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05/04/2018 | FRANCE | N°17-16937

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 05 avril 2018, 17-16937


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mmes Corinne et Muriel Y..., Mme A..., M. Z..., et Mme B..., en qualité de liquidateur judiciaire de ce dernier ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte reçu le 7 janvier 2008 par M. X..., notaire (le notaire), les consorts Y... (les vendeurs) ont vendu à M. Z... (l'emprunteur) un bien immobilier, financé par un prêt immobilier

d'un montant de 337 000 euros consenti par la caisse régionale de Crédit agricole ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mmes Corinne et Muriel Y..., Mme A..., M. Z..., et Mme B..., en qualité de liquidateur judiciaire de ce dernier ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte reçu le 7 janvier 2008 par M. X..., notaire (le notaire), les consorts Y... (les vendeurs) ont vendu à M. Z... (l'emprunteur) un bien immobilier, financé par un prêt immobilier d'un montant de 337 000 euros consenti par la caisse régionale de Crédit agricole de Lorraine (la banque) ; que, soutenant que l'emprunteur avait fait une fausse déclaration en indiquant, lors de la signature du contrat de prêt, avoir la pleine capacité de contracter et ne faire l'objet d'aucune procédure collective, alors qu'il avait été placé en liquidation judiciaire par jugement du 26 août 2003, la banque a assigné les vendeurs ainsi que l'emprunteur et son liquidateur judiciaire, en nullité des contrats de vente et de prêt ; qu'elle a ensuite assigné le notaire en responsabilité et en paiement, à titre de dommages-intérêts, de la somme de 216 054,44 euros correspondant au montant du capital restant dû ;

Attendu que, pour accueillir cette dernière demande, l'arrêt retient qu'en ne vérifiant pas, par la consultation des publicités légales, la déclaration de l'emprunteur quant à sa capacité, le notaire a commis une faute qui engage sa responsabilité délictuelle envers la banque, privée de sa créance ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque n'avait pas fautivement omis de consulter un fichier bancaire répertoriant toutes les personnes dans l'incapacité de contracter un prêt bancaire, avant de consentir à l'emprunteur, en liquidation judiciaire, une offre de prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. X... responsable du préjudice causé à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Lorraine et le condamne à lui payer la somme de 216 054,44 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 31 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy autrement composée ;

Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Lorraine aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré M. X... responsable du préjudice causé à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Lorraine et de l'AVOIR condamné à lui verser la somme de 216 054,44 euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE si le notaire, recevant un acte en l'état de déclarations erronées d'une partie quant aux faits rapportés, n'engage sa responsabilité que s'il est établi qu'il disposait d'éléments de nature à faire douter de leur véracité ou de leur exactitude, il est cependant tenu de vérifier, par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu'il existe une publicité légale aisément accessible, les déclarations faites par une partie qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnaient la validité ou l'efficacité de l'acte ; qu'en l'espèce M. Z... a souscrit un acte de vente et de prêt, reçu par M. X..., en indiquant qu'il exerçait la profession de graphiste et en déclarant « que rien ne peut limiter (sa) capacité... » et, notamment, qu'il n'est « pas en état de cessation de paiement, de redressement ou liquidation judiciaire ou sous procédure de sauvegarde des entreprises », alors qu'il avait été placé en liquidation judiciaire le 26 août 2003 ; qu'en ne vérifiant pas cette déclaration par la consultation des publicités légales, M. X... a commis une faute qui engage envers la banque sa responsabilité délictuelle ; qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'avec l'autorisation du juge-commissaire, le liquidateur a vendu l'immeuble litigieux faisant partie du patrimoine du débiteur, comprenant, outre les biens qu'il possède au jour de l'ouverture de la procédure collective, ceux qu'il a acquis en infraction avec la règle du dessaisissement ; qu'en outre, l'acte de prêt ayant été conclu par M. Z... alors qu'en application de l'article L. 641-9 du code de commerce il était dessaisi de ses pouvoirs d'administration et de disposition de ses biens, cet acte est inopposable la procédure, de sorte qu'à l'égard de la procédure, la banque ne peut se prévaloir d'aucune créance au titre de ce prêt ; que son préjudice correspond donc au montant de sa créance, soit 216 054,44 euros ; qu'il convient de condamner M. X... à lui payer cette somme ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE en sa qualité d'officier ministériel, le notaire est tenu de veiller à la validité et à l'efficacité des actes qu'il rédige ; que le notaire est tenu d'éclairer les parties et de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes rédigés par lui afin qu'ils produisent toutes les conséquences attendues ; qu'il doit, notamment, vérifier les droits des parties sans pour autant engager sa responsabilité lorsque le défaut de mise en garde sur les effets juridiques d'un acte est dépourvu de lien de causalité avec le préjudice allégué ; qu'à cet effet, il lui appartient de vérifier la capacité juridique des parties ; que si l'acte authentique de vente mentionne en page 2 « Les parties, et le cas échéant leurs représentants, attestent que rien ne peut limiter leur capacité pour l'exécution des engagements qu'elles prennent aux présentes, et elles déclarent notamment : (...) qu'elles ne sont pas en état de cessation de paiement, de redressement ou liquidation judiciaire ou sous procédure de sauvegarde des entreprises », il demeure qu'il appartient au notaire de procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer l'utilité, l'efficacité technique et pratique et la sécurité de ses actes, de sorte qu'il lui appartient de conseiller utilement son/ses client(s) en attirant son attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée, les effets et les risques de ses engagements ainsi qu'en lui suggérant les mesures les plus propices pour obtenir le résultat qu'il désire atteindre ; qu'il ne peut se contenter en sa qualité d'officier ministériel de reproduire les déclarations des parties sans effectuer la moindre vérification de la capacité des parties, d'autant que s'il avait déclaré l'activité de graphiste sans aucune autre précision, il demeure qu'était relatée la mention ci-dessus reproduite, ce qui aurait dû alerter le notaire sur la qualité de commerçant ou non de l'intéressé ; qu'ainsi, Maitre Marc X... a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde pour ne pas avoir informé la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine qu'elle détenait une créance munie d'une sureté hypothécaire sur le bien immeuble dont Monsieur Gérard Z... était propriétaire, mais que cette créance née irrégulièrement pouvait ne pas venir en rang utile dans le cadre du redressement judiciaire ou d'une liquidation, ce fait résultant de la seule application des règles d'ordre public des procédures collectives, dont il devait vérifier la réalité et alors même que la banque n'est pas un professionnel des procédures collectives ; qu'en outre, cette omission porte préjudice à la banque qui avait elle-même un intérêt évident à être garantie par une hypothèque efficace, et devait avoir connaissance du risque qui affectait la portée de sa sûreté, notamment dans le cadre d'une procédure collective ; qu'en l'espèce compte tenu de ce que le capital restant dû est de 216 054, 44 euros au 1er août 2013 (voir en ce sens les deux états des sommes dues du Crédit Agricole), et compte tenu du préjudice de la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine résultant de cette opération, compte tenu de ce que le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation on elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, il y a lieu de condamner Maitre Marc X... au paiement de la somme de 216 000 euros au profit de la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine, en réparation de son préjudice ;

ALORS QUE la faute de la victime exonère en tout ou partie de sa responsabilité l'auteur du dommage ; qu'en condamnant le notaire au titre de sa responsabilité civile au motif qu'il n'avait pas vérifié la déclaration erronée de l'acquéreur selon laquelle il ne faisait pas l'objet d'une procédure collective (arrêt, p. 8, al. 1er), sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque n'avait pas commis de faute ayant contribué à la réalisation de son dommage en ne vérifiant pas elle-même, à l'occasion de la signature de l'offre de prêt, intervenue préalablement à l'intervention du notaire, la situation de M. Z... en « consult[ant] le fichier bancaire dans lequel sont répertoriées toutes les personnes dans l'incapacité de contracter un prêt bancaire » (conclusions, p. 4, al. 4 et 5), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-16937
Date de la décision : 05/04/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 31 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 05 avr. 2018, pourvoi n°17-16937


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Ortscheidt, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.16937
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