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28/03/2018 | FRANCE | N°18-80016

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 mars 2018, 18-80016


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. José Z...                      ,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DIJON, en date du 20 décembre 2017, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de viols et agressions sexuelles aggravés, corruption de mineur et détention de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique, a rejeté sa demande de mise en liberté ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du

14 mars 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale :...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. José Z...                      ,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DIJON, en date du 20 décembre 2017, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de viols et agressions sexuelles aggravés, corruption de mineur et détention de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique, a rejeté sa demande de mise en liberté ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 mars 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme X..., conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller X..., les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Y... ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 137 à 148-2, 367, 591 et 593 du code de procédure pénale,

"en ce que la chambre de l'instruction a rejeté la demande de mise en liberté de M. José Z...                       ;

"aux motifs qu'il résulte de l'arrêt de mise en accusation des charges suffisantes à l'encontre de M. Z...               , ayant justifié son renvoi devant la cour d'assises ; que M. Z...               , nonobstant sa thèse du consentement de la victime, a été condamné à la peine de dix ans de réclusion criminelle, par arrêt du 29 septembre 2017, décision valant titre de détention ; qu'il a interjeté appel de cet arrêt de condamnation ; qu'aux termes de l'article 367 alinéa 2 du code de procédure pénale, qui ne contrevient pas au principe de la présomption d'innocence, s'agissant de la situation de l'accusé durant l'instance d'appel de l'arrêt de la cour d'assises, le titre de détention délivré contre l'accusé continue de produire ses effets jusqu'à ce que la durée de la détention atteigne celle de la peine prononcée, sous réserve du droit de l'accusé de présenter des demandes de mise en liberté ; qu'en l'espèce, la durée de la peine prononcée est très loin d'être atteinte ; qu'il ne peut être soutenu que l'accusé a scrupuleusement respecté ses obligations de contrôle judiciaire ; qu'en effet, si cela est vrai et vérifié jusqu'à l'ordonnance de mise en accusation, tel n'est plus le cas par la suite, dans la mesure où l'association CJSE 21 qui était en charge du contrôle de l'intéressé a cessé de fonctionner quelques jours après ; qu'aucun autre organisme ne s'y est substitué ; qu'ainsi, plus aucun contrôle n'a été effectif durant pratiquement quinze mois de fin juin 2016 jusqu'à la comparution en cour d'assises ; que compte tenu du quantum de la peine encourue qui est de vingt années de réclusion criminelle, de la lourdeur de la peine prononcée, dont l'accusé a désormais pris conscience, du fait que celui -ci est de nationalité étrangère et a conservé des attaches au Portugal, les garanties de représentation de M. Z...                sont désormais insuffisantes à ce stade du processus judiciaire ; que compte-tenu des enjeux pénaux en cours, la détention provisoire de M. Z...                est également toujours nécessaire pour éviter des pressions sur les témoins et sur la partie civile, voire des représailles, qui n'apparaissent nullement théoriques en l'espèce, compte tenu des événements agressifs ayant semble-t-il suivi la condamnation de l'accusé, de la part de son entourage ; que s'il n'en est certes pas directement comptable, il n'en demeure pas moins que ces événements sont révélateurs d'une ambiance extrêmement malsaine et d'un risque non négligeable pour la plaignante, qu'il importe de protéger directement de l'auteur des faits qu'elle dénonce ; que l'expertise psychiatrique du sujet, qui ne nie pas la réalité matérielle des faits mais plaide le consentement de la victime dont il était le beau-père, a mis en avant des éléments d'impulsivité et de nervosité avec un manque de contrôle émotionnel, une difficulté à objectiver son statut d'adulte par rapport à Suzanne A..., alors même qu'elle était mineure de quinze ans par rapport aux premiers faits dénoncés ; que ces éléments sont de nature à faire craindre qu'elle ne soit l'objet de pressions pour revenir sur ses accusations ; que les faits en cause sont de ceux qui occasionnent un trouble durable et toujours actuel à l'ordre public, ne fut-ce que par leur incidence durable sur l'ensemble de la vie familiale des intéressés et sur la psychologie des intéressés ; qu'en dépit des éléments exposés dans la demande de mise en liberté, la détention provisoire reste justifiée, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, comme étant l'unique moyen de parvenir aux objectifs qui viennent d'être énoncés et qui ne pourraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire, une telle mesure ne comportant pas de contrainte suffisante pour prévenir efficacement les risques précités ;

"1°) alors que la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs définis par l'article susvisé et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique ; qu'a méconnu ce principe, la chambre de l'instruction, qui s'est bornée à énoncer que « la détention provisoire reste justifiée, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, comme étant l'unique moyen de parvenir aux objectifs qui viennent d'être énoncés et qui ne pourraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire », sans constater que les objectifs assignés à la détention provisoire ne pouvaient être atteints par une assignation à résidence avec surveillance électronique ;

"2°) alors que le principe de la présomption d'innocence, applicable tant qu'une condamnation définitive n'a pas été prononcée, interdit de soumettre un accusé à toute rigueur non nécessaire pour s'assurer de sa personne ; que n'a pas légalement justifié sa décision la chambre de l'instruction qui a rejeté la demande de mise en liberté de la personne, non condamnée définitivement, aux motifs que les garanties de représentation « sont insuffisantes à ce stade du processus judiciaire », que la détention provisoire est toujours nécessaire pour éviter des pressions sur les témoins et la partie civile et que « les faits en cause sont de ceux qui occasionnent un trouble durable et toujours actuel à l'ordre public, ne fut-ce que par leur incidence durable sur l'ensemble de la vie familiale des intéressés et sur la psychologie des intéressés » ;

3°) alors qu'enfin, n'a pas justifié sa décision la chambre de l'instruction qui a rejeté la demande de mise en liberté de l'accusé aux motifs, radicalement inopérants, que le respect de son contrôle judiciaire « est vrai et vérifié jusqu'à l'ordonnance de mise en accusation » mais « que tel n'est plus le cas par la suite, dans la mesure où l'association CJSE 21 qui était en charge du contrôle de l'intéressé a cessé de fonctionner quelques jours après » et « qu'aucun autre organisme ne s'y est substitué ; qu'ainsi, plus aucun contrôle n'a été effectif durant pratiquement quinze mois de fin juin 2016 jusqu'à la comparution en cour d'assises », cette circonstance ne lui étant aucunement imputable et ne pouvant, par conséquent, être retenue à son encontre" ;

Vu les articles 144 et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que, d'une part, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, d'autre part, la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs définis par l'article 144 du code de procédure pénale et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. Z...                a été condamné le 29 septembre 2017 par arrêt de la cour d'assises de la Côte d'Or, dont il a relevé appel, à dix ans de réclusion criminelle notamment pour viol et agression sexuelle aggravés ; qu'il a présenté le 27 octobre 2017 une demande de mise en liberté devant la chambre de l'instruction ;

Attendu que pour rejeter la demande de mise en liberté présentée par M. Z...               , l'arrêt retient, notamment, l'insuffisance des garanties de représentation de l'accusé qui est de nationalité étrangère, les risques de pression sur les témoins et les victimes, une possible réitération de l'infraction au regard des conclusions de l'expertise psychiatrique qui présente l'intéressé comme impulsif et immature, la persistance du trouble à l'ordre public et le caractère insuffisant d'un placement sous contrôle judiciaire ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans s'expliquer par sur le caractère insuffisant des obligations d'une assignation à résidence avec surveillance électronique, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, en date du 20 décembre 2017, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Besançon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Dijon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit mars deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-80016
Date de la décision : 28/03/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, 20 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 mar. 2018, pourvoi n°18-80016


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:18.80016
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