LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant offre de prêt acceptée le 30 décembre 2010, la société Sofinco, devenue société CA Consumer finance (la banque), a consenti à Mme X... (l'emprunteur) un crédit d'un montant de 30 700 euros remboursable en soixante-douze mensualités, destiné au financement de l'acquisition de son véhicule ; qu'à la suite de la défaillance de l'emprunteur, la banque l'a assigné en paiement ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu que, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier en l'absence de délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ;
Attendu que, pour condamner l'emprunteur à payer la somme de 21 665,75 euros à la banque, l'arrêt retient que, si cette dernière ne peut se prévaloir de la déchéance du terme sans mise en demeure préalable, le courrier du 21 mai 2013, par lequel elle met l'emprunteur en demeure de payer sans délai la totalité des sommes dues, vaut mise en demeure préalable à la déchéance du terme dont elle s'est par la suite valablement prévalue en assignant l'emprunteur ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme X... à payer à la société CA Consumer finance la somme de 21 665,75 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 5,90 % l'an à compter du 16 janvier 2014, l'arrêt rendu le 20 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société CA Consumer finance aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable comme prescrite les demandes de Mme X... tendant à obtenir le prononcé de la nullité de la stipulation du taux d'intérêt contractuel en paiement d'une somme de 6.075,70 €, et en fourniture d'un nouveau décompte prenant en considération ladite somme et d'AVOIR, en conséquence, condamné Mme X... à payer à la société Consumer Finance la somme de 21.665,75 €, avec intérêts au taux contractuel de 5,9 % l'an à compter du 16 janvier 2014 ;
AUX MOTIFS QUE sur l'irrecevabilité des demandes relatives au taux effectif global erroné et des demandes subséquentes, en vertu de l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable en la cause : « sauf pour les opérations de crédit mentionnées au 3° de l'article L. 311-3 et à l'article L. 312-2 du présent code pour lesquelles le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires, le taux effectif global d'un prêt est un taux annuel, à terme échu, exprimé pour cent unités monétaires et calculé selon la méthode d'équivalence définie par la formule figurant en annexe au présent code. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur » ; qu'en application de ce texte, il est considéré que l'absence de mention du taux de période et de la durée de période est une condition de la validité de la stipulation d'intérêt et que l'inexactitude de cette mention équivaut à une absence de mention, sanctionnée par la nullité de la stipulation d'intérêt et par la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel prévu ; que par ailleurs, en application de l'article 1304 du code civil, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans ; qu'il est considéré que ce délai a comme point de départ la signature de l'acte, lorsque l'examen de la teneur de l'action permet de constater l' erreur et en matière de crédit, il est admis que si les emprunteurs ne sont pas en mesure de déceler eux-mêmes les erreurs affectant le taux effectif global, la prescription dont s'agit ne leur est pas opposable ; qu'en outre, en application de l'article 122 du code de procédure civile, le moyen tiré de la prescription constitue une fin de non-recevoir ; qu'en l'espèce, il est constant, à la lecture du contrat, qu'il n'y a pas d'indication du taux de période et de la durée de la période ; que l'erreur était donc immédiatement décelable au jour de la signature du contrat, soit le 30 novembre 2010, de sorte que l'action en nullité des intérêts conventionnels ne pouvait être exercée que jusqu'au 30 décembre 2015 ; que Mme X... n'a formulé sa demande visant à obtenir le prononcé de la nullité de la stipulation du taux d'intérêt contractuel et ses demandes subséquentes en constatation de ce qu'elle est créancière d'une somme de 6.075,70 € et de fourniture d'un nouveau décompte, que par des conclusions signifiées le 9 mai 2016 ; qu'il en résulte que ces demandes sont prescrites ; que Mme X... doit donc être considérée comme irrecevable en ses demandes visant à obtenir le prononcé de la nullité de la stipulation du taux d'intérêt contractuel, en paiement d'une somme de 6.075,70 € et en fourniture d'un nouveau décompte prenant en considération ladite somme ;
ALORS QU'en cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, la prescription de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel engagée par celui-ci en raison d'une erreur affectant le TEG court à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur ; qu'ainsi, le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet à l'emprunteur de se convaincre, par lui-même, de l'erreur affectant le taux effectif global, ou lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur ; que dans ses conclusions d'appel, Mme X... faisait expressément valoir que « l'offre de prêt du 30 décembre 2010 prévoit un taux annuel effectif global de 7,119 %, mais n'indique expressément ni le taux de période ni la durée de période contrairement aux dispositions réglementaires et à la jurisprudence consumériste », et que « par conséquent, la banque n'ayant pas communiqué expressément ni le taux de période ni la durée de période à Mme X..., le taux annuel effectif global est erroné » ; qu'elle ajoutait que c'était dans un rapport d'expertise en date du 2 mars 2016 qu'il avait été indiqué « qu'une anomalie affecte le calcul du taux du TAEG puisqu'en regard du TAEG ne figure ni le taux de période ni la durée de période alors que l'article R. 313-1 du code de la consommation dispose que l'emprunteur doit se voir communiquer non seulement le « TAEG » du prêt, mais également le « taux de période » et la « durée de période » ; qu'en conséquence, aucune prescription ne pouvait lui être opposée dès lors que « l'examen de la teneur de l'offre de prêt ne permettait pas de constater l'erreur, laquelle n'a pu être découverte qu'au moment de l'expertise, soit le 2 mars 2016, date du rapport d'analyse financière (rapport de M. Z...), puisque « compte tenu de sa formulation spécifique avec des cases, l'erreur n'aurait été apparente que si une case blanche était à côté de la case « taux de période » (
) » (cf. p. 11 et 12) ; que la cour d'appel a elle-même constaté « qu'en l'espèce, il est constant, à la lecture du contrat, qu'il n'y a pas d'indication du taux de période et de la durée de la période » ; qu'il résultait nécessairement de ces constatations que Mme X... ne pouvait se convaincre, par elle-même, à la lecture de l'offre de prêt, du manquement de l'établissement de crédit à son obligation de lui communiquer le taux et la durée de période ; qu'en déclarant néanmoins prescrites les demandes de Mme X... formulées le 9 mai 2016, aux motifs que « l'erreur était donc immédiatement décelable au jour de la signature du contrat, soit le 30 novembre 2010, de sorte que l'action en nullité des intérêts conventionnels ne pouvait être exercée que jusqu'au 30 décembre 2015 », la cour d'appel a violé les articles 1304 et 1907 du code civil, ensemble les articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable en la cause.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Mme X... à payer à la société Consumer Finance la somme de 21.665,75 €, avec intérêts au taux contractuel de 5,9 % l'an à compter du 16 janvier 2014 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la validité de la déchéance du terme, conformément à l'article 1134 du code civil, les conventions tiennent lieu de loi entre les parties contractantes ; que par ailleurs, il est considéré que quelles que soient les dispositions contractuelles, seule une mise en demeure préalable permet au prêteur de se prévaloir de la déchéance du terme ; qu'en l'espèce, l'offre de prêt litigieuse précise : « en cas de défaillance de votre part dans les remboursements, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés » ; que toutefois, nonobstant ces dispositions contractuelles, la société Consumer Finance ne peut se prévaloir de la déchéance du terme sans mise en demeure préalable ; que le 21 mai 2013, la société Consumer Finance a adressé un courrier à Mme X... libellé en ces termes : « Nous constatons que vous n'avez donné aucune suite à nos différentes tentatives de recouvrement amiable. En conséquence, nous sommes dans l'obligation de rompre nos relations contractuelles et de prononcer la déchéance du terme de votre contrat. Nous vous mettons donc en demeure de nous régler immédiatement la totalité de la somme de 26.819,69 € représentant le solde de votre prêt amortissable, intérêts arrêtés à ce jour. A défaut, nous serons contraints d'engager des poursuites judiciaires » ; que ce courrier, à défaut d'une mise en demeure l'ayant précédé, ne saurait être considéré comme prononçant valablement la déchéance du terme ; qu'en revanche, il doit être considéré comme constituant une mise en demeure préalable à la déchéance du terme dont la société Consumer Finance s'est par la suite valablement prévalue en assignant Mme X... devant le tribunal d'instance de Soissons le 16 janvier 2014 ; que sur le montant des sommes restant dues, il est notamment versé aux débats : - le contrat de crédit, - le tableau d'amortissement, - le décompte de la créance au 30 octobre 2013, - la mise en demeure du 21 mai 2013, - l'historique du compte ; qu'en application de la convention, et des dispositions des articles 311-1 et suivants du code de la consommation, la créance s'établit comme suit : - 22.190,65 € au titre du capital restant dû des échéances impayées, - 845,71 € au titre de l'indemnité légale que le premier juge a justement réduite en application de l'article 1152 du code civil en raison de son caractère excessif et dont rien ne saurait justifier qu'elle soit ramenée à 1 €, total 23.036,36 €, dont il n'y a pas lieu de déduire les règlements intervenus dans le cadre de la saisie-attribution dont il n'est pas justifié mais uniquement les règlements postérieurs au 30 octobre 2013 dont la preuve est rapportée, à savoir : - 262,45 € le 22 novembre 2013, - 262,45 € le 26 décembre 2013, reste 22.511,46 € ; que cette somme portera intérêt à compter du 16 janvier 2014, date de l'assignation par laquelle la société Consumer Finance s'est prévalue de manière suffisamment interpellative de la déchéance du terme, et ce au taux contractuel de 5,9 % l'an à due concurrence de 21.665,75 € et au taux légal pour le surplus, soit 845,71 € ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' au vu de : - l'offre préalable de crédit d'un montant de 30.700 €, consentie par la société Viaxel à Mme X... au taux contractuel de 5,9 % l'an, remboursable en 72 mensualités de 524,89 € ; - du tableau d'amortissement ; - de l'acte de mise en demeure aux termes duquel elle a fait connaître sa volonté de résilier le contrat, à la date du 21 mai 2013, il existait 7 mensualités échues impayées, et que cette mise en demeure est restée infructueuse concernant le montant de 3.674,23 € dû par la défenderesse à ce titre, cette dernière n'ayant versé que la somme de 1.051,77 € le 30 mai 2013 ; que le déchéance du terme du crédit litigieux a donc été prononcée en l'espèce d'une manière non abusive par la société Consumer Finance ; qu'il convient de débouter entièrement Mme X... de sa demande reconventionnelle, non fondée ;
1) ALORS QUE si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que l'offre de prêt du 30 décembre 2010 précisait qu' « en cas de défaillance de votre part dans les remboursements, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés », mais que « nonobstant ces dispositions contractuelles, la société Consumer Finance ne (pouvait) se prévaloir de la déchéance du terme sans mise en demeure préalable » ; qu'elle a ensuite constaté que le courrier du 21 mai 2013 adressé par la société Consumer Finance à Mme X... était libellé dans les termes suivants : « Nous constatons que vous n'avez donné aucune suite à nos différentes tentatives de recouvrement amiable. En conséquence, nous sommes dans l'obligation de rompre nos relations contractuelles et de prononcer la déchéance du terme de votre contrat. Nous vous mettons donc en demeure de nous régler immédiatement la totalité de la somme de 26.819,69 € représentant le solde de votre prêt amortissable, intérêts arrêtés à ce jour » ; qu'il résultait de ces constatations que le courrier du 21 mai 2013 ne pouvait être considéré comme une mise en demeure, dès lors qu'il rompait les relations contractuelles et prononçait la déchéance du terme, sans préciser le délai dont disposait Mme X... pour y faire obstacle ; qu'en décidant cependant que la société Consumer Finance s'était valablement prévalue de la déchéance du terme en assignant Mme X... devant le tribunal d'instance de Soissons le 16 janvier 2014, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause ;
2) ALORS QUE l'assignation n'entraîne pas, par elle-même, déchéance du terme ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément retenu que le courrier adressé le 21 mai 2013 par la société Consumer Finance à Mme X... ne pouvait « être considéré comme prononçant valablement la déchéance du terme », « à défaut d'une mise en demeure l'ayant précédé » ; qu'il résultait nécessairement de ces constatations que la déchéance du terme du prêt litigieux n'était pas acquise au jour de l'assignation en date du 16 janvier 2014 ; qu'en décidant cependant que la société Consumer Finance s'était valablement prévalue de la déchéance du terme en assignant Mme X... devant le tribunal d'instance de Soissons le 16 janvier 2014, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause.