LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1251-19, L. 3141-22 dans sa rédaction applicable en la cause et D. 3141-8 du code du travail ;
Attendu qu'il résulte de l'application combinée de ces textes que la détermination de la rémunération totale brute à laquelle se réfère l'article L. 1251-19 du code du travail pour le calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés due par l'entreprise de travail temporaire au salarié intérimaire n'obéit à aucune spécificité autre que celle, prévue à l'article D. 3141-8, de l'inclusion dans son assiette de l'indemnité de fin de mission ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, que Mme Y... a été mise à disposition de la société Henkel Technologies France en qualité de chargée de clientèle, dans le cadre d'un contrat de travail temporaire par la société Manpower ; qu'elle a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes en paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de congés payés ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer une certaine somme à titre de rappel d'indemnité de congés payés, l'ordonnance retient que les règles du droit commun du contrat de travail ne s'appliquent pas aux salariés intérimaires, qu'aux termes de l'article L. 1251-19 du code du travail, le montant de l'indemnité est calculé en fonction de la durée de la mission et ne peut être inférieur au dixième de la rémunération totale brute perçue par le salarié pendant la mission et que, selon la circulaire DRT n° 92-14 du 29 août 1992, doivent être intégrés dans la base de calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés, outre l'indemnité de fin de mission, des primes et majorations diverses mais aussi des primes qui sont exclues de l'assiette des congés payés en droit commun, tels que le 13ème ou 14ème mois ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les primes allouées pour l'année entière, période de travail et période de congés confondues, n'ont pas à être incluses dans l'assiette de l'indemnité compensatrice de congés payés, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne à la société Manpower France de payer à Mme Y... la somme de 71,71 euros à titre de rappel de congés payés sur la période du 1er avril 2013 au 30 juin 2013, l'ordonnance de référé rendue le 9 septembre 2016, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Meaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance de référé et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Melun ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance de référé partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Manpower France.
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR condamné la société Manpower France à payer à Mme Y... la somme de 71,71 euros à titre de rappel de congés payés sur la période du 1er avril 2013 au 30 juin 2013 outre la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'avoir condamnée aux dépens ;
AUX MOTIFS QUE le salaire brut comprend l'ensemble des sommes convenues et des avantages accordés par l'employeur : salaire de base, avantages en nature, primes ; que concernant les règles de droit commun, le code du travail prévoit deux méthodes pour calculer l'indemnité de congés payés due à un salarié ; - la méthode du 1/10 (ou la règle du 1/10è) : additionner la rémunération brute de la période de référence pendant laquelle ont été acquis les congés payés et multiplier par 10% ; - la méthode du maintien de salaire : il s'agit de calculer le « salaire théorique » que le salarié aurait perçu s'il était venu travailler ; que c'est le résultat le plus favorable au salarié qui doit être versé au titre de l'indemnité de congés payés ; que pour calculer l'indemnité selon la règle du 1/10è, il s‘agit de calculer la rémunération brute perçue au cours de la période de référence par le salarié ; que cependant, tous les éléments de cette rémunération brute n'entrent pas dans le calcul ; que toutes les sommes ayant le caractère de salaire ou d'accessoire du salaire sont à inclure ; que celles n'ayant pas le caractère de salaire ou liées à un risque ou un événement exceptionnel soit à exclure : - les remboursements de frais professionnels, même lorsqu'ils sont forfaitaires ; - les primes exceptionnelles, qui ont un caractère discrétionnaire ; - les primes non affectées par la prise de congés (ex : 13è mois, intéressement, etc.) ; la seconde méthode, pour calculer le salaire théorique que le salarié aurait perçu s'il avait continué à travailler, il faut prendre en compte : - le salaire brut de la période précédant immédiatement le cogné : les éléments à inclure ou à exclure sont les mêmes que ceux retenus pour l'indemnité du 1/10 ; - l'horaire de travail réel qui aurait été celui du salarié pendant la période de congé (y compris les heures supplémentaires) ;
ET ENCORE AUX MOTIFS QUE, attendu que ces deux cas correspondant à des salariés en contrat à durée indéterminée (3è partie, livre 1er, titre 4 du code du travail) ; qu'il convient de tenir compte des règles applicables aux salariés en mission d'intérim ; qu'au cas d'espèce, le salarié intérimaire ne dispose pas de droit à congés payés ; que l'indemnité compensatrice de congés payés est due au salarié en intérim pour chaque fin de mission qu'il effectue, qu'elle qu'en ait été la durée ; que s'agissant du mode de calcul, l'indemnité de congés payés est égale au 1/10è de la totalité de sommes dues au salarié en intérim à l'occasion de cette mission ; que de plus, le coefficient que l'entreprise intérimaire facture à son client doit être global sur l'ensemble des éléments payés au niveau du salaire ; que les règles de droit commun du contrat de travail ne s'appliquent pas aux salariés intérimaires qui, eux obéissent à des règles spécifiques aux contrats de mission en intérim ; qu'ainsi, les règles de droit applicables sont celles du code du travail défini par la 1ère partie, livre 2, titre 5, « contrat de travail temporaire et autres contrats de mise à disposition » ; que la partie défenderesse s'appuyant sur les règles relatives aux contrats concernant des salariés en contrat à durée indéterminée, cette argumentation juridique, si elle demeure exacte dans ses termes, ne correspond pas au cas d'espèce ; qu'en conséquence, il conviendra de ne pas tenir compte de la présente instance ; que vu les articles L. 1251-1 et suivants du code du travail, vu l'article L. 1251-19 du code du travail : « le montant de l'indemnité est calculé en fonction de la durée de la mission et ne peut être inférieur au dixième de la rémunération totale brute perçue par le salarié pendant la mission. L'indemnité est versée à la fin de la mission
» ; que la circulaire DRT n° 92-14 du 29 août 1992, rappelant cette règle « doivent être intégrés dans la base de calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés outre l'indemnité de fin de mission, des primes et majorations diverses, mais aussi des primes qui sont exclues de l'assiette des congés payés en droit commun, tel que le 13è ou 14è mois » ; qu'en conséquence, il conviendra de faire droit à la demande de Mme Y... pour la période du 1er avril 2013 au 30 juin 2013 selon le mode de calcul suivant : 91 jours * 0,788 = 71,71 euros (soit 203,43 euros divisés par le nombre de jours du 15 octobre 2012 au 30 juin 2013 soit 258 jours = 0,788 euros dû par jour) ; qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme Y... les frais irrépétibles engagés dans la présente instance ; qu'il sera fait application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 500 euros ; tel n'est pas le cas de la société Manpower France qui succombe en partie ; attendu que l'article 696 du code de procédure civile dispose que : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie » ; qu'en l'espèce, la société Manpower France succombe partiellement dans la présente instance ; qu'en conséquence, il convient de mettre à sa charge les dépens, y compris les frais éventuels d'exécution par voie d'huissier de la présente ordonnance ;
1°) ALORS QUE toute décision de justice doit se suffire à elle-même et contenir les motifs de nature à la justifier ; que la seule référence à des dispositions légales ne saurait répondre à cette condition ; qu'en l'espèce, pour faire droit à la demande de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés de la salariée, le conseil de prud'hommes s'est borné à dresser un catalogue de différentes dispositions du code du travail ; qu'en statuant ainsi, le juge des référés du conseil de prud'hommes, qui n'a pas mis en mesure la Cour de cassation d'exercer son contrôle, a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
2°) ALORS en tout état de cause QUE si une prime dont le versement est lié au temps de présence effective du salarié doit être intégrée dans l'assiette de l'indemnité compensatrice de congés payés versée au salarié intérimaire à la fin de sa mission, doit en revanche être exclue de cette assiette la prime calculée pour l'année entière, périodes de travail et de congé confondues ; qu'en l'espèce, en faisant droit à la demande de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés de la salariée intérimaire fondée sur une inclusion de la prime de treizième mois dans l'assiette de l'indemnité compensatrice de congés payés, tandis que la salariée soutenait que la prime de treizième mois qui lui était versée n'était pas liée à son temps de travail effectif, le juge des référés du conseil de prud'hommes a violé les articles L. 1251-19 et L. 3141-22 du code du travail ;
3°) ALORS en tout état de cause QUE le principe d'égalité de traitement prohibe toute différence de traitement entre des salariés placés dans une situation analogue au regard de l'avantage en cause, ne reposant pas sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; qu'en l'espèce, la société Manpower France faisait valoir qu'intégrer toutes les primes perçues par la salariée intérimaire dans l'assiette de son indemnité compensatrice de congés payés, y compris les primes versées pour l'année entière, périodes de travail et de congé confondues, quand ces primes sont exclues de l'assiette de l'indemnité compensatrice de congés payés des salariés en contrat à durée indéterminée, créait une inégalité de traitement injustifiée, les salariés intérimaires étant dans une situation analogue aux salariés en contrat à durée indéterminée au regard de l'indemnité compensatrice de congés payés ; qu'en faisant néanmoins droit à la demande de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés de la salariée intérimaire, aux motifs que les règles de droit commun du contrat de travail ne s'appliquent pas aux salariés intérimaires, et qu'il n'y avait pas lieu d'en tenir compte, sans caractériser en quoi la situation du salarié intérimaire, au regard du droit de percevoir une indemnité compensatrice de préavis en contrepartie des périodes de congés acquises mais non prises à l'issue du contrat de travail, présenterait une différence par rapport de celle des autres salariés, telle qu'elle justifierait d'intégrer systématiquement dans l'assiette des indemnités compensatrices de congés payés les primes versées, y compris périodes de travail et de congés confondus, contrairement aux règles applicables aux salariés permanents, le juge des référés du conseil de prud'hommes a violé le principe d'égalité de traitement, ensemble les articles L. 1251-19 et L. 3141-22 du code du travail.