LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y..., engagée le 1er septembre 2008 par la société Gimco management participation en qualité de gestionnaire de copropriété, a été licenciée pour insuffisance professionnelle le 3 juin 2011 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes en contestation du licenciement et paiement de différentes sommes ;
Sur les premier et troisième moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu que pour limiter la somme allouée à la salariée à titre de rappel de diverses commissions, l'arrêt retient que l'intéressée ne justifie pas les sommes qu'elle sollicite au titre de ses commissions pour les exercices 2010 et 2011 et pas davantage au titre du préavis qu'elle n'a pas effectué ;
Attendu cependant que, lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il appartenait à l'employeur de justifier des éléments permettant de déterminer la base de calcul et la rémunération variable pour les périodes en litige, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite le montant du rappel de commissions à la somme de 300 euros, l'arrêt rendu le 13 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déboutée Mme Y... de ses demandes tendant au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
AUX MOTIFS QUE selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu'ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litiges, invoque les griefs suivants : - le non-respect par la salariée des méthodes de l'entreprise et notamment la règle de la réponse dans les 15 jours à tout courrier mettant en cause GIMCO avec projet de réponse dans les 8 jours adressé au supérieur hiérarchique (4 exemples), - le mécontentement de nombreux clients quant à l'insuffisance de sa prestation et à sa mauvaise communication (5 exemples), - le non-respect de ses interlocuteurs (4 exemples), - une organisation défaillante et la méconnaissance de l'outil informatique ; que Mme Y... soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que sa non réponse à la lettre de M. A... ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que M. B... a eu réponse à son courrier du 24 février 2011 avant le 28 mars, F AG ayant eu lieu le 16 mars ; qu'elle a essayé de faire au mieux avec Mme C..., la demande de celle-ci n'étant pas régulière ; que c'est à M. D... qu'il appartenait de gérer la résidence [...] ; que [...] est toujours dans le portefeuille de GIMCO et s'est avéré très difficile à gérer, compte tenu de la personnalité de la présidente du Conseil Syndical ; qu'elle n'est pour rien dans la perte de la copropriété des Bons Raisins, une salariée du Groupe Foncia étant entrée au Conseil Syndical et ayant poussé la candidature de son groupe ; qu'elle n'avait aucun problème avec l'informatique ; que la société GMP rétorque que tous les griefs invoqués sont fondés ; que Mme Y... était bien la gestionnaire de la copropriété de M. A... ; qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une réponse à M. B..., ni à Mme C... malgré les relances de son supérieur hiérarchique ni à celui de Mme E... dans les délais ; que le mécontentement des copropriétés Tourguenieff, Foch Aligre, Bons raisins, du Barry, Hameau du Chatou, Clos de la cure est avéré et a conduit certaines d'entre elles à changer de syndic ; que Mme Y... ne conteste pas son arrogance avec les clients ; que la cour constate que l'employeur ne produit aucune pièce permettant d'établir que Mme Y... ne maîtriserait pas l'outil informatique ; qu'il en résulte que ce grief n'est pas démontré ; qu'il en va de même de celui tiré de l'arrogance de Mme Y... tant avec la clientèle qu'avec ses collègues de travail, le seul courrier adressé par l'entreprise à la salariée le 10 novembre 2010 l'encourageant à améliorer sa communication avec les clients et ses collaborateurs n'étant pas de nature à caractériser de manière significative ce grief, d'autant que la salariée produit certaines attestations de clients évoquant sa courtoisie et sa patience ; qu'en revanche, la cour constate que Mme Y... ne justifie pas avoir répondu au courrier de M. A... du 16 février 2011, ni à celui de M. B... du 24 février 2011, la circonstance selon laquelle son supérieur hiérarchique, M. F..., l'a qualifié de "furieux" ne justifiant pas qu'il ne soit pas répondu à son courrier, M. F... spécifiant d'ailleurs qu'il devra lui être répondu au terme du délai de 15 jours ; que Mme Y... n'a pas davantage répondu au courrier de Mme C... du février 2011, fut-il afférent à une demande illégitime, et ce en dépit de la relance de M. F... du 1er mars 2011 ; que le mail de Mme E... du 28 février 2011 qui exprime son mécontentement face à l'absence de réponse de Mme Y... à ses demandes, a également fait l'objet d'une relance de Mme Y... par M. F... , la réponse n'ayant été adressée à la cliente que le 21 mars suivant suite à cette relance. Au surplus, Aux termes de sa lettre du 24 février 2011, le conseil syndical de la résidence de la rue [...] exprime son mécontentement quant à la gestion de Mme Y... qui "prend des décisions sans l'accord de l'ensemble du conseil syndical.... avec qui le dialogue est impossible, qui n'a pas présenté des candidats pour le remplacement de la gardienne et qui commet beaucoup d'erreurs etc" ; qu'aux termes de son courrier du mai 2011, M. H... fait part de son vif mécontentement à Mme Y... qui aurait mandaté sans son accord une société pour des travaux et aurait commis une erreur de date dans le PV de l'AG ; qu'enfin, sont produites des lettres de copropriétaires se plaignant de ce que les délais légaux d'envoi des convocations aux AG n'ont pas été respectés par Mme Y... ; qu'il s'ensuit que les griefs tirés de la méconnaissance de la procédure "courrier" de l'entreprise et du mécontentement de certains clients sont établis, la répétition des insuffisances et erreurs justifiant le licenciement pour cause réelle et sérieuse ; qu'il y a lieu, en conséquence, de réformer le jugement en ce sens et de débouter Mme Y... de sa demande indemnitaire subséquente.
1° - ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige quant aux motifs qui y sont énoncés ; que lorsqu'il résulte des termes de la lettre de licenciement que l'employeur a reproché au salarié des fautes, et prononcé un licenciement disciplinaire, les juges du fond doivent se prononcer sur le caractère fautif ou non du comportement du salarié et s'assurer de la régularité du licenciement prononcé au regard des règles relatives aux sanctions disciplinaires ; que présente un caractère fautif l'inobservation par le salarié des consignes données par son employeur ; que la lettre notifiant son licenciement à Mme Y... faisait état de manquements, de reproches demeurés sans effet, de non-respect des méthodes ainsi que de l'arrogance de la salariée ; qu'en s'abstenant de rechercher, en l'état de ce licenciement disciplinaire, si la faute de la salariée était avérée et si le licenciement était régulier au regard des règles relatives aux sanctions disciplinaires et en particulier au regard de la prescription invoquée par Mme Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1133-1 et L.1232-1 du code du travail,
2° - ALORS en tout cas QUE le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles et que si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu'en reprochant à Mme Y... de ne pas justifier avoir répondu à des courriers de clients pour dire établi le grief tiré de la méconnaissance de la procédure « courrier », la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée en violation de l'article L.1235-1 du code du travail,
3° - et ALORS QU'un licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments lui étant personnellement imputables ; qu'en se bornant à faire état de doléances de clients sans s'assurer que le mécontentement de ces derniers était imputable à une exécution défectueuse de sa prestation de travail par Mme Y..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.1232-1 du code du travail et 1134 du code civil,
4° - ALORS de plus QUE Mme Y... se défendait de n'avoir pas répondu aux courriers de MM. A... et B... et de Mmes C... et E..., soulignant que ces courriers ne lui avaient pas été adressés, qu'ils n'appelaient pas réponse ou qu'il lui avait été demandé de n'y pas répondre ; qu'elle objectait encore, s'agissant du mécontentement de certains clients, que leurs reproches n'étaient pas dirigés contre elle ou n'étaient pas fondés et ne représentaient en toute hypothèse qu'une part négligeable au regard du volume de travail géré et de la nature par essence propice aux conflits des missions qui lui étaient confiées ; qu'en laissant sans réponse ces moyens déterminants des écritures d'appel de Mme Y..., la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile,
5° - ALORS encore QU'en affirmant que le supérieur de Mme Y... l'aurait relancée pour répondre à certains courriers sans préciser les pièces dont elle entendait tirer une telle conclusion, la cour d'appel a encore méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile,
6° - et ALORS en toute hypothèse QUE le défaut de moyens nécessaires à l'exécution de ses fonctions par le salarié prive l'employeur de la possibilité d'invoquer l'insuffisance du salarié qui n'a en conséquence pas accompli ses tâches dans des conditions satisfaisantes ; qu'en jugeant fondé le licenciement de Mme Y... sans aucunement rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si cette dernière n'avait pas été privée des moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 du code civil, L.1232-1 et L.1235-3 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Y... de ses demandes tendant au paiement de rappels de salaire sur commissions et d'un rappel consécutif d'indemnité de licenciement,
AUX MOTIFS QUE Mme Y... sollicite le solde de commissions qui lui seraient dues au titre du préavis, soit 7 119,33 euros et non 5 030,37 euros comme indiqué par erreur par le conseil de prud'hommes (13 500 – 6 380,67 = 7 119,33), mais également de commissions qui ne lui auraient pas été versées pour les exercices 2010 et 2011, soit la somme de 18 941,66 euros, outre 300 euros pour la vente d'un bien immobilier, sommes sur lesquelles doivent s'ajouter 10 % au titre des congés payés ; qu'elle indique qu'elle a élaboré ses calculs à partir de ses brouillons personnels mais qu'il lui manque une grande partie des facturations sur travaux décidés en AG et des documents comptables que GIMCO refuse de lui communiquer ; qu'elle a dès lors "extrapolé les chiffres" ; que l'employeur rétorque que Mme Y... ne justifie pas de ses demandes à ce titre et qu'elle a été rémunérée de ses commissions par le versement de la somme de 6 380,67 euros dans le cadre de son reçu de solde de tout compte ; que la cour constate que Mme Y..., dont les écritures sont à cet égard extrêmement confuses et fragmentaires, ne justifie pas les sommes qu'elle sollicite au titre de ses commissions pour les exercices 2010 et 2011 et pas davantage au titre du préavis qu'elle n'a pas effectué ; qu'il résulte en revanche du mail de M. D... du 18 novembre 2010 qu'ayant été apporteuse d'affaire sur une vente, elle doit bénéficier d'une prime ; qu'il y a lieu, en conséquence de faire droit à la demande de 300 euros qu'elle sollicite à ce titre, l'employeur ne soutenant pas lui avoir réglé cette somme, et de la débouter pour le surplus de sa demande,
et AUX MOTIFS QUE Mme Y... soutient que son indemnité de licenciement doit être complétée pour tenir compte des commissions auxquelles elle prétend ; que l'employeur conclut au débouté de cette demande ; que la cour n'ayant pas fait droit au rappel de commissions sollicité par Mme Y..., il n'y a pas lieu de réajuster le montant de l'indemnité de licenciement ; que Mme Y... sera en conséquence déboutée de cette demande,
ALORS QUE lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire ; que la détermination de la rémunération due à Mme Y..., dépendait d'honoraires et de variations d'honoraires et que seul l'employeur détenait les éléments établissant ces honoraires et variations d'honoraires ; qu'en reprochant à Mme Y... de ne pas justifier les sommes sollicitées au titre des commissions quand il appartenait à l'employeur de produire les éléments propres à déterminer si des sommes étaient dues au titre des commissions, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Y... de sa demande tendant au paiement d'un rappel de salaires sur congés payés,
AUX MOTIFS QUE Mme Y... soutient que l'employeur a reconnu que ses congés payés devaient être calculés sur ses salaires mais aussi ses commissions selon la règle du 1/10ème mais qu'il ne lui a réglé à ce titre que le solde de 1 119,79 euros sans prendre en compte l'exercice suivant ; qu'elle chiffre à ce titre son préjudice à la somme totale de 1419,77 euros à laquelle elle rajoute 10 % de congés payés, soit 1 561,75 euros dont elle déduit la somme de 1119,79 euros déjà versée ; que l'employeur rétorque que cette demande doit être écartée aux motifs que les calculs de Mme Y... ne sont pas compréhensibles, qu'elle a basé ceux-ci sur la méthode du 10eme et non sur la méthode du maintien de salaire en intégrant les sommes déjà versées à titre de congés ; que s'il ne peut être contesté que la règle du l/10ème doit s'appliquer en la matière, les congés payés devant être calculés sur le salaire de base assorti des commissions, force est de constater en revanche que Mme Y... ne saurait rajouter 10 % de congés payés au reliquat qu'elle sollicite à ce titre, ce qui aurait nécessairement pour effet de lui payer deux fois ses congés payés ; qu'il s'ensuit que l'employeur lui est redevable de la seule somme de 299,98 euros ; que le jugement sera réformé en ce sens.
ALORS QUE pour la détermination de la rémunération brute totale constituant l'assiette de calcul des congés payés, il est tenu compte de l'indemnité de congé de l'année précédente ; que Mme Y... reprochait à son employeur de n'avoir pas pris en compte dans le calcul des congés payés dus au titre des exercices suivants d'un rappel de congés payés alloués dans le cadre d'une régularisation au titre d'un exercice antérieur et poursuivait le paiement des congés payés correspondant ; qu'en affirmant que « Mme Y... ne saurait rajouter 10 % de congés payés au reliquat qu'elle sollicite à ce titre, ce qui aurait nécessairement pour effet de lui payer deux fois ses congés payés », la cour d'appel a violé l'article L.3141-22 du code du travail dans sa rédaction alors applicable.