'au cours des débats devant la cour d'appel, elle a confirmé l'ensemble de ses déclarations antérieures ; qu'interpellée par un conseiller de la cour sur sa connaissance du montant de l'actif du compte des clients, elle répondait qu'elle l'ignorait ; qu'interpellée par Mme l'avocat général sur l'origine de la somme de quatre millions de FCFP qui avait été versée sur son compte et dont l'origine n'était pas a priori familiale, Mme X... n'apportait toujours aucune réponse ; que son avocat a soutenu en défense que le faisceau de présomptions invoqué par l'accusation était manifestement insuffisant et qu'il appartenait à cette dernière de démontrer que les fonds versés sur son compte serait d'origine litigieuse ; qu'il demande en conséquence le prononcé de la relaxe pure et simple de sa cliente et de l'irrecevabilité de la constitution de partie civile ; que sur la culpabilité, la cour relève, comme le tribunal, qu'il existe un faisceau concordants d'éléments sus-évoqués qui permettent de retenir la prévenue dans les liens de la prévention ; qu'en effet, celle-ci n'a pas contesté sérieusement qu'elle était la rédactrice de la déclaration de perte de la carte bancaire litigieuse ; qu' elle a soutenu que la partie civile avait en revanche signé ce document, ce qui est formellement contesté par cette dernière ; que la cour relève sur ce point que les allégations de la partie civile sont crédibles dès lors qu'elle était toujours en possession de sa carte bancaire lorsqu'elle s'est présentée à l'agence bancaire pour l'interroger sur l'état de son compte ; qu'en effet, Mme C..., entendue le 28 avril 2015, qui a reçu la partie civile à l'agence OPT, déclare que celle-ci lui a remis la carte bancaire ; que dès lors, il n'y a pas de motif sérieux de nature à laisser penser qu'il aurait pu être l'auteur conscient d'une déclaration de perte de sa carte ; que de même, l'appelante n'a pas été en mesure lors de ses auditions par les enquêteurs, devant le tribunal et devant la cour de démontrer par des documents probants l'origine réelle de la majorité des espèces déposées sur son compte bancaire pour une somme non négligeable de l'ordre de 4 000 000 FCFP ; que confrontée par ailleurs au fait que plusieurs retraits litigieux en particulier sur Nouméa correspondaient à sa présence dans cette ville (cf 1er retrait le 28 janvier 2012 avec une arrivée le 27 et un départ le 29, 2ème retrait le 14 avril 2012 avec une arrivée le 12 et un retour le 15, 3ème retrait le 28 avril 2012 avec une arrivée le 28 avril et un retour le 4 mai 2012) et que tel a été le cas pour les 22 retraits litigieux effectués en dehors de Lifou, ce qui permet de douter sérieusement de l'existence de coïncidences en la matière, comme les enquêteurs l'ont relevé, elle ne sera en mesure de fournir aucune explication crédible ; au vu de l'ensemble de ces éléments, l'implication de Mme Mélinda D... X... , épouse Y..., dans les faits de détournement reprochés est largement établie par un ensemble d'éléments concordants comme le tribunal l'a précisé dans sa décision que la cour reprend à son compte ; qu'elle sera donc retenue dans les liens de la prévention de ce chef ; que sur le prononcé de la peine, le casier judiciaire de Mme Mélinda D... X... , épouse Y... ne comporte aucune mention à ce jour ; que la cour relève cependant que les faits se sont déroulés sur une longue période de plusieurs années au préjudice d'une personne très âgée en utilisant les facilités que lui procuraient son activité professionnelle dans le cadre d'un procédé de détournement relativement élaboré ; que ces éléments justifient le prononcé d'une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis mais la cour estime particulièrement opportun de prévoir une mise à l'épreuve avec un certain nombre d'obligations de nature, d'une part, à favoriser l'indemnisation de la partie civile et, d'autre part, à éviter le risque de récidive que la cour estime réel au regard des éléments du dossier sachant que les faits reprochés ont été réalisés dans le cadre de l'activité professionnelle de l'appelante au sein de l'agence bancaire de Wé à Lifou ; que la décision déférée sera donc partiellement infirmée sur les peines prononcées ;

"et aux motifs adoptés que, sur la culpabilité, l'ensemble des éléments matériels recueillis par l'enquête de gendarmerie constitue un faisceau d'indices de nature à motiver la culpabilité de Mme Mélinda X..., malgré les dénégations de cette dernière ; qu'ainsi, il y a lieu de la déclarer coupable des faits qui lui sont reprochés ;

"1°) alors que le délit d'escroquerie suppose la mise en oeuvre de procédés frauduleux ayant faussé le discernement de la victime et l'ayant, en conséquence, déterminée à remettre volontairement une chose ; que les juges ne peuvent prononcer une condamnation pour escroquerie sans caractériser l'ensemble de ces éléments ; qu'en déclarant Mme X... coupable d'escroquerie sans préciser quels moyens frauduleux celle-ci aurait mis en oeuvre pour induire M. Z... en erreur et sans constater que celui-ci aurait été ainsi déterminé à lui remettre volontairement les sommes litigieuses, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"2°) alors que, pour constituer le délit d'escroquerie par manoeuvre frauduleuse, il faut une machination, c'est-à-dire la combinaison de faits, l'arrangement de stratagèmes, l'organisation de ruse ou une mise en scène ayant pour but de donner crédit au mensonge ; que les juges sont tenus de préciser les circonstances caractérisant la manoeuvre qu'ils retiennent comme escroquerie ; qu'en se bornant à énoncer que Mme X... n'avait pas contesté sérieusement qu'elle était la rédactrice de la déclaration de perte de la carte bancaire litigieuse, que M. Z... contestait avoir signé cette déclaration de perte et qu'il n'y avait pas de motif sérieux de nature à laisser penser qu'il aurait pu être l'auteur conscient d'une déclaration de perte, la cour d'appel n'a pas suffisamment caractérisé la tromperie qu'elle retenait ;

"3°) alors que tout jugement doit être motivé et l'emploi de motifs dubitatifs ou hypothétiques équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant que « l'écriture sur les documents d'ouverture de compte bancaire et sur la déclaration de perte de la carte était susceptible d'être la même et semblait correspondre à celle de Mme Mélinda X..., agent polyvalent affecté à l'agence OPT de Wé à Lifou », puis que madame X... avait éventuellement la possibilité matérielle de récupérer à la fois la carte et son code confidentiel, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs hypothétiques ;

"4°) alors qu'en se bornant, pour déclarer Mme X... coupable d'escroquerie, à relever que l'écriture sur les documents d'ouverture de compte bancaire et sur la déclaration de perte de la carte était susceptible d'être la même et semblait correspondre à celle de Mme X..., agent polyvalent affecté à l'agence OPT de Wé à Lifou, que celle-ci avait eu éventuellement la possibilité matérielle de récupérer à la fois la nouvelle carte bancaire et son code confidentiel et que de nombreux versements en espèces avaient été effectués sur son compte personnel à concurrence d'une somme proche du montant des sommes susceptibles d'avoir été détournées au préjudice de la partie civile, sans constater que Mme X... avait effectivement falsifié des documents bancaires et effectivement récupéré la nouvelle carte bancaire et le code confidentiel pour détourner des sommes appartenant à M. Z..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"5°) alors que la présomption d'innocence implique que les juges ne déduisent pas la culpabilité des seules affirmations de la partie civile mais prennent en compte l'ensemble des éléments de l'affaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déduit la culpabilité de Mme X... du seul fait que les allégations de M. Z..., partie civile, étaient crédibles dès lors qu'il était toujours en possession de sa carte bancaire prétendument volée lorsqu'il s'était présenté à l'agence bancaire pour l'interroger sur l'état de son compte et qu'il n'y avait pas de motif sérieux de nature à laisser penser qu'il aurait pu être l'auteur conscient d'une déclaration de perte de sa carte, sans prendre en compte les dénégations de la prévenue qui faisait valoir qu'elle n'avait jamais signé la déclaration de perte de la carte bancaire litigieuse ; qu'ainsi, en condamnant la prévenue sur le fondement des seules affirmations de la prétendue victime, la cour d'appel a méconnu le droit à un procès équitable et la présomption d'innocence ;

"6°) alors que la présomption d'innocence et le droit à un procès équitable interdisent également aux juges de déduire la culpabilité de présomptions qui ne sont pas suffisamment certaines ; qu'en retenant que Mme X... avait éventuellement la possibilité matérielle de récupérer à la fois la nouvelle carte de la partie civile et son code confidentiel, que plusieurs retraits litigieux dans certaines communes correspondaient à la présence de Mme X... dans ces communes et que de nombreux versements en espèces avaient été effectués sur le compte personnel de Mme X... à concurrence d'une somme proche du montant des sommes susceptibles d'avoir été détournées au préjudice de la partie civile, sans constater que Mme X... avait été la véritable utilisatrice de la carte, ni que les fonds versés sur le compte de Mme X... provenaient effectivement du compte de M. Z..., la cour d'appel s'est fondée sur des présomptions qui n'étaient pas suffisamment certaines pour justifier la déclaration de culpabilité ;

"7°) alors que tout arrêt doit constater l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction poursuivie et que la relaxe au bénéfice du doute doit être prononcée quand la preuve de cette infraction n'est pas rapportée de façon certaine ; qu'en se fondant, pour déclarer Mme X... coupable d'escroquerie au préjudice de M. Z..., sur le fait que Mme X... n'a pas été en mesure de démontrer par des documents probants l'origine réelle de la majorité des espèces déposées sur son compte bancaire pour une somme non négligeable de l'ordre de 4 000 000 francs Pacifique, la cour d'appel, qui a retenu des éléments insuffisants à établir la culpabilité de Mme X..., laquelle avait toujours nié les faits, n'a pas légalement justifié sa décision ;

"8°) alors qu'en vertu notamment du principe de la présomption d'innocence la charge de la preuve de la culpabilité des prévenus pèse sur l'accusation ; qu'en se fondant sur la circonstance que Mme X... n'a pas été en mesure lors de ses auditions par les enquêteurs de démontrer par des documents probants l'origine réelle de la majorité des espèces déposées sur son compte bancaire pour une somme non négligeable de l'ordre de 4 000 000 FCFP, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et méconnu la présomption d'innocence ;

"9°) alors que le délit d'escroquerie est un délit intentionnel qui suppose chez son auteur la conscience et la volonté de tromper la victime ; que les constatations de la cour d'appel n'établissent pas que Mme X... a, en toute connaissance de cause, participé à des manoeuvres frauduleuses déterminantes du consentement de la victime ; qu'en omettant de se prononcer sur l'élément intentionnel du délit et de le caractériser, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Attendu que, pour déclarer Mme X... coupable du délit d'escroquerie, l'arrêt, après avoir constaté qu'il existe un faisceau concordants d'éléments permettant de retenir la prévenue dans les liens de la prévention, énonce que l'intéressée, qui admet être la rédactrice de la déclaration de perte, conteste cependant en être la signataire alors même que les allégations de la partie civile sur ce point sont crédibles dès lors qu'elle était toujours en possession de sa carte bancaire lorsqu'elle s'est présentée à l'agence bancaire pour s'informer sur l'état de son compte ; que les juges ajoutent que l'appelante n'a pas été en mesure de démontrer l'origine réelle de la somme de 4 000 000 francs Pacifique déposée sur son compte bancaire, et qu'elle n'a pu fournir aucune explication crédible concernant sa présence à la date des retraits litigieux effectués dans les communes extérieures à Wé ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, par des énonciations d'où il résulte que Mme X... a sciemment commis les faits qui lui sont reprochés, et dès lors qu'entre dans les prévisions de l'article 313-1 du code pénal, le fait pour une personne ayant, à raison de sa profession, accès aux documents bancaires de la victime, d'obtenir, à l'insu de celle-ci, par l'établissement d'une fausse déclaration de perte, une autre carte bancaire et de l'utiliser pour procéder à des retraits d'argent, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu le principe de présomption d'innocence, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond, ne peut qu'être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, 1382 du code civil, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a condamné Mme X... à payer à Mme A..., veuve Z..., la somme de 5 435 000 FCFP en réparation du préjudice matériel, celle de 69 000 FCFP au titre des billets d'avion et celle de 80 000 FCFP en réparation du préjudice moral ;

"aux motifs propres que, sur l'action civile, le tribunal reçoit Mme B..., veuve Z..., en sa constitution de partie civile en sa qualité de veuve et d'héritière de la partie civile décédée en cours de procédure ; qu'elle invoque un préjudice en lien direct avec l'escroquerie reprochée ; que la prévenue sera déclarée responsable des préjudices subis par la partie civile ; que la partie civile réclame par voie de conclusions déposées le jour de l'audience une somme de 5 435 000 FCFP correspondant au montant des détournements, outre une somme de 100 000 FCFP correspondant au préjudice résultant de la privation de cette somme et une somme de 150 000 FCFP correspondant au préjudice moral qu'elle aurait subi ; que la cour relève que la partie civile n'a pas formalisé d'appel à l'encontre des dispositions civiles du jugement déféré ; que dès lors elle est irrecevable à présenter de nouvelles demandes devant la cour en particulier en augmentation de l'indemnisation du préjudice moral ; que la décision du tribunal sur l'action civile sera donc intégralement confirmée par la cour ;

"et aux motifs adoptés que, sur l'action civile, il y a lieu de recevoir Mme A..., veuve d'Ernest Z..., en sa constitution de partie civile ; que compte tenu de son préjudice, il convient de condamner Mme X... à lui verser les sommes de 5 435 000 FCFP au titre du préjudice matériel, 80 000 FCFP au titre du préjudice moral et 69 000 FCFP au titre des dépenses d'avion pour la présente audience ;

"alors que si les juges apprécient souverainement le préjudice résultant d'une infraction, cette appréciation ne peut être déduite de motifs insuffisants, contradictoires ou erronés ; qu'en se bornant à énoncer que, compte tenu du préjudice de Mme A..., veuve Z..., il convient de condamner Mme X... à lui verser les sommes de 5 435 000 francs Pacifique au titre du préjudice matériel, celle de 69 000 francs Pacifique au titre des billets d'avion et celle de 80 000 francs Pacifique au titre du préjudice moral, sans indiquer sur quels éléments elle s'est fondée pour prononcer de telles condamnations, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle" ;
Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice résultant pour M. Z..., partie civile, de l'infraction, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize mai deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-82509
Date de la décision : 16/05/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 28 février 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 mai. 2018, pourvoi n°17-82509


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : Me Brouchot, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.82509
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award