LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 443-1, L. 443-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que constitue une rechute toute modification dans l'état de la victime, dont la première constatation médicale est postérieure à la date de la guérison apparente ou de la consolidation de la blessure ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Marne a pris en charge, le 22 mai 2012, la maladie déclarée par M. Y... , fondée sur l'existence de plaques pleurales bilatérales avec micro calcifications, puis, le 7 janvier 2014, une rechute, au vu d'un certificat médical de rechute établi le 3 décembre 2013, mentionnant, outre cette même pathologie, une fibrose pulmonaire diagnostiquée sur des signes radiologiques spécifiques ; que M. Y... a présenté le 20 février 2014 une demande de prise en charge d'une fibrose pulmonaire asbestose, figurant au tableau n° 30 des maladies professionnelles ; que la caisse a notifié, le 12 juin 2014, à la société Ferro France (la société), ancien employeur de la victime, sa décision de prendre en charge cette maladie au titre de la législation professionnelle ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour débouter la société de son recours, l'arrêt retient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'autorité de chose décidée attachée à la décision du 7 janvier 2014 ne s'applique qu'à l'appréciation de l'existence d'une rechute des plaques pleurales, sans y inclure la fibrose ; que loin d'avoir statué deux fois sur la même maladie, fût-ce de façon implicite, la caisse a examiné pour la première fois la demande de prise en charge de la fibrose pulmonaire à l'occasion de sa dernière décision du 12 juin 2014 ; que la cause d'inopposabilité invoquée par la société Ferro France n'est donc pas constituée ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser l'existence d'une modification dans l'état de la victime, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la pathologie selon elle prise en charge au titre de la rechute était identique à celle initialement prise en charge, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le16 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Marne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Marne à payer à la société Ferro France la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Ferro France
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir confirmé la décision de la commission de recours amiable de la CPAM de la Haute Marne et déclaré la décision de prise en charge de la fibrose pleurale déclarée par M. Y... du 12 juin 2014 opposable à la société Ferro ;
AUX MOTIFS QUE « Sur l'existence d'une double prise en charge par la Caisse primaire : Attendu que constitue une rechute toute modification dans l'état de la victime, dont la première constatation médicale est postérieure à la date de la guérison apparente ou de la consolidation de la blessure ; Attendu que la fibrose pulmonaire et les plaques pleurales sont envisagées par le tableau n° 30, dans deux rubriques distinctes, comme des maladies différentes ; Attendu qu'il résulte du dossier que ni la Caisse primaire ni M. Y... n'ont considéré que la décision de prise en charge du 7 janvier 2014 était fondée sur une affection autre que les plaques pleurales qui avaient fait l'objet de la prise en charge initiale ; que la réclamation faite le 10 février 2014 par M. Y... montre manifestement que l'exécution de la décision prise au sujet de sa rechute ne lui avait pas permis d'obtenir les prestations qu'il attendait au sujet de sa fibrose pulmonaire, tandis que l'enquêteur de la caisse a ensuite indiqué (page 2 de son rapport) qu'outre la rechute, M. Y... avait présenté un second dossier de maladie professionnelle liée à une exposition à l'amiante « pour une pathologie différente (PM 30 A) » ; Attendu que l'amalgame effectué par le médecin de l'assuré, qui a improprement réuni dans le même certificat les deux affections en cause, est sans incidence sur l'objet de la décision de prise en charge du 7 janvier 2014 ; que ce médecin a d'ailleurs effectué la même confusion dans son second certificat, qu'il a qualifié d'initial tout en y incluant les plaques pleurales déjà précédemment prises en charge ; qu'à cette occasion, la caisse a également procédé à un tri en n'ouvrant une instruction qu'au sujet de la fibrose ; Attendu qu'il en résulte que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'autorité de chose décidée attachée à la décision du 7 janvier 2014 ne s'applique qu'à l'appréciation de l'existence d'une rechute des plaques pleurales, sans y inclure la fibrose ; que loin d'avoir statué deux fois sur la même maladie, fût-ce de façon implicite, la caisse a examiné pour la première fois la demande de prise en charge de la fibrose pulmonaire à l'occasion de sa dernière décision du 12 juin 2014; que la première cause d'inopposabilité invoquée par la société Ferro France n'est donc pas constituée » ;
ALORS QUE l'existence d'une rechute suppose la caractérisation d'un fait pathologique nouveau nécessitant un traitement médical intervenant après la consolidation ou la guérison de la maladie initialement prise en charge ; qu'au cas présent, après avoir déclaré des « plaques pleurales bilatérales avec micro calcification tableau 30 B (amiante) » qui ont donné lieu à une décision de prise en charge de maladie professionnelle, M. Y... a déclaré une rechute sur la base d'un certificat médical de rechute faisant état de « 1) plaques pleurales bilatérales avec micro calcification tableau 30 B (amiante) ; 2) fibrose pulmonaire diagnostiquée sur des signes radiologiques spécifiques tableau 30 A (amiante) = légère fibrose non septale à la base gauche » qui a donné lieu à une décision de prise en charge de rechute du 7 janvier 2014 ; que la société Ferro faisait valoir que, dans la mesure où « les plaques pleurales avec micro calcification » étaient strictement identiques à la pathologie déjà prise en charge, la prise en charge de la rechute ne pouvait porter que sur la « fibrose pulmonaire » ; qu'il en résultait que, prise en charge à titre de rechute, cette pathologie ne pouvait faire l'objet d'une nouvelle décision de prise en charge de maladie professionnelle, de sorte que la décision du 12 juin 2014 prenant en charge cette affection sur le fondement du tableau n° 30 A était infondée et inopposable à la société Ferro France ; qu'en énonçant, pour déclarer cette décision opposable à l'employeur, que la décision de prise en charge de la rechute aurait porté sur les plaques pleurales, sans caractériser l'existence d'un quelconque fait pathologique nouveau nécessitant un traitement médical par rapport à la maladie professionnelle prise en charge antérieurement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 443-1, L. 443-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale.