LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 8 mars 2016), que, agent de la fonction publique hospitalière affiliée au titre de l'assurance maladie à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Savoie (la caisse), Mme X... a fait liquider ses droits à pension, puis a repris une activité professionnelle en Suisse pendant l'année 2009 tout en résidant en France ; que, soutenant que cette activité entraînait son assujettissement au régime suisse d'assurance maladie, la caisse, après lui avoir notifié un indu égal au montant des prestations qu'elle lui avait servies au cours de cette période, a décerné une contrainte de même montant ; que Mme X... a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter son opposition, alors, selon le moyen, qu'une personne qui, simultanément, est employée comme fonctionnaire ou personnel assimilé relevant d'un régime spécial des fonctionnaires dans un Etat membre et est un travailleur salarié et/ou non salarié sur le territoire d'un ou de plusieurs autres États membres est soumise à la législation de l'Etat membre dans lequel elle est couverte par un régime spécial des fonctionnaires ; que la circonstance selon laquelle l'intéressée ne se trouve plus fonctionnaire en exercice mais à la retraite ne saurait faire obstacle à l'application de ces dispositions ; qu'en décidant que Mme X... relevait du régime social suisse en matière de prestation maladie à partir du moment où elle débutait une activité salariée en Suisse, la cour d'appel a violé l'article 14 sexies portant sur les règles particulières applicables aux personnes couvertes par un régime spécial des fonctionnaires du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté ;
Mais attendu qu'en soutenant que sa situation relevait de l'article 14 sexies du règlement (CEE) 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, Mme X... formule un grief contraire à l'argumentation qu'elle avait présentée à la cour d'appel en affirmant que sa situation n'était pas prévue par ce règlement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas recevable ;
Et sur le même moyen, pris en sa deuxième branche, qui est recevable, et en sa troisième branche :
Attendu que Mme X... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que le règlement n° 1408/71 doit être interprété à la lumière de l'article 42 CE qui vise à faciliter la libre circulation des travailleurs, ce qui implique que les travailleurs migrants ne doivent ni perdre des droits à des prestations de sécurité sociale ni subir une réduction du montant de celles-ci en raison du fait qu'ils ont exercé le droit à la libre circulation que leur confère le traité ; que la cour d'appel a retenu que les prestations correspondant au risque maladie, pendant la période où Mme X... était salariée en Suisse, auraient dû être prises en charge par le régime Suisse et ont été versées indûment par la caisse primaire d'assurance maladie, sans s'interroger sur une possible prise en charge rétroactive par le régime suisse ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 42 du traité instituant la Communauté européenne ;
2°/ que si le statut social d'une personne est d'ordre public et s'impose de plein droit dès que sont réunies les conditions de son application, l'affiliation et le versement de cotisations au régime de protection sociale français s'opposent, quel qu'en soit le bien ou mal fondé, à ce que l'assujettissement au régime suisse puisse mettre rétroactivement à néant les droits et obligations nés de l'affiliation antérieure ; qu'il est constant que les cotisations ont été acquittées, le prélèvement des cotisations sur ses retraites pendant la période de salariat n'ayant pas cessé ; qu'en décidant que les prestations correspondant au risque maladie, pendant la période où Mme X... était salariée en Suisse, auraient dû être prises en charge par le régime Suisse et ont été versées indûment par la caisse primaire d'assurance maladie qui était dès lors fondée à en solliciter la restitution, la cour d'appel a violé l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 34 du règlement (CEE) n° 1408/71 susmentionné que, pour l'application du chapitre 1er du titre III dudit règlement relatif aux prestations de maladie et maternité, le titulaire d'une pension ou d'une rente qui a droit aux prestations prévues par la législation d'un Etat membre au titre d'une activité professionnelle est considéré comme un travailleur salarié ou non salarié ;
Et attendu qu'après avoir énoncé à bon droit que le règlement susmentionné pose le principe d'unicité de la législation applicable et fait prévaloir celle de l'Etat où est exercée l'activité, l'arrêt retient qu'au cours de l'année 2009 Mme X..., qui résidait en France et exerçait une activité salariée en Suisse, relevait du régime d'assurance maladie suisse, peu important qu'elle bénéficiât d'une pension de retraite en France ;
Que de ces constatations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche visée à la première branche, qui ne lui était pas demandée, a exactement déduit, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale, étrangères au litige, que Mme X... devait rembourser à la caisse les prestations qui lui avaient été servies au cours de l'année 2009 ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Me Z... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Z..., avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir validé la contrainte émise par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie à l'encontre de Marie-Christine X... le 30 avril 2012 et d'avoir dit que compte tenu des récupérations d'ores et déjà opérées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-
Savoie, ne restent due au titre de cette contrainte, que la somme de 6 363,18 euros arrêtée au 9 février 2016 ;
AUX MOTIFS QUE Il est constant que madame X..., au bénéfice d'une pension de retraite en France et n'y exerçant donc aucune activité salariée ou non salariée, a repris en janvier 2009 une activité salariée sur le territoire Suisse ;
Le champ d'application personnel du règlement CE 883/04 s'étend aux "ressortissants de l'un des États membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un État membre qui sont ou ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs États membres, ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs survivants" (article 2)
et son champ matériel concerne notamment "toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent : a) les prestations de maladie" ;
S'agissant du règlement CE 1408/71, il s'applique "aux travailleurs salariés ou non salariés et aux étudiants qui sont ou ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs États membres et qui sont des ressortissants de l'un des États membres" (article 2) et vise notamment "toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent : a) les prestations de maladie et de maternité" ;
La situation de madame X..., ressortissante française, exerçant une activité salariée sur le territoire d'un autre Etat membre - les règlements CE dont s'agit s'appliquant à la Suisse - est donc bien visée par ces règlements ;
Tant le règlement CE 883/04 initialement invoqué par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie que le règlement CE 1408/71 antérieurement applicable et invoqué en cause d'appel par la caisse, posent le principe de l'unicité de la législation applicable ;
Ces deux règlements font de même prévaloir quant au choix de la législation applicable en matière de prestation maladie, la législation de l'Etat où est exercée l'activité salariée (article 34 regl 1408/71 ou article 11 regl 883/04) ;
A partir du moment où madame X... débutait une activité salariée en Suisse, elle relevait du régime social Suisse en matière de prestation maladie sauf à opter pour la CMU ce qu'elle n'a pas fait et il lui appartenait d'aviser la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de sa nouvelle situation afin que celle-ci fasse cesser le prélèvement des cotisations sur ses retraites pendant la période de salariat, ce qu'elle n'a pas davantage fait ;
Les prestations correspondant au risque maladie, pendant la période où madame X... était salariée en Suisse, auraient dû être prises en charge par le régime Suisse et ont été versées indûment par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie qui était dès lors fondée, lorsqu'elle a eu connaissance de cet indû, à en solliciter la restitution d'abord par la voie d'une mise en demeure puis en émettant une contrainte pour un montant équivalent à celui des prestations versées ;
Il n'y a dès lors pas lieu d'annuler la contrainte litigieuse ;
Il convient de constater que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a, au titre de cet indû, opéré des retenues sur les prestations versées à madame X... pour d'autres soins ; l'assurée invoque une récupération à hauteur d'au moins 1 172,80 euros qui porterait donc le solde dû à 6 771,55 euros ; la Caisse Primaire d'Assurance Maladie indique pour sa part que le solde restant dû s'élève à 6 363,18 euros ; c'est dès lors ce seul montant qui pourra être recouvré par la caisse en application de la contrainte litigieuse ;
Il ne relève pas de la compétence de la cour d'accorder à madame X... des délais de paiement qu'elle devra solliciter auprès de la Caisse ;
Madame X... ne justifie pas du montant des cotisations qui ont été prélevées sur ses retraites au cours de l'année 2009 et il ne peut dès lors être fait droit à sa demande de compensation de ce chef ;
Il n'est enfin démontré aucun manquement ni déloyauté de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie qui justifierait la demande de dommages et intérêts, la législation applicable étant à disposition de la Caisse comme de l'assurée et de son conseil et les développements de l'appelante n'étant sur le fond, quant à l'unicité de la loi applicable et la primauté du salariat, pas différents en cause d'appel ;
ALORS QU'une personne qui, simultanément, est employée comme fonctionnaire ou personnel assimilé relevant d'un régime spécial des fonctionnaires dans un État membre et est un travailleur salarié et/ou non salarié sur le territoire d'un ou de plusieurs autres États membres est soumise à la législation de l'État membre dans lequel elle est couverte par un régime spécial des fonctionnaires ; que la circonstance selon laquelle l'intéressée ne se trouve plus fonctionnaire en exercice mais à la retraite ne saurait faire obstacle à l'application de ces dispositions ; qu'en décidant que Mme X... relevait du régime social Suisse en matière de prestation maladie à partir du moment elle débutait une activité salariée en Suisse, la cour d'appel a violé l'article 14 sexies portant sur les règles particulières applicables aux personnes couvertes par un régime spécial des fonctionnaires du Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté ;
ALORS QUE le règlement n° 1408/71 doit être interprété à la lumière de l'article 42 CE qui vise à faciliter la libre circulation des travailleurs, ce qui implique que les travailleurs migrants ne doivent ni perdre des droits à des prestations de sécurité sociale ni subir une réduction du montant de celles-ci en raison du fait qu'ils ont exercé le droit à la libre circulation que leur confère le traité ; que la cour d'appel a retenu que les prestations correspondant au risque maladie, pendant la période où madame X... était salariée en Suisse, auraient dû être prises en charge par le régime Suisse et ont été versées indûment par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, sans s'interroger sur une possible prise en charge rétroactive par le régime suisse ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 42 du traité instituant la communauté européenne ;
ALORS QUE si le statut social d'une personne est d'ordre public et s'impose de plein droit dès que sont réunies les conditions de son application, l'affiliation et le versement de cotisations au régime de protection sociale français s'opposent, quel qu'en soit le bien ou mal-fondé, à ce que l'assujettissement au régime suisse puisse mettre rétroactivement à néant les droits et obligations nés de l'affiliation antérieure ; qu'il est constant que les cotisations ont été acquittées, le prélèvement des cotisations sur ses retraites pendant la période de salariat n'ayant pas cessé ; qu'en décidant que les prestations correspondant au risque maladie, pendant la période où madame X... était salariée en Suisse, auraient dû être prises en charge par le régime Suisse et ont été versées indûment par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie qui était dès lors fondée à en solliciter la restitution, la cour d'appel a violé l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale ;