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16/05/2018 | FRANCE | N°16-21394

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 mai 2018, 16-21394


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 25 mai 2016), que la société Nickel chrome et la société Picoty énergies services, qui ont exploité successivement une même station-service, ont bénéficié du régime fiscal privilégié de gazole sous condition d'emploi, prévu à l'article 265 B du code des douanes, permettant de payer une taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers réduite ; que le 17 juin 2010, l'administration des douanes a notifié à chacune de

ces sociétés, représentées par leur dirigeant, M. Y..., un procès-verbal d'infrac...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 25 mai 2016), que la société Nickel chrome et la société Picoty énergies services, qui ont exploité successivement une même station-service, ont bénéficié du régime fiscal privilégié de gazole sous condition d'emploi, prévu à l'article 265 B du code des douanes, permettant de payer une taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers réduite ; que le 17 juin 2010, l'administration des douanes a notifié à chacune de ces sociétés, représentées par leur dirigeant, M. Y..., un procès-verbal d'infractions pour non-respect des obligations particulières liées au statut de distributeur de gazole sous condition d'emploi et absence de preuve d'une distribution légale des produits sous condition d'emploi, puis a émis à leur encontre, les 10 et 13 décembre 2010, respectivement, des avis de mise en recouvrement de la taxe éludée ; que leurs contestations ayant été rejetées, les sociétés Nickel chrome et Picoty énergies services ont assigné l'administration des douanes en annulation de ces avis ;

Attendu que l'administration des douanes fait grief à l'arrêt d'annuler les avis de mise en recouvrement alors, selon le moyen :

1°/ que les droits de la défense d'un redevable sont respectés dès lors qu'il a été mis en mesure de faire valoir auprès de l'administration douanière ses observations en connaissance de cause et en temps utile avant la délivrance de l'avis de mise en recouvrement ; qu'en considérant que les droits de la défense de M. Y..., ès qualités de dirigeant des sociétés Picoty énergies services et Nickel chrome, n'auraient pas été respectés aux motifs inopérants que le procès-verbal de notification d'infractions du 17 juin 2010 n'aurait pas indiqué que l'administration des douanes lui avait permis de s'expliquer préalablement et qu'il n'aurait pas été préalablement avisé de la possibilité de faire valoir ses observations, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si M. Y..., ès qualités, n'avait pas été informé dès le début de l'enquête, le 14 mai 2009, de l'objet du contrôle, n'avait pas été convoqué préalablement à la notification des infractions le 13 août 2009 en vue de cette notification, n'avait pas été entendu une nouvelle fois le 11 mars 2010, n'avait pas assisté à la rédaction des procès-verbaux d'infraction à l'issue desquels il avait pu formuler ses observations et n'avait pas adressé à l'administration, à de nombreuses reprises (les 5, 12 et 19 juin 2009, puis les 26 avril et 25 mai 2010), de multiples documents, ce dont il résultait que M. Y..., ès qualités, avait pu concrètement et effectivement faire valoir son point de vue avant la notification des infractions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe du respect des droits de la défense ;

2°/ que les droits de la défense d'un redevable sont respectés dès lors qu'il a été mis en mesure de faire valoir auprès de l'administration douanière ses observations en connaissance de cause et en temps utile avant la délivrance de l'avis de mise en recouvrement ; qu'en considérant que les droits de la défense de M. Y..., ès qualités de dirigeant des sociétés Picoty énergies services et Nickel chrome, n'auraient pas été respectés aux motifs inopérants que le procès-verbal de notification d'infractions du 17 juin 2010 n'aurait pas indiqué que l'administration des douanes lui avait permis de s'expliquer préalablement et qu'il n'aurait pas été préalablement avisé de la possibilité de faire valoir ses observations, quand il résultait de ses propres constatations qu'un délai de 6 mois avait couru entre la notification des infractions le 17 juin 2010 et la délivrance des avis de mise en recouvrement les 10 et 13 décembre 2010, ce dont il résultait que M. Y..., ès qualités, avait été concrètement et effectivement mis à même de faire valoir ses observations avant que les avis de mise en recouvrement ne lui soient délivrés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation du principe du respect des droits de la défense ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que le respect des droits de la défense oblige l'administration des douanes, préalablement à la notification du procès-verbal d'infractions, à entendre la personne concernée après lui avoir laissé un délai suffisant pour préparer sa défense, et à prendre en considération de manière utile et effective les observations et les explications de celle-ci, l'arrêt constate que la notification des infractions a été faite le jour même de la présentation, par le représentant des sociétés, des derniers documents concernant la période du 1er juin 2009 au 17 juin 2010, et que le procès-verbal de notification d'infractions du 17 juin 2010 ne contient aucune indication permettant d'établir que l'administration des douanes a permis au représentant des sociétés de s'expliquer sur l'ensemble des documents communiqués ou saisis entre le 14 mai 2009 et le 17 juin 2010 et de présenter toutes observations utiles à sa défense ; que de ces constatations, la cour d'appel a pu déduire, sans avoir à effectuer d'autres recherches, que la procédure était irrégulière, peu important qu'un délai de six mois ait couru entre la notification des infractions et la délivrance des avis de mise en recouvrement ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le directeur général des douanes et droits indirects, le chef de l'agence de poursuites de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et le directeur régional des douanes et droits indirects de Poitiers aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer aux sociétés Nickel chrome et Picoty énergies services la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la direction régionale des douanes et droits indirects de Poitiers, le chef de l'agence de poursuites de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, le directeur général des douanes et droits indirects et la recette régionale de la direction régionale des douanes et droits indirects de Poitiers.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé en toutes ses dispositions le jugement déféré et d'AVOIR annulé les avis de mises en recouvrement n° 10/933/2355 et n°10/933/2358 notifiés aux sociétés PICOTY ENERGIES SERVICES et NICKEL CHROME pour des montants respectifs de 85.754 euros et 84.592 euros ;

AUX MOTIFS QU'il est constant que le respect des droits de la défense constitue un principe général du droit des douanes communautaire et que lorsqu'un contrôle douanier conduit à la notification d'une dette douanière au sens des §9-10 et 11 de l'article 4 §9 du Code des douanes communautaire, la personne concernée a le droit de faire connaître ses observations préalablement à la communication de la dette ; que le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre est prévu par l'article 41 §2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que par les articles 67 A à D du Code des douanes issus de la loi de finances n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 ; que ce droit oblige l'administration des douanes à entendre la personne concernée après lui avoir laissé un délai suffisant pour préparer sa défense, mais aussi à prendre en considération de manière utile et effective les observations et explications de celle-ci ; que les articles 67 A à D du Code des douanes issus de la loi de finances n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 ne sont pas applicables au régime fiscal privilégié sous condition d'emploi du fioul domestique prévu aux articles 265 et suivants du Code des douanes ; mais que l'administration des douanes est cependant tenue, avant de notifier un acte susceptible d'affecter de manière défavorable les intérêts de la personne concernée, de respecter les droits de la défense qui constituent un principe général du droit ; qu'il convient donc de vérifier si, en l'espèce, la direction générale des douanes et droits indirects de POITIERS a respecté le droit pour chaque société concernée d'être entendue préalablement à la notification du procès-verbal d'infractions et de voir ses observations prises en considération par l'administration ; que le procès-verbal d'infractions notifié le 25 janvier 2010 à Monsieur Y..., président de la société PICOTY ENERGIES SERVICES, n'est pas celui servant de fondement aux avis de mise en recouvrement litigieux, la direction générale des douanes et droits indirects de POITIERS ayant repris la procédure administrative après avoir eu connaissance de l'exploitation de la station-service par la société NICKEL CHROME jusqu'au 30 juin 2008 ; qu'il est rappelé au procès-verbal d'infractions notifié le 17 juin 2010 que les agents verbalisateurs ont exercé le 14 mai 2009 le droit de communication prévu par l'article 65 du Code des douanes auprès de la station-service AVIA sise [...] ; qu'ils ont constaté l'absence de tenue de comptabilité-matière par le distributeur et la délivrance aux clients de documents non conformes à l'article 2 de l'arrêté du 21 avril 2005, ainsi qu'après étude par le service des différents documents produits, l'absence partielle de justification de la destination donnée au gazole sous condition d'emploi ; que le 11 mars 2010, lors d'un entretien avec Monsieur Y... au siège de la direction régionale, il est apparu que la société PICOTY ENERGIES SERVICES n'avait repris l'activité que depuis le 1er juillet 2008, celle-ci étant précédemment prise en charge par la société NICKEL CHROME ; que Monsieur Y... ayant communiqué les bons de livraisons, factures et comptabilité-matière, il a été constaté des irrégularités dans la gestion administrative de la distribution du gazole sous condition d'emploi pour la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008 prise en charge par la société NICKEL CHROME et pour la période du 1er juillet 2008 au 31 mai 2009 prise en charge par la société PICOTY ENERGIES SERVICES ; que la notification des infractions a été faite le jour même de la présentation par Monsieur Y... des derniers documents concernant la période du 1er juin 2009 au 17 juin 2010, les bons de livraisons, factures et comptabilité-matière pour la période du 1er juillet 2008 au 31 mai 2009 ayant déjà été communiqués par lui à l'administration des douanes ; qu'à l'exception de la prise en considération du transfert d'activité opéré à compter du 1er juillet 2008 dont il a été fait état au cours de l'entretien du 11 mars 2010, le procès-verbal du 17 juin 2010 ne contient aucune indication permettant d'établir qu'avant de lui notifier les infractions relevées par elle, l'administration des douanes a permis à Monsieur Y... de s'expliquer sur l'ensemble des documents communiqués ou saisis entre le 14 mai 2009 et le 17 juin 2010 ainsi que de présenter toutes observations utiles à sa défense ; que la signature par Monsieur Y... du procès-verbal du 17 juin 2010 et l'absence d'observations postérieures ne démontrent pas que les droits de la défense ont été respectés avant l'émission de l'avis de mise en recouvrement en décembre 2010, la société concernée n'ayant pas été préalablement avisée par l'administration des douanes de la possibilité de faire prendre en considération, de manière utile et effective, ses explications et pièces justificatives ; que la procédure de recouvrement étant irrégulière, les avis de mise en recouvrement n° 10/933/2355 et n° 10/933/2358 respectivement notifiés les 10 et 13 décembre 2010 aux sociétés PICOTY ENERGIES SERVICES et NICKEL CHROME seront annulés, le jugement entrepris étant infirmé en toutes ses dispositions ;

1°) ALORS QUE les droits de la défense d'un redevable sont respectés dès lors qu'il a été mis en mesure de faire valoir auprès de l'administration douanière ses observations en connaissance de cause et en temps utile avant la délivrance de l'avis de mise en recouvrement ; qu'en considérant que les droits de la défense de Monsieur Y..., ès qualités de dirigeant des sociétés PICOTY ENERGIES SERVICES et NICKEL CHROME, n'auraient pas été respectés aux motifs inopérants que le procès-verbal de notification d'infractions du 17 juin 2010 n'aurait pas indiqué que l'administration des douanes lui avait permis de s'expliquer préalablement et qu'il n'aurait pas été préalablement avisé de la possibilité de faire valoir ses observations, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si Monsieur Y..., ès qualités, n'avait pas été informé dès le début de l'enquête, le 14 mai 2009, de l'objet du contrôle, n'avait pas été convoqué préalablement à la notification des infractions le 13 août 2009 en vue de cette notification, n'avait pas été entendu une nouvelle fois le 11 mars 2010, n'avait pas assisté à la rédaction des procès-verbaux d'infraction à l'issue desquels il avait pu formuler ses observations et n'avait pas adressé à l'administration, à de nombreuses reprises (les 5, 12 et 19 juin 2009, puis les 26 avril et 25 mai 2010), de multiples documents, ce dont il résultait que Monsieur Y..., ès qualités, avait pu concrètement et effectivement faire valoir son point de vue avant la notification des infractions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe du respect des droits de la défense ;

2°) ALORS QUE les droits de la défense d'un redevable sont respectés dès lors qu'il a été mis en mesure de faire valoir auprès de l'administration douanière ses observations en connaissance de cause et en temps utile avant la délivrance de l'avis de mise en recouvrement ; qu'en considérant que les droits de la défense de Monsieur Y..., ès qualités de dirigeant des sociétés PICOTY ENERGIES SERVICES et NICKEL CHROME, n'auraient pas été respectés aux motifs inopérants que le procès-verbal de notification d'infractions du 17 juin 2010 n'aurait pas indiqué que l'administration des douanes lui avait permis de s'expliquer préalablement et qu'il n'aurait pas été préalablement avisé de la possibilité de faire valoir ses observations, quand il résultait de ses propres constatations qu'un délai de 6 mois avait couru entre la notification des infractions le 17 juin 2010 et la délivrance des avis de mise en recouvrement les 10 et 13 décembre 2010, ce dont il résultait que Monsieur Y..., ès qualités, avait été concrètement et effectivement mis à même de faire valoir ses observations avant que les avis de mise en recouvrement ne lui soient délivrés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation du principe du respect des droits de la défense.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-21394
Date de la décision : 16/05/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 25 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 mai. 2018, pourvoi n°16-21394


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.21394
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