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05/04/2018 | FRANCE | N°17-16222

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 05 avril 2018, 17-16222


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 12 janvier 2017), que, par acte notarié du 25 janvier 1982, M. et Mme X..., propriétaires d'une parcelle cadastrée [...] , et la commune de [...], propriétaire d'une parcelle cadastrée [...] en nature de chemin, sont convenues de les échanger ; que, par décisions des juridictions administratives et judiciaires définitives, la délibération du conseil municipal ayant autorisé la

commune à procéder à l'échange et l'acte d'échange ont été annulés et M. et Mme X....

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 12 janvier 2017), que, par acte notarié du 25 janvier 1982, M. et Mme X..., propriétaires d'une parcelle cadastrée [...] , et la commune de [...], propriétaire d'une parcelle cadastrée [...] en nature de chemin, sont convenues de les échanger ; que, par décisions des juridictions administratives et judiciaires définitives, la délibération du conseil municipal ayant autorisé la commune à procéder à l'échange et l'acte d'échange ont été annulés et M. et Mme X... ont été condamnés à restituer à la commune la parcelle [...] ; qu'en 2014, ceux-ci ont vendu les autres parcelles leur appartenant ; que, se prévalant de la faute de la commune, qui avait procédé à un échange de parcelles sur la base d'une délibération irrégulière, M. et Mme X... l'ont assignée en réparation du préjudice subi du fait de la perte de la valeur vénale de leur fonds ;

Attendu que, pour condamner la commune au paiement d'une certaine somme, l'arrêt retient que, si la faute de celle-ci n'est pas la cause d'une moins-value de la propriété de M. et Mme X... qui a toujours été partagée par un chemin communal, elle a, en revanche, fait perdre à ces derniers l'espérance de la plus-value escomptée de l'opération d'échange appelée à assurer l'unité foncière de leur propriété et que le préjudice invoqué s'analyse en une perte de chance ;

Qu'en statuant ainsi, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur le moyen tiré de la perte de chance qu'elle relevait d'office, la cour d'appel, qui a méconnu le principe de la contradiction, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que M. et Mme X... ont qualité et intérêt à agir en réparation du préjudice qu'ils ont personnellement subi du fait de la commune, l'arrêt rendu le 12 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la commune de [...] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la commune de [...] et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. et Mme X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR, sur le montant de l'indemnisation allouée à M. et Mme X..., condamné la commune de [...] à leur payer la seule somme de 127 740 euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE sur la perte de valeur vénale ; que le principe de la responsabilité quasi-délictuelle de droit commun de l'appelante à l'égard de M. et Mme X..., dépossédés de la parcelle litigieuse A 677, est énoncé par le jugement du 22 mai 2000, aujourd'hui définitif ; qu'ainsi que l'a retenu ce dernier, la faute de la commune l'obligeant à réparer le dommage qui en résulte est constituée par l'illégalité fautive qui lui est imputable en ce qu'elle a procédé à un échange de parcelles sur la base d'une délibération irrégulière et d'ailleurs annulée ; que si la faute de la commune n'est pas la cause d'une moins-value de la propriété des époux X..., qui a toujours été partagée par un chemin communal, elle a, en revanche, fait perdre à ces derniers l'espérance de la plus-value escomptée de l'opération d'échange appelée à assurer l'unité foncière de leur propriété ; que le préjudice invoqué s'analyse dès lors en une perte de chance, certaine ; qu'elle est nécessairement évaluée au prorata de la différence entre le prix de vente de la propriété en son état (avec le chemin communal la traversant) et le prix de vente de la même propriété réunie ; que les pièces au débat et singulièrement le rapport d'expertise permettent d'établir cette différence de prix ; qu'expliquant avoir vainement recherché des ventes intervenues depuis 3 ans, dans le même secteur pour des immeubles analogues, susceptibles de constituer des éléments de comparaison, l'expert judiciaire a appliqué la méthode de la surface pondérée, prenant en compte la dépréciation immédiate et la vétusté de la construction et estimé la valeur vénale de la propriété en cause à la somme de 2 072 928 € arrondie à 2 073 000 € ; qu'il n'y a pas lieu de majorer cette évaluation au vu de l'unique attestation par laquelle l'agence Campagnes du Soleil, le 3 juin 2009, estime l'ensemble immobilier à 3 200 000 € en se fondant sur des considérations générales ; que la valeur vénale ne sera pas davantage réduite aux seuls travaux antérieurs au 8 juillet 1983, alors qu'un arrangement entre les parties - d'ailleurs encore tenté en 2013 - demeurait possible, ni au montant déclaré par les intimés au titre de l'ISF, s'agissant d'une déclaration unilatérale non professionnelle à vocation fiscale, inférieure à celle retenue contradictoirement par l'expert ; que sur la base de la valeur vénale proposée par l'expert et compte tenu du prix reçu par les intimés lors de la vente du 10 juin 2014, la perte de valeur s'établit à (2 073 000 - 1 850 000 = 223 000 euros ; que, mesurée à la chance perdue, la réparation ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; que compte tenu de l'ensemble des éléments de l'espèce et singulièrement de la circonstance tirée de ce que les consorts X... ont finalement vendu leur bien immobilier sans attendre une éventuelle régularisation qui aurait permis le rachat du chemin communal une fois déclassé, choix non fautif mais qui a contribué à la perte de chance de pouvoir revendre une propriété dont l'unité foncière aurait été rétablie, la perte de chance directement imputable à la faute retenue à la charge de la commune, sera évaluée à 50 % de la perte de valeur ci-dessus estimée, soit la somme de 111 500 euros ;

1° ALORS QUE le moyen tiré de ce qu'un préjudice s'analyse en une simple perte de chance ne peut être soulevé d'office par le juge, sans que les parties soient mises à même de s'en expliquer ; qu'en l'espèce, en retenant que la faute commise par la commune avait fait perdre à M. et Mme X... « l'espérance de la plus-value escomptée de l'opération d'échange appelée à assurer l'unité foncière de leur propriété » et que le préjudice invoqué par ces derniers « s'analyse dès lors en une perte de chance (
) certaine » (p. 8, §§ 4-5), quand ni la commune ni M. et Mme X... n'avaient invoqué une perte de chance, et sans inviter les parties à en débattre, la cour a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2° ALORS, en toute hypothèse, QUE la perte de chance réparable est la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, le préjudice en résultant devant être mesuré à la chance perdue et ne pouvant être égal à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en l'espèce, le préjudice provoqué par la faute de la commune résidait directement dans une perte actuelle de valeur vénale du bien de M. et Mme X..., résultant de l'échec de l'échange de parcelles ; qu'il ne s'agissait donc aucunement de la simple perte d'une « éventualité favorable », fût-elle actuellement certaine, mais d'une perte actuelle, dépourvue de tout aléa, et d'ailleurs immédiatement déterminable par voie d'expertise ; qu'en identifiant dès lors cette perte de valeur vénale à une perte de chance, la cour a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 du même code ;

3° ALORS QUE pour procéder à l'évaluation de la différence de prix ayant résulté de l'annulation de l'acte d'échange, la cour a retenu que l'expert avait arbitré la valeur vénale du bien à la somme de 2 073 000 €, a refusé de ne prendre en compte que les travaux réalisés antérieurement à l'annulation judiciaire de l'échange et de s'en tenir à la déclaration d'ISF faite par M. et Mme X..., avant de soustraire de cette valeur vénale celle obtenue lors de la revente du bien, pour aboutir à une perte de valeur vénale de seulement 223 000 € ; qu'en se déterminant ainsi, alors que l'expert n'avait pas fixé la valeur vénale de l'ensemble immobilier, incluant la parcelle [...] , à la somme de 2 073 000 €, mais à la somme arrondie de 2 188 000 € (rapport d'expertise, p. 57), la cour a dénaturé ce rapport, en violation de l'article 1134 ancien du code civil, devenu 1103 du même code ;

4° ALORS QUE la cour a retenu que le principe de la responsabilité quasi-délictuelle de droit commun de la commune à l'égard de M. et Mme X..., dépossédés de la parcelle litigieuse A 677, était acquis en vertu du jugement du 22 mai 2000, devenu irrévocable, la faute de la commune l'obligeant à réparer le dommage qui en résulte ; qu'elle a cependant décidé de réduire à 50 % de la perte de valeur du bien l'indemnisation due à M. et Mme X..., au motif qu'ils avaient contribué à la perte de chance de pouvoir revendre une propriété dont l'unité foncière aurait été rétablie, en vendant leur bien sans attendre une éventuelle régularisation qui aurait permis de racheter le chemin communal une fois déclassé ; qu'en se déterminant ainsi, sans avoir retenu aucune faute à leur charge susceptible de justifier, d'une part, leur propre responsabilité dans le préjudice qu'ils subissaient depuis plus de trente ans et, d'autre part, la réduction pratiquée, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 du même code ;

5° ALORS QUE pour justifier la réduction de l'indemnisation due à M. et Mme X... à 50 % de la perte de valeur du bien, la cour a retenu qu'ils n'avaient pas attendu, pour vendre leur bien, une « éventuelle régularisation qui aurait permis le rachat du chemin communal déclassé », ce qui les avait empêchés « de pouvoir revendre une propriété foncière dont l'unité foncière aurait été rétablie » ; qu'en se déterminant par ces motifs hypothétiques, quand rien ne permettait de retenir si, et à quel moment, cette régulation qualifiée « d'éventuelle » aurait pu intervenir, alors que M. et Mme X... subissaient depuis plus de 30 ans la situation dommageable dont ils demandaient réparation, la cour a privé sa décision de motif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

6° ALORS QUE pour décider de réduire l'indemnisation devant revenir à M. et Mme X..., en réparation de leur préjudice, à 50 % de la perte de valeur vénale estimée de leur bien immobilier, la cour a retenu qu'ils avaient vendu ce dernier sans attendre une éventuelle régularisation qui aurait permis le rachat du bien communal une fois déclassé ; qu'en se déterminant ainsi, après avoir pourtant constaté que leur choix de vendre était un « choix non fautif », ce qui excluait toute contribution fautive dans la réalisation du dommage et, partant, toute réduction dans la réparation, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses réparations, en violation de l'article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-16222
Date de la décision : 05/04/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 12 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 05 avr. 2018, pourvoi n°17-16222


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Odent et Poulet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.16222
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