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09/05/2018 | FRANCE | N°16-22368

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 09 mai 2018, 16-22368


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 14 juin 2016), qu'estimant s'être acquittée à tort du versement de transport depuis le 1er janvier 2007 au titre des salariés qu'elle emploie dans un établissement situé dans le ressort de l'agglomération clermontoise, la société Peretti (la société) a procédé, sur son bordereau mensuel de cotisations afférent au mois de mai 2012, à la compensation des sommes correspondant aux sommes réglées pour la période du 1er avril 2009 a

u 31 mars 2012 ; qu'à la suite d'un contrôle, l'URSSAF d'Auvergne a notifié à la ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 14 juin 2016), qu'estimant s'être acquittée à tort du versement de transport depuis le 1er janvier 2007 au titre des salariés qu'elle emploie dans un établissement situé dans le ressort de l'agglomération clermontoise, la société Peretti (la société) a procédé, sur son bordereau mensuel de cotisations afférent au mois de mai 2012, à la compensation des sommes correspondant aux sommes réglées pour la période du 1er avril 2009 au 31 mars 2012 ; qu'à la suite d'un contrôle, l'URSSAF d'Auvergne a notifié à la société une lettre d'observations suivie, le 15 janvier 2013, d'une mise en demeure pour le paiement du montant du versement de transport impayé ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors, selon le moyen, que si la loi nouvelle ne s'applique pas, sauf rétroactivité expressément décidée par législateur, aux actes juridiques conclus antérieurement à son entrée en vigueur, elle s'applique à l'inverse immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur ; qu'en l'espèce, si la société Peretti ne pouvait se prévaloir de la dispense de versement de transport prévu par l'article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales, dans sa version en vigueur du 14 décembre 2000 au 6 août 2008, en raison d'un accroissement d'effectif par reprise d'entreprise à compter du 1er janvier 2007, elle pouvait en revanche appliquer cette dispense, conformément à la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ayant abrogé l'exclusion de l'accroissement de l'effectif par reprise d'entreprise de la dispense, du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009 et se prévaloir du paiement dégressif du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, la loi nouvelle régissant cette situation née avant son entrée en vigueur et non encore définitivement réalisée ; qu'en jugeant l'inverse, aux motifs inopérants que les dispositions instituant des exonérations de cotisations de sécurité sociale sont d'interprétation stricte et que l'application de la loi nouvelle aurait conduit à sa mise en oeuvre rétroactive par l'anéantissement d'une obligation déjà née, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 2 du code civil, ensemble l'article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales tel que modifié par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

Mais attendu que l'obligation au paiement d'une imposition doit être appréciée au regard des conditions en vigueur à la date de l'exigibilité de celle-ci ; que si les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales qui excluaient du bénéfice de l'exonération temporaire du versement de transport celles des entreprises dont l'accroissement de l'effectif résultait de la reprise ou de l'absorption d'une entreprise ayant employé dix salariés et plus au cours de l'une des trois années précédentes, ont été abrogées par l'article 48, II, 1°, de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, cette abrogation n'a pas eu pour effet de remettre en cause l'obligation au paiement du versement de transport régulièrement née à une date antérieure ;

Et attendu que l'arrêt constate que la société justifie avoir employé dès le 17 juillet 2006 au moins un salarié exerçant son activité à titre principal sur la zone de transport de l'agglomération clermontoise, qu'elle a créé le 1er janvier 2007 un établissement à Gerzat à la suite du rachat d'une société et a atteint à cette date l'effectif de dix-huit salariés sur le périmètre de transport de l'agglomération clermontoise ;

Que de ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que, l'accroissement du nombre de ses salariés au 1er janvier 2007 étant consécutif à une opération de reprise, la société avait été régulièrement assujettie à cette date au versement de transport et ne pouvait prétendre au bénéfice de l'exonération du versement de transport pour la période litigieuse ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Peretti aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Peretti et la condamne à payer à l'URSSAF d'Auvergne la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Peretti

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le redressement opéré par l'Urssaf et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société Peretti au paiement de la somme de 62.097 euros au titre du versement transport pour la période du 1er avril 2009 au 31 décembre 2011 ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « L'article l. 2333-64 du code général des collectivités territoriales, qui a étendu un dispositif initialement prévu seulement dans la région Ile-de-France, met à la charge des employeurs des grandes villes et agglomérations de province un versement destiné au financement des transports en commun, dont le critère d'assujettissement est lié à l'effectif occupé par un même employeur, tous établissements confondus, sur le territoire d'une commune ou communauté ayant institué le versement. L'article 2333-64 dans sa version en vigueur du 14 décembre 2000 au 6 août 2008, dispose que : ' En dehors de la région d'Ile-de-France, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à l'exception des fondations et associations reconnues d'utilité publique à but non lucratif dont l'activité est de caractère social, peuvent être assujetties à un versement destiné au financement des transports en commun lorsqu'elles emploient plus de neuf salariés : 1° Dans une commune ou une communauté urbaine dont la population est supérieure à 10 000 habitants ; 2° Ou dans le ressort d'un établissement public de coopération intercommunale compétent pour l'organisation des transports urbains, lorsque la population de l'ensemble des communes membres de l'établissement atteint le seuil indiqué. Les employeurs qui, en raison de l'accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent l'effectif de dix salariés sont dispensés pendant trois ans du paiement du versement. Le montant du versement est réduit de 75 p. 100, 50 p. 100 et 25 p. 100, respectivement chacune des trois années suivant la dernière année de dispense. Pour les employeurs qui sont dispensés du versement en 1996, la dispense de paiement s'applique jusqu'au 31 décembre 1999. Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables lorsque l'accroissement de l'effectif résulte de la reprise ou de l'absorption d'une entreprise ayant employé dix salariés ou plus au cours de l'une des trois années précédentes. Dans ce cas, le versement est dû dans les conditions de droit commun dès l'année au cours de laquelle l'effectif de dix salariés est atteint ou dépassé.' Ces dispositions ont été modifiées par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, entrée en vigueur le 6 août 2008, qui a supprimé le dernier alinéa de l'article 2333-64 excluant du bénéfice de l'assujettissement progressif au versement transport les entreprises dont l'accroissement de l'effectif résultait de la reprise ou de l'absorption d'une entreprise ayant employé dix salariés ou plus au cours de l'une des trois années précédentes. Pour apprécier si une entreprise est redevable du versement transport, l'effectif est apprécié en masse de l'ensemble des salariés occupés pu le même employeur dans le ressort de la zone de transport considérée, peu important que les salariés soient rattachés à des établissements différents, étant précisé encore que c'est le lieu de travail effectif distinct du lieu d'implantation du siège de l'entreprise, qui doit être pris en considération. En l'espèce, la société PERETTI, dont le siège social est situé à Brives Charensac, (43) justifie par les pièces produites (pièces 19 à 27) avoir employé dès le 17 juillet 2006 au moins un salarié exerçant son activité à titre principal sur la zone de transport de l'agglomération clermontoise. Le 1er janvier 2007, elle a créé un établissement à Gerzat (63), à la suite du rachat d'une société, et a atteint à cette date l'effectif de dix-huit salariés sur le périmètre de transport de l'agglomération clermontoise. La société PERETTI estime que dès lors qu'à cette date elle a dépassé pour la première fois l'effectif de dix salariés dans la zone de transport concernée, en raison de l'accroissement de ses effectifs, elle était éligible à l'assujettissement progressif prévu par l'article 2333-64 alinéa 4 du code général des collectivités territoriales, instituant un dispositif de dispense et d'abattement dégressif étalé sur six ans, Il apparaît toutefois qu'au 1er janvier 2007 le bénéfice de l'assujettissement progressif au versement transport était limité aux employeurs ayant atteint ou dépassé l'effectif de dix salariés dans une zone de transport en raison de l'accroissement de leur effectif par suite d'embauches, étant rappelé que les dispositions instituant des exonérations de cotisations de sécurité sociale doivent être interprétées strictement. Le dernier alinéa de l'article 2333-64 du code général des collectivités territoriales excluait en revanche expressément de ce dispositif dérogatoire les situations dans lesquelles l'accroissement de l'effectif résultait de la reprise ou de l'absorption d'une entreprise ayant employé dix salariés ou plus au cours de l'une des trois années précédentes, le versement étant dû dans ce cas dans les conditions de droit commun dès l'année au cours de laquelle l'effectif de dix salariés avait été atteint ou dépassé. La loi du 4 août 2008 n'a prévu aucune disposition transitoire particulière s'agissant de la suppression de cette limitation à la dérogation prévue par l'article 2333-64 alinéa 3. Or, si la loi nouvelle s'applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur, elle ne peut remettre en cause des obligations régulièrement nées à cette date. La société PERETTI, dès l'année du passage à un effectif de dix salariés dans la zone de transport de l'agglomération clermontoise, s'est trouvée assujettie au versement transport. L'augmentation de l'effectif étant consécutive à une opération de reprise, elle était à ce moment-là concernée par le dernier alinéa de l'article 2333-64 du code général des collectivités territoriales l'excluant du dispositif d'assujettissement progressif. Le fait générateur de l'obligation au paiement de la taxe est né du paiement des salaires à partir de l'année 2007. En considérant qu'avec l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, elle aurait dû bénéficier de la dispense de contribution du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, puis de l'abattement progressif jusqu'au 31 décembre 2012, même si, eu égard à la prescription, la réclamation ne concerne que les années 2009 à 2012, la société PERETTI sollicite non pas l'application immédiate de la loi nouvelle comme elle le soutient, mais son application rétroactive par l'anéantissement d'une obligation déjà née. Il résulte de ces explications que la SAS PERETTI était tenue au versement de la redevance transport dans les conditions de droit commun Le redressement opéré par L'URSSAF est ainsi justifié et le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « il résulte de l'article L. 2333-64 du Code Général des Collectivités Territoriales, que les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, sont assujetties au versement transport lorsqu'elles emploient plus de 9 salariés dans la zone où a été institué le versement ; les employeurs qui, à raison de l'accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent l'effectif de 10 salariés, sont dispensés pendant trois ans de versement, puis s'en acquittent de façon progressive pendant les trois années suivantes ; la SAS PERETTI, dont le siège social est situé à BRIVES CHARENSAC, a créé à compter du 1er janvier 2007, un établissement à GERZAT, à la suite du rachat d'une société ; dès cette date, l'effectif de l'établissement était supérieur à 10 salariés, soit en l'occurrence 18 ; les dispositions de l'article 11 de la loi du 12 avril 1996, applicables à la date de création de l'établissement mais abrogées par la loi du 4 août 2008, prévoyaient expressément que le dispositif de dispense puis d'abattement progressif n'étaient pas applicables lorsque l'accroissement de l'effectif résultait de la reprise ou de l'absorption d'entreprise ayant plus de 10 salariés ; la SAS PERETTI ne pouvait en conséquence prétendre à compter du 1er janvier 2007 à une dispense de versement ; que c'est donc à tort qu'elle a appliqué ce dispositif et opéré une compensation avec les sommes dues pour les années postérieures » ;

ALORS QUE si la loi nouvelle ne s'applique pas, sauf rétroactivité expressément décidée par législateur, aux actes juridiques conclus antérieurement à son entrée en vigueur, elle s'applique à l'inverse immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur ; qu'en l'espèce, si la société Peretti ne pouvait se prévaloir de la dispense de versement transport prévu par l'article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales, dans sa version en vigueur du 14 décembre 2000 au 6 août 2008, en raison d'un accroissement d'effectif par reprise d'entreprise à compter du 1er janvier 2007, elle pouvait en revanche appliquer cette dispense, conformément à la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ayant abrogé l'exclusion de l'accroissement de l'effectif par reprise d'entreprise de la dispense, du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009 et se prévaloir du paiement dégressif du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, la loi nouvelle régissant cette situation née avant son entrée en vigueur et non encore définitivement réalisée ; qu'en jugeant l'inverse, aux motifs inopérants que les dispositions instituant des exonérations de cotisations de sécurité sociale sont d'interprétation stricte et que l'application de la loi nouvelle aurait conduit à sa mise en oeuvre rétroactive par l'anéantissement d'une obligation déjà née, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 2 du code civil, ensemble l'article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales tel que modifié par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-22368
Date de la décision : 09/05/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Versement de transport - Assujettissement - Exonération et assujettissement progressif - Conditions - Seuil d'effectif - Appréciation - Date - Détermination

LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Sécurité sociale - Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 - Article 48, II, 1° - Fait générateur de l'imposition antérieur à l'entrée en vigueur de la loi - Portée

Si les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales qui excluaient le bénéfice de l'exonération temporaire du versement de transport celles des entreprises dont l'accroissement de l'effectif résultait de la reprise ou de l'absorption d'une entreprise ayant employé dix salariés et plus au cours de l'une des trois années précédentes, ont été abrogées par l'article 48, II, 1°, de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, cette abrogation n'a pas eu pour effet de remettre en cause l'obligation au paiement du versement de transport régulièrement née à une date antérieure. En effet, l'obligation au paiement d'une imposition doit être appréciée au regard des conditions en vigueur à la date de l'exigibilité de celle-ci


Références :

article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales

article 48, II, 1°, de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 14 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 09 mai. 2018, pourvoi n°16-22368, Bull. civ.Bull. 2018, II, n° 91
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, II, n° 91

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.22368
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