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16/05/2018 | FRANCE | N°17-13231

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 mai 2018, 17-13231


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z... a été engagé le 2 janvier 1992 par la société Granvilmer en qualité de responsable opérationnel avitaillement ; que le 13 janvier 2009, la société Granvilmer a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire et M. Y... a été désigné en qualité d'administrateur ; que dans le cadre d'un plan de redressement, l'activité avitaillement-gasoil a été cédée à compter du 1er janvier 2010 ; que le 13 janvier 2010, M. Z... a été licencié pour motif écono

mique ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z... a été engagé le 2 janvier 1992 par la société Granvilmer en qualité de responsable opérationnel avitaillement ; que le 13 janvier 2009, la société Granvilmer a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire et M. Y... a été désigné en qualité d'administrateur ; que dans le cadre d'un plan de redressement, l'activité avitaillement-gasoil a été cédée à compter du 1er janvier 2010 ; que le 13 janvier 2010, M. Z... a été licencié pour motif économique ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de la rupture du contrat de travail et rappels de prime d'intéressement ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamner l'employeur à verser au salarié des dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt retient que le licenciement est intervenu le 13 janvier 2010 sur la seule base du jugement du 15 décembre 2009 arrêtant le plan de cession partielle de l'activité avitaillement-gasoil, qu'il est admis de part et d'autre que le jugement du tribunal de commerce du 15 décembre 2009 autorisait, outre la cession de l'activité avitaillement-gasoil, « en application de l'article L. 642-5 du code de commerce, le licenciement du personnel non repris à savoir un responsable de dépôt », qu'en revanche, alors que rien n'établit que le salarié n'était affecté qu'à l'activité avitaillement-gasoil cédée, il ne peut être considéré que le jugement du tribunal de commerce autorisant la cession partielle de l'activité avitaillement-gasoil et le licenciement du personnel non repris était de nature à constituer la cause réelle et sérieuse du licenciement de l'intéressé ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résultait pas des conclusions des parties, reprises oralement à l'audience, qu'elles aient contesté l'affectation exclusive du salarié à la branche d'activité avitaillement-gasoil cédée, la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il condamne la société Granvilmer à payer à M. Z... les sommes de 40 329,60 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
l'arrêt rendu le 16 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour la société Granvilmer et M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la créance de M. Z... au passif du redressement judiciaire de la société Granvilmer aux sommes de 42 696,66 € à titre de rappel sur commissions et 4 269,66 € au titre des congés payés afférents, et d'avoir condamné la société Granvilmer à verser à M. Z... les sommes de 9 799,79 € à titre de rappel sur commissions et 979,97 € de congés payés y afférents ;

AUX MOTIFS QU'il résulte du courrier adressé à M. Z... le 28 juillet 1993 que sa rémunération a été fixée selon les modalités suivantes : « à votre rémunération fixe pourra s'ajouter, à compter du 1er janvier 1993, une rémunération variable dont l'assiette et le mode de calcul seront revus chaque année. Pour l'année 1993, cette partie variable sera exclusivement liée au chiffre d'affaires réalisé et sera versée sous la forme de primes (
)
Ces primes s'entendent sur le chiffre d'affaires hors taxes matériel et habillement à l'exclusion des cessions aux autres coopératives (
) Au début de 1994, nous vous proposerons un nouvel intéressement fondé sur les objectifs de l'exercice » ; que dans les années qui suivirent cet engagement, le salarié a perçu des sommes au titre de sa rémunération variable calculée selon les modalités ci-dessus définies, alors que l'activité avitaillement à laquelle M. Z... était affecté sur le port de Granville ne comprenait aucun autre élément que la fourniture de matériel et d'habillement ; que le 5 décembre 2004, l'employeur lui a adressé un courrier fixant, « à compter de l'exercice en cours (1er décembre 2004 au 30 novembre 2005), a- une prolongation du barème d'intéressement au chiffre d'affaires avec deux nouvelles tranches (
) b- une prime sur objectifs (
) le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice précédent 2002/2003 hors cessions intercoopératives est de 1 310 000 €. Pour l'exercice 2004/2005, l'objectif est une croissance de 5 % soit 1 375 000 €
» ; que dans la suite de ces dispositions, le salarié a perçu une prime sur chiffre d'affaires et à compter de 2006, une prime d'objectif ; que les termes du courrier du 5 décembre 2004 ne permettent pas d'exclure du chiffre d'affaires auquel doit être appliqué le barème concernant la prime d'intéressement celui résultant de l'activité avitaillement gazole nouvellement exploitée au sein de l'établissement de Granville dès cette période, ainsi que le démontre le tableau versé par l'employeur faisant état d'un produit d'exploitation gazole de 986 049 € en 2005 ; que dès lors que M. Z... était affecté à un poste dans la branche avitaillement des navires de la société, branche de laquelle ne pouvait être exclu l'avitaillement gasoil, comme le démontre l'article 190 du code des douanes selon lequel « sont exemptés des droits de douane et des taxes intérieures les produits pétroliers et les houilles destinés à I'avitaillement des navires », rien ne permet, en l'absence de disposition contractuelle claire, de considérer que la prime d'intéressement ne doit être calculée que sur le chiffre d'affaires de l'avitaillement hors fourniture de gasoil ; que M. Z... peut prétendre à ce titre au paiement d'une somme de 52 496,45 €, sans autre contestation du principe de cette créance ;

ALORS QUE la lettre du 5 décembre 2004, outre qu'elle instaurait une prime d'objectif, se bornait à ajouter au barème d'intéressement au chiffre d'affaires fixé par la lettre du 28 juillet 1993 deux nouvelles tranches, sans modifier la provenance du chiffre d'affaires sur lequel était appliqué ce barème ; que la prime d'intéressement devait donc continuer à être calculée conformément au courrier du 28 juillet 1993, à savoir sur « le chiffre d'affaires hors taxes matériel et habillement, à l'exclusion des cessions intercoopératives » ; qu'en décidant que les termes du courrier du 5 décembre 2004 ne permettaient pas d'exclure du chiffre d'affaires auquel s'appliquait le barème d'intéressement celui résultant de l'activité gazole nouvellement exploitée au sein de l'établissement, quand ces termes ne permettaient pas, au contraire, de modifier la définition du chiffre d'affaires sur lequel s'appliquait le barème, ni, par conséquent, d'y ajouter celui résultant de l'activité gazole, la cour d'appel a dénaturé ensemble les termes des lettres des 28 juillet 1993 et 5 décembre 2004 et ainsi violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Granvilmer à verser à M. Z... la somme de 40 329,60 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement du 13 janvier 2010 énonçait : «nous avons envisagé l'hypothèse de votre licenciement pour motif économique en raison de la suppression de votre poste. (
) vous occupez le poste de responsable de dépôt de la section avitaillement-gasoil située à Granville. Par jugement du 29 janvier 2009, le tribunal de commerce de Coutances a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Granvilmer (
) Lors de l'audience du 8 décembre 2009, la coopérative Copéport a présenté au tribunal de commerce une offre de reprise partielle de l'entreprise, à savoir la branche avitaillement-gasoil. Lors de cette audience, il a également été précisé que des propositions de modification du contrat de travail avaient été présentées à chacun des quatre salariés de la branche considérée et qu'un salarié avait refusé la proposition.

Par jugement du 15 décembre 2009, le tribunal de commerce a retenu l'offre de la coopérative Copéport et a expressément autorisé, en application des dispositions du code de commerce, le licenciement du personnel non repris, à savoir un responsable de dépôt. Compte tenu du fait que vous êtes le seul salarié employé au sein de la catégorie professionnelle des chefs de dépôt, votre poste de travail se trouve supprimé sans que l'application des critères d'ordre prévue par l'article L. 1233-5 du code du travail n'ait lieu de s'appliquer. En raison de cette suppression, nous avons bien entendu recherché des solutions de reclassement. Au sein de l'entreprise toujours en redressement judiciaire, il n'existe malheureusement pas de poste disponible et le reclassement en interne est donc impossible. Faute de solution de reclassement, nous sommes donc contraints de prendre acte de l'impossibilité de vous conserver ou de vous fournir un autre poste et nous devons donc procéder à votre licenciement » ; que ce licenciement est intervenu le 13 janvier 2010 sur la seule base du jugement du 15 décembre 2009 arrêtant le plan de cession partielle de l'activité avitaillement-gasoil alors que la société Granvilmer, dont la période d'observation ouverte le 29 janvier 2009 a été prolongée dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire jusqu'au 29 juillet 2010, un plan de redressement ayant été mis en oeuvre à compter du 13 juillet précédent (sic) ; qu'il est admis de part et d'autre que le jugement du tribunal de commerce du 15 décembre 2009 autorisait outre la cession de l'activité avitaillement-gasoil, « en application de l'article L. 642-5 du code de commerce, le licenciement du personnel non repris à savoir un responsable de dépôt » ; qu'en revanche, alors que rien n'établit que M. Z... n'était affecté qu'à l'activité avitaillement-gasoil cédée, il ne peut être considéré que le jugement du tribunal de commerce autorisant la cession partielle de l'activité avitaillement-gasoil et le licenciement du personnel non repris était de nature à constituer la cause réelle et sérieuse du licenciement de l'intéressé ; que de ce fait, le licenciement de M. Z... ne peut être considéré comme fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

1/ ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le salarié n'a jamais allégué ne pas être exclusivement affecté à l'activité « avitaillement-gasoil » et qu'aucune des autres parties ne l'a non plus suggéré ; qu'en retenant que « rien n'établit que M. Z... n'était affecté qu'à l'activité avitaillement-gasoil cédée », pour en déduire que le jugement du tribunal de commerce autorisant la cession de cette branche d'activité ainsi que le licenciement du personnel non repris ne pouvait constituer la cause réelle et sérieuse du licenciement de l'intéressé, la cour d'appel a introduit dans le débat un moyen de fait non invoqué par les parties, a ainsi modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE le juge ne peut retenir, dans sa décision, les moyens non invoqués par les parties sans mettre celles-ci à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en retenant d'office le moyen pris de ce que « rien n'établit que M. Z... n'était affecté qu'à l'activité avitaillement-gasoil cédée», sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-13231
Date de la décision : 16/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 16 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 mai. 2018, pourvoi n°17-13231


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Monod, Colin et Stoclet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.13231
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