LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 19 juillet 2016), qu'engagée le 18 janvier 2010 en qualité de commerciale par la société L'agence qui exerçait une activité d'agence immobilière, Mme Y... a été licenciée pour motif économique le 9 février 2012 ; que soutenant que son contrat de travail aurait dû être transféré par application de l'article L. 1224-1 du code du travail à la société 3 rivières, à laquelle avait été cédé le droit au bail de l'agence, elle a saisi la juridiction prud'homale ; que la société l'Agence a été placée en redressement judiciaire le 18 juin 2014, converti en liquidation judiciaire le 30 juillet 2014, M. Z..., étant désigné en qualité de liquidateur ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étaient pas applicables, de mettre hors de cause la société 3 rivières, de fixer les dommages-intérêts en seule considération de l'absence de réalité et de sérieux de la cause économique de son licenciement et de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier sur le fondement de l'article 1382 du code civil, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001 et dont les dispositions sont d'ordre public, s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que la cour d'appel, qui constate que la même activité d'agence immobilière s'est poursuivie dans les locaux cédés avec le mobilier laissé par le cédant et que certains clients du cédant sont devenus peu de temps après la cession du droit de bail les clients du cessionnaire mais qui juge que tous ces éléments seraient insuffisants pour caractériser le transfert d'une entité économique autonome ayant conservé son identité, ne tire pas de ses constatations les conséquences légales qui s'imposent en violation de l'article L. 1224-1 du code du travail ;
2°/ que l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001 et dont les dispositions sont d'ordre public, s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que tel est le cas de la reprise d'une entité exploitant une agence immobilière, peu important le fait que le repreneur utilise des logiciels informatiques fournis par le groupe auquel il appartient ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;
3°/ que l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001 et dont les dispositions sont d'ordre public, s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que la reprise d'une agence immobilière, dans les mêmes locaux et meubles caractérise la reprise des moyens significatifs et nécessaires à l'exploitation d'une telle entité ; qu'en jugeant le contraire la cour d'appel a derechef violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;
Mais attendu que sous le couvert du grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par laquelle la cour d'appel a constaté l'absence de cession de clientèle et de tout transfert d'éléments corporels significatifs nécessaires à l'exploitation de l'activité d'agence immobilière ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Alain Bénabent , avocat aux Conseils, pour Mme Y....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que les dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail n'étaient pas applicables et d'avoir, en conséquence, mis hors de cause la société 3 Rivières, d'avoir fixé les dommages-intérêts de Mme Y... en seule considération de l'absence de réalité et de sérieux de la cause économique de son licenciement et d'avoir débouté Mme Y... de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
AUX MOTIFS QUE « (
) Sur l'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail
Que l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n°2001/23/CE du 12 mars 2001, ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre ; que le transfert d'une telle entité ne s'opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant ;
Qu'en l'espèce, l'acte de cession de bail entre la société L'Agence et la société 3 Rivières conclu le 28 février 2012 exclut expressément de la cession, la clientèle du cédant et l'enseigne « L'Agence » ;
Qu'en son article 7, il prévoit que « (
) la cession du seul droit au bail objet des présentes ne pouvant, en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail et en l'absence de transfert de la clientèle, des moyens et éléments d'exploitation du Cédant, constituer un transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et poursuivant son activité propre » ; qu'en son article 8, il ajoute : « Les parties affirment qu'elles entendent par les présentes céder un droit au bail et en aucun cas un fonds de commerce, le Cédant ne transférant aucune clientèle au Cessionnaire. Néanmoins, si les dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail étaient par extraordinaire considérées comme applicables à la cession de droit au bail objet des présentes, le Cédant s'engage à garantir intégralement le Cessionnaire des conséquences de son action, quels qu'en pourraient être les motifs et la nature, qui serait intentée contre lui par tout salarié du Cédant. (
) » ;
Que contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, ces clauses ne caractérisent pas une volonté délibérée de faire obstacle aux dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail ;
Qu'il est établi que la société 3 Rivières a continué une activité similaire d'agence immobilière dans les locaux cédés ;
Qu'il résulte également des attestations produites par la salariée que si, le bail mentionnait que le cessionnaire prendrait les locaux vides de tout mobilier et agencement, du mobilier laissé sur place par le cédant a été utilisé par la société 3 Rivières ;
Que cependant, il n'est caractérisé aucune cession de clientèle au regard des registres de mandats des deux sociétés ; que le seul fait que 4 clients de L'Agence soient devenus, postérieurement à la cession du droit au bail, dans le courant des années 2012 et 2013, clients de la société 3 Rivières est insuffisant pour caractériser la reprise de la clientèle, au regard du nombre de mandats que les deux agences immobilières dont il s'agit détenaient respectivement ainsi que des conditions d'exercice de leur activité ; que la société 3 Rivières avait une clientèle propre et n'a pas repris celle de la société L'Agence ;
Qu'aucun membre du personnel de la société L'Agence n'a été repris ou n'est passé au service de la société 3 Rivières ;
Qu'il n'est pas fourni d'éléments sur les conditions dans lesquelles la société L'Agence aurait ou non continué son activité ; qu'en effet, si tous les salariés ont été licenciés, l'activité aurait pu être continuée par le seul gérant ; qu'on peut noter en tout état de cause que les déclarations de TVA souscrites à compter du mois de mars 2012 révèlent un chiffre d'affaires égal à zéro ;
Qu'il est établi que la société 3 Rivières, sous l'enseigne Square Habitat, exerce son activité professionnelle avec des procédés d'exploitation spécifiques (logiciel spécifique aux agences immobilières du réseau, offre commerciale unique, échange d'informations entre le réseau Square Habitat et le réseau bancaire du Crédit Agricole, etc
) ;
Qu'en cet état, la seule exploitation d'une activité de même nature dans les mêmes locaux dans lesquels sont restés quelques meubles à la disposition du cessionnaire du bail, et donc sans reprise de moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité, est insuffisant pour caractériser le transfert d'une entité économique autonome ayant conservé son identité au sens de l'article L. 1224-1 du Code du travail, tel qu'interprété à la lumière de la Directive n°2001/23/CE du 12 mars 2001 ;
Que le jugement, qui a considéré que les dispositions de cet article étaient applicables et que les sociétés 3 Rivières et L'Agence avaient volontairement tenté d'y faire obstacle, sera infirmé ; que la société 3 Rivières sera par conséquent mise hors de cause (
)
Que s'agissant de la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil, toute collusion frauduleuse et volonté délibérée de méconnaître les dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail ayant été écartées, il n'est caractérisé à la charge de l'employeur aucune faute dans la mise en oeuvre du licenciement ayant causé à la salariée un préjudice distinct ;
Que le jugement sera encore infirmé de ce chef (
) » ;
1°ALORS QUE l'article L. 1224-1 du Code du travail, interprété à la lumière de la directive n°2001/23/CE du 12 mars 2001 et dont les dispositions sont d'ordre public, s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que la Cour d'appel, qui constate que la même activité d'agence immobilière s'est poursuivie dans les locaux cédés avec le mobilier laissé par le cédant et que certains clients du cédant sont devenus peu de temps après la cession du droit de bail les clients du cessionnaire mais qui juge que tous ces éléments seraient insuffisants pour caractériser le transfert d'une entité économique autonome ayant conservé son identité, ne tire pas de ses constatations les conséquences légales qui s'imposent en violation de l'article L. 1224-1 du Code du travail ;
2°ALORS QUE l'article L. 1224-1 du Code du travail, interprété à la lumière de la directive n°2001/23/CE du 12 mars 2001 et dont les dispositions sont d'ordre public, s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que tel est le cas de la reprise d'une entité exploitant une agence immobilière, peu important le fait que le repreneur utilise des logiciels informatiques fournis par le groupe auquel il appartient ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du Code du travail ;
3°ALORS QUE l'article L. 1224-1 du Code du travail, interprété à la lumière de la directive n°2001/23/CE du 12 mars 2001 et dont les dispositions sont d'ordre public, s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que la reprise d'une agence immobilière, dans les mêmes locaux et meubles caractérise la reprise des moyens significatifs et nécessaires à l'exploitation d'une telle entité ; qu'en jugeant le contraire la Cour d'appel a derechef violé l'article L. 1224-1 du Code du travail.