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28/03/2018 | FRANCE | N°16-26788

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 mars 2018, 16-26788


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Caen, 30 septembre 2016), que Mme Y..., engagée en 1996 comme aide-comptable par la société Agence française de vente du pur sang, aux droits de laquelle vient la SAS Arqana, a été licenciée pour faute grave le 18 février 2014, l'employeur lui reprochant notamment d'avoir harcelé une de ses collègues ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée diverses sommes à titre de rappel de salaire pour la

période de mise à pied conservatoire, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnit...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Caen, 30 septembre 2016), que Mme Y..., engagée en 1996 comme aide-comptable par la société Agence française de vente du pur sang, aux droits de laquelle vient la SAS Arqana, a été licenciée pour faute grave le 18 février 2014, l'employeur lui reprochant notamment d'avoir harcelé une de ses collègues ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée diverses sommes à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ qu''aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et que l'employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral et notamment licencier le salarié ayant procédé à de tels actes ; qu'en relevant qu'à compter du mois de janvier 2014, deux collègues de Mme B... avaient constaté une dégradation de la situation et que Mme Y... avait commis des fautes en refusant de communiquer avec Mme B... en janvier 2014 et en l'insultant le 30 janvier, et en décidant néanmoins que ces faits ne caractérisaient pas un harcèlement moral, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 1152-5, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

2°/ que l'employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral et notamment licencier le salarié harceleur ; qu'en constatant, d'une part, que Mmes C... et D..., collègues de Mmes Y... et B..., indiquaient que Mme Y... se plaignait de manière répétée de l'incompétence et de la « nullité » de Mme B... et qu'elles avaient relevé, à compter du début du mois de janvier 2014, une dégradation de l'état de santé de Mme B..., laquelle précisait « qu'elle n'en pouvait plus de cette situation », et d'autre part, que M. E..., chef comptable supérieur des deux intéressées, avait alerté sa hiérarchie en considérant que la situation relevait du harcèlement moral puisque Mme Y... exigeait que Mme B... ne lui adresse plus la parole et que Mme B... était déjà arrivée en pleurs dans son bureau, et enfin qu'un arrêt de travail pour maladie, fondé sur un « état anxio dépressif lié à harcèlement au travail », avait été prescrit à Mme B... le 31 janvier 2014 jusqu'au 14 février, et en décidant néanmoins que les fautes commises par Mme Y... ne caractérisaient pas un harcèlement moral et ne justifiaient pas une mesure de licenciement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 1152-5, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3°/ que la production par Mme B... d'un arrêt de travail pour maladie du 31 janvier 2014 jusqu'au 14 février 2014, fondé sur un « état anxio dépressif lié à harcèlement au travail », constituait un fait permettant de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il lui était demandé, si cet élément n'était pas de nature à établir l'existence d'un harcèlement moral subi par Mme B..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1152-1, L. 1154-1, L. 1152-4, L. 1152-5, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;

4°/ que l'employeur a une obligation de sécurité et de protection de la santé des travailleurs qui lui impose de licencier un salarié dont le comportement est préjudiciable aux conditions de travail et à la santé d'autres salariés ; qu'en constatant que Mme Y... avait commis des fautes en refusant de communiquer avec Mme B... et en l'insultant, et en décidant néanmoins que ce comportement ne justifiait pas un licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1, L. 4121-2, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

Mais attendu d'abord que les dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail ne sont pas applicables lorsque survient un litige relatif à la mise en cause d'un salarié auquel sont reprochés des agissements de harcèlement moral ;

Attendu ensuite que c'est par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a estimé que le harcèlement moral imputé à la salariée n'était pas établi et, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail s'agissant des autres faits, que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Arqana aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Arqana et la condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Arqana.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Arqana à verser à Mme Y... les sommes de 1.096,40 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, outre 109,64 euros bruts au titre des congés payés afférents, 4.891,06 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 489,11 euros à titre de congés payés afférents, 4.401,95 euros à titre d'indemnité de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2014 et 28.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision ;

AUX MOTIFS QUE Mme Y... a été licenciée pour harcèlement moral à l'encontre de sa collègue Mme B... ; qu'elle conteste la réalité de ce grief ; qu'il incombe à la SAS Arqana de prouver la réalité des faits, leur caractère fautif, et suffisamment sérieux pour justifier un licenciement et, pour établir le bien-fondé d'un licenciement pour faute grave, la nécessité de rompre immédiatement le contrat de travail ; que la SAS Arena produit quatre attestations : - Mme B... fait état d'une réticence de Mme Y... à lui donner des informations lors de son arrivée dans l'entreprise au printemps 2013 ; qu'elle indique avoir noté un changement d'attitude de Mme Y... à son égard le 18/12/2013, celle-ci lui reprochant de ne pas lui avoir donné en temps utile le « coup de main » qu'elle demandait ; qu'elle ne précise pas en quoi a constitué ce changement d'attitude ; qu'en janvier 2014, elle indique que la « situation s'est encore dégradée », Mme Y... se refusant à toute communication personnelle et professionnelle, ne lui disant plus bonjour et dénigrant son travail ; que le 30/1, suite à une demande de sa part, Mme Y... lui a répondu : « ferme ta gueule sale conne je t'ai déjà dit de ne plus me parler » ; qu'un arrêt de travail lui a été délivré le 31/1 jusqu'au 14/2/2014 faisant état d'un « état anxio dépressif lié à harcèlement moral au travail » ; - Mme C... et Mme D... collègues des deux salariées, indiquent que rapidement après l'arrivée de Mme B..., Mme Y... s'est, de manière répétée, plainte auprès d'elles et « à qui voulait bien l'entendre » de l'incompétence de Mme B..., de sa « nullité » ; qu'elles indiquent : l'une avoir constaté à compter de début janvier 2014 une dégradation de l'état de santé de Mme B... et avoir recueilli ses plaintes celle-ci disant « qu'elle n'en pouvait plus de cette situation », l'autre l'avoir trouvé « bien triste » quand elle la croisait dans les couloirs ; que Mme C... atteste avoir entendu les insultes proférées le 30/1 par Mme Y... ; que M. E..., chef comptable supérieur des deux salariées en cause qui a alerté sa hiérarchie et suscité sa réaction en considérant que la situation relevait du harcèlement moral écrit que Mme Y..., depuis l'embauche de Mme B..., venait régulièrement le voir pour se plaindre des erreurs commises par cette dernière alors que selon lui qu'elle « ne faisait pas tant d'erreurs que ça » ; que le 24/1/2014, Mme B... est arrivée en pleurs dans son bureau; il indique avoir organisé une réunion à trois avec les deux salariées à laquelle il a mis fin devant « la réaction verbalement agressive de Mme Y... » en demandant aux deux salariées de se respecter mutuellement ; que le 28/1/2014, Mme B... « visiblement perturbée » lui a confié que Mme Y... lui avait demandé de ne plus lui adresser la parole ; que le 31/1/2014 -en fait le 30/1-, Mme B... lui a fait part de l'insulte dont elle avait été victime et au vu de son état physique il lui a dit de rentrer chez elle et de consulter un médecin ; que la SAS Arqana mentionne dans la lettre de licenciement une enquête interne qu'elle aurait réalisée mais n'apporte aucun élément sur ce point ; qu'il ressort de ces différents éléments que Mme Y... n'a pas fait preuve d'une particulière bonne volonté pour intégrer Mme B... à son arrivée et s'est largement plainte de son incompétence notamment auprès de sa hiérarchie ; que ces doléances, au vu de l'attestation de M. E..., n'apparaissent pas totalement injustifiées ; qu'en toute hypothèse, il ressort de l'attestation de Mme B... qu'elle n'a pas eu connaissance de ces critiques jusqu'en janvier 2014 ; que pour indélicate qu'elle puisse être, la remise en cause de la compétence des collègues est une pratique courante dans les relations de travail et ne caractérise pas une faute ; que Mme B... se plaint de l'attitude de Mme Y... à compter du 18/12/2013 sans caractériser celle-ci ; qu'elle formule des griefs précis à compter de janvier 2014, date à laquelle deux de ses collègues ont également constaté une dégradation de la situation ; qu'à compter de janvier 2014, il ressort des attestations produites que Mme Y... a fait montre d'hostilité à l'égard de Mme B... en se refusant à communiquer avec elle et reconnaît l'avoir insultée le 30/1/2014 ; que l'existence d'une mésentente ouverte entre collègues même accompagnée d'un refus de communiquer de l'un des deux ne caractérise pas en soi un harcèlement et il appartient dans cette hypothèse à la hiérarchie de comprendre les raisons du conflit et de tenter de le résoudre notamment en éloignant les salariés l'une de l'autre ; que tel n'a pas été le cas ; qu'en effet, le supérieur s'est contenté de recevoir les deux protagonistes et a clôturé la réunion par une préconisation vague de « respect mutuel », les deux salariées retournant effectuer leur tâches habituelles dans leur bureau commun ; que dans sa lettre de licenciement, la SAS Arena fait état d'un second entretien du président du directoire -signataire de la lettre de licenciement- avec chacune des salariées le 29/1 au cours duquel des remontrances ont été adressées à Mme Y... à raison de son attitude ; qu'il n'a pas non plus été évoqué à cette occasion de modification d'organisation du service alors même que cette possibilité était a priori possible au vu des effectifs (5 salariés au service comptabilité selon les écrits non contestés de Mme Y...) ; qu'en conséquence, Mme Y... a commis des fautes en refusant de communiquer avec Mme B... en janvier 2014 et en l'insultant le 30/1 mais ces fautes ne caractérisent pas un harcèlement moral ; que si ces faits, notamment le dernier, justifiaient une sanction, le licenciement constitue une sanction disproportionnée spécialement pour une salariée ayant plus de 17 ans d'ancienneté ; que le licenciement intervenu dans ces conditions sans que la hiérarchie n'ait, au préalable, fait le moindre effort pour éloigner les deux salariées l'une de l'autre, est en conséquence sans cause réelle et sérieuse ; que Mme Y... est fondée à obtenir le paiement de la période de mise à pied conservatoire et des indemnités de rupture ; que les montants réclamés non contestés seront alloués à Mme Y... ; que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 27/2/2014, date de réception par la SAS Arqana de sa convocation devant le bureau de conciliation ;

1°) ALORS QU' aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et que l'employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral et notamment licencier le salarié ayant procédé à de tels actes ; qu'en relevant qu'à compter du mois de janvier 2014, deux collègues de Mme B... avaient constaté une dégradation de la situation et que Mme. Y... avait commis des fautes en refusant de communiquer avec Mme B... en janvier 2014 et en l'insultant le 30 janvier, et en décidant néanmoins que ces faits ne caractérisaient pas un harcèlement moral, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-4, L.1152-5, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

2°) ALORS QUE l'employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral et notamment licencier le salarié harceleur ; qu'en constatant, d'une part, que Mmes C... et D..., collègues de Mmes Y... et B..., indiquaient que Mme Y... se plaignait de manière répétée de l'incompétence et de la « nullité » de Mme B... et qu'elles avaient relevé, à compter du début du mois de janvier 2014, une dégradation de l'état de santé de Mme B..., laquelle précisait « qu'elle n'en pouvait plus de cette situation », et d'autre part, que M. E..., chef comptable supérieur des deux intéressées, avait alerté sa hiérarchie en considérant que la situation relevait du harcèlement moral puisque Mme Y... exigeait que Mme B... ne lui adresse plus la parole et que Mme B... était déjà arrivée en pleurs dans son bureau , et enfin qu'un arrêt de travail pour maladie, fondé sur un « état anxio dépressif lié à harcèlement au travail », avait été prescrit à Mme B... le 31 janvier 2014 jusqu'au 14 février, et en décidant néanmoins que les fautes commises par Mme Y... ne caractérisaient pas un harcèlement moral et ne justifiaient pas une mesure de licenciement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-4, L.1152-5, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3°) ALORS QUE la production par Mme B... d'un arrêt de travail pour maladie du 31 janvier 2014 jusqu'au 14 février 2014, fondé sur un « état anxio dépressif lié à harcèlement au travail », constituait un fait permettant de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il lui était demandé, si cet élément n'était pas de nature à établir l'existence d'un harcèlement moral subi par Mme B..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1152-1, 1154-1, L. 1152-4, L. 1152-5, L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail ;

4°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'employeur a une obligation de sécurité et de protection de la santé des travailleurs qui lui impose de licencier un salarié dont le comportement est préjudiciable aux conditions de travail et à la santé d'autres salariés ; qu'en constatant que Mme Y... avait commis des fautes en refusant de communiquer avec Mme B... et en l'insultant, et en décidant néanmoins que ce comportement ne justifiait pas un licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1, L.4121-2, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-26788
Date de la décision : 28/03/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 30 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 mar. 2018, pourvoi n°16-26788


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.26788
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