LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 28 novembre 2016), que Mme Y... et M. X... (les consorts Y... X...), propriétaires d'une parcelle de terrain située en contrebas d'un chemin communal, ont confié la réalisation d'un mur de soutènement à la société ADK BTP (ADK), assurée auprès de la société mutuelle L'Auxiliaire (L'Auxiliaire), après la réalisation d'une étude de sols par la société SEGC ; que, se plaignant de désordres, les consorts Y... X... ont, après expertise, assigné en indemnisation la société ADK et son assureur ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que la société ADK fait grief à l'arrêt de la déclarer entièrement responsable de la mauvaise exécution du mur de soutènement et de la condamner à payer diverses sommes aux consorts Y... X... ;
Mais attendu, d'une part, que, la société ADK n'ayant pas soutenu dans ses conclusions d'appel que les maîtres de l'ouvrage avaient accepté un risque, le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que les consorts Y... X..., qui étaient des profanes, avaient communiqué à la société ADK, avant le début des travaux, l'étude de sol réalisée par la société SEGC, relevé que les travaux réalisés, non conformes aux prescriptions de ce bureau d'études, avaient provoqué un déversement intempestif des moellons par le haut du talus côté rampe bétonnée d'accès aux terrains en contrebas et déstabilisé les terres, provoquant des effondrements et une fermeture partielle du chemin communal, et souverainement retenu que la consolidation des terres imposait la démolition et la reconstruction d'un mur, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes ou à de simples allégations dépourvues d'offre de preuve, a pu en déduire qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre des maîtres de l'ouvrage et que l'entière responsabilité des désordres du mur de soutènement incombait à la société ADK qui devait supporter le coût de sa reconstruction ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter sa demande en garantie par la société L'Auxiliaire, l'arrêt retient que la société ADK est assurée pour les travaux de maçonnerie et de béton armé, qu'aux termes de l'article 4 des conditions spéciales, les travaux exécutés doivent être de technique courante ou traditionnelle, que le mur de soutènement, qui avait vocation à la fois à stabiliser le talus et à soutenir la voie communale, relève d'une technicité spécifique non courante et que la société ADK n'a pas préalablement sollicité une garantie spécifique de la société L'Auxiliaire, ni procédé à une quelconque déclaration ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société ADK relatives à l'inopposabilité de cette clause et à son absence de caractère formel et limité, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit n'y avoir lieu à garantie par la société L'Auxiliaire, l'arrêt rendu le 28 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis autrement composée ;
Condamne la société L'Auxiliaire aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour la société ADK BTP
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que la société ADK BTP était entièrement responsable de la mauvaise exécution du mur de soutènement réalisé sur la parcelle appartenant à Jean-Christophe X... et à Marie-Laurence Y... située [...] , et d'avoir condamné la société ADK BTP à payer à Jean-Christophe X... et à Marie-Laurence Y..., la somme de 101.664,50 euros au titre de la démolition et de la reconstruction du mur de soutènement, et 11.000 euros au titre des travaux réglés en pure perte et 938,52 euros correspondant au coût des honoraires de l'expert privé Z... et, d'avoir jugé que ces sommes devraient être assorties des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice ;
AUX MOTIFS QUE les consorts Y... X... recherchent la responsabilité de la société ADK BTP et de son assureur sur le fondement de la responsabilité contractuelle ; que le litige porte sur la réalisation d'un mur de soutènement, pour un coût de 12.120 euros, pour lequel les appelants ont réglé la somme de 11.000 euros ; que l'expert judiciaire, dans un rapport particulièrement argumenté et à l'encontre duquel aucune critique sérieusement fondée ne saurait être adressée, indique que les travaux réalisés par la société ADK BTP sont non conformes vis-à-vis des prescriptions du bureau SEGC et induisent un risque de glissement du talus et un renversement de l'ouvrage réalisé par simple poussée des terres du talus ; qu'une reprise ou une conservation même partielle du mur de soutènement réalisé sont à exclure ; que selon l'expert, le déversement intempestif des moellons par le haut du talus côté rampe bétonnée d'accès en contrebas a déstabilisé les terres et des effondrements se sont produits ; que sans reprise rapide par consolidation, il sera impossible d'accéder aux terrains concernés ; qu'il résulte de l'attestation signée par le gérant de la société ADK BTP le 7 novembre 2011 que cette dernière a eu communication, le 4 août 2009, de l'étude de sol faite par la société SEGC, avant que ne débutent les travaux de construction du mur moellon ; qu'il est constant que les consorts Y... X... sont profanes en matière de construction ; qu'ils ont pris le soin, avant d'envisager leur projet de construction, de consulter un bureau d'études spécialisé et qu'ils ont fait appel à un professionnel du bâtiment pour réaliser les travaux préparatoires à l'édification d'une construction sur leur parcelle, et notamment un mur de soutènement ; que contrairement à l'appréciation portée sur ce point par les premiers juges, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre des maîtres de l'ouvrage à laquelle la société ADK BTP ne peut valablement opposer les refus de permis de construire intervenus eu égard à la hauteur du mur de soutènement projeté, lesquels sont antérieurs à l'intervention de la société ADK BTP ; que s'il est exact que les consorts Y... X... auraient dû fournir à la société ADK BTP le rapport de la SEGC avant l'établissement du devis, et non pas seulement au début de la réalisation des travaux de construction du mur de soutènement, cette circonstance ne peut être retenue à l'encontre des maîtres de l'ouvrage ; qu'il appartenait en effet à la société ADK BTP, en sa qualité de professionnel du bâtiment, tendu d'une obligation de renseignements et de conseil, d'alerter les consorts Y... X..., eu égard à la situation de la parcelle et à sa déclivité, de leur demander, avant d'établir le devis, de lui fournir une étude du sol ; que compte tenu des observations qui précèdent, il y a lieu de juger que la responsabilité contractuelle de la société ADK BTP du fait des désordres entachant le mur de soutènement est pleine et entière ; que sur l'indemnisation du préjudice, il s'évince du rapport d'expertise que le mur en moellons édifié par la société ADK BTP en total mépris des règles de l'art doit être démoli ; que les travaux réalisés par la société ADK BTP ont provoqué un déversement intempestif des moellons par le haut du talus côté rampe bétonnée d'accès aux terrains en contrebas, a déstabilisé les terres et des effondrements se sont produits, provoquant une fermeture partielle du chemin [...] ; que la consolidation des terres impose qu'un nouveau mur soit reconstruit pour pouvoir accéder aux terrains concernés, peu important en l'espèce que la parcelle soit désormais inconstructible ; que le principe de la réparation intégrale impose que la reconstruction du mur moellon soit mise à la charge de la société ADK BTP, et ce même si le coût de la reconstruction est sans aucune mesure avec le montant du devis initial pour le mur ; que concernant le coût de la démolition et de la reconstruction, il y a lieu de retenir le montant du devis proposé par l'expert judiciaire, soit la somme de 101.664,50 euros ; qu'il convient d'ajouter à cette somme celles de 11.000 euros réglée en pure perte par les appelants et celle de 938,52 euros correspondant au coût des honoraires de l'expert privé Z... ;
1° ALORS QUE l'acceptation délibérée des risques par le maître de l'ouvrage exonère le constructeur de tout ou partie de sa responsabilité ; qu'en l'espèce, pour retenir la responsabilité de la société ADK BTP, la cour d'appel a énoncé que cette société avait eu connaissance le 4 août 2009 de l'étude réalisée par la société SEGC et que, tenue d'une obligation de renseignements et de conseil, elle devait alerter les consorts X..., profanes, de la situation de la parcelle et à sa déclivité ; que cependant, la société ADK BTP rappelait, d'une part, que les époux X..., maîtres de l'ouvrage, avaient commandé une étude des sols à la société SEGC, qui avait préconisé, notamment, la réalisation d'un mur de 2 mètres selon plan fourni pour que le terrain puisse être constructible, d'autre part, que cette étude des sols n'avait pas été remise à la société ADK BTP avant la réalisation du devis au mois de mars 2009, les époux X... ayant délibérément demandé à la société ADK BTP la construction d'un mur de 3,5 mètres et ayant déposé plusieurs demandes de permis de construire pour un mur de 3,5 m et non de 2 mètres comme préconisé par la société SEGC ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, la cour d'appel devait rechercher, comme il lui était demandé (concl. p. 8 et 9), si les époux X... avaient délibérément demandé à la société ADK BTP la construction d'un mur qui ne correspondait pas aux caractéristiques recommandées par le bureau d'étude et avaient ainsi accepté les risques présentés par une construction qui ne respectait aucune des préconisations dont ils avaient été spécialement informés par la société SEGC ; qu'en s'abstenant d'effectuer une telle recherche, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, la société ADK BTP rappelait dans ses conclusions que les époux X... avaient commis des fautes en ne mettant pas en oeuvre les obligations contenues dans le rapport d'expertise SEGC, à savoir le traitement des eaux pluviales de la parcelle, la création d'une pente 3H/2V, la végétalisation du talus avec des plantes retenant les terres (concl. p. 13 § 4 et suivants) ; que la cour d'appel s'est bornée à retenir la responsabilité pleine et entière de la société ADK en énonçant que les fautes des maîtres de l'ouvrage relatives aux dépôts de permis de construire n'avaient pas d'incidence, sans répondre aux conclusions de la société ADK BTP qui exposait que les consorts X... Y... avaient également commis des fautes en ne respectant pas les prescriptions du rapport relatives au drainage des eaux et à la végétalisation de la parcelle ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
3°) ALORS QUE, subsidiairement, en matière de responsabilité contractuelle, le préjudice pour être indemnisé doit être certain, actuel, direct et réparable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour condamner la société ADK BTP à payer aux consorts X... la somme de 101.664,50 euros comprenant le coût de reconstruction du mur, a jugé que la consolidation des terres imposait qu'un nouveau mur soit construit, « peu important le caractère inconstructible de la parcelle » (arrêt, p. 5 § 8) ; qu'en relevant le caractère inconstructible de la parcelle, qui avait pour conséquence l'impossibilité juridique pour les consorts X... de reconstruire un mur, une construction constituant même une infraction pénale aux règles d'urbanisme, et en jugeant néanmoins que le coût de reconstruction devait être mis à la charge de la société ADK BTP, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision en indemnisant un préjudice qui n'était pas réparable et a ainsi violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
4°) ALORS QUE, infiniment subsidiairement, la société ADK BTP rappelait dans ses conclusions qu'outre l'inconstructibilité de la parcelle, le plan local d'urbanisme de la commune de Saint Denis interdisait la construction d'un mur de plus de trois mètres de haut et que, dès lors, l'indemnisation d'un éventuel préjudice ne pouvait être réalisée à partir des éléments retenus par l'expert qui, s'abstenant de toute vérification juridique, préconisait la réalisation d'un mur de cinq mètres de haut (conclusions p. 16 § 2 et 3 et p. 18 § 1 à 3) ; que la cour d'appel a jugé que le coût de reconstruction du mur tel que préconisé et chiffré par l'expert à la somme de 101.664,50 euros devait être mis à la charge de la société ADK BTP, sans répondre aux conclusions de cette dernière qui faisait valoir qu'une évaluation du préjudice pour la construction d'un mur de cinq mètres de haut ne pouvait être retenue ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé qu'il n'y avait pas lieu à garantie par la compagnie l'Auxiliaire et d'avoir ainsi débouté la société ADK BTP de sa demande de garantie ;
AUX MOTIFS QUE, sur la garantie de la Compagnie Auxiliaire, il est versé aux débats la police d'assurance de la SARL ADK BTP au titre de la garantie décennale et de la responsabilité civile professionnelle pour les chantiers ouverts entre le 1er janvier et le 30 juin 2009 ; qu'en l'absence de réception des travaux, seule la garantie de la responsabilité civile professionnelle peut être mise en oeuvre ; que la société ADK BTP est assurée pour les travaux de maçonnerie et de béton armé sauf précontraint in situ ; qu'aux termes de l'article 4 des conditions spéciales, les travaux exécutés doivent être de technique courante ou traditionnelle ; qu'un mur de soutènement est considéré comme courant si la hauteur du soutènement est inférieure ou égale à 4 mètres, si la pente du terrain soutenu au-dessus de l'horizontale ne dépasse pas 10%, si les charges d'exploitation sont au plus égales à 175 de n/m2, si le remblai est réalisé avec des granulats perméables comportant peu d'éléments fins, si le terrain d'assise est horizontal et n'est constitué ni d'argile molle, ni de vase, ni de tourbe, ni de sols compressibles, s'il existe un dispositif d'évacuation des eaux en amont et si des dispositions sont prises pour éloigner des fondations du mur les eaux qui peuvent franchir l'ouvrage ou s'évacuer par les barbacanes ; que le mur de soutènement avait vocation à la fois à stabiliser le talus et à soutenir la voie communale, de sorte qu'il' relevait d'une technicité spécifique non courante ; qu'il est constant que la société ADK BTP n'a pas préalablement sollicité de la compagnie Auxiliaire de garantie spécifique et n'a pas non plus procédé à une quelconque déclaration ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu la garantie de la compagnie Auxiliaire ;
1) ALORS QUE la société ADK BTP faisait valoir que les conditions spéciales, comportant l'article 4 qui énonçait une clause limitant la garantie aux travaux de technique courante ou traditionnelle, ne lui étaient pas opposables (conclusions p. 24 et 25), car elles n'avaient jamais été portées à sa connaissance et qu'elles ne les avaient pas acceptées ; que pour juger que la garantie n'était pas due, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que l'article 4 des conditions spéciales énonçait que les travaux exécutés devaient être de technique courante ou traditionnelle, pour ensuite estimer que le mur construit relevait d'une technicité spécifique, de sorte que la garantie n'était pas due ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société ADK BTP relatives à l'inopposabilité de cette clause, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE, subsidiairement, est nulle la clause d'exclusion de garantie qui n'est ni formelle ni limitée ; qu'en l'espèce, la société ADK BTP faisait valoir dans ses conclusions qu'en toute hypothèse, la clause relative aux travaux de technique courante ou traditionnelle n'était pas valable, car elle n'était ni formelle, ni limitée ni précise (concl. p. 26) ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à citer la clause de l'article 4 des conditions spéciales et n'a pas répondu aux conclusions de la société ADK BTP qui rappelait sont absence de validité et les jurisprudences qui avaient déjà retenu de telles clauses comme étant non valables ; qu'en s'abstenant, une nouvelle fois, de répondre aux conclusions de la société ADK BTP, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE, infiniment subsidiairement, à supposer uniquement pour les besoins de la discussion que la clause ait été opposable et valable, elle énonçait que les travaux exécutés devaient être de technique courante ou traditionnelle (arrêt, p. 6 § 5) ; que pour juger que la garantie n'était pas due, la cour d'appel a estimé « qu'un mur de soutènement est considéré comme courant si la hauteur du soutènement est inférieure ou égale à 4 mètres (
) » (arrêt, p. 6 § 6) et a estimé que le mur construit n'était pas courant ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas appliqué la clause litigieuse, qui visait des travaux de technique courante ou traditionnelle et non la réalisation d'un ouvrage courant ou traditionnel et a ainsi violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 16 février 2016.