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28/03/2018 | FRANCE | N°16-12486

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 mars 2018, 16-12486


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 décembre 2015), que Mme Y... étaient salariée de la société Cep industrie lors de son absorption, le 1er juillet 2011, par la société Bureau Veritas laboratoires (BVL), à laquelle son contrat de travail a été transféré ; qu'à la suite du transfert du service amiante de cette société à la société Eurofins analyses d'amiante Paris (EAAP) le 16 avril 2012, elle a été mutée sur le site des Ulis qu'elle a refusé de rejoindre ; qu'elle a été licenciée le

26 juin 2012 par la société EAAP ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 décembre 2015), que Mme Y... étaient salariée de la société Cep industrie lors de son absorption, le 1er juillet 2011, par la société Bureau Veritas laboratoires (BVL), à laquelle son contrat de travail a été transféré ; qu'à la suite du transfert du service amiante de cette société à la société Eurofins analyses d'amiante Paris (EAAP) le 16 avril 2012, elle a été mutée sur le site des Ulis qu'elle a refusé de rejoindre ; qu'elle a été licenciée le 26 juin 2012 par la société EAAP ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société BVL :

Attendu que la société BVL fait grief à l'arrêt de juger les licenciements sans cause réelle et sérieuse et de la condamner in solidum avec la société EAAP à payer aux salariés des dommages-intérêts à ce titre et pour préjudice moral, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; que le transfert d'une entité économique autonome s'opère quand des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris par un autre exploitant, peu important qu'il poursuive ensuite effectivement ou non l'activité ; qu'en l'espèce, il était constant que la société BVL avait cédé les fonds de commerce « amiante » et « environnement » respectivement aux sociétés Eurofins amiante Paris et Eurofins air Paris, leur transférant ainsi la clientèle attachée à chacun des fonds et le droit de se dire successeur du vendeur auprès de la clientèle, les immobilisations énumérées et valorisées pour chacun des fonds, les contrats en cours afférents, les moyens et équipements techniques afférents à chaque activité, et le personnel spécifique respectivement affecté aux analyses « amiante » et « environnement », outre que les stocks liés aux fonds de commerce avaient fait l'objet d'une vente séparée car assujettis à la TVA ; que la cour d'appel a constaté que la société BVL avait apporté un soutien logistique à la société cessionnaire selon un contrat de prestation en date du 13 avril 2012, et notamment mis à la disposition de cette société ses locaux de Saint-Ouen-l'Aumône jusqu'au 30 juin 2012 dans l'attente que cette dernière trouve des locaux, pour que le transfert des deux activités se déroule effectivement ; qu'il en résulte donc que des moyens corporels et incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation des deux entités avaient été repris par les sociétés Eurofins air Paris et Eurofins amiante Paris dont chacune s'était vue transférer un fonds exploitable au jour de la cession ; qu'en jugeant que les conditions de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étaient pas remplies, au prétexte inopérant que le cessionnaire n'avait pas effectivement poursuivi l'activité transmise après la cession, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ qu'elle soutenait et justifiait par la production des organigrammes que les laboratoires amiante et environnement disposaient chacun d'un responsable d'opération propre ; qu'elle ajoutait qu'ils disposaient d'un personnel spécifique, chaque technicien bénéficiant d'une formation spécifique à l'activité à laquelle il était rattaché, validée par une habilitation nécessaire pour pouvoir réaliser des essais dans le cadre d'un laboratoire accrédité ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était pas justifié par les pièces produites que les activités amiantes et environnement aient correspondu à des activités distinctes l'une de l'autre, gérées de façon indépendante, au motif inopérant qu'elles étaient matériellement réunies en un simple « service » et abritées dans des locaux communs, sans s'expliquer sur l'existence d'un responsable propre et d'un personnel spécialement affecté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

3°/ qu'il était constant que Mme Y... travaillait pour l'activité amiante ; qu'en se fondant sur la circonstance que le responsable d'opérations du service environnement, M. A..., après avoir dans un premier temps été transféré à la société Eurofins [air] Paris, avait été repris par la société BVL selon une convention tripartite en date du 10 mai 2012, la cour d'appel a statué par un motif impropre à exclure le transfert de l'activité environnement et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

4°/ que les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions oralement soutenues, le salarié se bornait à contester l'existence même d'entités économiques autonomes, et non la poursuite effective par les cessionnaires des activités cédées ; qu'en se fondant sur l'absence de poursuite effective de l'activité dans les nouveaux locaux de la société Eurofins aux Ulis en raison de l'absence d'aménagement de ces locaux et de l'absence du matériel nécessaire, pour en déduire l'inapplicabilité de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

5°/ que le juge, qui doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions oralement soutenues, le salarié se bornait à contester l'existence même d'entités économiques autonomes, et non la poursuite effective par les cessionnaires des activités cédées ; qu'en se fondant sur l'absence de poursuite effective de l'activité dans les nouveaux locaux de la société Eurofins aux Ulis en raison de l'absence d'aménagement de ces locaux et de l'absence du matériel nécessaire, pour en déduire l'inapplicabilité de l'article L. 1224-1 du code du travail, sans provoquer les observations des parties sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

6°/ que les juges du fond sont tenus de préciser l'origine des renseignements ayant servi à motiver leur décision ; qu'en affirmant qu'aucun travail n'avait été fourni au salarié lorsqu'il s'était présenté dans les locaux des Ulis le 10 mai 2012, sans préciser d'où elle tirait cette information, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°/ que le juge, tenu d'observer et de faire respecter le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur des documents dont les parties n'ont pas été à même de débattre contradictoirement ; qu'en se fondant sur des attestations de M. B...  C... et de Mme Y... qui n'étaient mentionnées ni dans les conclusions des parties ni dans les bordereaux de communication de pièces, sans vérifier qu'elles avaient été soumises au débat contradictoire, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a retenu que le licenciement de la salariée était dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de la collusion frauduleuse des deux sociétés et de la modification unilatérale des contrats de travail ; que le moyen, en ce qu'il critique des motifs erronés mais surabondants, est inopérant ;

Sur le second moyen du pourvoi principal de la société BVL :

Attendu que la société BVL fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que le cédant d'une entité économique autonome ne peut être condamné in solidum avec le repreneur à réparer le préjudice résultant pour le salarié de la rupture de son contrat par ce dernier qu'en cas de collusion frauduleuse ou s'il a commis une faute à l'origine de ce licenciement ; que le cédant n'est pas tenu d'une obligation d'information individuelle sur les conditions du transfert à l'égard de chacun des salariés et ne peut être tenu pour responsable d'une information insuffisante ou mensongère donnée par le cessionnaire, a fortiori s'il ne disposait pas lui-même de l'information entière et exacte ; qu'en l'espèce, il ressort de l'arrêt que la société BVL avait évoqué devant le comité d'entreprise les difficultés liées à la localisation des activités cédées au sein de la société cessionnaire et la perspective d'un transfert d'activité, sans s'engager sur le lieu de celui-ci ; que la cour d'appel a également constaté que si le cessionnaire avait eu devant le comité d'entreprise un discours tronqué et trompeur sur les conditions réelles de la cession, il n'était pas établi que la société BVL avait une connaissance précise du véritable projet du cessionnaire concernant le nouveau lieu des deux activités cédées ; qu'elle a également relevé que la société BVL avait apporté un soutien logistique au cessionnaire et notamment mis à la disposition de cette société ses locaux de Saint-Ouen-l'Aumône jusqu'au 30 juin 2012 dans l'attente que cette dernière trouve des locaux, pour que le transfert des deux activités se déroule effectivement ; qu'en se bornant ensuite à relever que les salariés avaient été obligés de réclamer à la société cédante des informations sur le sort de leur contrat de travail et sur leurs nouvelles conditions de travail et avaient déploré de ne pas avoir été invités à la réunion relative au transfert des deux services à la société Eurofins, et qu'elle avait omis de prendre en compte, sans raison valable, la candidature de Mme D... comme suppléante dans le 2e collège des délégués du personnel lors des élections du 24 novembre 2011, pour déduire l'existence d'une stratégie mise en place par la société cédante visant à éviter tout recours des salariés protégés et du comité d'entreprise concernant la cession et d'une entente entre les deux sociétés pour distiller une information trouble et inquiétante, voire mensongère pour le personnel à propos d'un projet, en réalité vide, voire fictif, la cour d'appel, qui n'a caractérisé ni une collusion frauduleuse entre le cédant et le cessionnaire ni une faute de la société cédante ayant contribué au licenciement du salarié prononcé par le cessionnaire, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail et de l'article 1147 du code civil ;

2°/ qu'en la condamnant in solidum avec la société Eurofins analyses de l'air Paris à indemniser le préjudice moral subi par le salarié, sans caractériser ni une collusion frauduleuse entre le cédant et le cessionnaire ni une faute du cédant, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail et de l'article 1147 du code civil ;

3°/ que la cassation à intervenir de l'arrêt du 19 mai 2015 concernant Mme D..., visé par la cour d'appel à l'appui de sa décision (pourvoi n° B 15-21.796), entraînera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt, par application de l'article 625 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en affirmant que la société BVL avait engagé sa responsabilité « tant pour la déloyauté et l'insuffisance de l'information dispensée au comité d'entreprise, que par le manque de transparence des conditions du transfert de ses salariés », quand il résultait de ses propres constatations que la société ne connaissait pas le projet du cessionnaire quant à la localisation des activités transférées, de sorte qu'elle n'avait pu être déloyale et ne pouvait se voir reprocher un défaut de transmission d'informations dont elle ne disposait pas, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble l'article 1147 du code civil ;

5°/ que, sauf en cas de collusion frauduleuse, les modifications apportées par le cessionnaire aux contrats de travail des salariés passés à son service, à la suite du changement d'employeur, ne peuvent constituer un manquement du cédant à ses obligations ; que pour condamner in solidum les sociétés cédante et cessionnaire à indemniser le préjudice subi par la salariée pour défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement prononcé par le cessionnaire, la cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que la modification de son lieu de travail opérée postérieurement au transfert constituait une modification de son contrat de travail, que le délai de réflexion laissé aux salariés pour se prononcer sur cette modification avait été très court, qu'il n'était justifié ni par le cédant ni par le cessionnaire d'une étude de poste afin de proposer à la salariée un poste plus près de son domicile correspondant à ses qualifications tandis que des sites correspondant à cette recherche existaient ; qu'en imputant à la société cédante les effets de la modification apportée par le cessionnaire au contrat de travail du salarié passé à son service, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;

6°/ que lorsque le transfert d'une entité économique autonome entraîne par lui-même une modification du contrat de travail du salarié autre que le changement d'employeur et que le cessionnaire n'est pas en mesure de maintenir les conditions antérieures, le refus par le salarié constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en l'espèce, le cessionnaire ne pouvant maintenir le lieu de travail antérieur du salarié, le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse en l'état du refus du salarié du changement de lieu de travail résultant du transfert d'entité économique autonome ; qu'en jugeant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1224-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

7°/ que lorsque le juge prononce une condamnation in solidum, il doit statuer sur la charge des réparations entre les coobligés, si cela lui est demandé ; qu'en jugeant que la société BVL devait être condamnée in solidum avec le repreneur à indemniser le préjudice lié à la rupture du contrat notifiée par ce dernier et le préjudice moral également subi par le salarié, sans déterminer, comme elle y était invitée, la part contributive de chacune dans les dommages subis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1213 du code civil, ensemble les principes régissant l'obligation in solidum ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté, par une appréciation souveraine des éléments de faits et de preuve qui lui étaient soumis, que les deux sociétés s'étaient entendues pour transmettre auprès du personnel une information imprécise et inquiétante, voire mensongère, sur un projet en réalité vide, voire fictif, la cour d'appel, qui a retenu la collusion frauduleuse entre les deux sociétés, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Attendu, ensuite, qu'ayant retenu que la collusion frauduleuse permettait d'échapper à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi en cas de refus du transfert du contrat de travail par les intéressés, qui étaient au moins au nombre de dix salariés, la cour d'appel en a exactement déduit que les sociétés devaient être condamnées in solidum à la réparation du préjudice causé à ces derniers ; que le moyen, irrecevable dans sa dernière branche comme critiquant une omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de la société EAAP :

Attendu que la société EAAP fait grief à l'arrêt de dire les licenciements sans cause réelle et sérieuse et de la condamner in solidum avec la société BVL à payer aux salariés des dommages-intérêts à ce titre et pour préjudice moral, alors, selon le moyen :

1°/ que le changement du lieu de travail d'un salarié n'est constitutif d'une modification du contrat de travail que s'il intervient en dehors du secteur géographique ; que la région parisienne constitue un même secteur géographique indépendamment du temps de trajet entre les deux sites ; que la cour d'appel, qui a constaté que le nouveau lieu de travail du salarié se situait comme l'ancien dans la région parisienne et adopté les motifs du premier juge ayant relevé que le nouveau lieu de travail se situait dans le même secteur géographique que le précédent et qui a décidé que ce changement constituait une modification du contrat de travail que le salarié pouvait refuser, a violé les articles L. 1221-1 et L. 1235-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil ;

2°/ que le secteur géographique dans lequel l'employeur peut modifier le lieu de travail sans modifier le contrat de travail du salarié s'apprécie de manière objective au regard de la situation respective des deux lieux de travail ; que la cour d'appel, qui a retenu que le nouveau lieu de travail se situait comme le précédent dans la région parisienne et dans le même secteur géographique mais que le salarié devait faire quatre heures de trajet par jour et s'il prenait sa voiture, il devrait faire 67 km aller, soit 134 km par jour à des heures de pointes en région parisienne, ce qui occasionnerait un stress important, et un coût d'essence et d'entretien d'automobile, s'est fondée par des motifs subjectifs relatifs à la situation personnelle du salarié, impropres à caractériser la modification du contrat de travail ; et violé les articles L. 1221-1 et L. 1235-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil ;

3°/ que le secteur géographique dans lequel l'employeur peut modifier le lieu de travail sans modifier le contrat de travail du salarié s'apprécie de manière objective au regard de la situation respective des deux lieux de travail ; que la cour d'appel, qui a constaté que le nouveau lieu de travail se situait comme le précédent dans la région parisienne, dans le même secteur géographique, et qui a considéré que la société Eurofins, qui était consciente de l'impact du changement de lieu de travail, avait traité avec mauvaise foi la situation des salariés cédés par la société BVL, s'est fondée sur un élément non objectif et sans lien avec la situation respective des deux lieux de travail ; qu'elle a violé les articles L. 1221-1 et L. 1235-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil ;

4°/ que le changement de lieu de travail dans un même secteur géographique s'analyse en une modification des conditions du contrat de travail qui ne peut être refusé par le salarié à moins qu'il ne justifie de manière concrète que le changement de lieu de travail porte une atteinte excessive dans les conditions de sa vie personnelle et familiale ; que la cour d'appel, qui a considéré que, compte tenu de la durée des trajets, le nouveau lieu de travail constituait une modification du contrat de travail, au regard du nécessaire bouleversement qui serait apporté par le changement que l'employeur prétendait imposer au rythme de la vie personnelle du salarié, mais qui n'a pas constaté les éléments concrets de nature à justifier l'atteinte excessive à la vie personnelle du salarié, n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 1121-1, L. 1221-1 et L. 1235-1 du code du travail et de l'article 1134 du code civil ;

5°/ que lorsque le transfert d'une entité économique autonome entraîne par lui-même une modification du contrat de travail du salarié autre que le changement d'employeur et que le cessionnaire n'est pas en mesure de maintenir les conditions antérieures, le refus du salarié de cette modification constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en l'espèce, la société Eurofins a insisté sur le fait incontesté qu'elle avait été contrainte de trouver de nouveaux locaux adaptés à son activité, si bien que la modification du lieu de travail des salariés était incontournable ; que la cour d'appel, qui a décidé que le licenciement prononcé en raison du refus du salarié du changement du lieu de travail, était sans cause réelle et sérieuse mais sans constater que le cessionnaire était en mesure de maintenir les conditions antérieures, n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 1224-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant préalablement constaté la collusion frauduleuse des deux sociétés ainsi que la poursuite par la société EAAP de l'activité dans les locaux de la société BVL et relevé que ce n'était que postérieurement que la société EAAP avait proposé une modification du lieu de travail, la cour d'appel, qui a retenu que la nouvelle affectation ne se situait pas dans le même secteur géographique que l'ancien, en a exactement déduit que le changement d'affectation des salariés constituait une modification de leur contrat de travail qu'ils n'étaient pas tenus d'accepter ; qu'elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi incident de la société EAAP :

Attendu que la société EAAP fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que le licenciement d'un salarié transféré dans le cadre de la modification juridique de l'employeur par l'entreprise cessionnaire en raison du refus de la modification des conditions de son contrat de travail ne peut être déclaré sans cause réelle et sérieuse au motif d'une prétendue collusion frauduleuse des employeurs cédants et cessionnaires s'il n'est pas justifié que les employeurs ont mis en oeuvre des manoeuvres frauduleuses dans le but de priver les salariés des avantages qu'ils tenaient de leur contrat avant le changement d'employeur et que ces manoeuvres sont à l'origine d'un licenciement injustifié ; que le changement du lieu de travail dans un même secteur géographique ou directement entraîné par le transfert de l'entité économique ne peut être refusé par le salarié, si bien que ce refus constitue une cause directe réelle et sérieuse du licenciement ; que la cour d'appel, qui a décidé que le licenciement du salarié en raison de son refus de modification de son lieu de travail était sans cause réelle et sérieuse en raison d'une collusion frauduleuse des entreprises cédantes et cessionnaires responsables d'une insuffisance d'information sur les conditions de transfert, s'est prononcée par des motifs impropres à établir l'existence de manoeuvres frauduleuses des employeurs à l'origine de son licenciement et a violé l'article 1147 du code civil et l'article L. 1232-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'après avoir retenu que la salariée n'était pas tenue d'accepter la modification de son contrat de travail, la cour d'appel en a exactement déduit que leur licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi incident de la société EAAP :

Attendu que société EAAP fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec la société BVL à payer à la salariée des dommages-intérêts pour préjudice moral, alors, selon le moyen :

1°/ que la radiation erronée d'une salariée de sa mutuelle, dont il est constant qu'elle a été rétablie, ne caractérise pas à elle seule l'existence d'un préjudice moral ; que la cour d'appel, qui a énoncé que cette radiation justifiait l'allocation d'une indemnité au titre du préjudice moral, n'a pas caractérisé ce préjudice et n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 1147 du code civil ;

2°/ qu'aucune obligation d'information individuelle sur les conditions du transfert à l'égard de chacun des salariés concernés n'est due par les employeurs cédant et cessionnaire ; que la cour d'appel, qui a considéré que la collusion dont avaient fait preuve les deux sociétés à l'égard des salariés maintenus dans l'ignorance de leur sort justifiait l'allocation d'une indemnité au titre du préjudice moral, a violé les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et les articles 1134 et 1147 du code civil ;

Mais attendu que le rejet des premier et second moyens du pourvoi principal de la société BVL et des premier et deuxième moyens du pourvoi incident de la société EAAP rend sans portée ce moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société BVL aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société BVL à payer à Mme Y... la somme de 1 000 euros et rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Bureau Veritas laboratoires

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société Bureau veritas laboratoires in solidum avec la société Eurofins analyse de l'amiante Paris à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour préjudice moral une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur le transfert des entités économiques amiante et environnement : Selon l'article L. 1224-1 du code du travail et la jurisprudence, la cession d'une entité économique autonome d'une société (en termes de moyens, de personnels et d'organisation de la production) emporte le transfert à la société cessionnaire de tous les contrats de travail en cours au jour de la cession ; que l'article L. 1224-2 du code du travail dispose que le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification ; que l'article L. 2323-19 du code du travail, enfin, énonce que le comité d'entreprise est informé et consulté sur les modifications de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise, notamment en cas de cession, ainsi que sur les conséquences sociales du projet ; qu'en l'espèce, la cession intervenait dans l'intérêt des deux sociétés, la société Bureau veritas laboratoires estimant nécessaire, sur le plan stratégique, de vendre des activités (amiante et environnement) - pour lesquelles elle était moins concurrentielle que le groupe Eurofins - pour lui permettre de se concentrer sur ses autres activités, tout en récupérant des capitaux pour y investir ; la cession avait pour objectif de donner à Eurofins la place de leader en France pour l'analyse Amiante et Environnement ; qu'il convient d'analyser les conditions de cette cession, sur le plan économique et social, afin de déterminer si le transfert d'une unité économique et sociale a bien eu lieu, et si ces conditions sont de nature à mettre en cause la responsabilité de la société Bureau veritas laboratoires, ce que soutient Mme Y... en invoquant la collusion frauduleuse de cette société avec la société Eurofins ; que cette cession par la société Bureau veritas laboratoires des deux activités amiante et environnement à la société Eurofins a été réalisée le 30 mars 2012, ce qui emportait à compter du 16 avril 2012 le transfert des contrats des salariés concernés (11 contrats au total, 6 du service amiante et 5 pour l'environnement), aux sociétés Eurofins amiante Paris et Eurofins air Paris, filiales spécialement dédiées à cet effet, d'Eurofins ; qu'en définitive, seuls 6 salariés ont été transférés : parmi les quatre autres, trois ne travaillaient pas principalement dans l'activité amiante et une travaillait selon un contrat à durée déterminée échu le 16 mars 2012 ; que si Mme Y... fait observer qu'une partie des salariés étaient polyvalents pour avoir travaillé par le passé dans un autre service, cette polyvalence n'existait pas au moment de la cession, de sorte que le critère de choix des salariés transférés dans le service amiante ne saurait prêter à critique ; que concernant l'activité environnement, qui comportait 8 salariés, seuls 5 ont été finalement transférés ; que les 3 salariés non transférés incluaient un salarié dont le contrat à durée déterminée échu le 13 avril 2012 est sorti des effectifs avant la cession et une salariée dont l'activité principale ne concernait pas l'activité environnement, ce qui ne pose pas difficulté ; qu'en revanche, le responsable d'opérations M. A..., qui a été dans un premier temps transféré, a été "repris" par la société Bureau veritas laboratoires, en accord avec le salarié et la société Eurofins, selon une convention tripartite en date du 10 mai 2012 ; que cet élément permet de remettre en cause l'existence d'un réel transfert de l'activité environnement, qui était privée de son responsable ; qu'il n'est d'ailleurs pas justifié par les pièces produites que les activités amiantes et environnement aient correspondu à des activités distinctes, l'une de l'autre, gérées de façon indépendante, alors qu'elles étaient matériellement réunies en un simple « service », abritées dans des locaux communs ; que concernant la poursuite de l'activité transférée, Mme Y... remet en cause la réalité du transfert du matériel de ces deux services cédés (pourtant bien prévu dans le contrats de cession) dans un local qui aurait permis la poursuite des deux activités amiante et environnement et la poursuite d'activité alléguée par le Bureau veritas laboratoires ; que la société Bureau veritas laboratoires a, certes, apporté un soutien logistique à la société Eurofins, par la mise à disposition de ses locaux (loués selon un contrat de bail) de Saint-Ouen-l'Aumône jusqu'au 30 juin 2012, selon un contrat de prestation en date du 13 avril 2012, dans l'attente que cette dernière trouve des locaux, pour que le transfert des deux activités se déroule effectivement ; que l'activité des « salariés transférés », contrairement aux prétentions de Mme Y... a bien cessé, il est vrai, dans les locaux de la société Bureau veritas laboratoires à Saint-Ouen-l'Aumône à compter de la remise de leurs clés et badge soit le 13 avril 2012, et les deux activités cédées n'ont pas perduré sur ce site (l'annonce de recrutement d'un technicien de laboratoire amiante faite en août 2011 ayant été suspendue en novembre 2011), étant établi que les salariés embauchés par la suite par ladite société l'étaient pour le service air ou métallurgie (au vu du Registre Unique du Personnel et des contrats de travail des nouveaux embauchés) ; que toutefois, l'activité des salariés transférés dans les nouveaux locaux de la société Eurofins aux Ulis n'a pas pour autant été effective, en raison de l'absence d'aménagement de ces locaux, et de l'absence du matériel nécessaire avant le 9 mai et après le 4 juin 2012, le matériel ayant transité environ un mois dans les locaux, comme cela résulte de :
- Lors de la visite des locaux sur place le 25 avril 2012, les salariés ont constaté qu'il n'y avait qu'une grande pièce remplie de cartons du sol au plafond et 2 paillasses supportant des ordinateurs, alors que les salariés ayant visité les locaux de la société Eurofins Amiante à Paris ont vu des locaux parfaitement aménagés ;
- l'attestation de M. A..., qui déclare avoir assisté à deux déménagements de matériels, l'un le 9 mai 2012 vers les locaux des Ulis, mais indique que ces locaux étaient déjà occupés par des employés (10), et n'étaient pas préparés à accueillir le matériel de la société Bureau veritas laboratoires car il n'y avait que 3 postes de travail, - l'autre déménagement étant intervenu à partir de fin mai 2012, au cours duquel le matériel des Ulis était transféré dans les locaux de la société Eurofins à Saverne ;
- M. B...  C..., l'un des salariés transférés, s'est présenté le 10 mai 2012 dans les locaux des Ulis et aucun travail ne lui a été fourni ;
- Après la visite collective du 25 avril 2012 des locaux, aux Ulis, certains salariés, dont Mme Y..., vont refuser d'y travailler, compte tenu de l'absence d'aménagement des locaux, du changement des horaires de travail et de l'éloignement géographique, mais, selon leurs attestations, les salariés M. B...  C... et Mme Y... qui se présenteront, ne se verront proposer aucun travail effectif ;
Que cette absence de poursuite effective des activités transférées se traduit également dans la « mise en sommeil » rapide des deux sociétés Eurofins, spécialement créées à l'occasion et pour l'exécution du projet liant les deux sociétés ; que la cession des activités amiante et environnement ne relève, dès lors, pas des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

ET AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : qu'il est certain que le nouveau lieu de travail proposé à Mme Delphine Y... est situé dans le même secteur géographique que le précédent ; mais que pour justifier un tel changement sur ce seul point, il doit également être tenu compte :
- des moyens de transport en commun existants, or, compte tenu des temps d'accès à ceux-ci, de correspondance, et d'accès au nouveau site, le temps de trajet est allongé d'au minimum 4 heures par jour ;
- que les moyens routiers unissant les sites de Saint Ouen l'Aumône et des Ulis (A15, A86, Francilienne) sont parmi les plus encombrés de la région parisienne
- de la situation personnelle du salarié ;
Que Mme Delphine Y... bénéficiait d'un statut de travailleur handicapé qui nécessitait un siège adapté pour réaliser sa mission ; que passer des heures dans le transport lui était d'autant plus difficile comme en atteste la pièce versée aux débats (émise le 25 mai 2012) émanant de son médecin, le Dr E... : « je soussigné certifie qu'en raison de son état de santé, il n'est pas conseillé que Mme Delphine Y... effectue des trajets quotidiens de plus de trente minutes » ; qu'aucun élément n'a été apporté quant au transfert effectif de l'activité, donc de la totalité du matériel antérieurement situé à Saint Ouen l'Aumône, sur le nouveau site des Ulis ; que lors de la réunion du CE du 13 mars 2012, veille de la signature de la cession du secteur amiante de la société Bureau Veritas Laboratoires, un nombre significatif de réponses obtenues de la part des représentants de la société Eurofins Amiante Paris a été : "le projet doit être d'abord défini" (8 réponses sur 23 questions) ; que le délai de réflexion laissé aux salariés a été très court ; qu'aucun élément n'a été présenté par la société Eurofins amiante Paris ou la société Bureau veritas laboratoires donnant à penser qu'il avait été procédé à une étude de poste (les fonctions de Mme Delphine Y... étant certainement compatibles avec d'autres activités des groupes Bureau veritas Laboratoires ou Eurofins) pour proposer à Mme Delphine Y... un poste plus près de son domicile correspondant à ses qualifications, et que des sites correspondants à cette recherche existent bien (Saint Ouen l'Aumône, quai de Valmy à Paris, Argenteuil) pour ne citer que ces 3 lieux ; qu'aucun élément n'a été présenté quant à l'implantation finale du matériel de haute technologie (notamment le MET) utilisé dans les missions de la société Bureau veritas laboratoires avant son transfert à la société Eurofins amiante Paris ; que les locaux soi-disant destinés à accueillir l'activité transférée étaient physiquement incapables d'être en état le 30 juin, date prévue de la libération définitive des locaux de Saint Ouen l'Aumône ; que le déménagement des matériels cédés le 16 avril 2012, ceux-ci devant être partis avant le 30 juin 2012, n'avait pas commencé le 24 mai 2012 comme en fait état Mme Delphine Y... dans son courrier du 24 mai 2012 et comme elle a pu le constater lors de sa prise de fonction le 4 juin 2012 ; qu'aucun matériel n'était présent ; que l'annexe au bilan 2012 de la société Eurofins amiante Paris SAS stipule : « la société Eurofins amiante Paris SAS a été créée le 20 février 2012... la société a acquis un fonds de commerce de la société Bureau veritas laboratoires au mois d'avril puis l'a cédé à la société Eurofins analyse pour l'environnement France au mois d'octobre 2012. A compter de cette date, la société a été mise en sommeil » ; que dans les conclusions déposées par la société Bureau Veritas Laboratoires, il est dit explicitement : "La nature du changement de lieu de travail doit être appréciée au regard de la situation respective des deux lieux de travail, et non de la localisation du domicile du salarié" ; qu'en conséquence de ce qui précède le Conseil dit que le licenciement de Mme Delphine Y... a été prononcé sans cause réelle et sérieuse ;

1. ALORS QU'aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; que le transfert d'une entité économique autonome s'opère quand des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris par un autre exploitant, peu important qu'il poursuive ensuite effectivement ou non l'activité ; qu'en l'espèce, il était constant que la société Bureau veritas laboratoires avait cédé les fonds de commerce « amiante » et « environnement » respectivement aux sociétés Eurofins amiante Paris et Eurofins air Paris, leur transférant ainsi la clientèle attachée à chacun des fonds et le droit de se dire successeur du vendeur auprès de la clientèle, les immobilisations énumérées et valorisées pour chacun des fonds, les contrats en cours afférents, les moyens et équipements techniques afférents à chaque activité, et le personnel spécifique respectivement affecté aux analyses « amiante » et « environnement », outre que les stocks liés aux fonds de commerce avaient fait l'objet d'une vente séparée car assujettis à la TVA ; que la cour d'appel a constaté que la société Bureau veritas laboratoires avait apporté un soutien logistique à la société cessionnaire selon un contrat de prestation en date du 13 avril 2012, et notamment mis à la disposition de cette société ses locaux de Saint-Ouen-l'Aumône jusqu'au 30 juin 2012 dans l'attente que cette dernière trouve des locaux, pour que le transfert des deux activités se déroule effectivement (p. 5, dernier §) ; qu'il en résulte donc que des moyens corporels et incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation des deux entités avaient été repris par les sociétés Eurofins air Paris et Eurofins amiante Paris dont chacune s'était vue transférer un fonds exploitable au jour de la cession ; qu'en jugeant que les conditions de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étaient pas remplies, au prétexte inopérant que le cessionnaire n'avait pas effectivement poursuivi l'activité transmise après la cession, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2. ALORS QUE la société Bureau veritas laboratoires soutenait et justifiait par la production des organigrammes que les laboratoires amiante et environnement disposaient chacun d'un responsable d'opération propre (conclusions d'appel, p. 23-24 et prod. 7 et 8) ; qu'elle ajoutait qu'ils disposaient d'un personnel spécifique, chaque technicien bénéficiant d'une formation spécifique à l'activité à laquelle il était rattaché, validée par une habilitation nécessaire pour pouvoir réaliser des essais dans le cadre d'un laboratoire accrédité (conclusions d'appel, p. 22-23 et 29 ; prod. 9 à 12) ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était pas justifié par les pièces produites que les activités amiantes et environnement, matériellement réunies en un simple « service » et abritées dans des locaux communs, aient correspondu à des activités distinctes l'une de l'autre, gérées de façon indépendante, sans s'expliquer sur l'existence d'un responsable propre et d'un personnel spécialement affecté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

3. ALORS QU'il était constant que Mme Y... travaillait pour l'activité amiante ; qu'en se fondant sur la circonstance que le responsable d'opérations du service environnement, M. A..., après avoir dans un premier temps été transféré à la société Eurofins [air] Paris, avait été repris par la société Bureau veritas laboratoires selon une convention tripartite en date du 10 mai 2012, ce qui selon elle remettait en cause le transfert de l'activité environnement, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a donc privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

4. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions oralement soutenues, la salariée se bornait à contester l'existence même d'entités économiques autonomes, et non la poursuite effective par les cessionnaires des activités cédées (cf. ses conclusions d'appel, p. 12 à 15) ; qu'en se fondant sur l'absence de poursuite effective de l'activité dans les nouveaux locaux de la société Eurofins aux Ulis en raison de l'absence d'aménagement de ces locaux et de l'absence du matériel nécessaire, pour en déduire l'inapplicabilité de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

5. ALORS à tout le moins QUE le juge, qui doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions oralement soutenues, la salariée se bornait à contester l'existence même d'entités économiques autonomes, et non la poursuite effective par les cessionnaires des activités cédées (cf. ses conclusions d'appel, p. 12 à 15) ; qu'en se fondant sur l'absence de poursuite effective de l'activité dans les nouveaux locaux de la société Eurofins aux Ulis en raison de l'absence d'aménagement de ces locaux et de l'absence du matériel nécessaire, pour en déduire l'inapplicabilité de l'article L. 1224-1 du code du travail, sans provoquer les observations des parties sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

6. ALORS QUE les juges du fond sont tenus de préciser l'origine des renseignements ayant servi à motiver leur décision ; qu'en affirmant qu'aucun travail n'avait été fourni à M. B...  C... lorsqu'il s'était présenté dans les locaux des Ulis le 10 mai 2012, sans préciser d'où elle tirait cette information, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7. ALORS QUE le juge, tenu d'observer et de faire respecter le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur des documents dont les parties n'ont pas été à même de débattre contradictoirement ; qu'en se fondant sur des attestations de M. B...  C... et de Mme Y... qui n'étaient mentionnées ni dans les conclusions des parties, ni dans les bordereaux de communication de pièces, sans vérifier qu'elles avaient été soumises au débat contradictoire, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société Bureau veritas laboratoires in solidum avec la société Eurofins analyse de l'amiante Paris à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour préjudice moral une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

AUX MOTIFS PROPRES QUE la société Bureau veritas laboratoires a, certes, apporté un soutien logistique à la société Eurofins, par la mise à disposition de ses locaux (loués selon un contrat de bail) de Saint-Ouen-l'Aumône jusqu'au 30 juin 2012, selon un contrat de prestation en date du 13 avril 2012, dans l'attente que cette dernière trouve des locaux, pour que le transfert des deux activités se déroule effectivement (...) ; que sur la responsabilité des société Bureau veritas laboratoires et Eurofins amiante ou air Paris : si la société Bureau veritas laboratoires a facilité la cession au bénéfice de la société Eurofins, en revanche elle a été bien moins attentive à l'accompagnement de ses propres salariés, qui ont été obligés de réclamer des informations sur le sort de leur contrat de travail et sur leurs nouvelles conditions de travail, en envoyant une lettre datée du 28 février 2012 au directeur général de l'agence M. F... ; qu'en effet, les salariés concernés par la cession n'avaient eu aucune réponse lors de la réunion du 21 février 2012 ; que les salariés ont également déploré, par lettre du 2 mars 2012, de ne pas avoir été invités à la réunion du 8 mars relative au transfert des deux services à la société Eurofins amiante Paris, où seul un délégué du personnel était présent mais non concerné lui-même par le transfert ; que M. F... leur a répondu, par lettre du 8 mars 2012, sur un ton rassurant, puisqu'il indiquait que les modalités des contrats de travail seraient inchangées ; que cette manière de procéder, excluant les salariés concernés d'une réunion importante, est d'autant plus surprenante quand on la confronte aux propos des dirigeants de la société Eurofins amiante Paris lors de la réunion du comité d'entreprise le 13 mars 2012 : « la motivation du personnel influera énormément sur la définition du projet final », « elle désire acheter une activité et des compétences et pas seulement un chiffre d'affaires », ce qui met en évidence le fossé entre le discours et la réalité ; que dans une autre lettre, le 6 mars 2012, les salariés concernés font part à M. F... de leur surprise au sujet de la consigne de ne plus analyser les échantillons à compter du 28 mars 2012, alors qu'il leur avait indiqué ne pas avoir connaissance de la date du transfert de l'activité ; les salariés attiraient son attention sur le stress engendré par l'arrêt de l'activité et la méconnaissance des conditions de transfert ; ils faisaient état des propos de M. F... tenus devant le responsable hiérarchique intermédiaire, à savoir la promesse de primes de départ si les salariés « ne faisaient pas de vagues », ce qui alimentait la suspicion sur l'opération de cession ; que le sort du personnel travaillant dans ces deux secteurs objets de la cession, a été abordé lors des réunions du comité d'entreprise ; qu'il ressort du compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise le 21 février 2012, que le directeur général de la société Bureau veritas laboratoires évoquait les difficultés liées à la localisation de l'activité amiante de la société Eurofins amiante Paris, qui envisageait un transfert des activités vers leurs propres laboratoires à Paris gare de l'Est pour l'activité amiante et à Saverne pour l'activité environnement, avec une possibilité de formation à l'amiante pour les salariés non mobiles ; que ces propos étaient de nature à rassurer le personnel ; que selon le compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise le 13 mars 2012, la société Eurofins amiante Paris vient exposer son histoire et son projet de reprise des deux activités : le problème principal est de trouver un local qui réponde aux contraintes techniques des deux activités et aux contraintes financières, sans exclure de trouver un site proche de Saint-Ouen-l'Aumône, la motivation du personnel étant déterminante pour la définition du projet final ; qu'aux questions posées par le comité d'entreprise de la société Bureau veritas laboratoires aux trois représentants de la société Eurofins amiante Paris (dont M. G... responsable développement acquisition, substituant le directeur général de la branche environnement M. H..., et le responsable du secteur amiante Mme I...), il sera répondu au sujet de l'existence d'accord d'entreprise en cas de mobilité : « le but est de trouver le meilleur projet pour conserver les salariés », mais aucune réponse ne sera donnée sur la question du nombre de postes à pourvoir dans chacun des secteurs cédés, et sur la possibilité de formation en cas de changement de poste, la réponse étant : « le projet doit être d'abord défini » ; que lors du comité d'entreprise, qui s'est tenu en visio-conférence le 17 avril 2012, les membres du comité d'entreprise, qui venaient d'apprendre la décision de transfert des activités aux Ulis, expriment leur colère, se sentant floués par le discours de la société Eurofins amiante Paris lors de la réunion du comité d'entreprise le 13 mars 2012, discours leur laissant croire que les conditions de travail des salariés 'cédés' seraient peu modifiées, notamment quant au lieu de travail ; que la société Eurofins est mal fondée à contester la valeur probante du compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise en date du 13 mars 2012, ce compte-rendu ayant été approuvé par le comité d'entreprise suivant en date du 17 avril 2012, et la société n'ayant pas porté plainte pour faux et usage de faux ; que par ailleurs la société Bureau veritas laboratoires ne remet pas en cause ce compte-rendu du comité d'entreprise du 13 mars 2012, et le prend au contraire à son compte, pour accréditer sa thèse de la bonne information du comité d'entreprise ; que s'il n'est pas établi, en l'absence de tout élément de preuve, que la société Bureau veritas laboratoires avait une connaissance précise du véritable projet de la société Eurofins amiante Paris concernant le nouveau lieu des deux activités cédées, en revanche il est patent que la société Eurofins amiante Paris, lors du comité d'entreprise de la société Bureau veritas laboratoires le 13 mars 2012, a tenu un discours tronqué et trompeur, sur les conditions réelles de la cession des activités, ce qui a permis de rassurer le comité d'entreprise de la société Bureau veritas laboratoires, lequel, s'il a donné un avis négatif sur le projet de cession (estimant que les activités cédées pourraient être rentables avec de l'investissement, et que le projet de cession allait entraîner une perte de compétences humaines et beaucoup de changement pour les salariés), n'a pas déclenché de procédure d'alerte qui aurait retardé la vente ; qu'en effet, dans le compte-rendu du comité d'entreprise du 17 avril 2012, le comité d'entreprise s'exprime ainsi: « sans les fausses informations de M. G..., il est certain qu'une étude approfondie des conséquences sociales du projet aurait dû être menée et aucun avis n'aurait pu être rendu lors du CE du 13 mars 2012 ; notre impression est que les informations amenées par M. G... avaient pour but d'évincer le problème CE et d'éviter que le CE n'exerce son droit d'alerte et ainsi retarde la vente » ; qu'en outre, il est avéré, au vu de l'arrêt de la présente cour en date du 19 mai 2015, versé aux débats, que Mme D..., autre salariée licenciée après la cession, a vu sa candidature comme suppléante dans le 2ième collège des délégués du personnel lors des élections du 24 novembre 2011, non prise en compte pour une raison inconnue, au sujet de laquelle la société Bureau veritas laboratoires n'a apporté aucune explication valable ; que c'est ainsi qu'après la mise à l'écart de la candidature de Mme D..., ne figure, parmi les candidats titulaires et suppléants lors de cette élection, aucun salarié travaillant dans les secteurs amiante et environnement, qui seront effectivement cédés par la suite à la société Eurofins amiante Paris ; qu'ainsi, l'on peut déduire de l'ensemble de ces éléments que la société Bureau veritas laboratoires, qui avait un intérêt à ne pas retarder la vente, a mis en place une stratégie pour éviter tout recours des salariés protégés et du comité d'entreprise concernant la cession ; sa responsabilité peut être engagée, tant pour la déloyauté et l'insuffisance de l'information dispensée au comité d'entreprise, que par le manque de transparence des conditions du transfert de ses salariés qui se sont avérées plus importantes qu'annoncé par la société Bureau veritas laboratoires, ce qui a provoqué le refus des salariés (soit 10 ou 11 salariés finalement transférés) d'accepter ces modifications,7 ayant contesté leur licenciement par la société Eurofins ; que les deux sociétés se sont en définitive liguées pour distiller une information trouble et inquiétante, voire mensongère, pour le personnel, à propos d'un projet, en réalité vide, voire fictif ; leur commun projet concernant, au moins, 10 salariés - dont il modifiait les contrats, comme il sera dit ci-après - aurait dû entraîner, pour l'une ou l'autre des sociétés, - en cas de refus par les intéressés des modifications envisagées - l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi auquel leur collusion leur a permis d'échapper ; que sur le licenciement de Mme Y... : le changement des modalités substantielles du contrat de travail, comme la rémunération, le poste, la répartition des horaires de travail, la durée du travail et le lieu de travail, dans certaines conditions, doivent recueillir l'accord exprès du salarié ; à défaut, le refus de modification ne peut justifier un licenciement pour faute, l'imputabilité de la rupture étant mise à la charge de l'employeur ; que la société Eurofins amiante Paris était parfaitement consciente de l'impact du changement de lieu de travail pour les salariés habitant en région parisienne, puisqu'elle produit un compte-rendu d'une réunion des délégués du personnel d'une des sociétés du groupe Eurofins, la société Eurofins ascal bâtiment Ile-de-France, en date du 13 décembre 2011 (pièce 32), dans lequel il est indiqué au sujet du transfert de son activité située à Argenteuil dans un bâtiment plus grand à Paris, où se situe déjà une autre activité du groupe : « les principales conséquences du déménagement sur les conditions de travail des salariés touchent à l'adaptation des trajets du logement (domicile) au travail, l'emplacement des nouveaux locaux a toutefois été sélectionné de façon à minimiser cet impact, grâce à la proximité immédiate des principaux noeuds de communication franciliens » ; qu'elle ne peut si bien exprimer la problématique du présent dossier, dévoilant elle-même la mauvaise foi avec lequel elle a traité la situation des salariés 'cédés' par la société Bureau veritas laboratoires ; que Mme Y... travaillait lors de son licenciement, avant de refuser la modification de son lieu de travail, à Saint-Ouen-l'Aumône (95) dans le nord de Paris ; le nouveau lieu de travail que lui assignait la société Eurofins [amiante] Paris était situé aux Ulis dans le sud de la capitale ; qu'afin de pouvoir déterminer si ce changement de lieu de travail constitue une modification du contrat de travail, il y a lieu d'évaluer la distance et le temps de trajets entre l'ancien et le nouveau lieu de travail ; que les temps de trajet (1h13 en train et 1h09 en voiture) donnés par la société ne sont pas exacts, puisqu'ils ne prennent pas en compte les adresses exactes des lieux (qui sont situés dans des zones d'activités excentrées et non en centre ville, arrivée à Massy Verrières au lieu des Ulis) ni des heures de pointe ; que Mme Y... donne des éléments plus fiables pour le temps de trajet en transport en commun, soit 1h41 de la gare de Cergy préfecture à la gare des Ulis ; que selon le site de la SNCF, les trajets en transport en commun de l'ancien au nouveau lieu de travail sont exactement les suivants :
- 2h09 pour le trajet le plus rapide, avec 3 changements (marche- bus- train- RER B- bus- marche),
- 2h44 pour le trajet avec moins de correspondances (marche- bus- RER C- bus- marche).
Que les temps de trajets étant multipliés par deux pour la journée, ce qui donne plus de 4 h de trajet par jour ; que si la salariée prend sa voiture, elle devrait faire 67 km aller, soit 134 km par jour, à des heures de pointes en région parisienne, ce qui occasionnerait un stress important, outre un coût en essence et entretien de véhicule ; que le temps de trajet peut être très variable selon le trafic et l'heure, et il est d'autant plus important aux heures de pointe (2h), entre le Nord et le Sud de la région parisienne, où la salariée serait contrainte de circuler ; qu'au vu de ces éléments, il ne peut être considéré que le nouveau lieu de travail ne constituait pas une modification du contrat de travail de Mme Y..., au regard du nécessaire bouleversement qui serait apporté au rythme de la vie personnelle de la salariée, par le changement que l'employeur prétendait ainsi lui imposer ; que le refus de Mme Y... ne constitue nullement un manquement à ses obligations contractuelles et ne peut justifier le licenciement de celle-ci qui s'avère dès lors doublement sans cause, au regard, à la fois, de la collusion des deux sociétés - qui prive la rupture de toute cause réelle et sérieuse - et de la modification unilatérale du contrat de travail qui ne peut fonder le licenciement pour motif personnel prononcé contre le salarié ; que sur ses demandes indemnitaires liées au licenciement sans cause réelle et sérieuse : au vu de l'ancienneté dans l'entreprise (8 ans) de la salariée et du montant de son salaire, la cour prenant également en considération le fait que Mme Y... est demeurée sans emploi jusqu'en 2014, approuve les premiers juges d'avoir évalué à 50 000 euro l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse due par les deux sociétés appelantes à Mme Y..., au titre de la perte de son contrat ; que sur les autres demandes : c'est également à bon droit que Mme Y... demande à être indemnisée du préjudice qu'elle a nécessairement subi à raison des comportements préjudiciables liés à la demande de radiation de sa mutuelle à compter du 1er mai 2012 même si à la demande de l'intéressée son inscription a été rétablie ; que ces agissements, démonstratifs du peu d'intérêt porté à la salariée, justifient l'allocation d'une indemnité au titre du préjudice qu'elle invoque ; qu'en outre, la collusion dont ont fait preuve les deux sociétés appelantes - qui traduit une volonté de méconnaître les droits des salariés - et les modalités de l'organisation matérielle du « transfert des salariés », maintenus dans une ignorance de leur sort caractérisent une atteinte morale portée aux intéressés ; qu'elle constitue un préjudice, distinct de celui réparé ci-dessus par l'indemnité versée au titre de la rupture du contrat de travail, que la cour évalue à 3 000 euro le montant de l'indemnité globale due au titre du préjudice moral de Mme Y... qui doit être indemnisée par les deux appelantes ;

ET AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : qu'il est certain que le nouveau lieu de travail proposé à Mme Delphine Y... est situé dans le même secteur géographique que le précédent ; mais que pour justifier un tel changement sur ce seul point, il doit également être tenu compte :
- des moyens de transport en commun existants, or, compte tenu des temps d'accès à ceux-ci, de correspondance, et d'accès au nouveau site, le temps de trajet est allongé d'au minimum 4 heures par jour ;
- que les moyens routiers unissant les sites de Saint Ouen l'Aumône et des Ulis (A15, A86, Francilienne) sont parmi les plus encombrés de la région parisienne
- de la situation personnelle du salarié ;
Que Mme Delphine Y... bénéficiait d'un statut de travailleur handicapé qui nécessitait un siège adapté pour réaliser sa mission ; que passer des heures dans le transport lui était d'autant plus difficile comme en atteste la pièce versée aux débats (émise le 25 mai 2012) émanant de son médecin, le Dr E... : « je soussigné certifie qu'en raison de son état de santé, il n'est pas conseillé que Mme Delphine Y... effectue des trajets quotidiens de plus de trente minutes » ; qu'aucun élément n'a été apporté quant au transfert effectif de l'activité, donc de la totalité du matériel antérieurement situé à Saint Ouen l'Aumône, sur le nouveau site des Ulis ; que lors de la réunion du CE du 13 mars 2012, veille de la signature de la cession du secteur amiante de la société Bureau Veritas Laboratoires, un nombre significatif de réponses obtenues de la part des représentants de la société Eurofins Amiante Paris a été : "le projet doit être d'abord défini" (8 réponses sur 23 questions) ; que le délai de réflexion laissé aux salariés a été très court ; qu'aucun élément n'a été présenté par la société Eurofins amiante Paris ou la société Bureau veritas laboratoires donnant à penser qu'il avait été procédé à une étude de poste (les fonctions de Mme Delphine Y... étant certainement compatibles avec d'autres activités des groupes Bureau veritas Laboratoires ou Eurofins) pour proposer à Mme Delphine Y... un poste plus près de son domicile correspondant à ses qualifications, et que des sites correspondants à cette recherche existent bien (Saint Ouen l'Aumône, quai de Valmy à Paris, Argenteuil) pour ne citer que ces 3 lieux ; qu'aucun élément n'a été présenté quant à l'implantation finale du matériel de haute technologie (notamment le MET) utilisé dans les missions de la société Bureau veritas laboratoires avant son transfert à la société Eurofins amiante Paris ; que les locaux soi-disant destinés à accueillir l'activité transférée étaient physiquement incapables d'être en état le 30 juin, date prévue de la libération définitive des locaux de Saint Ouen l'Aumône ; que le déménagement des matériels cédés le 16 avril 2012, ceux-ci devant être partis avant le 30 juin 2012, n'avait pas commencé le 24 mai 2012 comme en fait état Mme Delphine Y... dans son courrier du 24 mai 2012 et comme elle a pu le constater lors de sa prise de fonction le 4 juin 2012 ; qu'aucun matériel n'était présent ; que l'annexe au bilan 2012 de la société Eurofins amiante Paris SAS stipule : « la société Eurofins amiante Paris SAS a été créée le 20 février 2012... la société a acquis un fonds de commerce de la société Bureau veritas laboratoires au mois d'avril puis l'a cédé à la société Eurofins analyse pour l'environnement France au mois d'octobre 2012. A compter de cette date, la société a été mise en sommeil » ; que dans les conclusions déposées par la société Bureau Veritas Laboratoires, il est dit explicitement : "La nature du changement de lieu de travail doit être appréciée au regard de la situation respective des deux lieux de travail, et non de la localisation du domicile du salarié" ; qu'en conséquence de ce qui précède le Conseil dit que le licenciement de Mme Delphine Y... a été prononcé sans cause réelle et sérieuse ;

1. ALORS QUE le cédant d'une entité économique autonome ne peut être condamné in solidum avec le repreneur à réparer le préjudice résultant pour le salarié de la rupture de son contrat par ce dernier qu'en cas de collusion frauduleuse ou s'il a commis une faute à l'origine de ce licenciement ; que le cédant n'est pas tenu d'une obligation d'information individuelle sur les conditions du transfert à l'égard de chacun des salariés et ne peut être tenu pour responsable d'une information insuffisante ou mensongère donnée par le cessionnaire, a fortiori s'il ne disposait pas lui-même de l'information entière et exacte ; qu'en l'espèce, il ressort de l'arrêt que la société Bureau veritas laboratoires avait évoqué devant le comité d'entreprise les difficultés liées à la localisation des activités cédées au sein de la société cessionnaire et la perspective d'un transfert d'activité, sans s'engager sur le lieu de celui-ci (p. 7, § 5) ; que la cour d'appel a également constaté que si le cessionnaire avait eu devant le comité d'entreprise un discours tronqué et trompeur sur les conditions réelles de la cession, il n'était pas établi que la société Bureau veritas laboratoires avait une connaissance précise du véritable projet du cessionnaire concernant le nouveau lieu des deux activités cédées (p. 8, § 3) ; qu'elle a également relevé que la société Bureau veritas laboratoires avait apporté un soutien logistique au cessionnaire et notamment mis à la disposition de cette société ses locaux de Saint-Ouen-l'Aumône jusqu'au 30 juin 2012 dans l'attente que cette dernière trouve des locaux, pour que le transfert des deux activités se déroule effectivement (p. 5, dernier §) ; qu'en se bornant ensuite à relever que les salariés avaient été obligés de réclamer à la société cédante des informations sur le sort de leur contrat de travail et sur leurs nouvelles conditions de travail et avaient déploré de ne pas avoir été invités à la réunion relative au transfert des deux services à la société Eurofins, et qu'elle avait omis de prendre en compte, sans raison valable, la candidature de Mme D... comme suppléante dans le 2ème collège des délégués du personnel lors des élections du 24 novembre 2011, pour déduire l'existence d'une stratégie mise en place par la société cédante visant à éviter tout recours des salariés protégés et du comité d'entreprise concernant la cession et d'une entente entre les deux sociétés pour distiller une information trouble et inquiétante, voire mensongère pour le personnel à propos d'un projet, en réalité vide, voire fictif, la cour d'appel, qui n'a caractérisé ni une collusion frauduleuse entre le cédant et le cessionnaire, ni une faute de la société cédante ayant contribué au licenciement de la salariée prononcé par le cessionnaire, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail et de l'article 1147 du code civil ;

2. ALORS de même QU'en condamnant la société Bureau veritas laboratoires in solidum avec la société Eurofins analyses de l'amiante Paris à indemniser le préjudice moral subi par la salariée, sans caractériser ni une collusion frauduleuse entre le cédant et le cessionnaire, ni une faute du cédant, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail et de l'article 1147 du code civil ;

3. ALORS en tout état de cause QUE la cassation à intervenir de l'arrêt du 19 mai 2015 concernant Mme D..., visé par la cour d'appel à l'appui de sa décision (pourvoi n° B 15-21.796), entraînera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt, par application de l'article 625 du code de procédure civile ;

4. ALORS en outre QU'en affirmant que la société Bureau veritas laboratoires avait engagé sa responsabilité « tant pour la déloyauté et l'insuffisance de l'information dispensée au comité d'entreprise, que par le manque de transparence des conditions du transfert de ses salariés », quand il résultait de ses propres constatations que la société ne connaissait pas le projet du cessionnaire quant à la localisation des activités transférées, de sorte qu'elle n'avait pu être déloyale et ne pouvait se voir reprocher un défaut de transmission d'informations dont elle ne disposait pas, la cour d'appel a violé les articles L. 1224-1 du code du travail, ensemble l'article 1147 du code civil ;

5. ALORS QUE sauf en cas de collusion frauduleuse, les modifications apportées par le cessionnaire aux contrats de travail des salariés passés à son service, à la suite du changement d'employeur, ne peuvent constituer un manquement du cédant à ses obligations ; que pour condamner in solidum les sociétés cédante et cessionnaire à indemniser le préjudice subi par la salariée pour défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement prononcé par le cessionnaire, la cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que la modification de son lieu de travail opérée postérieurement au transfert constituait une modification de son contrat de travail, que le délai de réflexion laissé aux salariés pour se prononcer sur cette modification avait été très court, qu'il n'était justifié ni par le cédant, ni par le cessionnaire d'une étude de poste afin de proposer à la salariée un poste plus près de son domicile correspondant à ses qualifications tandis que des sites correspondant à cette recherche existaient ; qu'en imputant à la société cédante les effets de la modification apportée par le cessionnaire au contrat de travail de la salariée passée à son service, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;

6. ALORS QUE lorsque le transfert d'une entité économique autonome entraîne par lui-même une modification du contrat de travail du salarié autre que le changement d'employeur et que le cessionnaire n'est pas en mesure de maintenir les conditions antérieures, le refus par le salarié constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en l'espèce, le cessionnaire ne pouvant maintenir le lieu de travail antérieur de la salariée, le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse en l'état du refus de la salariée du changement de lieu de travail résultant du transfert d'entité économique autonome ; qu'en jugeant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1224-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

7. ALORS subsidiairement QUE lorsque le juge prononce une condamnation in solidum, il doit statuer sur la charge des réparations entre les coobligés, si cela lui est demandé ; qu'en jugeant que la société Bureau veritas laboratoires devait être condamnée in solidum avec le repreneur à indemniser le préjudice lié à la rupture du contrat notifiée par ce dernier et le préjudice moral également subi par la salariée, sans déterminer, comme elle y était invitée, la part contributive de chacune dans les dommages indemnisés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1213 du code civil, ensemble les principes régissant l'obligation in solidum. Moyens produits au pourvoi provoqué par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour la société Eurofins analyses d'amiante Paris

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la société Eurofins analyse de l'amiante Paris in solidum avec la société Bureau Veritas à lui payer des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de préavis et les congés payés afférents.

Aux motifs propres que le changement des modalités substantielles du contrat de travail, comme la rémunération, le poste, la répartition des horaires de travail, la durée du travail et le lieu de travail, dans certaines conditions, doivent recueillir l'accord exprès du salarié, à défaut, le refus de modification ne peut justifier un licenciement pour faute, l'imputabilité de la rupture étant mise à la charge de l'employeur ; la société Eurofins Analyses d'Amiantes Paris était parfaitement consciente de l'impact du changement de lieu de travail pour les salariés habitant en région parisienne, puisqu'elle produit un compte-rendu d'une réunion des délégués du personnel d'une des sociétés du groupe Eurofins, la société Eurofins Ascal Bâtiment Ile de France, en date du 13 décembre 2001 (pièce 32), dans lequel il est indiqué au sujet du transfert de son activité située à Argenteuil dans un bâtiment plus grand à Paris, où se situe déjà une autre activité du groupe ; « les principales conséquences du déménagement sur les conditions de travail des salariés touchent à l'adaptation des trajets du logement (domicile)
au travail, l'emplacement des nouveaux locaux a toutefois été sélectionné de façon à minimiser cet impact grâce à la proximité immédiate des principaux noeuds de communications franciliens » ; elle ne peut si bien exprimer la problématique du présent dossier, dévoilant elle-même la mauvaise foi avec laquelle elle a traité la situation des salariés « cédés » par la société Bureau Veritas laboratoires ; Madame Y... travaillait lors de son licenciement avant de refuser la modification de son lieu de travail, à Saint Ouen l'aumône, (95) dans le nord de Paris ; le nouveau lieu de travail que lui assignait la société Eurofins Air Paris était situé aux Ulis dans le sud de la capitale ; afin de pouvoir déterminer si ce changement de lieu de travail constitue une modification du contrat de travail il y a lieu d'évaluer la distance et le temps de trajet entre l'ancien et le nouveau lieu de travail ; le temps de trajet (1 heure 13 en train et 1 heure 09 en voiture) donnés par la société ne sont pas exacts, puisqu'ils ne prennent pas en compte les adresses exactes des lieux (qui sont situés dans des zones d'activité excentrées et non en centre-ville, arrivée à Massy Verrières au lieu des Ulis) ni des heures de pointe ; Madame Y... donne des éléments plus fiables pour le temps de trajet en transport en commun soit 1 heure 41 de la gare de Cergy Préfecture à la gare des Ulis ; selon le site de la SNCF, les trajets en transport en commun de l'ancien au nouveau lieu de travail sont exactement les suivants : 2 heures 09 pour le trajet le plus rapide, avec 3 changements (marche- bus- train- RER B- bus- marche) : 2 heures 44 pour le trajet avec moins de correspondances (marche- bus- RER C, bus- marche) ; le temps de trajet étant multiplié par deux pour la journée, ce qui donne plus de 4 heures de trajet par jour ; si le salarié prend sa voiture, elle devrait faire 67 km aller, soit 134 km par jour à des heures de pointes (2 heures) entre le nord et le sud de la région parisienne, ce qui occasionnerait un stress important, outre un coût en essence et entretien de véhicule ; le temps de trajet peut être très variable selon le trafic et l'heure, et il est d'autant plus important aux heures de pointe (2 heures) entre le nord et le sud de la région parisienne, où la salariée serait contrainte de circuler ; au vu de ces éléments, il ne peut être considéré que le nouveau lieu de travail ne constituait pas une modification du contrat de travail de Madame Y..., au regard du nécessaire bouleversement qui serait apporté, par le changement que l'employeur prétendait imposer, au rythme de la vie personnelle de la salariée, relevant de surcroît du statut de travailleur handicapé ; le refus de Madame Y... ne constitue nullement un manque à ses obligations contractuelles et ne peut justifier le licenciement de celle-ci qui s'avère dès lors doublement sans cause, au regard à la fois, de la collusion des deux sociétés qui prive la rupture de toute cause réelle et sérieuse et de la modification du contrat de travail qui ne peut fonder le licenciement pour motifs personnel prononcer contre la salariée ;

Aux motifs à les supposer adoptés qu'il est certain que le nouveau lieu de travail proposé à Madame Delphine Y... est situé dans le même secteur géographique que le précédent ; mais que pour justifier un tel changement sur ce seul point, il doit être également tenu compte : - des moyens de transport en commun existant, or compte tenu des temps d'accès à ceux-ci de correspondance et d'accès au nouveau site, le temps de trajet est allongé d'au minimum 4 heures par jour ; - les moyens routiers unissant les site de Saint Ouen l'Aumône et des Ulis (A 15, A 86, francilienne) sont parmi les plus encombrés de la région parisienne ; - de la situation personnelle de la salariée ; que madame Delphine Y... bénéficiait d'un statut de travailleur handicapé qui nécessitait un siège adapté pour réaliser sa mission ; passer des heures dans le transport lui était d'autant plus difficile comme en atteste la pièce versées aux débats (émise le 25 mai 2012) émanant de son médecin le Docteur E... « Je soussigné certifie qu'en raison de son état de santé, il n'est pas conseillé que Madame Delphine Y... effectue des trajets quotidiens de plus de trente minutes» ; aucun élément n'a été apporté quant au transfert effectif de l'activité, donc de la totalité du matériel antérieurement situé à Saint-Ouen-l'Aumône sur le nouveau site des Ulis ; que lors de la réunion du CE du 13 mars 2012, veille de la signature de la cession du secteur amiante de la société Bureau Veritas laboratoire, un nombre significatif de réponses obtenues de la part des représentants de la société Eurofins Amiante Paris a été : « le projet doit d'abord être défini » ; que le délai de réflexion laissé aux salariés a été très court ; qu'aucun élément n'a été présenté par la société Eurofins Amiante Paris ou la société Bureau Veritas Laboratoire donnant à penser qu'il avait été procédé à une étude de poste (les fonctions de Madame Delphine Y... étant certainement compatible avec d'autres activités des groupes Bureau Veritas Laboratoire ou Eurofins) pour proposer à Madame Delphine Y... un poste plus près de son domicile correspondant à ses qualifications et que des sites correspondants à cette recherche existent bien (Saint Ouen l'Aumône, quai de Valmy à Paris, Argenteuil) pour ne citer que ces trois lieux ; qu'aucun élément n'a été présenté quant à l'implantation finale du matériel de haute technologie (notamment le MET) utilisé dans les missions de la société Bureau Veritas Laboratoire avant son transfert à la société Eurofins Amiante Paris ; que les locaux soi-disant destinés à accueillir l'activité transférée étaient physiquement incapables d'être en état le 30 juin, date prévue de la libération définitive des locaux de Saint Ouen l'Aumône ; que le déménagement des matériels cédés le 16 avril 2012 devant être partis avant le 30 juin 2012, n'avait pas commencé le 24 mai 2012 comme en fait état Madame Delphine Y... dans son courrier du 24 mai 2012, et comme elle a pu le constater lors de sa prise de fonction aux Ulis le 4 juin 2012 ; aucun matériel n'était présent ; que l'annexe au bilan 2012 de la société Eurofins Amiante paris SAS stipule « la société Eurofins Amiante Paris SAS a été créée le 20 février 2012 ; la société a acquis un fonds de commerce de la société Bureau Veritas Laboratoire au mois d'avril 2012 puis l'a cédé à la société Eurofins Ascal bâtiment Ile de France au mois d'octobre 2012 ; à compter de cette date, la société a été mise en sommeil » ; que dans les conclusions déposées par la société Bureau Veritas laboratoire, il est dit explicitement : « la nature de changement de lieu de travail doit être appréciée au regard de la situation respective des deux lieux de travail et non de la localisation du domicile du salarié » ; en conséquence de ce qui précède, le conseil dit que le licenciement de Madame Y... a été prononcé sans cause réelle et sérieuse ;

1° Alors que le changement du lieu de travail d'un salarié n'est constitutif d'une modification du contrat de travail que s'il intervient en dehors du secteur géographique ; que la région parisienne constitue un même secteur géographique indépendamment du temps de trajet entre les deux sites ; que la cour d'appel qui a constaté que le nouveau lieu de travail de la salariée se situait comme l'ancien dans la région parisienne et adopté les motifs du premier juge ayant relevé que le nouveau lieu de travail se situait dans le même secteur géographique que le précédent et qui a décidé que ce changement constituait une modification du contrat de travail que la salariée pouvait refuser a violé les articles L. 1121-1 et L. 1235-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil

2° Alors que le secteur géographique dans lequel l'employeur peut modifier le lieu de travail sans modifier le contrat de travail du salarié s'apprécie de manière objective au regard de la situation respective des deux lieux de travail ; que les juges du fond qui ont retenu que le nouveau lieu de travail se situait comme le précédent dans la région parisienne et dans le même secteur géographique mais qu'elle devait faire 4 heures de trajet par jour et que si elle prenait sa voiture elle devrait faire 67 km aller, soit 134 km par jour à des heures de pointes en région parisienne ce qui occasionnerait un stress important, et un coût d'essence et d'entretien d'automobile, s'est fondée par des motifs subjectifs relatifs à la situation personnelle de la salariée impropres à caractériser la modification du contrat de travail ; et violé les articles L. 1221-1 et L. 1235-1 du code du travail et 1134 du code civil

3° Alors que de plus, le secteur géographique dans lequel l'employeur peut modifier le lieu de travail sans modifier le contrat de travail du salarié s'apprécie de manière objective au regard de la situation respective des deux lieux de travail ; que la cour d'appel qui a constaté que le nouveau lieu de travail se situait comme le précédent dans la région parisienne, dans le même secteur géographique et qui a considéré que la société Eurofins qui était consciente de l'impact du changement de lieu de travail avait traité avec mauvaise-foi la situation des salariés cédés par la société Bureau Veritas Laboratoires, s'est fondée sur un élément non objectif et sans lien avec la situation respective des deux lieux de travail ; qu'elle a violé les articles L. 1221-1 et L. 1235-1 du code du travail et 1134 du code civil

4° Alors que, le changement de lieu de travail dans un même secteur géographique s'analyse en une modification des conditions du contrat de travail qui ne peut être refusé par le salarié à moins qu'il ne justifie pas de manière concrète que le changement de lieu de travail porte un atteinte excessive dans les conditions de sa vie personnelle et familiale ; que la cour d'appel qui a considéré que compte tenu de la durée des trajets, le nouveau lieu de travail constituait une modification du contrat de travail de Madame Y... au regard du nécessaire bouleversement qui serait apporté par le changement que l'employeur prétendait imposer au rythme de la vie personnelle de la salariée relevant du statut de travailleur handicapé, mais qui n'a pas constaté les éléments concrets de nature à justifier l'atteinte excessive à la vie personnelle de la salariée, n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 1121-1, L. 1221-1 et L. 1235-1 du code du travail et de l'article 1134 du code civil

5° Alors qu'en tout état de cause, lorsque le transfert d'une entité économique autonome entraîne par lui-même une modification du contrat de travail du salarié autre que le changement d'employeur et que le cessionnaire n'est pas en mesure de maintenir les conditions antérieures, le refus du salarié constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en l'espèce, la société Eurofins a insisté sur le fait incontesté qu'elle avait été contrainte de trouver de nouveaux locaux adaptés à son activité si bien que la modification du lieu de travail des salariés était incontournable ; que la cour d'appel qui a décidé que le licenciement prononcé en raison du refus de la salariée du changement du lieu de travail était sans cause réelle et sérieuse mais sans tenir compte du fait que le changement du lieu de travail était directement entraîné par le transfert de l'entité économique et sans constater que le cessionnaire était en mesure de maintenir les conditions antérieures n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 1224-1 et L. 1235-1 du code du travail

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Madame Delphine Y... était sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la société Eurofins Analyse de l'Amiante Paris à lui payer in solidum avec la société Bureau Veritas laboratoire des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages intérêts pour préjudice moral,

Aux motifs que si la société Bureau Veritas Laboratoires a facilité la cession au bénéfice de la société Eurofins, en revanche, elle a été bien moins attentive à l'accompagnement de ses propres salariés, qui ont été obligés de réclamer des informations sur le sort de leur contrat de travail et sur leurs nouvelles conditions de travail, en envoyant une lettre datée du 28 février 2012 au directeur général de l'agence F...              ; en effet les salariés concernés par la cession n'avaient eu aucune réponse lors de la réunion du 21 février 2012, les salariés ont également déploré par lettre du 2 mars 2012 de ne pas avoir été invités à la réunion du 8 mars relative au transfert des deux services à la société Eurofins Amiante Paris où seul un délégué du personnel était présent mais non concerné lui-même par le transfert ; Monsieur F... leur a répondu par lettre du 8 mars 2012, sur un ton rassurant puisqu'il indiquait que les modalités des contrats de travail seraient inchangées ; cette manière de procéder, excluant les salariés concernés d'une réunion important, est d'autant plus surprenante quand on la confronte aux propos des dirigeants de la société Eurofins Amiante Paris lors de la réunion du comité d'entreprise, le 13 mars 2012 : « la motivation du personnel influera énormément sur la définition du projet final », « elle désire acheter une activité et des compétences et pas seulement un chiffre d'affaires » ce qui met en évidence le fossé entre le discours et la réalité ; dans une autre lettre, le 6 mars 2012, les salariés concernés font part à F...             de leur surprise au sujet de la consigne de ne plus analyser les échantillons à compter du 28 mars 2012, alors qu'il leur avait indiqué ne pas avoir connaissance de la date de transfert de l'activité ; les salariés attiraient son attention sur le stress engendré par l'activité et la méconnaissance des conditions de transfert ; ils faisaient état des propos de Monsieur F... tenus devant le responsable hiérarchique intermédiaire, à savoir la promesse des primes de départ si les salariés ne faisaient pas de vagues ce qui alimentait la suspicion sur l'opération de cession ; le sort du personnel travaillant dans ces deux secteurs objets de la cession a été abordé lors des réunions du comité d'entreprise ; il ressort du compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise le 21 février 2012, que le directeur général de la société Bureau Veritas Laboratoires évoquait les difficultés liées à la localisation de l'activité amiante de la société Eurofins Amiante Paris, qui envisageait un transfert des activités vers leurs propres laboratoires à Paris gare de l'Est pour l'activité amiante à Saverne pour l'activité environnement, avec une possibilité de formation à l'amiante pour les salariés non mobiles ; ces propos étaient de nature à rassurer le personnel ; selon le compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise le 13 mars 2012, la société Eurofins Amiante Paris vient exposer son histoire et son projet de reprise des deux activités : le problème principal est de trouver un local qui réponde aux contraintes techniques des deux activités et aux contraintes financières, sans exclure de trouver un site proche de Saint Ouen l'Aumône, la motivation du personnel étant déterminante pour la définition du projet final ; aux questions posées par le comité d'entreprise de la société Bureau Veritas laboratoires aux trois représentants de la société Eurofins Amiante Paris (dont Monsieur G... responsable développement acquisition, substituant le directeur général de la branche environnement, Monsieur H... et le responsable du secteur amiante, madame I...) il sera répondu au sujet de l'existence d'accord d'entreprise en cas de mobilité : « le but est de trouver le meilleur projet pour conserver les salariés » mais aucune réponse ne sera donnée sur la question du nombre de postes à pourvoir dans chacun des secteurs cédés et sur la possibilité de formation en cas de changement de poste, la réponse étant : « le projet doit être d'abord défini » ; lors du comité d'entreprise, qui s'est tenu en visio-conférence, le 17 avril 2012, les membres du comité d'entreprise, qui venaient d'apprendre la décision de transfert des activités aux Ulis, expriment la colère, se sentant floués par le discours de la société Eurofins amiante Paris lors de la réunion du comité d'entreprise le 13 mars 2012, discours leur laissant croire que les conditions de travail des salariés cédés seraient peu modifiées, notamment quant au lieu du travail ; la société Eurofins est mal fondée à contester la valeur probante du compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise en date du 13 mars 2012, ce compte-rendu ayant été approuvé par le comité d'entreprise suivant en date du 17 avril 2012 et la société n'ayant pas porté plainte pour faux et usage de faux ; par ailleurs la société Bureau Veritas Laboratoires ne remet pas en cause ce compte-rendu du comité d'entreprise du 13 mars 2012 et le prend au contraire à son compte, pour accréditer la thèse de la bonne information du comité d'entreprise ; s'il n'est pas établi en l'absence de tout élément de preuve, que la société Bureau Veritas laboratoires avait une connaissance précise du nouveau lieu des deux activités cédées, en revanche il est patent que la société Bureau Veritas laboratoires le 13 mars 2012 a tenu un discours tronqué et trompeur sur les conditions réelles de la cession des activités, ce qui a permis de rassurer le comité d'entreprise de la société Bureau Veritas Laboratoires lequel s'il a donné un avis négatif sur le projet de cession (estimant que les activités cédées pourraient être rentables avec de l'investissement et que le projet de cession allait entraîner une perte des compétences humaines et beaucoup de changement pour le salarié), n'a pas déclenché de procédure d'alerte qui aurait retardé la vente ; en effet dans le compte-rendu du comité d'entreprise du 17 avril 2012, le comité d'entreprise s'exprime ainsi : « sans les fausses informations de Monsieur G..., il est certain qu'une étude approfondie des conséquences sociales du projet aurait dû être menée et aucun avis n'aurait pu être rendu lors du CE du 13 mars 2012 ; notre impression est que les informations amenés par Monsieur G... avaient pour but d'évincer le problème CE et d'éviter que le CE n'exerce son droit d'alerte et ainsi retarde la vente » ; en outre il est avéré, au vu de l'arrêt de la présente cour en date du 19 mai 2015, versé aux débats que Madame D..., autre salariés licenciée après la cession a vu sa candidature comme suppléante dans le 21ème collège des délégués du personnel lors des élections du 24 novembre 2011, non prise en compte pour une raison inconnue au sujet de laquelle la société Bureau Veritas laboratoires n'a apporté aucune explication valable ; c'est ainsi qu'après la mise à l'écart de la candidature de Madame D..., ne figure parmi les candidats titulaires et suppléants lors de cette élection aucun salarié travaillant dans le secteur amiante et environnement, qui seront effectivement cédés par la suite à la société Eurofins Amiante Paris ; ainsi l'on peut déduire de l'ensemble de ces éléments que la société Bureau Veritas Laboratoires, qui avait un intérêt à ne pas retarder la vente a mis en place une stratégie pour éviter tout recours des salariés protégés et du comité d'entreprise concernant la cession ; sa responsabilité peut être engagée tant pour la déloyauté et l'insuffisance d'information dispensée au comité d'entreprise, que par le manque de transparence des conditions du transfert de ses salariés qui se sont avérées plus importantes qu'annoncé par la société Bureau Veritas laboratoire, ce qui a provoqué le refus des salariés (soit 10 ou 11 salariés finalement transférés) d'accepter ces modifications, 7 ayant contesté leur licenciement par Eurofins ; les deux sociétés se sont en définitive liguées pour distiller une information trouble, inquiétante, voire mensongère pour le personnel à propos d'un projet en réalité vide voire fictif ; leur commun projet concernant au moins 10 salariés dont il modifiait les contrats comme il sera dit ci-après aurait dû entraîner pour l'une ou l'autre des sociétés en cas de refus par les intéressés des modifications envisagées, l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi auquel leur collusion leur a permis d'échapper ; le changement des modalités substantielles du contrat de travail, comme la rémunération, le poste, la répartition des horaires de travail, la durée du travail et le lieu de travail, dans certaines conditions, doivent recueillir l'accord exprès du salarié, à défaut, le refus de modification ne peut justifier un licenciement pour faute, l'imputabilité de la rupture étant mise à la charge de l'employeur ; la société Eurofins Analyses d'Amiantes Paris était parfaitement consciente de l'impact du changement de lieu de travail pour les salariés habitant en région parisienne, puisqu'elle produit un compte-rendu d'une réunion des délégués du personnel d'une des sociétés du groupe Eurofins, la société Eurofins Ascal Bâtiment Ile de France, en date du 13 décembre 2001 (pièce 32), dans lequel il est indiqué au sujet du transfert de son activité située à Argenteuil dans un bâtiment plus grand à Paris, où se situe déjà une autre activité du groupe ; « les principales conséquences du déménagement sur les conditions de travail des salariés touchent à l'adaptation des trajets du logement (domicile) au travail, l'emplacement des nouveaux locaux a toutefois été sélectionné de façon à minimiser cet impact grâce à la proximité immédiate des principaux noeuds de communications franciliens » ; elle ne peut si bien exprimer la problématique du présent dossier, dévoilant elle-même la mauvaise foi avec laquelle elle a traité la situation des salariés « cédés » par la société Bureau Veritas laboratoires ; Madame Y... travaillait lors de son licenciement avant de refuser la modification de son lieu de travail, à Saint Ouen l'aumône, (95) dans le nord de Paris ; le nouveau lieu de travail que lui assignait la société Eurofins Air paris était situé aux Ulis dans le sud de la capitale ; afin de pouvoir déterminer si ce changement de lieu de travail constitue une modification du contrat de travail il y a lieu d'évaluer la distance et le temps de trajet entre l'ancien et le nouveau lieu de travail ; le temps de trajet (1 heure 13 en train et 1 heure 09 en voiture) donnés par la société ne sont pas exacts, puisqu'ils ne prennent pas en compte les adresses exactes des lieux (qui sont situés dans des zones d'activité excentrées et non en centre-ville, arrivée à Massy Verrières au lieu des Ulis) ni des heures de pointe ; Madame Y... donne des éléments plus fiables pour le temps de trajet en transport en commun soit 1 heure 41 de la gare de Cergy Préfecture à la gare des Ulis ; selon le site de la SNCF, les trajets en transport en commun de l'ancien au nouveau lieu de travail sont exactement les suivants : 2 heures 09 pour le trajet le plus rapide, avec 3 changements (marche- bus- train- RER B- bus- marche) : 2 heures 44 pour le trajet avec moins de correspondances (marche- bus- RER C, bus- marche) ; le temps de trajet étant multiplié par deux pour la journée, ce qui donne plus de 4 heures de trajet par jour ; si le salarié prend sa voiture, elle devrait faire 67 km aller, soit 134 km par jour à des heures de pointes (2 heures) entre le nord et le sud de la région parisienne, ce qui occasionnerait un stress important, outre un coût en essence et entretien de véhicule ; le temps de trajet peut être très variable selon le trafic et l'heure, et il est d'autant plus important aux heures de pointe (2 heures) entre le nord et le sud de la région parisienne, où la salariée serait contrainte de circuler ; au vu de ces éléments, il ne peut être considéré que le nouveau lieu de travail ne constituait pas une modification du contrat de travail de Madame Y..., au regard du nécessaire bouleversement qui serait apporté, par le changement que l'employeur prétendait imposer, au rythme de la vie personnelle de la salariée, relevant de surcroît su statut de travailleur handicapé ; le refus de Madame Y... ne constitue nullement un manque à ses obligations contractuelles et ne peut justifier le licenciement de celle-ci qui s'avère dès lors doublement sans cause, au regard à la fois, de la collusion des deux sociétés qui prive la rupture de toute cause réelle et sérieuse et de la modification du contrat de travail qui ne peut fonder le licenciement pour motifs personnel prononcé contre la salariée ;

Aux motifs à les supposer adoptés qu'il est certain que le nouveau lieu de travail proposé à Madame Delphine Y... est situé dans le même secteur géographique que le précédent ; mais que pour justifier un tel changement sur ce seul point, il doit être également tenu compte : - des moyens de transport en commun existant, or compte tenu des temps d'accès à ceux-ci de correspondance et d'accès au nouveau site, le temps de trajet est allongé d'au minimum 4 heures par jour ; - les moyens routiers unissant les site de Saint Ouen l'Aumône et des Ulis (A 15, A 86, francilienne) sont parmi les plus encombrés de la région parisienne ; - de la situation personnelle de la salariée ; que Madame Delphine Y... bénéficiait d'un statut de travailleur handicapé qui nécessitait un siège adapté pour réaliser sa mission ; passer des heures dans le transport lui était d'autant plus difficile comme en atteste la pièce versées aux débats (émise le 25 mai 2012) émanant de son médecin le Docteur E... « Je soussigné certifie qu'en raison de son état de santé, il n'est pas conseillé que Madame Delphine Y... effectue des trajets quotidiens de plus de trente minutes » ; aucun élément n'a été apporté quant au transfert effectif de l'activité, donc de la totalité du matériel antérieurement situé à Saint-Ouen-l'Aumône sur le nouveau site des Ulis ; que lors de la réunion du CE du 13 mars 2012, veille de la signature de la cession du secteur amiante de la société Bureau Veritas laboratoire, un nombre significatif de réponses obtenues de la part des représentants de la société Eurofins Amiante Paris a été : « le projet doit d'abord être défini » ; que le délai de réflexion laissé aux salariés a été très court ; qu'aucun élément n'a été présenté par la société Eurofins Amiante Paris ou la société Bureau Veritas Laboratoire donnant à penser qu'il avait été procédé à une étude de poste (les fonctions de Madame Delphine Y... étant certainement compatible avec d'autres activités des groupes Bureau Veritas Laboratoire ou Eurofins) pour proposer à Madame Delphine Y... un poste plus près de son domicile correspondant à ses qualifications et que des sites correspondants à cette recherche existent bien (Saint Ouen l'Aumône, qui de Valmy à Paris, Argenteuil) pour ne cites que ces trois lieux ; qu'aucun élément n'a été présenté quant à l'implantation finale du matériel de haute technologie (notamment le MET) utilisé dans les missions de la société Bureau Veritas Laboratoire avant son transfert à la société Eurofins Amiante Paris ; que les locaux soi-disant destinés à accueillir l'activité transférée étaient physiquement incapables d'être en état le 30 juin, date prévue de la libération définitive des locaux de Saint Ouen l'Aumône ; que le déménagement des matériels cédés le 16 avril 2012 devant être partis avant le 30 juin 2012, n'avait pas commencé le 24 mai 2012 comme en fait état Madame Delphine Y... dans son courrier du 24 mai 2012, et comme elle a pu le constater lors de sa prise de fonction aux Ulis le 4 juin 2012 ; aucun matériel n'était présent ; que l'annexe au bilan 2012 de la société Eurofins Amiante paris SAS stipule « la société Eurofins Amiante Paris SAS a été créée le 20 février 2012 ; la société a acquis un fonds de commerce de la société Bureau Veritas Laboratoire au mois d'avril 2012 puis l'a cédé à la société Eurofins Ascal bâtiment Ile de France au mois d'octobre 2012 ; à compter de cette date, la société a été mise en sommeil » ; que dans les conclusions déposées par la société Bureau Veritas laboratoire, il est dit explicitement : « la nature de changement de lieu de travail doit être appréciée au regard de la situation respective des deux lieux de travail et non de la localisation du domicile du salarié » ; en conséquence de ce qui précède, le conseil dit que le licenciement de Madame Y... a été prononcé sans cause réelle et sérieuse ;

Alors que le licenciement d'un salarié transféré dans le cadre de la modification juridique de l'employeur par l'entreprise cessionnaire en raison du refus de la modification des conditions de son contrat de travail ne peut être déclaré sans cause réelle et sérieuse au motif d'une prétendue collusion frauduleuse des employeurs cédants et cessionnaires s'il n'est pas justifié que les employeurs ont mis en oeuvre des manoeuvres frauduleuses dans le but de priver les salariés des avantages qu'ils tenaient de leur contrat avant le changement d'employeur et que ces manoeuvres sont à l'origine d'un licenciement injustifié ; que le licenciement d'un salarié qui refuse le changement de son lieu de travail dans un même secteur géographique ou directement entraîné par le transfert de l'entité économique, relève d'une cause réelle et sérieuse ; que la cour d'appel qui a constaté qu'à la suite de la cession de l'activité, le lieu de travail avait été transféré dans le même secteur géographique, et qui a décidé que le licenciement de la salariée qui avait refusé la modification de son lieu de travail était sans cause réelle et sérieuse en raison d'une collusion frauduleuse des entreprises cédantes et cessionnaires, responsables d'une insuffisance d'information sur les conditions de transfert, s'est prononcée par des motifs impropres à établir l'existence de manoeuvres frauduleuses à l'origine du licenciement et a violé l'article 1147 du code civil et les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Eurofins analyses amiante Paris in solidum avec la société Bureau Veritas à payer à Madame Y... la somme de 3 000 € à titre de dommages intérêts pour préjudice moral

Aux motifs que c'est à bon droit que Madame Y... demande à être indemnisée du préjudice qu'elle a nécessairement subi à raison des comportements préjudiciables liés à la demande de sa radiation de la mutuelle à compter du 1er mai 2012, même si à la demande de l'intéressée son inscription a été rétablie ; ces agissements démonstratifs du peu d'intérêt porté à la salariée justifient l'allocation d'une indemnité au titre du préjudice moral que madame Y... invoque ; en outre, la collusion dont ont fait preuve les deux sociétés appelantes qui traduit une volonté de méconnaître les droits des salariés et les modalités de l'organisation matérielle du transfert des salariés maintenus dans une ignorance de leur sort caractérisent une atteinte morale portée aux intéressés ; elle constitue un préjudice distinct de celui réparé par l'indemnité versée au titre de la rupture du contrat de travail ; la cour évalue en conséquence à 300 € le montant de l'indemnité globale due au titre du préjudice moral de Madame Y... qui doit être indemnisé par les deux sociétés appelantes

1° Alors que la radiation erronée d'une salariée de sa mutuelle, dont il est constant qu'elle a été rétablie, ne caractérise pas à elle seule l'existence d'un préjudice moral ; que la cour d'appel qui a énoncé que cette radiation justifiait l'allocation d'une indemnité au titre du préjudice moral, n'a pas caractérisé ce préjudice et n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 1147 du code civil

2° Alors qu'aucune obligation d'information individuelle sur les conditions du transfert à l'égard de chacun des salariés concernés n'est due par les employeurs cédant et cessionnaire ; que la cour d'appel qui a considéré que la collusion dont avaient fait preuve les deux sociétés à l'égard des salariés maintenus dans l'ignorance de leur sort justifiait l'allocation d'une indemnité au titre du préjudice moral a violé les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et les articles 1134 et 1147 du code civil


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-12486
Date de la décision : 28/03/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 15 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 mar. 2018, pourvoi n°16-12486


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.12486
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