LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 8 novembre 2016), que la société Habitat foncier développement, à laquelle a succédé la société civile immobilière Les Marmottes, puis la société en nom collectif Les Marmottes (société Les Marmottes), a confié à M. X..., architecte, la maîtrise d'oeuvre complète de la construction d'une résidence de tourisme, comprenant des sous-sols de stationnement ; qu'après obtention du permis de construire, la société Les Marmottes a confié une étude géotechnique à la société Eg Sol Dauphiné Savoie (Eg Sol), qui a constaté le caractère irréalisable du projet en l'état et a préconisé la réalisation de fondations sur radier ; que la société Studio Arch a procédé à l'adaptation du projet ; qu'une étude complémentaire, déposée le 26 avril 2005, a été réalisée par la société Eg Sol ; que la société Bureau Veritas a été chargée du contrôle technique et la société Axiome de la maîtrise d'oeuvre d'exécution ; que, le 10 juin 2005, après l'inondation du troisième sous-sol lors des travaux de terrassement, il a été décidé de le supprimer et d'étendre le deuxième sous-sol ; que le maître de l'ouvrage a assigné M. X..., les sociétés Studio Arch, Eg Sol, Bureau Veritas et Axiome en indemnisation du surcoût résultant de la modification du projet initial ;
Sur le premier moyen, pris en ses cinq premières branches et en sa septième branche, du pourvoi principal de la société Eg Sol :
Attendu que la société Eg Sol fait grief à l'arrêt de la déclarer responsable in solidum du préjudice subi par la société Les Marmottes, avec les sociétés Studio Arch et Axiome, de dire que, dans les rapports des coobligés entre eux, elle supporterait 50 % de la responsabilité, et de la condamner in solidum avec la société Studio Arch à payer à la société Les Marmottes la somme de 390 232,69 euros en réparation du préjudice subi ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le maître de l'ouvrage avait communiqué tous les documents en sa possession à ses cocontractants, relevé que l'étude Jamier etamp; Vial faisait état de la présence d'une nappe phréatique, que la société Eg Sol, qui avait reçu une mission d'étude de sol et installé un piézomètre sur huit mètres de profondeur, s'était vu confier, à sa demande, une mission complémentaire à l'issue de laquelle elle avait préconisé des mesures pour éviter les arrivées d'eau et que la découverte de la hauteur de la nappe phréatique au début des travaux de terrassement avait entraîné un surcoût des travaux et retenu que la société Eg Sol s'était contentée de mesures ponctuelles, alors qu'elle se devait d'attirer l'attention des autres intervenants à l'acte de bâtir sur l'absence de définition précise de la cote d'inondabilité et sur la nécessité de procéder à des mesures plus longues dans le temps pour déterminer la hauteur maximale de la nappe phréatique, la cour d'appel, qui a pu en déduire, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, que les réserves émises par la société Eg Sol dans ses rapports ne suffisaient pas à caractériser le bon accomplissement de son devoir de conseil et qu'elle avait commis une faute engageant sa responsabilité, a légalement justifié sa décision ;
Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche, du pourvoi principal de la société Eg Sol et le premier moyen du pourvoi provoqué de la société Studio Arch et de la société Axiome et son liquidateur, réunis, ci-après annexés :
Attendu que les sociétés Eg Sol, Studio Arch et Axiome font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la société Les Marmottes la somme de 390 232,69 euros ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que la société Les Marmottes avait pu commencer à vendre les appartements à construire sans attendre la fin de la construction, dès lors que son projet, adapté à la suite du premier rapport de la société Eg Sol, était arrêté et que le coût global en avait été déterminé, la cour d'appel, qui en a déduit que le maître de l'ouvrage n'avait pas à attendre la fin de la construction pour débuter la commercialisation, a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen du pourvoi principal de la société Eg Sol et le second moyen du pourvoi provoqué de la société Studio Arch et de la société Axiome et son liquidateur, réunis, ci-après annexés :
Attendu que les sociétés Eg Sol, Studio Arch et Axiome font grief à l'arrêt de mettre hors de cause la société Bureau Veritas et de rejeter leur appel en garantie ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société Bureau Veritas, qui devait examiner les éventuels vices du sol et avait connaissance du second rapport de la société Eg Sol du 26 avril 2005, avait bien pris en compte les venues d'eau apparues lors du début des opérations de terrassement et préconisait un cuvelage et un radier résistant aux sous-pressions, et constaté qu'aucun élément ne permettait d'affirmer que la société Bureau Veritas avait eu connaissance, avant le début des travaux, du premier rapport de la société Eg Sol, qui aurait dû la conduire à formuler des observations quant à la méconnaissance de la hauteur exacte de la nappe phréatique, la cour d'appel a pu en déduire l'absence de faute de la société Bureau Veritas ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Bureau Veritas, qui n'est qu'éventuel :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Eg Sol Dauphiné Savoie à payer à la société Les Marmottes, la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Eg Sol Dauphiné Savoie.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré responsables in solidum du préjudice subi par la société LES MARMOTTES, les sociétés STUDIO ARCH, EG SOL et AXIOME, D'AVOIR dit que, dans les rapports des coobligés entre eux, la société STUDIO ARCH supporterait 40% de la responsabilité, la société EG SOL 50% et la société AXIOME 10%, D'AVOIR condamné in solidum les sociétés STUDIO ARCH et EG SOL à payer à la société LES MARMOTTES la somme de 390.232,69 € en réparation du préjudice subi, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, D'AVOIR fixé la créance de la société LES MARMOTTES au passif de la société AXIOME à titre chirographaire à la somme de 390.232,69 € en réparation du préjudice subi, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation jusqu'à l'ouverture de la procédure collective et D'AVOIR dit que les sommes versées par les autres coobligés viendraient en déduction de cette créance, et D'AVOIR dit que, dans les rapports des coobligés entre eux, les sommes dues le seraient en fonction des responsabilités telles que définies ci-avant, soit, dans le cas de l'insolvabilité de la société AXIOME, à hauteur de 45% pour la société STUDIO ARCH et de 55% pour la société EG SOL ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le préjudice de la SNC LES MARMOTTES, =etgt; Les travaux : Le surcoût des travaux à prendre en compte est celui résultant de la découverte de la nappe phréatique à une hauteur plus importante que celle prévue initialement, lors du début des travaux de terrassement. En revanche, les modifications intervenues auparavant suite au premier rapport de la société EG SOL (les parkings, prévus initialement à des niveaux différents et décalés selon les bâtiments, sont désormais tous au même niveau horizontal), n'ont pas généré de préjudice pour le promoteur, qui a pu faire adapter le projet avant que commence la commercialisation, le coût des modifications intervenues ayant été limité grâce à la création de deux logements supplémentaires. Il ne peut être reproché par ailleurs à un promoteur de commencer à vendre les appartements à construire dès lors que le projet de construction est calé et que le coût global de l'ouvrage est déterminé avec suffisamment de précision, s'agissant d'une pratique habituelle et légale, s'agissant de ventes en l'état futur d'achèvement, le maître d'ouvrage n'ayant pas à attendre la fin de la construction pour fixer ses prix et entamer la commercialisation. En l'occurrence, la suppression du 3ème niveau de parkings enterrés a entraîné la création d'un second niveau plus étendu, avec donc un radier et des ouvrages béton plus importants (76.715,50 euros HT), des terrassements supplémentaires (52.159 euros HT) et surtout, la nécessité de mettre en place des parois « berlinoises » en limite de propriété, pour un coût de 196.622,54 euros HT soit un total de 325.497,04 euros HT, comme l'a retenu l'expert, étant précisé que la SNC LES MARMOTTES étant soumise à la TVA, son préjudice sera évalué hors taxes et non TTC. =etgt; Les études : Les honoraires de l'architecte, du maître d'oeuvre d'exécution et de l'économiste étant assis sur le montant total réel des travaux, c'est à juste titre que l'expert a chiffré ce surcoût à la somme de 27.667,25 euros HT. =etgt; L'assurance : Selon la lettre du cabinet BUENDIA BOUCLIER du 23/06/2005, la cotisation au titre des garanties dommages ouvrage, responsabilité civile décennale, professionnelle, tous risques chantier et VRD est de 247.335,48 euros TTC pour un coût prévisionnel de construction de 6.338.800 euros, représentant 3,9% du coût des travaux. Il en résulte un surcoût au titre des assurances souscrites, généré par les travaux supplémentaires en cause de 16.473 euros TTC. =etgt; Les frais financiers : Les travaux en cause ont provoqué un retard dans la construction de 6 mois, générant des agios supplémentaires de 20.595,40 euros. Ainsi, le préjudice subi sera fixé à la somme globale de 390.232,69 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner la capitalisation des intérêts. Sur la responsabilité du maître d'ouvrage : Lorsque celui-ci est notoirement compétent en matière de construction, il doit s'abstenir de s'immiscer dans l'opération de construction, faute de quoi, il peut engager sa responsabilité, venant ainsi, par son comportement fautif, exonérer, totalement ou partiellement, les locateurs d'ouvrage. En l'espèce, à supposer que la SNC LES MARMOTTES soit non seulement un professionnel de l'immobilier, mais aussi un professionnel de la construction, aucun élément ne permet de dire qu'elle a entendu s'immiscer dans la construction de l'ouvrage. Au contraire, elle s'est attachée les services de professionnels compétents, déléguant complètement la maîtrise d'oeuvre, aussi bien de conception que d'exécution, à M. X..., la société STUDIO ARCH et la société AXIOME, et ayant fait pratiquer des études de sol par le géotechnicien EG SOL. Mais un maître d'ouvrage, même non notoirement compétent, se doit d'éviter de prendre tous risques inconsidérés, de rechercher des économies abusives et de retenir des renseignements qu'il détiendrait. Là encore, aucun de ces manquements n'est établi concernant la SNC LES MARMOTTES. En effet, elle a communiqué tous les documents en sa possession à ses cocontractants, elle n'a jamais cherché à imposer un quelconque mode constructif, a toujours répondu favorablement aux demandes qui lui avaient été faites concernant des études supplémentaires, et si elle a négocié le coût de certaines prestations, notamment de terrassement, cela n'a pas affecté le contenu lui-même de celles-ci. Certes, aucune étude n'a été effectuée concernant la détermination du niveau maximal de la nappe phréatique. Pour autant, il fallait que le maître d'ouvrage ait été mis au courant de cette exigence technique et qu'il n'ait pas voulu faire procéder à des études spécifiques. En sa qualité de maître d'ouvrage, il n'avait pas à se substituer aux locateurs d'ouvrage. Ce n'était pas à la SNC LES MARMOTTES de s'impliquer dans les études techniques, de déterminer les choix constructifs, et de vérifier la qualité des études et des plans, d'autant qu'un contrôleur technique intervenait. Dès lors que le maître d'ouvrage avait recouru aux services de professionnels de la construction, c'étaient à ces derniers de l'aviser de cette difficulté, étant débiteurs envers lui d'un devoir de conseil. Force est de constater qu'à aucun moment, aucun des intervenants à l'opération de construction n'a sollicité la SNC LES MARMOTTES pour que celle-ci fasse effectuer des études complémentaires. De même, les éléments qui lui avaient été communiqués n'étaient pas suffisamment précis et clairs pour que son attention puisse être attirée sur ce point. En effet : - l'étude JAMIER etamp; VIAL du 7 juin 1996 faisait état de la présence d'une nappe phréatique dans les alluvions du Doron et l'architecte a établi son projet en prenant en compte ce fait pour déterminer la profondeur des sous-sols, ce qui a pu légitimement laissé penser à la SNC LES MARMOTTES que ce problème avait bien été pris en compte, - elle a confié le 02/12/2004 à la société EG SOL une étude de sol, G0 et G12 phase 1, dans le cadre de laquelle un piézomètre a été installé, - si le 22/12/2004, la société EG SOL a indiqué qu'elle n'est pas en mesure « d'affirmer qu'il n'y aura pas de venue d'eau à des profondeurs moins importantes lors des travaux de terrassement », et «qu'en aucun cas ces niveaux d'eau ne doivent donc être pris comme des valeurs stables et définitives », la SNC LES MARMOTTES lui a confié une mission complémentaire, à la demande du reste du géotechnicien, le 06/01/2005 ; là encore, le maître d'ouvrage pouvait estimer que la nouvelle étude recommandée par la société EG SOL serait adaptée, - le rapport du 26/04/2005 de la société EG SOL confirme la présence d'eau, mais ne préconise pas un suivi de l'évolution du niveau de la nappe phréatique, ses conclusions pouvant laisser penser au contraire que cette difficulté a bien été prise en considération, par la préconisation d'un radier suffisamment dimensionné pour reprendre les sous-pressions, des buses de décompression et un cuvelage étanche pour éviter les arrivées d'eau. La Cour considère dans ces conditions qu'aucune faute ne peut être relevée à l'encontre du maître d'ouvrage. Sur les responsabilités des locateurs d'ouvrage : [
] =etgt; la société STUDIO ARCH : Dans ses plans de coupes du 03/02/2005, elle a implanté le 3ème sous-sol à l'altitude de 1399,07 m au lieu de 1.398,52 m comme prévu dans le projet X... de permis de construire. Si ce dispositif n'a pas appelé de critiques majeures de la part de la société EG SOL, qui a seulement fait remarquer que des suintements d`eau restaient possibles et que le sous-sol pourrait être inondé dans le cas d'une remontée d'eau, il résultait toutefois des deux rapports du géotechnicien que la cote supérieure de la nappe phréatique était mal déterminée. Certes, la société EG SOL avait mis en place un piézomètre sur 8 mètres de profondeur, et n'avait pas relevé d'eau, mais elle avait indiqué expressément que « le caractère ponctuel dans le temps et dans l'espace de (son) intervention ne permet pas d'affirmer qu'il n'y aura pas de venue d'eau à des profondeurs moins importantes lors des travaux de terrassement d'autant plus que des circulations locales peuvent se produire. En aucun cas ces niveaux d'eau ne doivent donc être pris comme des valeurs stables et définitives », le cabinet EG SOL ajoutant « nous rappelons enfin qu'initialement (avant remblaiement), le terrain était considéré comme inondable. La cote d'inondabilité ne nous a pas été communiquée ». L'architecte, dans le cadre de son devoir de conseil du maître d'ouvrage, se devait en conséquence d'alerter ce dernier sur la nécessité, avant d'engager des travaux importants et coûteux, de faire déterminer la cote d'inondabilité, ce qu'il s'est abstenu de faire, se contentant de l'avis du géotechnicien et des mesures limitées dans le temps qu'avait effectuées ce dernier. Sa responsabilité est ainsi engagée. =etgt; La société EG SOL : Celle-ci, au début de sa mission, a bien pris en compte le problème de la nappe phréatique située sous le terrain, en installant notamment un piézomètre à une profondeur suffisante pour pouvoir surveiller les venues d'eau éventuelles. Elle s'est toutefois contentée de relevés de mesures qu'elle qualifie elle-même de ponctuels, car limités dans le temps, alors que par ailleurs, elle souligne la variabilité de la hauteur de la nappe, en raison notamment de la fonte des neiges, recommandant ainsi que le terrassement soit effectué en période sèche, c'est-à-dire en hiver. Parce que ces travaux ne pouvaient être effectués qu'à compter du mois de mai ou juin, s'agissant d'une construction en montagne, elle se devait d'attirer l'attention des autres intervenants à l'acte de bâtir sur l'absence de définition précise de la cote d'inondabilité et sur la nécessité de procéder à des mesures plus longues dans le temps, de façon à déterminer précisément la hauteur maximale de la nappe phréatique. Si la société EG SOL a émis des réserves dans ses rapports, celles-ci ne suffisent pas à caractériser un bon accomplissement de son devoir de conseil. En effet, en demandant - et obtenant - une mission complémentaire, elle a laissé à penser au maître d'ouvrage que toutes les précautions utiles avaient été prises. En effet, alors même qu'elle écrivait que la cote d'inondabilité ne lui avait pas été communiquée, la lecture de son rapport définitif aboutissait à des conclusions rassurantes, puisque il y est noté qu'il n'y avait pas d'eau le jour où le piézomètre a été examiné et que les risques prévisibles était des arrivées d'eau au niveau du talus, pouvant être évacuées par pompage ou fossé drainant (page 12 du rapport). Elle a donc commis elle aussi une faute engageant sa responsabilité, en ne sollicitant pas du maître d'ouvrage une mission complémentaire de détermination de la cote d'inondabilité, et ce, alors qu'un piézomètre avait été mis en place par ses soins et, tout en soulignant la forte variabilité de la hauteur de la nappe, en ne préconisant pas une implantation du sous-sol à une altitude suffisante pour conserver une marge de sécurité, sachant qu'en tout état de cause, lors de périodes où les eaux sont abondantes, comme au moment de la fonde des neiges, la nappe phréatique ne pouvait que monter. Du reste, le 27/06/2005, elle indique qu'elle a observé les niveaux d'eau ce jour (entraînant la surélévation du fond de fouille de 1,65 m), précisant qu'ils sont comparables à ceux mesurés lors d'une intervention d'avril 2005. Or, à cette époque, la société EG SOL n'avait pas remis en cause le projet, ce qu'elle fera en juin. =etgt; La société AXIOME : En sa qualité de maître d'oeuvre d'exécution, si elle n'avait pas à remettre en cause la conception générale de l'immeuble, elle se devait pour autant de ne pas mettre en oeuvre les plans d'exécution, sans avoir procédé à leur vérification. De même, parce qu'il s'agissait d'une construction en montagne, elle savait nécessairement que les terrassements allaient avoir lieu à une période d'eaux abondantes, peu après la fonte des neiges. Aussi, elle se devait de faire attention à ses venues d`eau, d'autant qu'elle ne pouvait ignorer que le terrain était autrefois inondable et que ce n'est qu'en raison de son remblaiement qu'une construction était possible. En faisant commencer le chantier sans que soit vérifiée la hauteur de la nappe phréatique, elle a commis une faute, en n'alertant pas le maître d'ouvrage sur la nécessité d'effectuer des contrôles complémentaires avant le début des travaux. Elle a elle aussi engagé sa responsabilité. =etgt; Le BUREAU VERITAS : La société BUREAU VERITAS s'était vue confier une mission LP « relative à la solidité des ouvrages et éléments d'équipements dissociables et indissociables » et se devait donc d'examiner les éventuels vices pouvant affecter le sol. Si la convention passée avec la SNC LES MARMOTTES est du 28/07/2005, en réalité, le contrôleur technique avait commencé son intervention auparavant, et avait du reste déposé un rapport initial de contrôle technique le 30/06/2005, visant le rapport EG SOL du 26/04/2005, que le contrôleur technique déclare avoir reçu le 02/05/2005. Dans son rapport, le contrôleur technique prend bien en compte les venues d'eau apparues lors du début des opérations de terrassement, puisqu'il préconise un cuvelage et un radier résistant aux sous-pressions. Son éventuelle responsabilité ne pourrait ainsi être engagée que si le contrôleur technique avait eu connaissance avant le début des travaux des deux rapports de la société EG SOL, ce qui aurait dû le conduire à formuler des observations quant à la méconnaissance de la hauteur exacte de la nappe phréatique. Aucun élément ne permet de l'affirmer. En conséquence, la société BUREAU VERITAS sera mise hors de cause. Sur l'imputation des responsabilités : Les sociétés STUDIO ARCH, EG SOL et AXIOME ont commis des manquements ayant entraîné l'apparition de l'entier dommage. Leur responsabilité est engagée in solidum. Dans les rapports des coobligés entre eux, la société EG SOL supportera la plus grande part de responsabilité, soit 50%, car elle était la mieux placée pour signaler au maître d'ouvrage la nécessité de procéder à des mesures complémentaires et pour signaler, dès le mois d'avril 2005, des venues d'eau non prévues. La société STUDIO ARCH supportera quant à elle 40% de la responsabilité, car, en sa qualité de maître d'oeuvre de conception, elle se devait de prêter une attention toute particulière au problème de la nappe phréatique, connue d'elle. Enfin, la société AXIOME a une responsabilité moindre, car étant intervenue plus tardivement, alors que les plans d'exécution avaient été réalisés. Elle supportera donc 10% de la responsabilité. En revanche, compte tenu de la procédure collective dont la société AXIOME fait l'objet, aucune condamnation ne pourra être prononcée à son encontre. Dès lors, les sociétés STUDIO ARCH et EG SOL seront condamnées in solidum au paiement à la SNC LES MARMOTTES de la somme de 390.232,69 euros, la créance de la SNC LES MARMOTTES au passif de la société AXIOME étant fixée à ce montant, à titre chirographaire » (arrêt pp. 7 à 12) ;
1/ ALORS QUE la société EG SOL, géotechnicien, était chargée, d'une part, d'exécuter des sondages, essais et mesures géotechniques (mission dite « G 0 »), à l'exclusion de « toute activité d'étude ou de conseil, ainsi que toute forme d'interprétation » et, d'autre part, de fournir un rapport d'étude géotechnique donnant les « hypothèses géotechniques à prendre en compte pour la justification du projet, et les principes généraux de construction des ouvrages géotechniques » (mission dite « G 12 phase 1 ») ; que les limites contractuelles de son intervention, définies par la norme NF P 94-500 annexée à ses deux rapports, étaient clairement indiquées, et donc connues du maître d'ouvrage ; que la cour d'appel reproche à la société EG SOL de ne pas avoir conseillé au maître d'ouvrage de faire réaliser une étude complémentaire déterminant la cote d'inondabilité, ainsi qu'un suivi du niveau de la nappe phréatique, et elle lui reproche encore de ne pas avoir préconisé une implantation du sous-sol à une altitude suffisante pour conserver une marge de sécurité ; qu'en statuant ainsi, quand ces conseils et préconisations procédaient d'autres missions susceptibles d'être confiées au géotechnicien, moyennant un coût supérieur, mais dont la société EG SOL n'avait pas été chargée, ce dont il résultait qu'elle n'était pas tenue de prodiguer au maître d'ouvrage les conseils et préconisations dont l'absence lui est reprochée, et qui n'entraient pas dans le champ de sa mission contractuelle, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2/ ALORS QUE, pour reprocher à la société EG SOL de ne pas avoir conseillé au maître d'ouvrage de faire réaliser une étude complémentaire déterminant la cote d'inondabilité, ainsi qu'un suivi du niveau de la nappe phréatique, la cour d'appel relève que la société LES MARMOTTES lui avait confié une mission complémentaire le 6 janvier 2005, mais que le maître d'ouvrage avait pu croire que cette nouvelle étude recommandée par le géotechnicien était adaptée ; qu'en se bornant à cette affirmation, sans rechercher, ainsi que l'y invitait la société EG SOL (conclusions, p. 9), si cette mission complémentaire, qui portait exclusivement sur « une étude de faisabilité géotechnique à réaliser en période hivernale, à savoir en période sèche, tendant notamment à confirmer la faisabilité d'une solution de fondation sur radier calé à la cote 1399,02 NGF », ne modifiait en rien le contenu des missions limitées G 0 et G 12 phase 1 confiées au géotechnicien, peu important ce que le maître d'ouvrage avait pu croire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
3/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la société EG SOL a indiqué, dans son rapport provisoire du 22 décembre 2004 et son rapport définitif du 26 avril 2005, qu'elle avait « mis en place un piézomètre de 8m au droit du sondage SP2 dont le suivi ne [faisait] pas partie de [sa] mission [qu'il] n'y avait pas d'eau dans ce dernier le jour de [son] intervention. Cependant le caractère ponctuel d'eau dans le temps et dans l'espace de [son] intervention ne [permettait] pas d'affirmer qu'il n'y [aurait] pas de venue d'eau à des profondeurs moins importantes lors des travaux de terrassement, d'autant que des circulations locales [pouvaient] se produire. En aucun cas ces niveaux ne [devaient] donc être pris comme des valeurs stables et définitives », et en rappelant « qu'initialement (avant remblaiement), le terrain était considéré comme inondable. La cote d'inondabilité ne [lui avait] pas été communiquée » ; que le géotechnicien indiquait encore qu'il restait « à la disposition du maître d'ouvrage pour assurer des missions de type G 12 phase 2, G 3 et G 4 suivant les « Missions Géotechniques Types » jointes en annexe » ; que ces précisions, selon lesquelles, dans le cadre de sa mission limitée et située très en amont dans la conception du projet, elle ne disposait ni de valeurs stables et définitives relatives au niveau de la nappe phréatique, ni de la cote d'inondabilité d'un terrain qui était inondable avant remblaiement, devaient nécessairement conduire le maître d'ouvrage à en déduire que ces éléments d'information seraient nécessaires lors de la phase ultérieure de réalisation technique du projet de construction, et que ses suggestions relatives à une solution de fondation sur radier rigide, avec une plateforme drainante et un cuvelage étanche, correspondaient aux « principes généraux de construction » qu'elle devait donner dans le cadre de sa mission, mais qu'elles ne pouvaient à l'évidence pas être considérées comme définitivement acquises pour permettre d'éviter les arrivées d'eau lors de l'exécution des travaux ; que, de même, la recommandation de la société EG SOL de se voir confier des missions G 12 phase 2, G 3 et G 4, qui étaient précisément destinées à résoudre ces interrogations et déterminer par des notes techniques les ouvrages géotechniques à réaliser, permettait également au maître d'ouvrage d'apprécier parfaitement la nécessité de charger le géotechnicien de missions complémentaires ; qu'en affirmant toutefois, pour retenir la responsabilité de la société EG SOL, que si elle avait émis des réserves relatives à l'absence de définition précise de la cote d'inondabilité, celles-ci ne suffisaient pas à caractériser un bon accomplissement de son devoir de conseil du fait qu'elle n'avait pas sollicité une mission complémentaire de détermination de la cote d'inondabilité, ni préconisé un suivi de l'évolution du niveau de la nappe phréatique, ni une implantation du sous-sol à une altitude suffisante pour conserver une marge de sécurité, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
4/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la société EG SOL faisait valoir, dans ses conclusions (p. 15), qu'elle avait invité la société LES MARMOTTES à lui confier des missions complémentaires, qui ne lui avaient jamais été confiées ; que, dans ses deux rapports, elle indiquait en effet expressément qu'elle restait « à la disposition du maître d'ouvrage pour assurer des missions de type G 12 phase 2, G 3 et G 4 suivant les « missions géotechniques types » jointes en annexe », lesquelles consistaient à « présenter des exemples de prédimensionnement de quelques ouvrages géotechniques types envisagés (notamment : soutènements, fondations, amélioration de sols) » (mission G 12 phase 2), à « définir si nécessaire une mission G 0 complémentaire, en assurer le suivi et l'exploitation des résultats [et] étudier dans le détail les ouvrages géotechniques : notamment validation des hypothèses géotechniques, définition et dimensionnement (calculs justificatifs), méthodes et conditions d'exécution (phasage, suivi, contrôle) » (mission G 3 intitulée « étude géotechnique d'exécution », étant précisé que « pour la maîtrise des incertitudes et aléas géotechniques en cours d'exécution, les missions G 2 et 3 doivent être suivies d'une mission de suivi géotechnique d'exécution G 4 »), et enfin à « suivre et adapter si nécessaire l'exécution des ouvrages géotechniques, avec définition d'un programme d'auscultation et des valeurs seuils correspondantes, analyse et synthèse périodique des résultats des mesures » (mission G 4 intitulée « suivi géotechnique d'exécution ») ; que, pour écarter toute faute du maître d'ouvrage et retenir la responsabilité de la société EG SOL, la cour d'appel affirme que cette dernière n'a pas sollicité de la société LES MARMOTTES qu'elle fasse effectuer des études complémentaires ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société EG SOL n'avait pas au contraire expressément proposé au maître d'ouvrage, en conclusion de ses deux rapports, de lui confier des missions complémentaires propres à répondre précisément aux interrogations qui subsistaient après sa première mission limitée, et à s'assurer ainsi contractuellement de la maîtrise des incertitudes et aléas géotechniques en cours d'exécution des travaux, qui sont à l'origine des surcoûts dont la société LES MARMOTTES demande l'indemnisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
5/ ALORS QUE la société EG SOL faisait valoir, dans ses conclusions (p. 15), que, dans son rapport de faisabilité au stade du projet, elle avait attiré l'attention du maître d'ouvrage sur le manque d'informations relatives à l'hydrologie (cf. rapport p. 4, préc.), et que la société LES MARMOTTES, bien que disposant du rapport JAMIER et VIAL, réalisé en juin, période de hautes eaux et de fonte des neiges, ne lui avait pas communiqué ces éléments d'information ; que, pour écarter toute faute de la société LES MARMOTTES, la cour d'appel énonce qu'un maître d'ouvrage, même non notoirement compétent, se doit d'éviter de prendre tous risques inconsidérés, de rechercher des économies abusives et de retenir des renseignements qu'il détiendrait, mais que la société LES MARMOTTES avait communiqué tous les documents en sa possession à ses cocontractants ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi que l'y invitait la société EG SOL, si le maître d'ouvrage n'avait pas, au contraire, omis de lui communiquer un rapport qui aurait pu utilement l'éclairer dans la réalisation de sa mission, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
6/ ALORS QUE la cour d'appel affirme qu'il ne peut être reproché à un promoteur de commencer à vendre les appartements à construire, dès lors que le projet de construction est calé et que le coût global de l'ouvrage est déterminé avec suffisamment de précision, s'agissant d'une pratique habituelle et légale, s'agissant de ventes en l'état futur d'achèvement, le maître d'ouvrage n'ayant pas à attendre la fin de la construction pour fixer ses prix et entamer la commercialisation ; qu'en statuant par ces motifs généraux et dénués de référence aux circonstances particulières de l'espèce, sans rechercher, ainsi que l'y invitait la société EG SOL, dans ses conclusions (p. 19), si la société LES MARMOTTES n'avait pas pris un risque délibéré, exonérant les constructeurs de toute responsabilité, en faisant le choix de vendre la quasi-totalité des lots de copropriété entre février et avril 2005, quand les études de faisabilité étaient en cours de réalisation, et le géotechnicien n'avait lui-même pas encore déposé son rapport définitif, ce dont il résultait nécessairement que le projet de construction n'était pas calé, et que le coût global de l'ouvrage n'était pas encore fixé avec précision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
7/ ALORS, TRES SUBSIDIAIREMENT, QUE, contestant l'existence d'un lien de causalité entre les fautes qui lui étaient reprochées, et les préjudices invoqués par la société LES MARMOTTES, la société EG SOL faisait valoir, dans ses conclusions (p. 19), que le maître d'ouvrage avait fait le choix de vendre la quasi-totalité des lots de copropriété entre février et avril 2005quand les études de faisabilité étaient en cours de réalisation, et qu'elle-même n'avait pas encore déposé son rapport définitif ; que la cour d'appel constate que les préjudices soufferts par la société LES MARMOTTES sont constitués par le surcoût des travaux rendus nécessaires par la découverte de la nappe phréatique à une hauteur plus importante que celle prévue initialement, lors du début des travaux de terrassement ainsi que les surcoût corrélatifs en honoraires d'architecte, de maître d'oeuvre d'exécution et d'économiste, au titre des cotisations d'assurance et au titre des frais financiers générés par le retard corrélatif du chantier (arrêt, pp. 7 et 8) ; qu'en se bornant à affirmer que la société EG SOL avait commis des manquements ayant entraîné l'apparition de l'entier dommage, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, compte tenu de la décision, même à la supposer non fautive, du maître d'ouvrage de commercialiser les lots avant la fin des études de faisabilité, et notamment celle du géotechnicien, il n'existait aucun lien de causalité entre les fautes reprochées aux constructeurs et les préjudices qu'il invoquait, tenant aux surcoûts générés par la modification du projet, compte tenu de la découverte ultérieure de la hauteur de la nappe phréatique, dès lors que le maître d'ouvrage n'aurait pu, en toute hypothèse, intégrer le surcoût des travaux nécessaires dans le prix d'acquisition de lots déjà vendus, même si la société EG SOL l'avait parfaitement informé des problèmes liés à la hauteur de la nappe phréatique, et avait préconisé les modifications idoines du projet de construction, dans son rapport définitif, rendu après la commercialisation des lots, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR mis hors de cause le BUREAU VERITAS, et D'AVOIR débouté la société EG SOL de son appel en garantie contre cette société ;
AUX MOTIFS QUE « la société BUREAU VERITAS s'était vue confier une mission LP « relative à la solidité des ouvrages et éléments d'équipements dissociables et indissociables » et se devait donc d'examiner les éventuels vices pouvant affecter le sol ; si la convention passée avec la SNC LES MARMOTTES est du 28/07/2005, en réalité, le contrôleur technique avait commencé son intervention auparavant, et avait du reste déposé un rapport initial de contrôle technique le 30/06/2005, visant le rapport EG SOL du 26/04/2005, que le contrôleur technique déclare avoir reçu le 02/05/2005 ; dans son rapport, le contrôleur technique prend bien en compte les venues d'eau apparues cuvelage et un radier résistant aux sous-pressions ; son éventuelle responsabilité ne pourrait ainsi être engagée que si le contrôleur technique avait eu connaissance avant le début des travaux des deux rapports de la société EG SOL, ce qui aurait dû le conduire à formuler des observations quant à la méconnaissance de la hauteur exacte de la nappe phréatique ; aucun élément ne permet de l'affirmer ; en conséquence, la société BUREAU VERITAS sera mise hors de cause » (arrêt p. 11) ;
ALORS QUE, pour écarter la responsabilité du BUREAU VERITAS, la cour d'appel constate que rien ne permet d'affirmer qu'il aurait eu connaissance des rapports de la société EG SOL avant le début des travaux, ce qui l'aurait conduit à formuler des observations quant à la méconnaissance de la hauteur exacte de la nappe phréatique ; que la cour d'appel a pourtant, par ailleurs, constaté que les travaux avaient débuté le 10 juin 2005 (arrêt p. 3) et que le BUREAU VERITAS déclarait avoir reçu, le 2 mai 2005, le rapport provisoire de la société EG SOL, dans lequel celle-ci indiquait qu'elle n'avait pas reçu communication de la note d'inondabilité, et que « le caractère ponctuel d'eau dans le temps et dans l'espace de [son] intervention ne [permettait] pas d'affirmer qu'il n'y [aurait] pas de venue d'eau à des profondeurs moins importantes lors des travaux de terrassement, d'autant que des circulations locales [pouvaient] se produire. En aucun cas ces niveaux ne [devaient] donc être pris comme des valeurs stables et définitives », indications reprises à l'identique dans son rapport définitif ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand il résultait de ses propres constatations que le BUREAU VERITAS avait, au contraire, eu connaissance du contenu utile de ces deux rapports plus d'un mois avant de le début des travaux, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil. Moyen produit au pourvoi provoqué par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour les sociétés Studio Arch, Axiome et MJ Synergie ès qualités.
Le premier moyen de cassation du pourvoi provoqué fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Studio Arch, in solidum avec la société EG Sol, à payer à la snc Les Marmottes la somme de 390 232,69 €, d'avoir fixé à cette somme la créance de la snc Les Marmottes au passif de la société Axiome à titre chirographaire et d'avoir dit que dans leurs rapports entre eux, la société Studio Arch supporterait 40 % de la responsabilité, la société EG Sol 50 % et la société Axiome 10 %, avec toutes conséquences de droit ;
Aux motifs que « Sur la responsabilité du maître d'ouvrage Lorsque celui-ci est notoirement compétent en matière de construction, il doit s'abstenir de s'immiscer dans l'opération de construction, faute de quoi, il peut engager sa responsabilité, venant ainsi, par son comportement fautif, exonérer, totalement ou partiellement, les locateurs d'ouvrage. En l'espèce, à supposer que la Snc Les Marmottes soit non seulement un professionnel de l'immobilier, mais aussi un professionnel de la construction, aucun élément ne permet de dire qu'elle a entendu s'immiscer dans la construction de l'ouvrage. Au contraire, elle s'est attachée les services de professionnels compétents, déléguant complètement la maîtrise d'oeuvre, aussi bien de conception que d'exécution, à M. X..., la société Studio Arch et la société Axiome, et ayant fait pratiquer des études de sol par le géotechnicien EG Sol.
Mais un maître d'ouvrage, même non notoirement compétent, se doit d'éviter de prendre tous risques inconsidérés, de rechercher des économies abusives et de retenir des renseignements qu'il détiendrait.
Là encore, aucun de ces manquements n'est établi concernant la Snc Les Marmottes.
En effet, elle a communiqué tous les documents en sa possession à ses cocontractants, elle n'a jamais cherché à imposer un quelconque mode constructif, a toujours répondu favorablement aux demandes qui lui avaient été faites concernant des études supplémentaires, et si elle a négocié le coût de certaines prestations, notamment de terrassement, cela n'a pas affecté le contenu lui-même de celles-ci.
Certes, aucune étude n'a été effectuée concernant la détermination du niveau maximal de la nappe phréatique. Pour autant, il fallait que le maître d'ouvrage ait été mis au courant de cette exigence technique et qu'il n'ait pas voulu faire procéder à des études spécifiques.
En sa qualité de maître d'ouvrage, il n'avait pas à se substituer aux locateurs d'ouvrage. Ce n'était pas à la Snc Les Marmottes de s'impliquer dans les études techniques, de déterminer les choix constructifs, et de vérifier la qualité des études et des plans, d'autant qu'un contrôleur technique intervenait. Dès lors que le maître d'ouvrage avait recouru aux services de professionnels de la construction, c'étaient à ces derniers de l'aviser de cette difficulté, étant débiteurs envers lui d'un devoir de conseil.
Force est de constater qu'à aucun moment, aucun des intervenants à l'opération de construction n'a sollicité la Snc Les Marmottes pour que celle-ci fasse effectuer des études complémentaires.
De même, les éléments qui lui avaient été communiqués n'étaient pas suffisamment précis et clairs pour que son attention puisse être attirée sur ce point.
En effet :
- l'étude Jamier etamp; Vial du 7 juin 1996 faisait état de la présence d'une nappe phréatique dans les alluvions du Doron et l'architecte a établi son projet en prenant en compte ce fait pour déterminer la profondeur des sous-sols, ce qui a pu légitimement laisser à penser à la Snc Les Marmottes que ce problème avait bien été pris en compte,
- elle a confié le 02/12/2004 à la société EG Sol une étude de sol, G0 et G12 phase 1, dans le cadre de laquelle un piézomètre a été installé,
- si le 22/12/2004, la société EG Sol a indiqué qu'elle n'est pas en mesure « d'affirmer qu'il n'y aura pas de venue d'eau à des profondeurs moins importantes lors des travaux de terrassement », et « qu'en aucun cas ces niveaux d'eau ne doivent donc être pris comme des valeurs stables et définitives », la Snc Les Marmottes lui a confié une mission complémentaire, à la demande du reste du géotechnicien, le 06/01/2005 ; là encore, le maître d'ouvrage pouvait estimer que la nouvelle étude recommandée par la société EG Sol serait adaptée,
- le rapport du 26/04/2005 de la société EG Sol confirme la présence d'eau, mais ne préconise pas un suivi de l'évolution du niveau de la nappe phréatique, ses conclusions pouvant laisser penser au contraire que cette difficulté a bien été prise en considération, par la préconisation d'un radier suffisamment dimensionné pour reprendre les sous-pressions, des buses de décompression et un cuvelage étanche pour éviter les arrivées d'eau. La Cour considère dans ces conditions qu'aucune faute ne peut être relevée à l'encontre du maître d'ouvrage.
Sur les responsabilités des locateurs d'ouvrage
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=etgt; la société Studio Arch
Dans ses plans de coupes du 03/02/2005, elle a implanté le 3ème sous-sol à l'altitude de 1399,07 m au lieu de 1.398,52 m comme prévu dans le projet X... de permis de construire.
Si ce dispositif n'a pas appelé de critiques majeures de la part de la société EG Sol, qui a seulement fait remarquer que des suintements d`eau restaient possibles et que le sous-sol pourrait être inondé dans le cas d'une remontée d'eau, il résultait toutefois des deux rapports du géotechnicien que la cote supérieure de la nappe phréatique était mal déterminée.
Certes, la société EG Sol avait mis en place un piézomètre sur 8 mètres de profondeur, et n'avait pas relevé d'eau, mais elle avait indiqué expressément que « le caractère ponctuel dans le temps et dans l'espace de (son) intervention ne permet pas d'affirmer qu'il n'y aura pas de venue d'eau à des profondeurs moins importantes lors des travaux de terrassement d'autant plus que des circulations locales peuvent se produire.
En aucun cas ces niveaux d'eau ne doivent donc être pris comme des valeurs stables et définitives », le cabinet EG Sol ajoutant « nous rappelons enfin qu'initialement (avant remblaiement), le terrain était considéré comme inondable. La cote d'inondabilité ne nous a pas été communiquée ».
L'architecte, dans le cadre de son devoir de conseil du maître d'ouvrage, se devait en conséquence d'alerter ce dernier sur la nécessité, avant d'engager des travaux importants et coûteux, de faire déterminer la cote d'inondabilité, ce qu'il s'est abstenu de faire, se contentant de l'avis du géotechnicien et des mesures limitées dans le temps qu'avait effectuées ce dernier. Sa responsabilité est ainsi engagée.
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=etgt; La société Axiome
En sa qualité de maître d'oeuvre d'exécution, si elle n'avait pas à remettre en cause la conception générale de l'immeuble, elle se devait pour autant de ne pas mettre en oeuvre les plans d'exécution, sans avoir procédé à leur vérification.
De même, parce qu'il s'agissait d'une construction en montagne, elle savait nécessairement que les terrassements allaient avoir lieu à une période d'eaux abondantes, peu après la fonte des neiges.
Aussi, elle se devait de faire attention à ses venues d`eau, d'autant qu'elle ne pouvait ignorer que le terrain était autrefois inondable et que ce n'est qu'en raison de son remblaiement qu'une construction était possible.
En faisant commencer le chantier sans que soit vérifiée la hauteur de la nappe phréatique, elle a commis une faute, en n'alertant pas le maître d'ouvrage sur la nécessité d'effectuer des contrôles complémentaires avant le début des travaux. Elle a elle aussi engagé sa responsabilité.
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Sur l'imputation des responsabilités
Les sociétés Studio Arch, EG Sol et Axiome ont commis des manquements ayant entraîné l'apparition de l'entier dommage. Leur responsabilité est engagée in solidum.
Dans les rapports des coobligés entre eux, la société EG Sol supportera la plus grande part de responsabilité, soit 50 %, car elle était la mieux placée pour signaler au maître d'ouvrage la nécessité de procéder à des mesures complémentaires et pour signaler, dès le mois d'avril 2005, des venues d'eau non prévues.
La société Studio Arch supportera quant à elle 40 % de la responsabilité, car, en sa qualité de maître d'oeuvre de conception, elle se devait de prêter une attention toute particulière au problème de la nappe phréatique, connue d'elle.
Enfin, la société Axiome a une responsabilité moindre, car étant intervenue plus tardivement, alors que les plans d'exécution avaient été réalisés. Elle supportera donc 10% de la responsabilité.
En revanche, compte tenu de la procédure collective dont la société Axiome fait l'objet, aucune condamnation ne pourra être prononcée à son encontre.
Dès lors, les sociétés Studio Arch et EG Sol seront condamnées in solidum au paiement à la Snc Les Marmottes de la somme de 390.232,69 euros, la créance de la Snc Les Marmottes au passif de la société Axiome étant fixée à ce montant, à titre chirographaire » (arrêt pp. 7 à 12) ;
Alors que la responsabilité du maître d'ouvrage est engagée en cas d'acceptation d'un risque de sa part ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé qu'il ne pouvait être reproché à un promoteur de commencer à vendre les appartements à construire dès lors que le projet de construction est calé et que le coût global de l'ouvrage est déterminé avec suffisamment de précision, pratique habituelle et légale s'agissant de ventes en l'état futur d'achèvement, le maître d'ouvrage n'ayant pas à attendre la fin de la construction pour fixer ses prix et entamer la commercialisation ; qu'en statuant par ces motifs généraux et dénués de référence aux circonstances particulières de l'espèce, sans rechercher, ainsi que l'y invitaient les sociétés Studio Arch et Axiome dans leurs conclusions d'appel (p. 26), si la société Les Marmottes n'avait pas pris un risque délibéré, exonérant les constructeurs de toute responsabilité, en décidant de vendre la quasi-totalité des lots de copropriété entre février et avril 2005, quand les études de faisabilité étaient en cours de réalisation et le géotechnicien n'avait luimême pas encore déposé son rapport définitif, ce dont il résultait nécessairement que le projet de construction n'était pas calé et que le coût global de l'ouvrage n'était pas encore fixé avec précision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
Le second moyen de cassation du pourvoi provoqué fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir mis hors de cause le Bureau Véritas et d'avoir débouté les sociétés Studio Arch et Axiome de leur appel en garantie contre cette société ;
Aux motifs que « la société Bureau Véritas s'était vue confier une mission LP « relative à la solidité des ouvrages et éléments d'équipements dissociables et indissociables » et se devait donc d'examiner les éventuels vices pouvant affecter le sol ;
si la convention passée avec la Snc Les Marmottes est du 28/07/2005, en réalité, le contrôleur technique avait commencé son intervention auparavant, et avait du reste déposé un rapport initial de contrôle technique le 30/06/2005, visant le rapport EG SOL du 26/04/2005, que le contrôleur technique déclare avoir reçu le 02/05/2005 ;
dans son rapport, le contrôleur technique prend bien en compte les venues d'eau apparues lors du début des opérations de terrassement, puisqu'il préconise un cuvelage et un radier résistant aux sous-pressions ;
son éventuelle responsabilité ne pourrait ainsi être engagée que si le contrôleur technique avait eu connaissance avant le début des travaux des deux rapports de la société EG Sol, ce qui aurait dû le conduire à formuler des observations quant à la méconnaissance de la hauteur exacte de la nappe phréatique ;
aucun élément ne permet de l'affirmer ;
en conséquence, la société Bureau Veritas sera mise hors de cause » (arrêt p. 11) ;
Alors que, pour écarter la responsabilité du Bureau Veritas, la cour d'appel a constaté que rien ne permettait d'affirmer qu'il aurait eu connaissance des rapports de la société EG Sol avant le début des travaux, ce qui l'aurait conduit à formuler des observations quant à la méconnaissance de la hauteur exacte de la nappe phréatique ; que la cour a pourtant, par ailleurs, constaté que les travaux avaient débuté le 10 juin 2005 2 2 (arrêt p. 3) et que le Bureau Véritas déclarait avoir reçu, le 2 mai 2005, le rapport provisoire de la société EG Sol, dans lequel celle-ci indiquait qu'elle n'avait pas reçu communication de la note d'inondabilité et que « le caractère ponctuel d'eau dans le temps et dans l'espace de [son] intervention ne [permettait] pas d'affirmer qu'il n'y [aurait] pas de venue d'eau à des profondeurs moins importantes lors des travaux de terrassement, d'autant que des circulations locales [pouvaient] se produire. En aucun cas ces niveaux ne [devaient] donc être pris comme des valeurs stables et définitives », indications reprises à l'identique dans son rapport définitif ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand il résultait de ses propres constatations que le Bureau Véritas avait, au contraire, eu connaissance du contenu utile de ces deux rapports plus d'un mois avant de le début des travaux, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat auc Conseils, pour la société Bureau Veritas
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Bureau Veritas de son appel en garantie dirigé contre M. X..., la société Studio Arch et la société EG Sol ;
ALORS QUE si une cassation devait intervenir sur le chef ayant mis hors de cause la société Bureau Veritas, elle entraînera l'annulation par voie de conséquence de la disposition par laquelle la cour d'appel l'a déboutée de l'appel en garantie qu'elle dirigeait contre M. X..., la société Studio Arch et la société EG Sol, en application de l'article 625 du code de procédure civile.