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07/05/2018 | FRANCE | N°18-81142

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 mai 2018, 18-81142


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
La société Lycamobile SARL,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 25 janvier 2018, qui, dans l'information suivie contre elle du chef de blanchiment en bande organisée , a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction la plaçant sous contrôle judiciaire ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles prélimin

aire, 137 et suivants, 706-45, 591, 593 du code de procédure pénale, article 6, § 1, de la C...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
La société Lycamobile SARL,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 25 janvier 2018, qui, dans l'information suivie contre elle du chef de blanchiment en bande organisée , a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction la plaçant sous contrôle judiciaire ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 137 et suivants, 706-45, 591, 593 du code de procédure pénale, article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble du droit à un procès équitable, des droits de la défense, défaut de motifs, contradiction de motifs et manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a confirmé l'ordonnance de placement de la société Lycamobile sous contrôle judiciaire avec obligation de verser un cautionnement de 15 millions d'euros en un seul versement avant le 1er mars 2018,

"aux motifs que la société Lycamobile SARL est mise en examen du chef de blanchiment en bande organisée de crime ou délit commis en bande organisée, prise en la personne de son représentant légal, M. Christopher A... ; qu'en l'état de l'information et des éléments plus haut exposés, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la société Lycamobile SARL aux faits visés à sa mise en examen, et ce malgré ses dénégations ; que l'appel porte sur l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 22 novembre 2017 prise par le juge d'instruction à la suite de l'interrogatoire de première comparution de la société Lycamobile SARL à la même date et qui astreint la personne mise en examen aux obligations, d'une part, de ne pas se livrer aux activités professionnelles ou sociales définies comme lui étant fait interdiction d'exercer des activités commerciales avec des personnes physiques ou morales dont l'activité n'est pas liée au domaine de la téléphonie et, d'autre part, de verser entre les mains du régisseur de recettes du tribunal, la somme de 15 millions en un versement au 20 décembre 2017, ce cautionnement garantissant à concurrence de 50 000 euros pour la représentation à tous les actes de la procédure, ainsi que l'exécution des autres obligations prévues dans la présente ordonnance et à concurrence de 14 950 000 euros pour le paiement dans l'ordre suivant de la réparation des dommages causés par l'infraction, des restitutions et des amendes ; que le mémoire en défense demande l'infirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle fixe une obligation de versement d'un cautionnement d'un montant de 15 millions d'euros, soutenant essentiellement qu'il a essentiellement été pris en compte l'importance du groupe sur le plan mondial, sa surface économique et sa puissance et non pas les facultés contributives de la société Lycamobile SARL et ces alors que cette dernière dispose d'une personnalité morale distincte des autres sociétés du groupe sans être une filiale d'un ensemble économique consolidé et que ses finances sont très préoccupantes et ne permettent pas d'assurer le paiement de la somme réclamée au titre du contrôle judiciaire ; qu'en application de l'article 137 du code de procédure pénale les nécessités de l'instruction et les exigences de sûreté peuvent justifier le placement sous contrôle judiciaire de la personne mise en examen ; que la personne morale mise en examen, en application de l'article 706-45 du code de procédure pénale, peut être placée sous contrôle judiciaire par le juge d'instruction dans les conditions prévues aux articles 139 et 140 en étant soumise notamment aux obligations de dépôt d'un cautionnement dont le montant et les délais de versement, en ou plusieurs fois, sont fixés par le juge d'instruction, et d'interdiction d'exercer certaines activités professionnelles ou sociales lorsque l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ces activités et lorsqu'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise ; qu'il résulte, en l'état de l'information qui est toujours en cours, que le cautionnement ordonné le 22 novembre 2017 demeure nécessaire et proportionné au regard de la nécessité de garantir, d'une part, la représentation de la personne morale à tous les actes de la procédure, l'intéressée étant susceptible de changer de forme, d'être cédée ou de disparaître et ce, nonobstant les garanties de représentation invoquées au mémoire en défense au sujet de ses dirigeants personnes physiques dont elle doit être différenciée, et, d'autre part, le paiement de la réparation des dommages causés par l'infraction, des restitutions et des amendes ; qu'en effet que s'il ressort des justificatifs produits à l'appui du mémoire en défense que la société de commissariat aux comptes A2C SARL atteste avoir certifié que les comptes de la société Lycamobile SARL, pour les exercices clos à compter de l'exercice clos le 28 février 2013, étaient réguliers et sincères et donnaient une image fidèle de la situation financière et du patrimoine de cette société à la fin de la chaque exercice concerné ; que le bilan actif et passif édité le 10 août 2017 au nom de Lycamobile et pour la période du 1er et mai 2016 au 31 décembre 2016 produit à l'appui du mémoire en défense ne comporte cependant aucune mention de certification par la société de commissariat aux comptes précitée ; que seule le courrier du 19 décembre 2017, établi et signé par Mme Véronique B..., expert comptable, à entête de la société d'expertise comptable Actif Expertise, mentionne pour la société Lycamobile SARL au 31 décembre 2016 en (MC) que les comptes intra-groupe se présentaient comme suit :
Créances dettes net (Bilan Actif) (bilan Passif) comptes débiteurs comptes créditeurs 148 128 20 (dont Lycamobile services) 41 ajoutant notamment que "le compte de TVA due figure en dette au passif pour 30 MC la trésorerie pour 0,4 est très faible compte tenue de l'en cours client/fournisseurs (21/21,3), soit un besoin de trésorerie à court terme à peine équilibré les capitaux propres de la société sont négatifs pour 34 M euros [...] L 'analyse de cette situation financière globale permet de constater qu'aucune trésorerie n 'est disponible sur les deux sociétés" ; que cet écrit précise également que l'entrée en fonction de son signataire pour une mission de présentation des comptes de ces sociétés est intervenue à compter du 1er janvier 2017 ; qu'il s'ensuit, que ces éléments chiffrés sont fournis par une société d'expertise comptable distincte des différents experts comptables et commissaires aux comptes identifiés dans le cadre des investigations menées dont certains ont été entendus sur commission rogatoire, avant la mise en examen de la société Lycamobile SARL, en la personne de M. Yves C..., ancien salarié de Lycamobile SARL, en charge de la comptabilité, et Mme Viviane D..., expert comptable, en charge de l'expertise comptable des sociétés Lycamobile SARL et Lycamobile services depuis 2012 ; qu'il ressort de leurs déclarations que les services du groupe Lycamobile situés à Londres avaient la maîtrise de la comptabilité de leurssociétés sises en Europe via notamment un logiciel permettant la migration des informations comptables à Londres et que toute décision, notamment en matière de déclarations fiscales, ne pouvait être prise sans les instructions de ces services londoniens ; qu'en particulier s'agissant de la TVA, il a été décrit un fonctionnement de non paiement mis en place par les dirigeants du groupe Lycamobile basés à Londres ; que ces éléments concernant les modalités de gestion depuis Londres des sociétés Lycamobile SARL et Lycamobile services ont été confirmés par les déclarations du commissaire aux comptes de la société de commissariat aux comptes A2C sociétés et de son collaborateur, en charge du suivi des sociétés Lycamobile SARL, depuis 2012, contrairement à l'indication sur ce point résultant de l'attestation précitée produite au mémoire en défense, et Lycamobile services, depuis 2016, et qui ont confirmé l'existence d'un système de "comptabilité de groupe" ; qu' il ressort d' ailleurs des déclarations de la société Lycamobile SARL, représentée par M. Christopher A..., lors de son interrogatoire de première comparution que cette entité fait partie du groupe d'entreprises Lycamobile qu'elle a défini à cette occasion comme étant un opérateur de téléphonie mondial actif sur 23 pays et continents parmi lesquels figure l'Union européenne, et ayant réalisé un chiffre d'affaires de 1,4 milliard en 2017 grâce à 15 millions de clients et plus de 5 000 employés et disposant de plus de 1 000 distributeurs et points de vente ; qu'elle a ajouté que la société Lycamobile services a été créée en janvier 2013 pour employer environ 100 personnes, lesquelles travaillaient avant pour la société Lycatel distribution France qui a été liquidée en décembre 2012, et soutenir des activités de promotions et de marketing des fournisseurs de services de la société Lycamobile SARL ; que la société Lycamobile services a commencé à travailler avec la société Lycamobile SARL à partir de juin 2013 concernant les ventes de cartes dont elle a évalué les quantités mensuelles comme étant alors entre 100 000 et 200 000 ; qu'elle a également déclaré que les objectifs de chiffre d'affaires concernant les ventes quotidiennes fixé par les services de direction situés à Londres était de 400 000 euros ; qu'elle a estimé que le chiffre d'affaires réalisé par la société Lycamobile services avec les sociétés ayant une activité de BTP identifiées dans le cadre de la présente procédure représentait 30% de son chiffre d'affaire ; que M. A..., qui a également déclaré lors de son audition sur commission rogatoire le 13 juin 2017qu'il était directeur général du groupe Lycamobile, directeur d'entités de ce groupe et gérant de la société Lycamobile SARL non salarié, a ajouté que la société Lycamobile SARL avait été créée pour pénétrer le marché français ; qu'elle avait depuis deux millions de clients français représentant un chiffre d'affaires annuel de plus de 240 millions d'euros réalisés en France ; qu'il a estimé à une moyenne mensuelle de 6 à 7 millions d'euros le volume des flux financiers entre les sociétés Lycamobile services et Lycamobile SARL et a confirmé un flux total entre ces deux sociétés de 75 millions d'euros entre le 24 décembre 2014 et le 28 septembre 2015 ; qu'il n'a fait état d'aucun élément relatif aux charges ou éventuelles difficultés financières concernant la société Lycamobile SARL ; qu'il s'ensuit que si la société Lycamobile SARL a une personnalité morale distincte comme l'invoque le mémoire en défense, elle ne semble pas disposer au regard des éléments précités d'une autonomie de direction en particulier en matière de gestion ; qu'au demeurant, si des difficultés économiques de la société Lycamobile SARL ont été constatées au dossier de la procédure, la situation précaire de cette société soulignée au mémoire en défense ainsi que les éléments versés audit mémoire ne sauraient à eux seuls remettre en cause toute capacité contributive de cette entité dans la mesure où l'appréciation des ressources de la personne mise en examen ne se limite pas aux seules ressources déclarées mais comprennent également celles tirées de l'infraction ; qu'il résulte de ce qui précède que l'obligation de verser un cautionnement de 15 millions d'euros est proportionnée notamment aux ressources et charges de la personne mise en examen ; que les termes du mémoire selon lesquels le fait que le juge d'instruction ait sollicité des informations financières complémentaires démontrant que le montant de la caution n'avait pas été défini en fonction des capacités contributives de la société, relève de la seule affirmation ; que cette obligation de verser un cautionnement de 15 millions d'euros est justifiée au regard de la nécessité de garantir les droits de la victime et le paiement de l'amende encourue, étant souligné que le montant du préjudice résultant des termes de la mise en examen de la société Lycamobile SARL à la date de son interrogatoire de première comparution est de 17 143 130 euros, tandis que le montant de l'amende encourue est en l'espèce de 750 000 euros et peut être élevé jusqu'à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment en application des dispositions des articles 324-2 et 324-3 du code pénal, visés à la mise en examen de la société Lycamobile SARL ; qu'au demeurant, les saisies pénales prises à l'encontre de la personne mise en examen, évoquées par le mémoire, ont pour fondement la confiscation encourue à titre de peine complémentaire; qu'elles n'ont donc pas pour objectif de garantir la représentation à tous les actes de la procédure et pour l'exécution du jugement, ainsi que le paiement de la réparation des dommages causés par l'infraction, des restitutions et des amendes, mais de garantir la peine complémentaire de confiscation encourue dans le présent dossier ; que ces saisies pénales n'ont dès lors pas à être prises en compte dans l'appréciation de l'obligation de verser un cautionnement ; qu'il s'ensuit de tout ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle fixe l'obligation de verser un cautionnement d'un montant de 15 millions d'euros en un seul versement et de fixer l'échéance du délai dans lequel devra intervenir le versement de ce cautionnement au greffe du tribunal au mars 2018 ; que, par ailleurs, que l'interdiction d' exercer des activités commerciales avec des personnes physiques ou morales dont l'activité n'est pas liée au domaine de la téléphonie est également justifiée au regard du contexte de déroulement des faits visés à la mise en examen de la société Lycamobile SARL dès lors qu'il s'agit de faits de blanchiment en bande organisée de crime ou de délits commis en bande organisée via plusieurs sociétés permettant notamment le blanchiment d'abus de biens sociaux commis par des sociétés ayant une activité de B.T.P." ;

"1°) alors que fait peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction, l'arrêt qui se borne à reproduire, en tout ou partie, les conclusions du ministère public ; qu'en se bornant à reproduire servilement les réquisitions de l'avocat général, à l'exception de quelques adaptations de style, l'arrêt est entaché d'un doute légitime quant à l'impartialité de la chambre de l'instruction et a violé les textes susvisés ;

"2°) alors que la cour ne saurait dénaturer les pièces de la procédure pénale ; que la cour d'appel a rappelé que plusieurs perquisitions avaient été réalisées, notamment au domicile de M. Alain E..., ayant amené la découverte suivante : « plusieurs enveloppes avec mention manuscrite de noms et contenant de l'argent en espèces, des factures pro forma de la société Lycamobile services dont certaines concernant la société SARL MSR-FDB, SHAHEEN 127, BNT, et des bons de commande, un tableau de chiffre d'affaire et le détail par client, plusieurs extraits k-bis de société françaises ayant un objet autre que celui de la vente de cartes de téléphonie, des blocs notes et liste supportant des listings de sociétés et des montants leur correspondant, des relevés de comptes client Lycamobile et des RIB de cette société » ; qu'il résulte cependant de la cote D 639 que lors de la perquisition réalisée au domicile de M. E..., les enquêteurs n'ont découvert que la copie du contrat de travail de l'intéressé ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les pièces de la procédure ;

"3°) alors que la personne mise en examen sous contrôle judiciaire ne peut être astreinte à fournir un cautionnement qu'à la condition que cette mesure soit justifiée à la fois par la nécessité de garantir sa représentation à tous les actes de la procédure, l'exécution du jugement ainsi que, le cas échéant, l'exécution des autres obligations qui lui sont imposées ; qu'en l'espèce, pour fixer le cautionnement mis à la charge de la société Lycamobile à la somme de 15 millions d'euros, notamment au titre de la représentation à tous les actes de la procédure, la chambre de l'instruction a énoncé que le paiement d'une caution dans le cadre du contrôle judiciaire est justifié par la nécessité de garantir la représentation de la personne morale mise en examen en justice, celle-ci « étant susceptible de changer de forme, d'être cédée ou de disparaître » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants alors que la société Lycamobile établissait que le risque de sa non représentation en justice était purement et simplement inexistant, et alors qu'au surplus la chambre de l'instruction a considéré que cette société faisait partie d'un groupe très important, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"4°) alors que le dépôt d'un cautionnement dans le cadre du contrôle judiciaire ne peut être légalement ordonné que si cette obligation est nécessaire et proportionnée au regard des circonstances de l'espèce, et spécialement au regard des facultés financières de la personne mise en cause ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'obligation de verser un cautionnement de 15 millions d'euros est proportionnée aux ressources et charges de la société Lycamobile, la chambre de l'instruction s'est fondée, par des motifs purement hypothétiques, sur le fait que cette société ne disposerait pas « d'une autonomie de direction en particulier en matière de gestion » ; qu'en statuant par des motifs impropres à démontrer que les ressources et charges de la société Lycamobile permettaient à celle-ci de faire face au versement d'un cautionnement de 15 millions d'euros, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

"5°) alors que le dépôt d'un cautionnement dans le cadre du contrôle judiciaire ne peut être légalement ordonné que si cette obligation est nécessaire et proportionnée au regard des facultés financières de la personne mise en examen prenant en considération non seulement ses ressources, mais également ses charges ; qu'en l'espèce, après avoir énoncé que « si la société Lycamobile SARL a une personnalité distincte du groupe Lycamobile « actif sur 23 pays et continents », elle ne semble pas disposer d'une autonomie de direction en particulier en matière de gestion », la cour d'appel a considéré que « l'appréciation des ressources de la personne mise en examen ne se limite pas aux seules ressources déclarées, mais comprennent également celles tirées de l'infraction », pour en déduire que « l'obligation de verser un cautionnement de 15 millions d'euros est proportionnée notamment aux ressources et charges de la personne mise en examen » ; qu'en statuant ainsi sans rechercher quelles pouvaient être les charges pesant sur la société Lycamobile, la cour d'appel a derechef méconnu les textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 16 décembre 2015, une note d'information a été transmise au procureur de la République par le directeur de Tracfin relevant que des opérations atypiques étaient réalisées sur les comptes de la société BNT, société spécialisée dans les travaux de peinture, électricité, carrelage, maçonnerie et aussi dans l'achat et la vente de produits non réglementés ; que, depuis janvier 2015, cette société avait enregistré des mouvements bancaires créditeurs et débiteurs de plusieurs millions d'euros et que, si l'ensemble de ces flux entrants provenaient d'entreprises spécialisées dans le bâtiment, les flux sortants eux étaient à destination de sociétés spécialisées dans le commerce de gros de cartes téléphoniques prépayées et, très majoritairement, de la société Lycamobile services ; que, par ailleurs, une nouvelle note de Tracfin, en date du 30 décembre 2015, a mis en évidence des flux financiers entre, d'une part, Lycamoblle services et la société Lycamobile et, d'autre part, entre ces deux sociétés et leurs clients et fournisseurs ; que la société Lycamobile a été mise en examen, le 22 novembre 2017, du chef de blanchiment en bande organisée et a été placée sous contrôle judiciaire avec obligation de verser à titre de cautionnement quinze millions d'euros en un versement au 20 décembre 2017, garantissant à concurrence de 50 000 euros la représentation à tous les actes de la procédure, ainsi que l'exécution des autres obligations prévues dans l'ordonnance et à concurrence de 14 950 000 euros le paiement, dans l'ordre suivant, de la réparation des dommages causés par l'infraction, des restitutions et des amendes ;

Attendu que pour confirmer l'ordonnance entreprise l'arrêt énonce notamment qu'il ressort des déclarations de la société Lycamobiles SARL que la société Lycamobile services a été créée en janvier 2013 pour employer environ 100 personnes et soutenir des activités de promotions et de marketing des fournisseurs de services de la première, laquelle fait partie du groupe d'entreprises Lycamobile qu'elle a défini comme étant un opérateur de téléphonie mondial actif sur 23 pays et continents, ayant réalisé un chiffre d'affaires de 1,4 milliard d'euros en 2017 grâce à 15 millions de clients et plus de 5 000 employés, et disposant de plus de 1 000 distributeurs et points de vente ; que les juges relèvent que la société Lycamobile services a commencé à travailler avec la société Lycamobile SARL à partir de juin 2013 pour la vente de cartes dont elle a évalué les quantités mensuelles comme étant alors entre 100 000 et 200 000 et qu'elle a également déclaré que les objectifs de chiffre d'affaires concernant les ventes quotidiennes fixés par les services de direction situés à Londres était de 400 000 euros ; qu'ils constatent que M. Christopher A..., qui a également déclaré lors de son audition qu'il était directeur général du groupe Lycamobile, directeur d'entités de ce groupe et gérant non salarié de la société Lycamobile SARL, a estimé à une moyenne mensuelle de 6 à 7 millions d'euros le volume des flux financiers entre les sociétés Lycamobile services et Lycamoblle SARL, a confirmé un flux total entre ces deux sociétés de 75 millions d'euros entre le 24 décembre 2014 et le 28 septembre 2015, et qu'il n'a fait état d'aucun élément relatif aux charges ou éventuelles difficultés financières concernant la société Lycamobile SARL ; qu'ils en déduisent que si la société Lycamobile SARL a une personnalité morale distincte comme elle le soutient, elle ne semble pas disposer, au regard des éléments précités, d'une autonomie de direction en particulier en matière de gestion et qu'au demeurant, si des difficultés économiques de la société Lycamobile SARL ont été constatées au dossier de la procédure, la situation précaire de cette société, soulignée dans son mémoire ainsi que par les éléments annexés, ne sauraient à eux seuls remettre en cause toute capacité contributive de cette entité dans la mesure où l'appréciation des ressources de la personne mise en examen ne se limite pas aux seules ressources déclarées mais comprennent également celles tirées de l'infraction ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance comme de contradictions, dès lors que ni le texte conventionnel invoqué ni aucune disposition de la loi ne font obstacle à ce que les juges, qui ont répondu aux moyens soutenus dans la requête du demandeur et analysé l'ensemble des éléments du dossier, excluant par la même tout défaut d'impartialité, reprennent pour partie les faits contenus dans les réquisitions du parquet général, la chambre de l'instruction, qui a souverainement apprécié la proportionnalité du cautionnement au regard du montant des ressources, notamment celles qui pourraient provenir des activités illicites de la société mise en examen, et des charges de celle-ci a justifié sa décision ;

D'où il suit que dès lors le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Cathala, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-81142
Date de la décision : 07/05/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 25 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 mai. 2018, pourvoi n°18-81142


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : Me Carbonnier, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:18.81142
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