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11/04/2018 | FRANCE | N°17-18375

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 avril 2018, 17-18375


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de Mme X... et de M. Y... ;

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexés :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur la première branche du second moyen :

Vu les articles 270 et 271 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande de prestation compensatoire, l'arrêt retient que s'il existe une importa

nte disparité entre les situations financières des parties, celle-ci préexistait au mariage et ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de Mme X... et de M. Y... ;

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexés :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur la première branche du second moyen :

Vu les articles 270 et 271 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande de prestation compensatoire, l'arrêt retient que s'il existe une importante disparité entre les situations financières des parties, celle-ci préexistait au mariage et s'est maintenue par la suite malgré l'union ;

Qu'en statuant ainsi, en se fondant sur des circonstances antérieures au mariage, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de prestation compensatoire de Mme X..., l'arrêt rendu le 22 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la SCP Lyon-Caen et Thiriez la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR accueilli la demande en divorce formée par Monsieur Henri Y... sur le fondement de l'article 242 du Code Civil et, partant, prononcé le divorce aux torts partagés des époux Y... – X...,

AUX MOTIFS QUE « M. Y... fait grief à son épouse d'avoir entretenu une relation adultère avec M. A... dès 2005, ce que celle-ci conteste, soutenant que la relation avec cet homme était purement amicale, qu'elle s'est occupée de lui alors qu'il était atteint d'une maladie incurable et que, parce qu'elle l'avait accompagné jusqu'à son décès en [...]       , la famille de celui-ci a porté le nom de la concluante sur l'avis de décès ; que les éléments produits par M. Y... font cependant la démonstration de la réalité de cette relation adultère entretenue dès l'année 2005 ; qu'ainsi MM B... et C... attestent de ce qu'au cours de l'année 2005, ils ont croisés à plusieurs reprises Mme X... en compagnie de M. A..., et de ce que leur attitude ne laissait aucun doute sur leurs relations ; que, surtout, les deux filles de M. A... témoignent de ce que Mme X... a entretenu avec leur père une relation amoureuse, et non amicale, l'une d'elles précisant d'ailleurs que Mme X... leur avait demandé, lors de la cérémonie religieuse, de dire qu'elle était uniquement amie de leur père, et ce du fait de la procédure de divorce en cours avec M. Y... ; que la publication de l'avis de décès de ce monsieur au nom de la famille A... et de Mme Danielle X... est une preuve supplémentaire de l'étroitesse de la relation qu'elle entretenait avec lui ; que dans ces conditions, et sans qu'il y ait besoin d'examiner les autres griefs, il est établi que Mme X... a entretenu une relation adultère dès 2005, ce fait constituant une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage »,

ALORS, D'UNE PART, QU'en affirmant que les éléments produits par M. Y... feraient la démonstration d'une relation adultère entretenue dès l'année 2005 par Madame X... épouse Y... avec M. A..., cependant que les attestations sur lesquelles elle a prétendu s'appuyer pour retenir un tel fait (attestations de M. B..., de M. C..., de Audrey A... et de Christelle A...) ne faisaient nullement état d'une relation adultère qu'aurait pu entretenir l'épouse avec cette personne, a fortiori dès l'année 2005, la Cour d'appel a dénaturé les attestations sur lesquelles elle a prétendu s'appuyer et a, partant, violé l'article 1134 du Code Civil ;

ET ALORS, D'AUTRE PART, QU'en laissant sans réponse les conclusions par lesquelles Madame X... épouse Y... faisait valoir que Monsieur A... était un ami d'enfance, qui l'avait accueillie après qu'elle ait découvert la relation extra-conjugale entretenue par M. Y... jusqu'au domicile conjugal et que M. Y... l'en ait expulsée, en la privant de son emploi, et qu'elle avait accompagné, celui-ci étant atteint d'une maladie incurable, jusqu'à son décès, autant d'éléments expliquant l'étroitesse de leur relation, ne présentant aucun caractère injurieux pour l'époux et ne pouvant dans ces circonstances constituer une violation ni a fortiori une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage, rendant intolérable le maintien de la vie commune, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code Civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande de prestation compensatoire,

AUX MOTIFS QUE « l'article 270 du Code Civil prévoit que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, mais que toutefois le juge peut refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture ; que l'article 271 du même Code précise que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; qu'il sera immédiatement précisé que M. Y... ne peut se prévaloir des dispositions susvisées et des circonstances particulières de la rupture puisque le divorce est prononcé aux torts partagés et non aux torts exclusifs ; qu'il doit être également rappelé qu'en présence d'un appel total du jugement de divorce, la Cour se place au moment où elle statue pour apprécier l'éventuelle disparité dans les conditions de vie respectives créée par la rupture du mariage ; que conformément aux dispositions de l'article 271, il convient d'examiner la situation des parties ; que les parties se sont mariées en mars 2004, alors que M. Y... était âgé de 61 ans et Mme X... de 49 ans ; que pour chacun d'eux, il s'agit du troisième mariage ; que la vie commune a duré deux à trois ans, puisque la séparation effective du couple n'est pas datée avec précision ; que quoiqu'il en soit, la procédure de divorce a été engagée par le mari en 2007 ; que l'éventuelle vie commune antérieure au mariage, qui, selon l'appelante, aurait débuté dès la rencontre des parties en 1989, n'a pas à être prise en compte pour l'appréciation de la prestation compensatoire ; qu'il sera en toute hypothèse observé à cet égard que Mme X... était dans les liens de son précédent mariage d'août 1990 à juin 2002, de sorte qu'il ne peut être en aucun cas considéré que la vie commune entre les parties a duré au moins 18 ans, comme noté dans la décision frappée d'appel au motif qu'un témoignage fait état d'un voyage aux Antilles en 1996 auquel avaient participé M. Y... et Mme X... et au cours duquel Mme X... avait injurié M. Y... ; que la relation entre les parties se soit nouée plusieurs années avant le mariage est certainement une réalité dont témoigne cette attestation ; que pour autant, aucune preuve n'est faite d'une vie commune antérieure de plusieurs années à l'union ; qu'en 1999 et jusqu'en juillet 2000, Mme X... travaillait dans une brasserie pour un salaire net mensuel de 1.021 euros (attestation de travail de la SARL La Régence en date du 5 avril 1999). Puis qu'elle a travaillé pour la bijouterie Y... à compter du 1er août 2000 pour un salaire mensuel net de 1.385 euros (selon le bulletin de salaire de février 2003) ; qu'après son licenciement de la bijouterie fin 2007 dans des conditions sur lesquelles la justice s'est par ailleurs prononcée sans qu'il soit besoin d'y revenir dans le cadre de la présente instance, elle n'a pas retrouvé d'emploi fixe ; que d'après les pièces produites, elle a travaillé de mai 2010 à janvier 2011 pour l'Union patronale de Vaucluse en qualité d'assistante de direction, ainsi que de mai 2010 à novembre 2010 pour la SARL DES dans le même emploi, puis en 2011 comme serveuse, également comme vendeuse en prêt à porter à temps partiel en 2012, puis en CDI pour la SAS PIERY à compter de novembre 2012 en qualité de vendeuse en bijouterie, lequel contrat n'a pas été poursuivi après la période d'essai ; qu'inscrite à Pôle emploi depuis 2009, elle a bénéficié par intermittence d'allocations ; que selon attestation de Pôle emploi du 29 mai 2015, elle ne perçoit plus d'allocations depuis la mi-décembre 2014 ; qu'il résulte de l'évaluation de sa retraite réalisée en octobre 2013 par la Sécurité Sociale Assurance retraite qu'elle a toujours travaillé, les meilleures années en terme de salaires étant comprises entre 1986 et 2007 ; que quant à son état de santé, Mme X... justifie de la prescription de somnifères depuis plusieurs années ; qu'elle ne démontre pas que son état de santé serait incompatible avec un emploi ; qu'enfin l'appelante ne dispose d'aucun patrimoine propre, comme tel était déjà le cas avant le mariage ; que quant à M. Y..., retraité de son activité de bijoutier qu'il exerçait dans le cadre d'une SARL, il perçoit selon les montants retenus par le premier juge, et en l'absence de pièces produites à cet égard, une retraite mensuelle de 1.858 euros outre la somme de 2.155 euros par mois au titre des bénéfices industriels et commerciaux ; qu'il dispose d'un patrimoine propre mobilier et immobilier conséquent, qu'il détenait déjà avant le mariage ; que son état de santé est précaire, marqué par une pathologie vasculaire grave avec artériopathie carotidienne opérée et pontage aorto-bi-fémoral, et par une artériopathie chronique oblitérante des deux membres inférieurs limitant la marche (certificat médical du 19 mars 2015) ; qu'enfin, le couple n'a pas de patrimoine commun ; qu'au vu des éléments qui précèdent, il n'existe aucune disparité dans les conditions de vie respectives créée par la rupture du lien conjugal ; qu'en effet, les situations de fortune des époux étaient radicalement différentes avant le mariage et le sont toujours aujourd'hui ; mais que la prestation compensatoire n'a nullement pour objet d'égaliser les situations de fortune ; que cette troisième union pour chaque époux n'a que très peu duré ; que Mme X... avait de faibles revenus avant le mariage, et que sa carrière professionnelle, pas plus que ses droits à retraite, n'ont été impactés négativement du fait du mariage puisqu'elle a continué de travailler pour un montant de ressources sensiblement identiques et que, si elle a été licenciée, elle a perçu des indemnités arbitrées par la justice ; que la précarité de sa situation marquée par la difficulté de retrouver un emploi stable n'est pas due à la rupture du lien conjugal ; qu'enfin, le fait pour Mme X..., dépourvue de toute fortune personnelle, d'avoir durant les trois ans de vie commune mené grand train grâce à la fortune de son époux ne lui confère pas le droit de prétendre pour le reste de son existence à un niveau de vie identique, étant rappelé que l'appelante n'hésite pas à solliciter la somme de 600.000 euros ; qu'en conséquence le jugement querellé sera infirmé et Mme X... sera déboutée de sa demande au titre de la prestation compensatoire »,

ALORS, D'UNE PART, QUE la prestation compensatoire est destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ; qu'elle est fixée en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que pour apprécier la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux, les juges du fond doivent prendre en considération toutes les composantes de leur patrimoine et, notamment, leurs biens propres ou personnels quelle qu'en soit l'origine ; qu'en retenant, pour dénier à Madame X... épouse Y... le droit à bénéficier d'une prestation compensatoire, que la radicale différence de situation de fortune des époux qu'elle constatait au moment du prononcé du divorce préexistait au mariage, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé les articles 270 et 271 du Code Civil ;

ALORS D'AUTRE PART QU'en se fondant encore, pour dénier à Madame X... épouse Y... le droit à bénéficier d'une prestation compensatoire, sur la circonstance qu'elle avait de faibles revenus avant le mariage et que sa carrière professionnelle pas plus que ses droits à la retraite n'avaient été impactés négativement du fait de celui-ci, de sorte que la précarité de sa situation marquée par la difficulté de retrouver un emploi stable ensuite de son licenciement survenu fin 2007 n'était pas due à la rupture du mariage, la Cour d'appel s'est derechef fondée sur un motif inopérant, tiré de circonstances antérieures au prononcé du divorce, et a derechef violé les articles 270 et 271 du Code Civil ;

ET ALORS ENFIN QU'aux termes de l'article 271 du Code Civil, pour apprécier le droit d'un époux à bénéficier d'une prestation compensatoire, les juges doivent notamment prendre en considération la durée du mariage ; qu'en se bornant dès lors, après avoir indiqué n'avoir pas à prendre en considération la durée de la vie commune antérieure au mariage, à relever que « la vie commune a duré deux à trois ans », et encore que « cette troisième union pour chacun des époux n'a que très peu duré », sans nullement en mentionner la durée, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle et a, partant, privé sa décision de toute base légale au regard des articles 270 et 271 du Code Civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-18375
Date de la décision : 11/04/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 22 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 avr. 2018, pourvoi n°17-18375


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.18375
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