LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Perpignan, 24 janvier 2017), rendu en dernier ressort, que, par décision du 19 mars 2015, le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales a infligé à Mme X..., infirmière libérale, une pénalité financière d'un montant de 1 543 euros, au motif que celle-ci avait commis une fraude en procédant à la facturation d'actes non réalisés ; que l'intéressée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi incident, tel que reproduit en annexe, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 162-1-14, VII, devenu L. 114-17-1, VII du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte qu'en cas de fraude imputable à un professionnel de santé, le montant de la pénalité financière prononcée par le directeur de l'organisme d'assurance maladie ne peut excéder, lorsqu'elles sont déterminées ou clairement déterminables, le double des sommes concernées, sans pouvoir être inférieur à la moitié du plafond mensuel de la sécurité sociale ;
Attendu que pour réduire la pénalité à la somme de 216 euros après l'avoir confirmée en son principe à raison de la fraude commise par Mme X..., le jugement relève que les paragraphes VII, 2° et VII, 3° de l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale apparaissent contradictoires puisque le plafond déterminé par le premier paragraphe aboutit à un montant bien inférieur à celui du plancher déterminé par le second, et qu'il convient d'appliquer le premier, plus favorable à la personne sanctionnée ;
Qu'en statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme en son principe la pénalité infligée à Mme X... par le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales, le jugement rendu le 24 janvier 2017, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Perpignan ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Montpellier ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales (demanderesse au pourvoi principal).
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR dit que la pénalité infligée à Mme X... par le directeur de la CPAM des Pyrénées-Orientales ne pouvait excéder le montant de 216 euros et d'AVOIR condamné en conséquence Mme X... à payer la somme de 216 euros à la CPAM des Pyrénées-Orientales.
AUX MOTIFS QUE Mme X..., infirmière libérale, conteste une pénalité infligée par le directeur de la caisse primaire par décision du 19 mars 2015, rendue au via des articles L. 162-1-14 et R. 147-2 du code de la sécurité sociale ; que l'article L. 162-1-14, devenu L. 114-17-1, à compter du 1er janvier 2016, dispose que le directeur de l'organisme social peut : - soit décider de ne pas poursuivre la procédure, - soit notifier un avertissement à l'intéressé, -soit saisir la commission mentionnée au V de cet article (commission constituée au sein du conseil d'administration de l'organisme local d'assurance-maladie) ; qu'en l'espèce ladite commission n'a pas été consultée par le directeur de la caisse primaire ; que toutefois, l'article L. 114-17-1-VII dispose qu'en cas de fraude établie dans les cas définis par voie réglementaire, le directeur de l'organisme local peut prononcer une pénalité sans solliciter l'avis de ladite commission ; que tel est le cas en l'espèce puisque le directeur de l'organisme invoque l'existence d'une fraude ; que Mme X... a réglé à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 108 euros correspondant à des prestations indument facturées ; qu'elle a donc reconnu, par son paiement, l'existence de l'indu ; que cet indu résulte de la facturation de prestations infirmières se rapportant à des jours où elles n'ont pas été dispensées ; que l'établissement d'une facturation pour ces soins fictifs procède nécessairement d'une altération de la vérité au sens de l'article R. 147-11 du code de la sécurité sociale ; que l'argument de Mme X... selon lequel elle remplirait à l'avance son planning et omettrait par la suite de le rectifier pour tenir compte des prestations annulées n'est donc pas recevable compte tenu du nombre de prestations indument facturées pour la même assurée dans un délai de six mois ; que le caractère répété de ces anomalies de facturation apparaît en effet peu compatible avec un simple oubli ; que dans ces conditions le directeur de l'organisme est donc bien fondé à considérer qu'il s'agit d'une fraude au sens de l'article R. 147-11 ; que s'agissant du montant de la pénalité ; que Mme X... soutient que l'article L. 114-17-1 apparait contradictoire dans la mesure où il indique dans son paragraphe VII-3° que la pénalité ne peut être inférieure à la moitié du plafond de la sécurité sociale pour les professionnels de santé, alors que le paragraphe VII-2° indique que les plafonds prévus au premier alinéa du III sont portés respectivement à 200% et quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale ; qu'effectivement, ces deux paragraphes apparaissent contradictoires puisque le plafond de la pénalité tel que déterminé par le paragraphe VII-2° (200% de la somme concernée lorsque celle-ci – comme c'est le cas en l'espèce – est déterminable) aboutit à un montant bien inférieur à celui du plancher institué par le paragraphe suivant ; qu'en égard à cette contradiction, il y a lieu d'applique ce texte dans le sens le plus favorable à la personne sanctionnée, et de considérer que la pénalité ne peut excéder 200% de la somme indûment facturée, soit 216 € en l'espèce (108€ x 2) ; que dans ces conditions, il y a lieu de condamner Mme X... à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales la somme de 216€ à titre de pénalité ; qu'enfin, il n'apparait pas équitable de condamner Mme X... à payer une somme quelconque sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, son recours étant partiellement fondé.
1° - ALORS QU'il résulte du paragraphe VII-2° de l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale, devenu l'article L. 114-17-1 du même code, qu'en cas de fraude établie, le plafond de la pénalité est porté à 200% des sommes concernées ; que le paragraphe VII-3° du même article dispose cependant que la pénalité prononcée ne peut être inférieure à la moitié du plafond mensuel de la sécurité sociale s'agissant des professionnels de santé ; qu'il se déduit de la combinaison de ces deux paragraphes que lorsque le montant de la pénalité plafond prévu au paragraphe VII-2°, correspondant à 200% des sommes concernées, est inférieur au montant de la pénalité plancher prévue au paragraphe VII-3°, correspondant la moitié du plafond mensuel de la sécurité sociale, c'est la pénalité plancher qui doit s'appliquer; qu'en jugeant en l'espèce que ces deux paragraphes seraient contradictoires au prétexte le plafond de pénalité déterminé par le paragraphe VII-2° (200% de la somme concernée) aboutissait à un montant de 216 euros, inférieur à celui du plancher institué au paragraphe VII-3°, puis en jugeant qu'en égard à cette contradiction, la pénalité de la professionnelle de santé ayant commis une fraude ne pouvait excéder 200% des sommes concernées, soit 216 euros, le tribunal qui n'a pas fait application de la pénalité plancher obligatoire a violé l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale, devenu l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale.
2° - ALORS subsidiairement QU'il ne résulte d'aucune disposition, ni d'aucun principe en droit de la sécurité sociale, que les dispositions légales fixant le montant des pénalités infligées par un organisme de sécurité sociale doivent s'interpréter, en cas de contradiction, en faveur de la personne sanctionnée ; qu'en jugeant qu'en égard à la contradiction entre les paragraphes VII-2° et VII-3° de l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale, il y avait lieu d'appliquer ce texte dans le sens le plus favorable à la personne sanctionnée, le tribunal a violé l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale. Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour Mme X... (demanderesse au pourvoi incident).
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'avoir confirmé en son principe la pénalité infligée à Mme X... par le directeur de la CPAM des Pyrénées-Orientales ;
AUX MOTIFS QUE Mme X... a réglé à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 108 € correspondant à des prestations indument facturées ; qu'elle a donc reconnu, par son paiement, l'existence d'un indu ; que cet indu résulte de la facturation de prestations d'infirmières se rapportant à des jours où elle n'ont pas été dispensées ; que l'établissement d'une facturation pour ces soins fictifs procède nécessairement d'une altération de la vérité au sens de l'article R. 147-11 du code de la sécurité sociale ; que l'argument de Mme X... selon lequel elle remplirait à l'avance son planning et omettrait par la suite de le rectifier pour tenir compte de prestations annulées n'est pas recevable compte tenu du nombre de prestations indument facturées pour la même assurée dans un délai de six mois ; que le caractère répété de ces anomalies de facturation apparait en effet peu compatible avec un simple oubli ; que dans ces conditions le directeur de l'organisme est donc bien fondé à considérer qu'il s'agit d'une fraude au sens de l'article R. 147-11 ;
1°) ALORS QUE la fraude suppose un élément intentionnel ; que dès lors, en se bornant à relever, pour retenir l'existence d'une fraude au sens de l'article R. 147-11 du code de la sécurité sociale, le caractère indu des prestations facturées par l'infirmière à hauteur de la somme de 108 €, sans constater l'intention de frauder de cette professionnelle de santé, le tribunal des affaires de sécurité sociale a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard du texte susvisé ;
2°) ALORS QUE sont qualifiés de fraude, pour l'application de l'article L. 162-1-14 [devenu l'article L.114-17-1], les faits commis dans le but d'obtenir ou de faire obtenir un avantage ou le bénéfice d'une prestation injustifiée au préjudice d'un organisme d'assurance maladie (
) lorsque aura été constatée 1° L'établissement ou l'usage de faux, la notion de faux appliquée au présent chapitre étant caractérisée par toute altération de la vérité sur toute pièce justificative, ordonnance, feuille de soins ou autre support de facturation, attestation ou certificat, déclaration d'accident du travail ou de trajet, sous forme écrite ou électronique, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de permettre l'obtention de l'avantage ou de la prestation en cause ; qu'il suit de là qu'en se bornant à relever, pour retenir l'existence d'une fraude au sens de l'article R. 147-11 du code de la sécurité sociale, que « l'établissement d'une facturation pour ces soins fictifs procède nécessairement d'une altération de la vérité au sens de l'article R. 147-11 du code de la sécurité sociale », sans constater que l'infirmière avait établi ou fait usage de faux au soutien de sa demande de paiement de prestations non réalisés, le tribunal des affaires de sécurité sociale a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article R. 147-11 du code de la sécurité sociale ;
3°) ALORS QU' il appartient à la caisse de sécurité sociale, ayant infligé une pénalité à un professionnel de santé, de démontrer que ce dernier a commis une fraude au sens de l'article R. 147-11 du code de la sécurité sociale ; qu'en l'espèce, pour retenir l'existence d'une fraude, le tribunal des affaires de sécurité sociale, après avoir relevé le caractère indu des prestations facturées par l'infirmière à hauteur de la somme de 108 €, a considéré que les explications apportées par cette dernière pour expliquer les erreurs de facturation n'étaient pas recevables ; qu'en faisant ainsi peser sur la professionnelle de santé la charge de la preuve de l'absence de fraude, le tribunal a manifestement inversé la charge de la preuve en la matière, en violation du texte susvisé ;