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05/04/2018 | FRANCE | N°17-13102

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 05 avril 2018, 17-13102


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 15 novembre 2016), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 3 juin 2015, pourvoi n° 14-13.326), que, les 20 mars 1981, 29 mars 1985 et 24 octobre 1986, M. et Mme Z... ont contracté trois prêts hypothécaires auprès de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne (la banque), suivant trois actes authentiques reçus par M. X..., notaire ; que, par jugement du 6 novembre 1991, ils ont été mis en liquidation jud

iciaire, M. A... étant désigné en qualité de liquidateur ; que la banque a d...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 15 novembre 2016), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 3 juin 2015, pourvoi n° 14-13.326), que, les 20 mars 1981, 29 mars 1985 et 24 octobre 1986, M. et Mme Z... ont contracté trois prêts hypothécaires auprès de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne (la banque), suivant trois actes authentiques reçus par M. X..., notaire ; que, par jugement du 6 novembre 1991, ils ont été mis en liquidation judiciaire, M. A... étant désigné en qualité de liquidateur ; que la banque a déclaré ses créances ; que les trois prêts étaient garantis par trois hypothèques conventionnelles prises sur une propriété agricole appartenant à M. Z..., qui l'avait reçue de ses parents à la suite d'une donation-partage, assortie d'un droit de retour et d'une interdiction d'aliéner ; qu'un arrêt irrévocable du 12 octobre 2009 a annulé, pour faux, les trois actes authentiques de prêt en ce qu'ils mentionnaient la renonciation des donateurs au bénéfice du droit de retour et de l'interdiction d'aliéner, et déclaré nulles les inscriptions d'hypothèque ; que la banque a assigné M. X... en responsabilité et paiement des trois prêts ;

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, et sans mettre les parties à même de s'en expliquer, le moyen tiré de la théorie des chances perdues, quand elle énonce que le préjudice subi par la banque « s'analyse en la perte de chance de disposer d'une créance hypothécaire lui permettant de récupérer tout ou partie des sommes prêtées plus favorablement que dans le cas d'une créance chirographaire », la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble le principe du respect des droits de la défense ;

2°/ que l'annulation d'une hypothèque cause au créancier hypothécaire un préjudice direct et certain qui est égal à la somme que l'hypothèque annulée lui aurait, si elle avait été valide, permis de recouvrer ; qu'en énonçant que l'annulation de l'hypothèque dont la banque était titulaire lui a seulement fait perdre la « chance de disposer d'une créance hypothécaire lui permettant de récupérer tout ou partie des sommes prêtées plus favorablement que dans le cas d'une créance chirographaire », préjudice qu'elle tient pour « minime » et qui « ne peut être par suite indemnisé faute d'être direct et certain », la cour d'appel a violé les articles 1382 ancien et 1240 nouveau du code civil ;

3°/ que la responsabilité des professionnels du droit ne présente pas un caractère subsidiaire ; que doit donc être réparé par le notaire, qui a failli à son devoir d'assurer l'efficacité juridique de l'acte par lui reçu, le dommage directement causé par sa faute, quand bien même la victime disposerait d'une autre voie de droit pour se remplir de tout ou partie de ses droits ; qu'en énonçant « que le choix de la banque était manifestement de soutenir cette exploitation agricole [celle de M. et Mme Jacques Z...] dont elle connaissait les importants besoins de trésorerie sans préoccupation réelle sur le sort de ses créances qu'elle soient hypothécaires ou chirographaires en sorte que le préjudice tenant à la perte de chance d'être réglé grâce à l'existence d'une hypothèque est minime et ne peut être par suite indemnisé faute d'être direct et certain », la cour d'appel, qui reproche à la banque de ne pas avoir utilisé la voie de droit dont elle disposait contre ses débiteurs pour se remplir de tout ou partie des droits que l'hypothèque annulée par la faute de M. X... lui aurait permis de recouvrer, a violé les articles 1382 ancien et 1240 nouveau du code civil ;

4°/ que le juge ne peut pas, pour refuser de réparer le préjudice que subit la victime, relever que ce préjudice serait minime sans méconnaître le principe de la réparation intégrale ; qu'en relevant que le préjudice qui est résulté pour la banque de la perte de la chance qu'elle avait de recouvrer comme créancier hypothécaire des sommes plus importantes que celles qu'elle aurait recouvrées comme créancier chirographaire, est « minime », et que, par conséquent, il ne peut pas être indemnisé « faute d'être direct et certain », la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien et 1240 nouveau du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les biens de M. et Mme Z... n'avaient toujours pas été vendus, de sorte que la banque ne justifiait pas d'une perte définitive des sommes prêtées, la cour d'appel en a exactement déduit que son préjudice n'était pas actuel et certain ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Capron, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne.

Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté la Crcam Pyrénées Gascogne de l'action en responsabilité civile qu'elle formait contre M. Rémy X..., notaire ;

AUX MOTIFS QUE « l'existence de la faute de Me X... est acquise irrévocablement et n'a plus à être débattue » (cf. arrêt attaqué, p. 5, sur ce, sur le fond, 1er alinéa) ; « que reste la question du préjudice lequel doit être en lien causal avec la faute » (cf. arrêt attaqué, p. 5, sur ce, sur le fond, 2e alinéa) ; qu'« à la lumière de l'expertise diligentée, on sait que les biens des époux Z... n'ont toujours pas été vendus de sorte que le préjudice de la banque n'est pas actuel et s'analyse en la perte de chance de disposer d'une créance hypothécaire lui permettant de récupérer tout ou partie des sommes prêtées plus favorablement que dans le cas d'une créance chirographaire » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 11e alinéa) ; qu'« il faut déterminer si cette perte de chance a une quelconque consistance » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 12e alinéa) ; que « l'examen combiné de l'état hypothécaire et de la déclaration de créances de la banque montre qu'en 1981 au moment de l'ouverture de crédit, le Crédit agricole avait d'ores et déjà prêté 223 000 F avec garantie hypothécaire sur la propriété évaluée à 140 000 F ; [qu']encore à cette époque, les débiteurs étaient in bonis et la banque pouvait en cas de défaillance des emprunteurs faire jouer les sûretés dont elle disposait ce qu'elle n'a pas fait [; qu']en effet, au moment de le liquidation des biens des époux Jacques Z..., le Crédit agricole a déclaré une créance globale pour ces trois prêts de 210 321 F, ce qui démontre que la banque n'a pas cherché à récupérer ses créances auparavant et que les emprunteurs n'avaient en aucune façon soldé les prêts » (cf. arrêt attaqué, p. 8, 2e alinéa) ; que, « par la suite , la banque a fait le choix de continuer de prêter aux époux Z... lesquels lui devaient déjà de fortes sommes » (cf. arrêt attaqué, p. 8, 3e alinéa) ; qu'« ainsi le juge-commissaire a admis vingt-neuf créances en 1991 dont vingt-et-une au profit du Crédit agricole qui, soit avant l'acte du 20 mars 1981 soit après, prête des sommes conséquentes en regard de la valeur de l'exploitation et ce, sans prendre d'ailleurs une hypothèque » (cf. arrêt attaqué, p. 8, 4e alinéa) ; que « la cour en déduit que le choix de la banque était manifestement de soutenir cette exploitation agricole dont elle connaissait les importants besoins de trésorerie sans préoccupation réelle sur le sort de ses créances qu'elle soient hypothécaires ou chirographaires en sorte que le préjudice tenant à la perte de chance d'être réglé grâce à l'existence d'une hypothèque est minime et ne peut être par suite indemnisé faute d'être direct et certain » (cf. arrêt attaqué, p. 8, 5e alinéa) ;

1. ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, et sans mettre les parties à même de s'en expliquer, le moyen tiré de la théorie des chances perdues, quand elle énonce que le préjudice subi par la Crcam Pyrénées Gascogne « s'analyse en la perte de chance de disposer d'une créance hypothécaire lui permettant de récupérer tout ou partie des sommes prêtées plus favorablement que dans le cas d'une créance chirographaire », la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble le principe du respect des droits de la défense ;

2. ALORS QUE l'annulation d'un hypothèque cause au créancier hypothécaire un préjudice direct et certain qui est égal à la somme que l'hypothèque annulée lui aurait, si elle avait été valide, permis de recouvrer ; qu'en énonçant que l'annulation de l'hypothèque dont la Crcam Pyrénées Gascogne était titulaire lui a seulement fait perdre la « chance de disposer d'une créance hypothécaire lui permettant de récupérer tout ou partie des sommes prêtées plus favorablement que dans le cas d'une créance chirographaire », préjudice qu'elle tient pour « minime » et qui « ne peut être par suite indemnisé faute d'être direct et certain », la cour d'appel a violé les articles 1382 ancien et 1240 nouveau du code civil ;

3. ALORS QUE la responsabilité des professionnels du droit ne présente pas un caractère subsidiaire ; que doit donc être réparé par le notaire qui a failli à son devoir d'assurer l'efficacité juridique de l'acte par lui reçu, le dommage directement causé par sa faute, quand bien même la victime disposerait d'une autre voie de droit pour se remplir de tout ou partie de ses droits ; qu'en énonçant « que le choix de la banque était manifestement de soutenir cette exploitation agricole [celle de M. et Mme Jacques Z...] dont elle connaissait les importants besoins de trésorerie sans préoccupation réelle sur le sort de ses créances qu'elle soient hypothécaires ou chirographaires en sorte que le préjudice tenant à la perte de chance d'être réglé grâce à l'existence d'une hypothèque est minime et ne peut être par suite indemnisé faute d'être direct et certain », la cour d'appel, qui reproche à la Crcam Pyrénées Gascogne de ne pas avoir utilisé la voie de droit dont elle disposait contre ses débiteurs pour se remplir de tout ou partie des droits que l'hypothèque annulée par la faute de M. Rémy X... lui aurait permis de recouvrer, a violé les articles 1382 ancien et 1240 nouveau du code civil ;

4. ALORS, en toute hypothèse, QUE le juge ne peut pas, pour refuser de réparer le préjudice que subit la victime, relever que ce préjudice serait minime sans méconnaître le principe de la réparation intégrale ; qu'en relevant que le préjudice qui est résulté pour la Crcam Pyrénées Gascogne de la perte de la chance qu'elle avait de recouvrer comme créancier hypothécaire des sommes plus importantes que celles qu'elle aurait recouvrées comme créancier chirographaire, est « minime », et que, par conséquent, il ne peut pas être indemnisé « faute d'être direct et certain », la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien et 1240 nouveau du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-13102
Date de la décision : 05/04/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 15 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 05 avr. 2018, pourvoi n°17-13102


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.13102
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