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28/03/2018 | FRANCE | N°17-19577

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 mars 2018, 17-19577


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu les mémoires des parties ou de leurs mandataires reçus au greffe de la Cour de cassation ;

Sur le moyen unique :

Attendu que la société Sajon fait grief au jugement attaqué (tribunal d'instance d'Angoulème, 31 mai 2017) de rejeter sa demande tendant à voir annuler la désignation de Mme B... comme délégué syndical qui lui a été notifiée par l'Union départementale CGT par lettre recommandée le 27 février 2017, alors, selon le moyen :

1°/ que la désignation d'un salarié en qualitÃ

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu les mémoires des parties ou de leurs mandataires reçus au greffe de la Cour de cassation ;

Sur le moyen unique :

Attendu que la société Sajon fait grief au jugement attaqué (tribunal d'instance d'Angoulème, 31 mai 2017) de rejeter sa demande tendant à voir annuler la désignation de Mme B... comme délégué syndical qui lui a été notifiée par l'Union départementale CGT par lettre recommandée le 27 février 2017, alors, selon le moyen :

1°/ que la désignation d'un salarié en qualité de délégué syndical est frauduleuse dès lors qu'elle vise uniquement à lui conférer la protection liée à ce mandat ; que la preuve du caractère frauduleux d'une désignation n'est pas subordonnée à la condition que cette désignation soit postérieure à la convocation du salarié à un entretien préalable, dès lors que l'intéressé connaissait l'imminence de l'engagement d'une procédure de licenciement à son encontre ; qu'en l'espèce, la société Sajon faisait valoir que, compte tenu de l'altercation qui l'avait opposée quelques jours plus tôt à une cliente du magasin qu'elle avait insultée et menacée de violences physiques en public, Mme B... savait qu'une procédure disciplinaire serait engagée à son encontre ; qu'en retenant, pour dire que la désignation de Mme B... en qualité de déléguée syndicale, notifiée à l'employeur par une lettre postée le lendemain de sa convocation à un entretien préalable, n'était pas frauduleuse, qu'il n'était pas établi que le courrier de désignation ait été établi après que Mme B... se soit vu remettre en main propre sa convocation à un entretien préalable, sans rechercher si la salariée ne savait pas, eu égard à la gravité des faits commis à l'encontre d'une cliente, qu'elle était menacée de licenciement, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2142-1-1 du code du travail ;

2°/ que le mandat de représentant de section syndicale prend fin lors des premières élections professionnelles suivant sa désignation, que le syndicat qui l'a désigné soit ou non reconnu représentatif dans l'entreprise lors de ces élections ; qu'en affirmant, pour retenir que la désignation de Mme B... en qualité de déléguée syndicale ne présentait pas un caractère frauduleux, que son mandat de représentant de section syndicale, dont elle avait été investie par la CGT en février 2016, n'avait pas pris fin automatiquement lors des élections de mai 2016, dès lors que le syndicat CGT était devenu représentatif, et que ce mandat et la protection y attachée étaient toujours en cours le 27 février 2017, lorsque Mme B... a été convoquée à un entretien préalable, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2142-1-1 du code du travail ;

Mais attendu que c'est par une appréciation souveraine que le tribunal d'instance a estimé que la désignation de Mme B... n'était pas frauduleuse, abstraction faite du motif erroné, mais surabondant, visé par la seconde branche du moyen ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Sajon et la condamne à payer à Mme B... et au syndicat Union départementale CGT de la Charente la somme globale de 1 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Sajon

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR rejeté la demande d'annulation de la désignation de Madame B... comme délégué syndical notifiée par l'Union Départementale CGT à la société Sajon par lettre recommandée le 27 février 2017 et d'AVOIR condamné la société Sajon à payer à l'Union départementale CGT de la Charente et Madame B... la somme de 500 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Aux termes des dispositions de l'article L2142-1-1 du code du travail, chaque syndicat qui constitue, conformément à l'article L2142-1, une section syndicale au sein d'une l'entreprise d'au moins 50 salariés peut, s'il n'est pas représentatif dans l'entreprise, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l'entreprise. De plus, aux termes des dispositions de l'article L2143-3 du code du travail, chaque syndicat représentatif ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections peut désigner un ou plusieurs délégués syndicaux pour représenter la section syndicale auprès de l'employeur.

Toutefois, la désignation d'un délégué syndical ou d'un représentant de section syndicale dans le seul but de faire bénéficier les salariés du statut protecteur contre le licenciement découlant de l'article L2411-3 du code du travail doit être annulée. En effet, une telle désignation est frauduleuse lorsqu'elle est réalisée dans l'unique but de s'assurer une protection, sans aucune volonté d'utiliser ce mandat pour exercer une activité en faveur de la communauté des travailleurs. Il en est ainsi de la désignation comme délégué syndical ou représentant de section syndicale d'un salarié n'ayant jamais exercé antérieurement d'activités syndicales représentatives ou d'un salarié ayant adhéré quelques jours avant sa désignation.

En l'espèce, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir que le courrier de désignation de Madame B... comme délégué syndical a été établi par l'union départementale CGT après que la Madame B... se soit vue remettre en main propre sa convocation à un entretien préalable au licenciement l'heure de remise n'étant pas précisée sur ce document.

En tout état de cause, il ressort des pièces versées par la Madame B... qu'elle avait été désignée représentant de section syndicale par la CGT le 29 février 2016 et qu'elle s'était présentée aux élections de la délégation du personnel des 11 et 25 mai 2016 sur la liste CGT. Si le nombre de voix exprimées en sa faveur ne lui a pas permis d'être élue, le quorum n'ayant pas été atteint, il résultait de ce scrutin que la CGT devenait un syndicat représentatif dans l'entreprise.

La SA SAJON considère qu'en application des dispositions de L2142-1 du code du travail, le mandat de Madame B... comme représentant de section syndicale prenait immédiatement fin dès l'issue de ce premier tour de scrutin. Néanmoins, il ressort des dispositions de ce texte que « le mandat du représentant de section syndicale prend fin, à l'issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation, dès lors que le syndicat qui l'a désigné n'est pas reconnu représentatif dans l'entreprise. » Il n'en ressort pas qu'il est mis immédiatement fin aux fonctions de représentant de section syndicale lorsque son syndicat devient à l'issue de ce tour de scrutin représentatif. Il apparaît en effet en ce cas que, aux termes de l'article L2143-3 du code du travail, le syndicat peut désigner un plusieurs délégués syndicaux ayant obtenu personnellement ou sur la liste 10 % des suffrages exprimés.

En tout état de cause, la preuve de ce que l'union départementale CGT de la Charente et Madame A...          considéraient celle-ci comme ne bénéficiant plus d'aucune protection lorsque le courrier la désignant délégué syndical a été adressé à la. SA SAJON n'est pas établie. Il est en revanche établi qu'à la date du 27 février 2017, elle était investie comme représentante de la CGT depuis un an et a dans ce cadre participé au protocole préélectoral.

Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu d'annuler la désignation de Madame B... comme délégué syndical. »

1. ALORS QUE la désignation d'un salarié en qualité de délégué syndical est frauduleuse dès lors qu'elle vise uniquement à lui conférer la protection liée à ce mandat ; que la preuve du caractère frauduleux d'une désignation n'est pas subordonnée à la condition que cette désignation soit postérieure à la convocation du salarié à un entretien préalable, dès lors que l'intéressé connaissait l'imminence de l'engagement d'une procédure de licenciement à son encontre ; qu'en l'espèce, la société Sajon faisait valoir que, compte tenu de l'altercation qui l'avait opposée quelques jours plus tôt à une cliente du magasin qu'elle avait insultée et menacée de violences physiques en public, Madame B... savait qu'une procédure disciplinaire serait engagée à son encontre ; qu'en retenant, pour dire que la désignation de Madame B... en qualité de déléguée syndicale, notifiée à l'employeur par une lettre postée le lendemain de sa convocation à un entretien préalable, n'était pas frauduleuse, qu'il n'était pas établi que le courrier de désignation ait été établi après que Madame B... se soit vu remettre en main propre sa convocation à un entretien préalable, sans rechercher si la salariée ne savait pas, eu égard à la gravité des faits commis à l'encontre d'une cliente, qu'elle était menacée de licenciement, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2142-1-1 du code du travail ;

2. ALORS QUE le mandat de représentant de section syndicale prend fin lors des premières élections professionnelles suivant sa désignation, que le syndicat qui l'a désigné soit ou non reconnu représentatif dans l'entreprise lors de ces élections ; qu'en affirmant, pour retenir que la désignation de Madame B... en qualité de déléguée syndicale ne présentait pas un caractère frauduleux, que son mandat de représentant de section syndicale, dont elle avait été investie par la CGT en février 2016, n'avait pas pris fin automatiquement lors des élections de mai 2016, dès lors que le syndicat CGT était devenu représentatif, et que ce mandat et la protection y attachée étaient toujours en cours le 27 février 2017, lorsque Madame B... a été convoquée à un entretien préalable, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2142-1-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-19577
Date de la décision : 28/03/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance d'Angoulême, 31 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 mar. 2018, pourvoi n°17-19577


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.19577
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