LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme F... X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NÎMES, chambre correctionnelle, en date du 15 décembre 2016, qui, dans la procédure suivie contre M. Paul Y... du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 avril 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale: M. Soulard, président, M. Fossier, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseillerFOSSIER, les observations de la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS, la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON et MÉGRET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CROIZIER ;
Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1382 du code civil ancien, devenu l'article 1240 du code civil, 2, 3, 418, 464, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, insuffisance de motifs, violation de la loi ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté la demande présentée par Mme F... X... au titre du préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne ;
"aux motifs propres que sur la perte d'une chance pour Mme B..., veuve X... de bénéficier de l'assistance de son conjoint comme le tribunal l'a relevé à juste titre, les conclusions des experts C... et D... selon lesquels l'état de santé de Mme X... justifie l'intervention d'une aide humaine non spécialisée pendant quatre-vingt dix minutes tous les deux jours, afin de la canaliser, d'éviter des comportements aberrants, ou de la rassurer face à des difficultés quotidiennes simples mais difficilement gérables pour elle, si elles laissent supposer que Mme X... peut éventuellement relever d'une mesure de protection de type curatelle afin d'éviter des dépenses inconsidérées, permettent de retenir qu'elle reste globalement autonome et que la nécessité pour elle de contacts humains réguliers ne dépasse pas la norme d'une manière qui imposerait l'intervention d'une aide extérieure rémunérée ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande présentée de ce chef ;
"et aux motifs adoptés que sur le préjudice lié au besoin d'une tierce personne pour Mme X... ; que la maladie de Mme X... n'a pas été causée par l'accident survenu à son mari et il résulte de l'expertise médicale que Mme X... est parfaitement autonome, elle vit actuellement seule et il suffit à un de ses fils de s'entretenir périodiquement par téléphone avec elle pour la rassurer et lui prodiguer des conseils pour les grosses dépenses en sorte que l'expert a fixé à une heure et demie tous les deux jours l'aide d'une tierce personne ce qui correspond au soutien familial que l'on peut attendre d'un époux ou de ses enfants de façon spontanée et bénévole sans que ce soutien excède les devoirs d'entraide familiaux ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande de prise en charge par la Macif d'une aide extérieure rémunérée;
"1°) alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'une tierce personne a vocation à assister une personne dans les actes de la vie quotidienne pour les besoins de la vie courante et suppléer sa perte d'autonomie ; que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en retenant que Mme X... était globalement autonome et que la nécessité pour elle de contacts humains réguliers n'imposait pas l'intervention d'une aide extérieure rémunérée lorsqu'elle a par ailleurs constaté que le rapport d'expertise médicale des médecins C... et D... du 26 juillet 2013 concluait que l'état de santé de Mme X..., qui souffrait toujours au jour de l'examen neuropsychologique annexé au rapport de troubles cognitifs touchant la mémoire à court terme, la mémoire de travail, le raisonnement perceptif, le raisonnement abstrait et le jugement, et présentait une anosognosie ainsi qu'une tendance dépressive, justifiait l'intervention d'une « aide humaine non spécialisée pendant quatre vingt dix minutes tous les deux jours » afin de l'aider à faire face à des tâches quotidiennes simples mais difficilement gérables par elle, ce qui établissait l'absence de réelle autonomie de Mme X... et la nécessité d'une aide humaine régulière non satisfaite par de simples « contacts humains réguliers » y compris téléphoniques, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;
"2°) alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'une tierce personne a vocation à assister une personne dans les actes de la vie quotidienne pour les besoins de la vie courante et suppléer sa perte d'autonomie ; que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en réduisant, pour débouter Mme X... de sa demande d'indemnisation, les difficultés de celle-ci à des problèmes de dépenses inconsidérées susceptibles d'être pris en charge par une curatelle, au demeurant inexistante en l'état, lorsque le rapport d'expertise médicale des médecins C... et D... du 26 juillet 2013 a relevé la nécessité d'une aide humaine régulière pendant quatre-vingt dix minutes tous les deux jours notamment pour aider Mme X... à faire face à des tâches quotidiennes simples mais difficilement gérables par elle à raison des troubles cognitifs médicalement constatés au rapport concernant la mémoire à court terme, la mémoire de travail, le raisonnement perceptif, le raisonnement abstrait et le jugement dans un contexte d'anosognosie et de tendance dépressive, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;
"3°) alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de l'assistance que procurait un proche décédé dans les suites d'une infraction ne peut être rejetée ni en cas d'assistance familiale ni en présence d'une mesure de protection des majeurs ; qu'en constatant que le rapport d'expertise médicale des médecins C... et D... du 26 juillet 2013 concluait que Mme X... avait besoin d'une aide humaine non spécialisée à raison de quatre-vingt dix minutes tous les deux jours et en déboutant néanmoins celle-ci de sa demande d'indemnisation au motif que l'intervention d'une aide extérieure « rémunérée » n'était pas nécessaire en l'état de contacts humains réguliers, en l'espèce familiaux, la cour d'appel, qui a exclu toute indemnisation de la perte de l'assistance procurée à Mme X... par son époux, décédé du fait de l'infraction, au motif que la partie civile bénéficiait d'une aide de sa famille et pourrait être mise sous curatelle, a méconnu les textes et principes susvisés ;
"4°) alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'une tierce personne a vocation à assister une personne dans les actes de la vie quotidienne pour les besoins de la vie courante et suppléer sa perte d'autonomie ; que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en adoptant les motifs des premiers juges retenant que les contacts téléphoniques périodiques entre Mme X... et l'un de ses fils étaient suffisants pour l'aider au quotidien sans examiner les nombreuses attestations de proches de la demanderesse produites devant la cour et annexées à ses conclusions d'appel établissant qu'ils l'aidaient quotidiennement pour la réalisation des courses, la préparation des repas, les tâches ménagères, la prise de son traitement médicamenteux et la réalisation de travaux d'entretien, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que par jugement du 11 juillet 2011, le tribunal correctionnel de Nîmes a déclaré M. Y... coupable d'homicide involontaire sur les personnes de MM. Richard X... et de Patrick E... avec la circonstance qu'il conduisait sous l'empire d'un état alcoolique, a reçu Mme X... et ses deux fils majeurs Jessee et Mike en leur constitution de partie civile, la Macif, assureur de M. Y..., en son intervention volontaire, a déclaré M. Y... entièrement responsable des conséquences dommageables des faits délictueux ; que Mme X... a sollicité notamment l'indemnisation du préjudice résultant pour elle de la perte de l'assistance que lui apportait quotidiennement son époux, infirmier libéral, en raison de son état de santé détérioré suite à une rupture d'anévrisme intervenue le 19 février 2009 qui lui a causé des troubles cognitifs, notamment de mémoire et de raisonnement, dans un contexte d'anosognosie et de tendance dépressive ; que le tribunal correctionnel l'a déboutée de ce chef de demande ;
Attendu que, pour confirmer le jugement de ce chef, l'arrêt retient notamment que les experts médicaux préconisent une heure trente d'aide non spécialisée tous les deux jours, ce qui n'exclut pas que Mme X... reste globalement autonome et que son besoin de contacts n'impose pas l'intervention d'une aide rémunérée ;
Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, dénuées d'insuffisance comme de contradictions, et dès lors que l'existence d'un préjudice relève de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 1500 euros la somme que Mme X... devra payer à la société Macif au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze mai deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.