LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que lorsque des contrats incluant une location financière sont interdépendants, l'anéantissement du contrat de prestation ou de fourniture, qui ne peut être prononcé qu'en présence du prestataire ou du fournisseur, est un préalable nécessaire à la constatation, par voie de conséquence, de la caducité du contrat de location ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Alexandra Mathieu Elisa (la société AME) a conclu, le 29 mai 2008, avec la société Innovatys, devenue la société Safetic, un contrat de mise en place et d'exploitation d'un système de visio-surveillance ; que la société AME ne souhaitant pas acquérir les matériels, l'opération a inclus une location de longue durée ; qu'à la suite du renouvellement du matériel, un nouveau contrat de prestation de visio-surveillance et de location a été conclu entre les sociétés AME et Easydentic, celle-ci étant également devenue la société Safetic, le 22 février 2011 ; que le procès-verbal de réception du matériel a été signé le 8 mars 2011 ; que le même jour, la société Parfip a informé la société AME d'une cession du contrat de location financière à son profit ; que la société AME a résilié les contrats par deux lettres des 30 décembre 2011 et 23 mars 2012, avant d'assigner la société Parfip aux fins de voir dire que les contrats de location longue durée et de prestations de visio-surveillance étaient interdépendants et que la résiliation avait pris effet à compter du 1er février 2012, et condamner en conséquence la société Parfip au remboursement des loyers indûment prélevés ;
Attendu que pour « constater » la résiliation des contrats d'abonnement et de prestations du 22 février 2011, à la date du 1er février 2012, et condamner la société Parfip à payer à la société AME une certaine somme au titre des loyers de février à octobre 2012, l'arrêt, après avoir énoncé que les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants, retient que tel est le cas des conventions conclues entre, d'une part, les sociétés AME et Easydentic, d'autre part, les sociétés AME et Parfip, qui sont interdépendantes dès lors qu'elles ont été signées pour une durée identique et à des dates proches, qu'elles participent d'une seule et même opération économique consistant à fournir à la société AME un matériel ainsi que la maintenance nécessaire, moyennant le paiement d'un loyer unique versé à la société Parfip au titre de la location et des prestations ; qu'il retient encore que c'est à bon droit que la société AME a informé ses partenaires de sa volonté de résilier les contrats d'abonnement et de prestations du 22 février 2011 à la date du 1er février 2012 ; qu'il ajoute que la résiliation du contrat de prestations a entraîné, à la date de la résiliation des contrats principaux, la caducité du contrat de location et que les prélèvements de la société Parfip opérés postérieurement au 1er février 2012 n'étaient donc pas dus et devront être remboursés à la société AME ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la société Safetic n'était pas présente à la cause, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Alexandra Mathieu Elsa aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Parfip France la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Parfip France
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR constaté la résiliation du contrat d'abonnement et du contrat de prestations du 22 février 2011 à la date du 1er février 2012, D'AVOIR condamné la société PARFIP FRANCE à payer à la société AME la somme de 5 438,62 euros TTC au titre des loyers de février à octobre 2012, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2012, D'AVOIR débouté la société Parfip de ses autres prétentions, D'AVOIR condamné la société PARFIP à payer à la société AME la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et D'AVOIR condamné la société Parfip aux entiers dépens au titre de l'article 699 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS QU' « il est établi que la société AME a souscrit, le 29 mai 2008, avec la société INNOVATYS SAS (SAFETIC) un contrat de prestations de visio-surveillance par IP d'une durée fixe de 48 mois, moyennant des mensualités de 480 euros HT ; que le contrat prévoyait que les conditions particulières étaient applicables au contrat d'abonnement de visio-surveillance par IP ainsi qu'au contrat de location ; que INNOVATYS a cédé les droits du contrat à PARFIP FRANCE ; qu'un contrat a été signé le 22 février 2011 entre AME et EASYDENTIC (SAFETIC) aux mêmes conditions mais pour une durée de 60 mois ; que, par courrier du 8 mars 2011, PARFIP a informé AME de l'acquisition des droits du contrat en précisant : « Ceci ne modifiera en rien les engagements pris par la société SAFETIC VISIO à votre égard » ; que PARFIP a adressé à AME un échéancier pour la période de mars 2011 à mars 2016, soit pour une durée de 60 mois ; que AME a informé INNOVATYS par LRAR des 2 novembre et 30 décembre 2001, et PARFIP par LRAR du 30 décembre 2011, qu'elle résiliait le contrat du 22 février 2011 à compter du 1er février 2012 ; que PARFIP a continué à percevoir des loyers jusqu'au mois de novembre 2012 ; que les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants ; que tel est le cas des conventions conclues entre d'une part AME et EASYDENTIC, d'autre part AME et PARFIP qui sont interdépendantes dès lors qu'elles ont été signées pour une durée identique et à des dates proches, qu'elles participent d'une seule et même opération économique consistant à fournir à AME un matériel ainsi que la maintenance nécessaire, moyennant le paiement d'un loyer unique versé à PARFIP au titre de la location et des prestations - ainsi que le stipule l'article 6.1.1 du contrat d'abonnement : « L'abonné/locataire est redevable de la mensualité figurant aux conditions particulières, au titre du contrat de prestation de visio mobilité et de location dans les conditions de l' article 14 des conditions générales du contrat de location » - et que l'ensemble révèle que l'un des contrats n'a aucun sens sans l'autre ; que sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ; qu'en l'espèce, sont en contradiction avec l'économie générale de l'opération, en l'espèce celle de l'article 3 des conditions générales du contrat relative à l'indépendance juridique des contrats ; que le contrat du 29 mai 2008 porte la mention manuscrite suivante : « ce contrat annule et remplace le précédent à la même date d'échéance sur une durée de 48 mois », mention qui doit être attribuée au contrat du 22 février 2011 ; qu'un courrier du 14 avril 2011, non signé, intitulé « avenant au contrat », émanant de Monsieur Michel Y..., Directeur Comptes Stratégiques Services abonné de SAFETIC, précise : « ... Vous avez souscrit un dossier de VISIOMOBILITE dans le cadre de la reconduction pour votre établissement sur une durée de 60 mois. Nous vous confirmons par la présente qu'à titre exceptionnel, le présent contrat pourra être résilié sans frais au terme de votre contrat initial le 01/02/2012... Ce nouveau contrat annule et remplace le dossier initial » ; que, par courrier du 8 mars 2011, PARFIP a informé AME de l'acquisition des droits du contrat en précisant : « Ceci ne modifiera en rien les engagements pris par la société SAFETIC VISIO à votre égard » ; qu'il s'en déduit que la société PARFIP avait parfaitement connaissance des engagements pris par SAFETIC envers AME ; que c'est à bon droit que AME a informé INNOVATYS et PARFIP de sa volonté de résilier les contrats d'abonnement et de prestations du 22 février 2011 au 1er février 2012, conformément à l'avenant du 14 avril 2011 qui l'autorisait ; que la résiliation du contrat de prestations a entraîné, à la date de la résiliation des contrats principaux, la caducité du contrat de location ; que les prélèvements de PARFIP opérés postérieurement au 1er février 2012, date de la résiliation, n'étaient donc pas dus et devront être remboursés à la société AME ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société PARFIP à payer à la société AME la somme de 5.438,62 euros TTC au titre des loyers de février à octobre 2012, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2012, date de la mise en demeure ; (
) que l'équité impose de condamner la société PARFIP à payer à la société AME une somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ».
1°/ ALORS QUE le cédé ne peut opposer au cessionnaire du contrat un droit de résiliation sans frais qui ne figure pas dans la convention initiale et lui a été consenti par le cédant postérieurement à la cession, sauf à soutenir que cette cession lui est inopposable ; qu'en l'espèce, il était constant qu'une cession de contrat était intervenue, la cour d'appel ayant ainsi relevé (arrêt attaqué, p. 4) que, par courrier du 8 mars 2011 (prod. n° 9), la société Parfip, le cessionnaire, avait informé la société AME, le cédé, qu'elle avait acquis les droits issus du contrat de prestation de visio-surveillance et de location du matériel conclu le 22 février 2011 avec la société Safetic (prod. n° 7), le cédant ; que l'opposabilité de la cession de contrat au débiteur cédé, qui y avait préalablement consenti, n'a jamais été contestée ; qu'en jugeant que le cédé avait pu efficacement exercer un droit de résiliation sans frais dont la cour d'appel relevait pourtant qu'il aurait été consenti par le cédant en vertu d'un avenant conclu le 14 avril 2011 (prod. n° 12), et donc postérieurement à la cession, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, pris ensemble les principes régissant la cession de contrat.
2°/ ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents en la cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté (arrêt attaqué, p. 4) qu'en vertu d'un courrier du 8 mars 2011 (prod. n° 9), la société Parfip, cessionnaire, avait informé la société AME, le cédé, qu'elle avait acquis les droits issus du contrat du 22 février 2011 (prod. n° 7) et que cette circonstance « ne modifiera en rien les engagements pris par la société Safetic Visio », le cédant, à l'égard du cédé ; qu'en déduisant de ce courrier que le cessionnaire avait « parfaitement connaissance » (arrêt attaqué, p. 4, §4) de l'existence d'un droit de résiliation sans frais consenti par le cédant au cédé par un avenant du 14 avril 2011 (prod. n° 12) et qui se trouvait donc être postérieur à la cession, la cour d'appel en a dénaturé la portée en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.
3°/ ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents en la cause ; qu'en l'espèce, en relevant que la mention manuscrite portée sur le contrat du 29 mai 2008 (prod. n° 6), par laquelle il était précisé que « Ce contrat annule et remplace le précédent à la même date d'échéance sur une durée de 48 mois », devait être « attribuée » au contrat du 22 février 2011 (prod. 7), quand ce dernier était pourtant postérieur au premier, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces deux actes, en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.
4°/ ALORS QUE lorsque des contrats incluant une location financière sont interdépendants, l'anéantissement du contrat de prestation de service, qui est un préalable nécessaire à la caducité, par voie de conséquence, du contrat de location, suppose nécessairement que le prestataire soit appelé en la cause ; qu'en l'espèce, comme le rappelait l'exposante dans ses conclusions (concl. d'appel, p. 8), il était constant que la société Safetic qui avait conclu le contrat de prestation de service et de maintenance avec la société AME n'était pas partie au litige ; qu'en prononçant la résiliation du contrat de prestation de service en l'absence du prestataire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, pris ensemble les articles 14 du code de procédure civile et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.