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05/04/2018 | FRANCE | N°16-25477;16-25486;16-25487;16-25488;16-25489;16-25490;16-25491;16-25492

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 avril 2018, 16-25477 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° Y 16-25.477, G 16-25.486, J 16-25.487, K 16-25.488, M 16-25.489, N 16-25.490, P 16-25.491 et Q 16-25.492 ;

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article L. 3253-8, 1°, du code du travail, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu d'abord que, selon ce texte, l'AGS garantit les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ;

Attendu ensuite que le p

réjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° Y 16-25.477, G 16-25.486, J 16-25.487, K 16-25.488, M 16-25.489, N 16-25.490, P 16-25.491 et Q 16-25.492 ;

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article L. 3253-8, 1°, du code du travail, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu d'abord que, selon ce texte, l'AGS garantit les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ;

Attendu ensuite que le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Cristalleries et verreries d'art de Vianne, venant aux droits de la société Cristalleries et verreries de Vianne et ayant pour activité la fabrication et la commercialisation d'articles en verre et cristal, a fait l'objet d'un redressement judiciaire le 19 juin 1991 suivi d'un plan de cession le 18 juillet 1997 au bénéfice de la société Verrerie de Vianne ; qu'immatriculée à compter du 8 août 1997, cette dernière a été placée en redressement judiciaire le 1er octobre 2003 converti en liquidation judiciaire le 2 février 2004, M. X... étant désigné en qualité de mandataire liquidateur ; que par arrêté du 23 décembre 2011, la société Cristalleries et verreries d'art de Vianne a été inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) pour la période de 1928 à 1996 ; que d'anciens salariés, employés à différentes périodes par les trois sociétés, ont saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir chacun la réparation de leur préjudice d'anxiété subi en raison d'une exposition à l'amiante pendant l'exécution de leur contrat de travail ;

Attendu que pour dire que l'AGS devra garantir la créance fixée au passif de la société Verreries de Vianne au titre du préjudice d'anxiété, les arrêts retiennent qu'en application des articles L. 3253-6 et L. 3253-8 du code du travail, l'AGS ne couvre que les créances nées à la date du jugement d'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, que la date de naissance du préjudice d'anxiété n'est pas celle de l'exposition au risque mais celle du jour où le salarié a eu connaissance du risque de déclarer une maladie liée à l'amiante, que les salariés établissent en l'espèce avoir eu connaissance de ce risque au plus tard le 11 juin 2002, que le préjudice d'anxiété est donc né avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Verrerie de Vianne le 1er octobre 2003 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice d'anxiété était né à la date à laquelle les salariés avaient eu connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de la société Cristalleries et verreries d'art de Vianne sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), soit au plus tôt le 23 décembre 2011, à une date postérieure à l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils disent que l'Unedic délégation AGS-CGEA d'Ile-de-France Ouest doit sa garantie, les arrêts rendus le 6 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉBOUTE les salariés de leurs demandes dirigées à l'encontre de l'Unedic délégation AGS-CGEA d'Ile-de-France Ouest ;

Condamne les salariés aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen, commun aux pourvois n° Y 16-25.477, G 16-25.486, J 16-25.487, K 16-25.488, M 16-25.489, N 16-25.490, P 16-25.491 et Q 16-25.492, produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour l'Unedic délégation AGS-CGEA d'Ile-de-France Ouest

Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'avoir fixé à 8.000,00 euros la créance de dommages-intérêts pour préjudice d'anxiété de chacun des salariés au passif de la liquidation judiciaire de la société CRISTALLERIES ET VERRERIES D'ART DE VIANNE et de la société VERRERIE DE VIANNE, d'avoir dit que le CGEA-AGS devrait les garantir et d'avoir dit qu'il devrait avancer les sommes correspondant à ces créances ;

Aux motifs propres que « Sur l'exposition à l'amiante

Il résulte des pièces versées aux débats que M. T... a été employé successivement par les sociétés Cristalleries et Verreries de Vianne, Cristalleries et Verreries d'art de Vianne et Verrerie de Vianne.

En application du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, pour les contrats de travail en cours à la date de mise en oeuvre de l'obligation, et ce, qu'elle qu'ait été la date de conclusion du contrat.

En vertu de cette obligation, il incombe à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures sont relatives aux actions de prévention des risques professionnels, d'information et de formation et à la mise en place d'une organisation de moyens adaptés. L'employeur doit veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte de changement de circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. Il doit mettre en oeuvre ces mesures sur le fondement du principe de prévention à savoir : éviter les risques, les évaluer s'ils ne peuvent être évités, les combattre à la source, adapter le travail à l'homme, tenir compte de l'évolution technique, prendre des mesures de protections individuelles et donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Dès la fin du 19ème siècle, la loi du 12 juin 1893 ainsi que ses décrets d'application avaient mis en place une réglementation générale sur les poussières. Le décret du 13 décembre 1948 avait mis l'accent sur la mise à la disposition des travailleurs exposés aux poussières de mesures de protection individuelle.

Le décret du 17 août 1977, relatif aux mesures particulières d'hygiène applicable dans les établissements où le personnel est exposé à des poussières d'amiante, imposait :

- des prélèvements d'atmosphère afin de surveiller le niveau de concentration moyenne en fibres d'amiante de l'atmosphère inhalée par un salarié,
- le conditionnement des déchets de toute nature susceptibles de dégager des fibres d'amiante,
- la vérification des installations des appareils de protections collectives et individuelles des salariés,
- un suivi médical.

Il est constant et non contesté que la Verrerie de Vianne, spécialisée dans la fabrication, la vente, l'exportation ou importation d'articles en verre et cristal ou se rapportant au luminaire, a fait usage de manière constante d'amiante au moins jusqu'en 1996. Elle a été inscrite par arrêté ministériel du 23 décembre 2011 sur la liste des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ouvrant droit à l'ACAATA, pour la période de 1928 à 1996. Aucun recours n'a été formé à l'encontre de cette inscription qui n'est pas contestée dans le cadre de cette procédure.

En outre, il ressort des pièces produites par l'appelante, s'agissant de nombreux témoignages, des factures d'achats de produits à base d'amiante, des résultats d'analyse de prélèvements ainsi que des comptes rendus de réunion du CHSCT que l'amiante était présente dans l'usine sur des équipements individuels comme des gants ou des tabliers, ainsi que sur les produits et machines de l'entreprise.

Le rapport du CHSCT du 11 juin 2002 indique que « l'amiante était donc utilisée sous formes manufacturées, dans des quantités que nous pouvons estimer à 450 kilos par an dans les années fastes où l'entreprise comptait 900 employés et avait comme outil de production, 4 fours à bassin, ainsi que 15 fours à pot pour arriver à une consommation de 150 à 200 kilos jusqu'en 1997, année de l'interdiction de l'utilisation et de l'épuisement du stock. Dernièrement, et après enquête, nous avons retrouvé des stocks sauvages d'amiante ainsi que des applications encore existantes ». Le tribunal administratif de Bordeaux a d'ailleurs retenu, dans sa décision du 13 juillet qui a conduit à l'inscription de l'entreprise sur la liste des bénéficiaires de l'ACAATA que « si la Verrerie n'avait pas une activité principale de fabrication de matériaux contenant de l'amiante ni de flocage ou calorifugeage de l'amiante, la double circonstance que les opérations de calorifugeage ne duraient que cinq à dix minutes par jour et quelques cas seulement de maladies professionnelles imputables à l'utilisation de l'amiante au sein de la Verrerie ont été reconnus, ne suffit pas à établir, compte tenu d'une part du caractère volatile de l'amiante, l'absence de système d'aération/ventilation dans l'établissement et d'autre part le temps de latence important des affections imputables à l'amiante, que les opérations de calorifugeage ne représentaient pas une part significative des activités de l'établissement ».

Les éléments produits permettent d'établir que non seulement le personnel n'avait pas de protection individuelle contre l'amiante, mais qu'en outre, leurs protections, telles que gants ou tabliers, contenaient de l'amiante, que l'amiante entrait dans la composition des matériaux et machines sur lesquelles intervenaient les salariés, ainsi que l'absence d'information et de mise à disposition d'équipements de la part de l'employeur.

La faute inexcusable de l'employeur a d'ailleurs été reconnue à plusieurs reprises par le Tribunal des affaires de sécurité sociale du Lot-et-Garonne, dans le cadre de maladies ou de décès résultant de la contamination par l'amiante.

Il doit être rappelé que le décret du 17 août 1977 a imposé à toutes les entreprises où les salariés étaient exposés à l'inhalation de poussières d'amiante un certain nombre d'obligations et notamment de faire effectuer des contrôles périodiques du nombre de fibres dans l'air, de conditionner les déchet pouvant contenir de l'amiante et de prévoir des mesures de protections collectives et individuelles, que les employeurs successifs des requérants n'établissent pas avoir respecté sur la durée de la relation contractuelle existante avec chacun des salariés.

Il doit en conséquence être constaté que l'employeur a fait preuve d'une négligence fautive en ne prenant pas les mesures réglementaires imposées et pourtant nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique des salariés et que ceux-ci sont fondés à solliciter l'indemnisation du préjudice qui en découle.

Sur la responsabilité de la SAS Verrerie de Vianne

Par jugement du 18 juillet 1997, le tribunal de commerce d'Agen a autorisé la cession d'une partie des actifs de la SA Cristallerie et Verrerie d'art de Vianne à la société Verrerie Cristallerie de Vianne à créer. La SAS Verrerie de Vianne, qui a repris ces actifs, a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 26 mars 1999. L'arrêté du 23 décembre 2011, qui couvre la période de 1928 à 1996, ne peut donc concerner la SAS Verrerie de Vianne.

La requérante sollicite néanmoins la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Verrerie de Vianne, soutenant que celle-ci est tenue des obligations incombant à la SA Cristallerie et Verrerie d'art de Vianne dont elle a repris l'activité.

L'article L. 1224-2 du code du travail dispose qu'en cas de changement d'employeur dans les conditions fixées par l'article L. 1224-1, « le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de modification, sauf dans les cas suivants :

1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.
2° Substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci ».

En l'espèce, la SAS Verrerie de Vianne a repris l'activité de la SA Cristallerie et Verrerie d'art de Vianne. La reprise d'activité comporte celle de l'ensemble des obligations liées à l'exécution passée d'un contrat de travail, sauf disposition contraire de l'acte de reprise. Aucune disposition expresse contraire de l'acte de cession n'a fait obstacle à cette transmission et la SAS Verrerie de Vianne reste tenue des obligations incombant aux employeurs successifs, du fait du contrat de travail de chacun des salariés, notamment en ce qui concerne les conséquences du non-respect des prescriptions d'ordre public de santé et sécurité au travail applicable à une entreprise dont les salariés ont été de manière continue exposée à l'amiante.

En outre, le contrat de travail de M. T... a été successivement transféré de la SA Cristallerie et Verrerie de Vianne à la SA Cristallerie et Verrerie d'art de Vianne, puis à la SAS Verrerie de Vianne. Si le transfert du contrat de travail est intervenu dans le cadre d'une procédure collective, le dernier employeur, la SAS Verrerie de Vianne, lui a remis un certificat de travail applicable à l'ensemble de sa carrière y compris au titre des employeurs précédents, attestant ainsi de l'étendue de ses obligations au titre de ces périodes.

L'appelante est donc fondée à solliciter la fixation de sa créance au passif de la SAS Verrerie de Vianne.

Sur le montant du préjudice

Les salariés qui ont travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante et se trouvent, du fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration d'une maladie liée à l'amiante, qu'ils se soumettent ou non à des examens médicaux réguliers, subissent un préjudice d'anxiété spécifique comprenant l'ensemble des troubles psychologiques y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence.

Il n'est pas contesté que ces salariés ne sont pas actuellement malades mais qu'ils ont été exposés à l'inhalation de poussières d'amiante. Ils démontrent amplement que l'amiante est une substance cancérigène susceptible de provoquer différentes maladies et notamment un cancer du poumon ou de la plèvre. Ils se trouvent du fait de l'employeur dans une inquiétude permanente de développer à plus ou moins brève échéance une maladie pouvant être invalidante ou mortelle. Cette inquiétude est en l'espèce d'autant plus forte qu'ils ont vu plusieurs de leurs collègues de travail décéder des suites de ces maladies. Ils ne peuvent envisager sereinement leur avenir et peuvent être amenés à modifier, en raison de ce risque, les orientations de leur vie quotidienne et leurs projets de vie.

Tel est le cas de M. T... qui a travaillé du 24 novembre 1967 au 5 novembre 2002 au sein de l'établissement en qualité de verrier et dont la veuve établit, par la production de plusieurs attestations, qu'il a été exposé aux poussières d'amiante et a en conséquence vécu dans la crainte permanente de développer une maladie liée à l'amiante caractérisant un préjudice d'anxiété qui sera justement indemnisé par l'octroi de la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à Mme S... VVVVV... Vve T... des dommages et intérêts au titre du préjudice d'anxiété, mais de l'infirmer sur le quantum.

Sur la garantie de l'AGS

Contrairement à ce que soutient l'AGS qui invoque une créance de nature commerciale, les dommages et intérêts dus aux salariés en raison de l'inexécution par l'employeur d'une de ses obligations sont garantis par l'AGS dans les conditions prévues aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail.

Conformément à ces dispositions, l'AGS ne couvre que les créances nées à la date du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

La date de naissance du préjudice d'anxiété n'est pas celle de l'exposition au risque mais celle du jour où le salarié a eu connaissance et donc conscience du risque de déclarer une maladie liée à l'amiante, et donc celle de la révélation du risque de l'exposition à l'amiante, donnant naissance au sentiment d'anxiété.

Cette date est au plus tard celle de la publication de l'arrêté ministériel inscrivant l'établissement dans lequel le salarié a travaillé sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'ACAATA ou celle de la délivrance au salarié d'un certificat d'exposition à l'amiante, mais également celle à laquelle le salarié établit avoir eu connaissance du risque.

En l'espèce, l'appelante produit de nombreuses pièces justifiant que les salariés de l'entreprise avaient connaissance et conscience du risque de développer une maladie liée à l'amiante avant le classement, en 2011, des Verreries de Vianne sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'ACAATA, classement intervenu au terme d'une longue procédure administrative, suite au refus initial de classement du directeur du travail du 5 juin 2008.

Elle produit notamment de très nombreuses attestations de salariés de l'entreprise, établies en 2006, soit à une date antérieure au classement de l'établissement, montrant la connaissance du risque lié à l'amiante au sein de l'établissement, au moins à compter de la fin des années 90. Mme WWWW... indique en outre qu'en 2003, la Médecine du travail a délivré à tous les salariés une ordonnance « pour passer un scanner de contrôle ».

Elle produit enfin divers comptes rendus de réunion du CHSCT, et notamment celui du 11 juin 2002 qui met en évidence clairement une exposition aux fibres d'amiante « qualifiées de conséquentes jusqu'aux années 1997 » et ce depuis la création de l'entreprise. Elle établit donc que c'est au plus tard le 11 juin 2002 qu'ils ont eu connaissance et donc conscience de leur risque de développer une maladie et de subir une diminution de leur espérance de vie, l'arrêté de décembre 2011 de classement des Verreries de Vianne sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA ne venant que confirmer cette connaissance.

Le préjudice d'anxiété est donc né avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SAS Verrerie de Vianne le 1er octobre 2003.

L'AGS invoque à tort les dispositions de l'article L. 3253-8 5° du code du travail qui limitent la garantie à un mois et demi de travail et qui ne vise que les créances nées au cours de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

L'AGS sera donc tenue en tant que de besoin, de garantir, dans les limites de sa garantie et des plafonds applicables, les sommes allouées, sur présentation du relevé par Maître X..., mandataire liquidateur de la SAS Verrerie de Vianne, et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

Il y a lieu par ailleurs de rappeler que les intérêts ne sont dus que jusqu'au jugement d'ouverture de la procédure collective en application de l'article L. 622-28 du code de commerce » ;

Alors, d'une part, que la réparation du préjudice d'anxiété n'est admise, pour les salariés exposés à l'amiante, qu'au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel pris pour son application ; qu'en jugeant que les salariés pouvaient utilement prétendre à une indemnisation au titre du préjudice d'anxiété devant être fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Verrerie de Vianne, tout en ayant constaté que celle-ci n'était pas inscrite sur la liste, établie par l'arrêté ministériel du 23 décembre 2011, des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité prévue à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la Cour d'appel a violé cette disposition et l'arrêté du 23 décembre 2011, ensemble les articles 1147 du code civil (ancien) et L. 4121-1 du code du travail ;

Alors, d'autre part, que la réparation du préjudice d'anxiété n'est admise pour les salariés exposés à l'amiante qu'au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel ; qu'en l'espèce, en jugeant que les salariés pouvaient utilement prétendre à une indemnisation au titre du préjudice d'anxiété, tout en ayant constaté que certaines d'entre eux ne remplissaient pas la condition d'âge fixée par ledit article 41, la Cour d'appel a violé cette disposition, ensemble les articles 1147 du code civil (ancien) et L. 4121-1 du code du travail ;

Alors, en tout état de cause, qu'il résulte de l'article L. 1224-2 du code du travail que le nouvel employeur n'est pas tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, des obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date du transfert de l'entité, lorsque la cession intervient dans le cadre d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire, de sorte que, sauf engagement exprès du cessionnaire de reprendre les engagements du précédent employeur, la cession intervenue dans le cadre d'une procédure collective n'entraîne aucune transmission des obligations inhérentes au contrat de travail ; qu'en décidant que la SAS Verrerie de Vianne était tenue des obligations des employeurs précédents, quand la modification dans la situation juridique de ces derniers était pourtant intervenue dans le cadre d'une procédure collective, en sorte que le nouvel employeur ne pouvait être tenu au paiement d'une indemnité due au titre d'un manquement aux obligations nées du contrat de travail antérieur à cette modification, la Cour d'appel a violé l'article L. 1224-2 du code du travail ;

Alors, au surplus, que l'AGS garantit les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ; que le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés ; qu'en l'espèce, en retenant que l'AGS devrait garantir les créances de dommages-intérêts au titre du préjudice d'anxiété des salariés inscrites au passif des sociétés CRISTALLERIES ET VERRERIES D'ART DE VIANNE et VERRERIE DE VIANNE, quand l'arrêté ministériel d'inscription des Verreries de Vianne sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'ACAATA en date du 23 décembre 2011 était pourtant postérieur à l'ouverture des procédures de redressement judiciaire de ces deux entreprises, de sorte que les salariés ne pouvaient en avoir connaissance et que le préjudice d'anxiété ne pouvait donc être déjà né lors de l'ouverture de ces procédures collectives, la Cour d'appel a violé l'article L. 3253-8, 1° du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-25477;16-25486;16-25487;16-25488;16-25489;16-25490;16-25491;16-25492
Date de la décision : 05/04/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 06 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 avr. 2018, pourvoi n°16-25477;16-25486;16-25487;16-25488;16-25489;16-25490;16-25491;16-25492


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.25477
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