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16/05/2018 | FRANCE | N°16-28373

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 mai 2018, 16-28373


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z... a été engagée le 21 mars 2005 par la société JJ Loos en qualité d'assistante reprographie ; qu'elle exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable de l'atelier de reprographie de [...] et a été licenciée pour motif économique le 3 avril 2013 ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour dire que le licenciement de la salariée ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient

que l'employeur exposait dans ses écritures que le groupe auquel il appartenait intervenai...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z... a été engagée le 21 mars 2005 par la société JJ Loos en qualité d'assistante reprographie ; qu'elle exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable de l'atelier de reprographie de [...] et a été licenciée pour motif économique le 3 avril 2013 ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour dire que le licenciement de la salariée ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'employeur exposait dans ses écritures que le groupe auquel il appartenait intervenait notamment dans les domaines de la reprographie, de la photocopie et du matériel de bureau ;

Qu'en statuant ainsi alors que l'employeur ne faisait pas état de son appartenance à un tel groupe dans ses écritures, reprises oralement à l'audience, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 1315 du code civil ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer à la salariée une certaine somme à titre de rappel de salaires et d'"indemnité compensatrice de préavis y afférente" (en réalité d'indemnité compensatrice de congés payés afférente), l'arrêt retient que l'employeur ne fournit aucun élément quant à la définition et au calcul de cette indemnité et n'établit pas ainsi qu'elle découle directement de l'exécution, par la salariée, de sa prestation ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la salariée établissait que la prime de qualité n'était pas la contrepartie de son travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne Mme Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour la société JJ Loos

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que le licenciement de Madame Z... ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, et D'AVOIR condamné en conséquence la société JJ LOOS à payer à la salariée une somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article L 1233 -3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; il est par ailleurs admis que constitue un motif économique valable la réorganisation en vue de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise du secteur du groupe auquel elle appartient ; il résulte de ce texte, ainsi complété, que la lettre de licenciement pour motif économique doit comporter non seulement l'énonciation des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la réorganisation de l'entreprise invoquées, mais également l'énonciation des incidences de ces éléments sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié ; en l'espèce, Madame Sandrine Z... a été destinataire d'une lettre datée le 2 avril 2013 qui lui indique que son licenciement pour motif économique « est justifié par une diminution sensible de l'activité reprographie, qui s'est traduite par une diminution cumulée du chiffre d'affaires pour ladite activité au sein de l'entreprise de 14,3 % sur la période courant de fin juin 2011 à fin juin 2012, la baisse étant de 8 % pour l'établissement de [...]. Cette situation n'a d'ailleurs fait que s'aggraver au cours des derniers mois, puisque sur la même période de fin février 2012 à fin février 2013, la baisse de ladite activité s'établissait respectivement à 14,2 % et 8,5 % pour l'établissement de [...]. Le différentiel d'activité et donc de chiffre d'affaires de l'activité reprographie s'étab1issait à moins 12,7 % pour la société et moins 16,1 % pour l'établissement de [...] en comparant les mois de février 2012 et 2013. Nous vous avons d'ailleurs transmis toutes informations utiles, vous confirmant la diminution très sensible des affaires comprenant de la PAO, de la reprographie de plans, des appels d'offres, et de l'activité au comptoir. Ce motif nous conduit à supprimer votre poste... » ; à la lecture de cette lettre, le licenciement de la salariée est motivé par la suppression de son emploi consécutivement à des difficultés économiques résultant d'une diminution de l'activité reprographie, et ce plus particulièrement sur le site de reprographie de [...] dont la salariée avait été nommée responsable ; dans le cadre de la présente instance, la SARL JJ LOOS motive encore le licenciement de Mme Z... par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, mais force est de constater qu' elle n'avait pas fait référence à ce motif dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, pas davantage qu'à la nécessité de réorganiser l'entreprise ; la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; il résulte des éléments produits aux débats que la société JJ LOOS fait partie d'un groupe qui comprend les sociétés commerciales JJ LOOS SARL, PRODUCTION IMAGES SARL, IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINTLOUIS et EURHODE, chapeautées par la holding SARL PM FINANCES ; ainsi, le caractère réel et sérieux du motif invoqué par l'employeur doit s'apprécier au niveau du secteur d'activité du groupe dont l'entreprise JJ LOOS fait partie ; le secteur d'activité s'entend des entreprises du groupe dont l'activité économique a le même objet, quelles que soient les différences tenant aux modes de production des biens et à leur localisation géographique ; en l'espèce, l'employeur expose, dans ses écritures, que le groupe intervient dans les domaines de la reprographie, de la photocopie, du matériel de bureau etc... ; il évoque l'activité « de vente de marchandises à savoir le négoce » et l'activité de production qui se subdiviserait en l'activité « biens » qui correspondrait à la reprographie et l'activité « production de services » qui correspondrait à l'activité de maintenance ; il justifie le licenciement de la salariée au regard essentiellement de la diminution de l'activité de reprographie de la société LOOS ; cependant, il se borne à produire des documents informels (ses annexes 10, 11, 12) portant relevé de « l'activité reprographie » et « analyse cour d'appel » ainsi que l'attestation de M. C..., expert-comptable ( son annexe 45) qui identifie l'activité reprographie sur les formulaires fiscaux ; or, ceux-ci ne sont pas constitutifs d'éléments ou de faisceau d'indices suffisants permettant d'établir que l'activité reprographie constitue à elle seule un secteur d'activité distinct, tant au niveau de l'entreprise que du groupe auquel elle appartient ; en effet, il résulte des éléments du dossier que le groupe intervient, indépendamment du domaine de la vente de matériel de bureau qui peut effectivement se concevoir comme relevant d'un secteur distinct, également dans le domaine de la photocopie et de l'imprimerie qu'aucun élément probant ne permet de considérer comme relevant d'un secteur distinct de la reprographie au sens ci-dessus rappelé ; à supposer même que l'activité reprographie ait constitué un seul secteur d'activité, les difficultés économiques rencontrées par ce secteur d'activité délimité au sein de l'entreprise, seule invoquée par l'employeur à l'appui du licenciement de Madame Z..., à l'exclusion des difficultés économiques au niveau du secteur d'activité existant au niveau du groupe ne sont pas, à elles seules, de nature à caractériser la cause économique nécessaire à fonder le licenciement de l'intimée ; en effet, il est constant que les difficultés économiques existant à un niveau d'appréciation inférieur à celui d'un secteur d'activité existant au niveau du groupe ne sont pas de nature à caractériser la cause économique propre à fonder le licenciement de la salariée, encore moins, au demeurant, s'agissant d'un niveau inférieur à l'entreprise tel, en l'occurrence, que l'établissement de [...] visé dans la lettre de licenciement ; or, et quelle que soit la délimitation matérielle du secteur concerné, la cour relève que l'employeur s'est contenté de produire les documents comptables au niveau de l'entreprise JJ LOOS de sorte que la preuve de l'existence des difficultés économiques contemporaines de licenciement de la salariée dans le périmètre requis, n'est pas rapportée, pas davantage d'ailleurs que l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel la société LOOS appartient ; au contraire, la salariée produit notamment (son annexe 34) un article paru dans la presse le 20 février 2012, consacré au groupe LOOS à la suite du déménagement de la société LOOS dans de nouveaux locaux, qui relève, s'agissant du groupe, ses résultats financiers en hausse, ses filiales leaders comme COPY FLASH (dont l'entête porte la mention Le Reprographe annexe 50 de l'employeur) et souligne en particulier la volonté du groupe de développer son activité d'impression ; en conséquence de ces développements, par voie d'infirmation du jugement déféré et sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen tiré du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement et la demande subsidiaire de l'intimée fondée sur la violation des critères d'ordre des licenciements, le licenciement pour motif économique et Madame Z... doit être dit sans cause réelle et sérieuse ; au regard notamment de l'ancienneté de la salariée lors de son licenciement (8 ans), de son âge (47 ans), de ses difficultés justifiées à retrouver un emploi pérenne à temps plein, son préjudice sera justement réparé par l'allocation de la somme de 20.000 euros » (arrêt, pp. 7 à 9) ;

ALORS QUE 1°), le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que ni la société JJ LOOS, ni Madame Z... ne soutenait, dans leurs conclusions dont la cour d'appel constatent qu'elles ont été oralement soutenues par les parties à l'audience (arrêt p. 6), que la société JJ LOOS faisait partie d'un groupe de sociétés relevant d'un même secteur d'activité, au regard duquel le juge aurait dû apprécier la réalité des difficultés économique justifiant le licenciement de la salariée ; qu'en se fondant néanmoins sur ce moyen relevé d'office, sans appeler préalablement les parties à faire valoir leurs observations sur cette question, pour dire le licenciement de Madame Z... sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS QUE 2°), l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que, pour apprécier la réalité des difficultés économiques justifiant le licenciement de la salariée, et dire ce dernier sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel affirme que « l'employeur [aurait exposé], dans ses écritures, que le groupe [intervenait] dans les domaines de la reprographie, de la photocopie, du matériel de bureau etc
» (arrêt, p. 8) ; qu'en statuant ainsi, quand la société JJ LOOS n'a aucunement procédé à une telle affirmation dans ses conclusions, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société JJ LOOS à payer à Madame Z... une somme de 1.025,12 € à titre de rappels de salaire, outre 102,51 € au titre de « l'indemnité compensatrice de préavis y afférente » (lire en réalité : au titre des congés payés y afférents) ;

AUX MOTIFS QU'« il est acquis aux débats que Madame Sandrine Z... a obtenu, en cours de procédure de première instance, le règlement de la somme de 1.025,04 € qu'elle réclamait au titre d'un rattrapage de salaire lié à sa prime annuelle de sorte que ce chef de sa demande initiale n'est plus en litige ; Madame Z... maintient cependant sa demande portant sur les minima conventionnels garantis qui n'auraient pas été respectés par son employeur et elle réclame paiement de la somme de 3.461,44 € bruts à titre de rappel de salaire, outre les congés payés y afférents ; elle soutient en effet que l'employeur ne démontre pas que la prime de qualité et la prime de responsabilité puissent entrer dans le calcul du minimum conventionnel comme étant la contrepartie du travail personnel qu'elle effectuait, précisant qu'il importe peu à cet égard qu'il s'agisse de sommes soumises à cotisations sociales ; l'employeur soutient que la salariée a toujours pu bénéficier d'une rémunération supérieure au SMIC ou au minimum conventionnel ; il précise que, pour la première période d'août à septembre 2009, visée par la salariée, cette dernière percevait une prime dite de qualité, soumise à charges à laquelle s'est ajoutée, pour la période courant de février 2011 à avril 2013, une prime de responsabilité en qualité de responsable d'atelier, également soumise à charges, de sorte que ces deux primes s'intègrent à la rémunération versée à Madame Z..., qui respecte ainsi les minima sociaux ; il n'est pas contesté en l'espèce que la convention collective ne précise pas si les primes litigieuses de qualité et de responsabilité doivent ou non être intégrées à la rémunération du salarié ; il y a lieu, en conséquence, d'appliquer le principe selon lequel les primes et gratifications qui découlent directement de l'exécution par le salarié de sa prestation de travail sont parties intégrantes de sa rémunération ; tel est indéniablement le cas de la prime dite de responsabilité (150 €) que la salariée a perçue chaque mois à compter du 1er février 2011, date de sa nomination au poste de responsable de l'atelier de reprographie de [...], ainsi qu'il résulte des bulletins de paie produits ; s'agissant de la prime dite de qualité (60 €), l'employeur ne fournit aucun élément quant à sa définition et son calcul ; il n'établit ainsi pas qu'elle découle directement de l'exécution par le salarié de sa prestation ; Madame Z... est dès lors bien fondée, au regard du tableau qu'elle produit, établi mois par mois en comparant son salaire perçu avec le salaire minimum conventionnel sur la base de chiffres qui ne sont pas contestés, à obtenir, à titre de rappel de salaire, la somme de 1.025,12 €, outre 102,51 € au titre des congés payés y afférents ; le jugement déféré sera infirmé en ce sens » (arrêt pp. 6 et 7) ;

ALORS QUE 1°), celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'il appartient au salarié, qui sollicite un rappel de salaire pour non-respect par l'employeur des minima conventionnels, de démontrer ne pas avoir été rempli de ses droits au regard de la convention collective ; que, pour accueillir la demande en rappel de salaire de Madame Z..., la cour d'appel énonce que, s'agissant de la prime dite « de qualité », l'employeur ne fournissait aucun élément quant à sa définition et son calcul et qu'il n'établissait pas qu'elle découlait directement de l'exécution par le salarié de sa prestation ; qu'en statuant ainsi, quand il appartenait à la salariée, qui sollicitait un rappel de salaire, de démontrer ne pas avoir été remplie de ses droits au regard de la convention collective, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

ALORS QUE 2°), l'accord collectif peut définir le salaire minimum conventionnel en y incluant ou au contraire en excluant certains éléments de rémunération ; qu'à défaut de définition conventionnelle, il convient de tenir compte de toutes les sommes perçues par le salarié en contrepartie ou à l'occasion du travail ; que, pour accueillir la demande en rappel de salaire de Madame Z..., la cour d'appel n'a pas tenu compte de la prime de qualité dans le calcul du salaire minimum conventionnel, après avoir constaté qu'elle ne disposait d'aucun élément permettant de définir l'objet de cette prime, et son calcul ; qu'en statuant ainsi, sans établir que la prime de qualité n'était effectivement pas la contrepartie du travail fourni, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-28373
Date de la décision : 16/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 27 octobre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 mai. 2018, pourvoi n°16-28373


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Marlange et de La Burgade, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.28373
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