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27/03/2018 | FRANCE | N°17-82341

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 mars 2018, 17-82341


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Roger X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 5 décembre 2016, qui, pour marchandage, prêt illicite de main d'oeuvre, travail dissimulé et abus de biens sociaux, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement, 10 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 février 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'articl

e 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rapporteur...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Roger X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 5 décembre 2016, qui, pour marchandage, prêt illicite de main d'oeuvre, travail dissimulé et abus de biens sociaux, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement, 10 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 février 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Z... ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Sur la recevabilité du pourvoi ;

Attendu que, si le délai de pourvoi court à compter de la signification d'un arrêt, quel qu'en soit le mode, c'est, sauf à priver le prévenu de son droit d'accès au juge de cassation garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, à condition que l'information relative aux délais ouverts de pourvoi à compter de la signification, et qui apparaît dans un acte dressé par un officier ministériel, soit exacte ;

Attendu qu'il résulte des pièces de procédure que l'arrêt attaqué a été signifié, à l'initiative de la partie civile, le 9 mars 2017 ; que la déclaration de pourvoi a été reçue par le greffe de la juridiction ayant prononcé la décision le 20 mars 2017, soit plus de cinq jours après la signification ; que l'acte de signification de l'arrêt indique notamment que M. X... peut former un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois de la date de l'acte, ce qui constitue une mention inexacte aux termes de l'article 568 du code de procédure pénale ;

Que le pourvoi doit dès lors être déclaré recevable ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 2 de son Protocole additionnel n° 7, préliminaire, 496, 497, 500, 500-1, 509, 515, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel, statuant par arrêt contradictoire à signifier, a reçu les appels de M. Roger X... et du ministère public, a déclaré le prévenu coupable des faits de marchandage de main d'oeuvre, prêt de main d'oeuvre, travail dissimulé et abus de biens sociaux qui lui étaient reprochés et l'a condamné à un emprisonnement de dix-huit mois sans sursis ni mesure d'aménagement et à une amende de 10 000 euros, ainsi qu'à 10 000 euros de dommages-intérêts, en sus des frais irrépétibles ;

"aux motifs que M. X..., régulièrement cité à l'adresse déclarée, n'a pas comparu ni personne pour lui ; que l'institution nationale publique Pôle Emploi était représentée par son avocat ; que ce dernier a sollicité la confirmation du jugement et la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; que le ministère public a requis la confirmation du jugement, sauf à prononcer de surcroît une interdiction de gérer de dix années à l'encontre de M. X... ; que le lendemain de l'audience, la cour s'est vu remettre un fax de Maître A..., avocat de M. X..., l'informant de la volonté de celui-ci de se désister ; que le courrier envoyé par ce fax porte la date du 24 octobre 2016, date de l'audience ; qu'il porte comme date d'envoi le 8 janvier 2013 à 1 heure 13 ; que l'appareil de l'expéditeur n'était donc pas réglé à la bonne date ; qu'il ne porte pas de tampon de réception ; qu'il est arrivé sur le bureau du conseiller rapporteur le jour suivant l'audience ; que, par ailleurs, le prétendu désistement n'a pas été soutenu oralement à l'audience ; que la cour examinera par suite le dossier au fond, les débats étant largement clos lorsque le courrier de désistement lui est parvenu, sans qu'il soit d'ailleurs établi qu'il ait été porté à la connaissance du ministère public ni à celle de l'avocat de Pôle Emploi ; qu'il sera [
] constaté que M. X... ne soutient pas son appel ;

"alors que le droit d'accès à un tribunal, inhérent au droit à un procès équitable, implique que le justiciable puisse obtenir du juge qu'il statue pleinement sur sa renonciation à l'exercice d'une voie de recours et sur ses éventuelles conséquences ; qu'en l'espèce, au vu de l'incertitude portant sur la date à laquelle M. X... avait décidé de se désister de son appel et sur la question de savoir quand et comment cette décision avait été exprimée, la cour d'appel, qui s'est abstenue de rouvrir les débats afin de susciter une discussion contradictoire sur ce désistement, sa date, son opérance et ses possibles effets, et qui, au contraire, a statué au fond comme si ce désistement et ce qui s'en évinçait pouvait être ignoré, a privé le justiciable de son droit d'accès à un tribunal afin qu'il y soit statué sur son droit à renoncer au recours qu'il avait préalablement introduit" ;

Attendu que pour écarter l'examen de la télécopie signée de l'avocat du prévenu informant les juges de la volonté de celui-ci de se désister, l'arrêt énonce que ce document, portant une date erronée d'émission, est parvenu sur le bureau du conseiller rapporteur le lendemain de l'audience, sans tampon de réception, et qu'il n'a pas été soutenu oralement à l'audience ;

Attendu que, si c'est à tort que la cour d'appel n'a pas examiné la demande de désistement au motif que les débats étaient clos lorsqu'elle en a eu connaissance alors que, d'une part, la demande tendant à faire constater le désistement est valide tant que sa régularité n'a pas été appréciée et qu'il n'en a pas été donné acte, d'autre part, les débats en matière correctionnelle, ne sont clos que par le prononcé du jugement ou de l'arrêt, la décision de la cour d'appel n'encourt pas pour autant la censure dès lors que le ministère public avait formé un appel incident ;
D'où le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8211-1, L. 8221-1, L. 8221-5, L. 8221-10, L. 3243-2, L. 8224-1 du code du travail, 121-3 du code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a déclaré M. Roger X... coupable de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié et l'a condamnée à un emprisonnement de dix-huit mois sans sursis ni mesure d'aménagement et à une amende de 10 000 euros, ainsi qu'à 10 000 euros de dommages-intérêts, en sus des frais irrépétibles ;

"aux motifs propres que l'enquête a révélé que seul M. Jean-Claude B... était déclaré ; que M. X... a fini par reconnaître devant le juge d'instruction qu'effectivement, les salariés des sociétés STM et EGTI n'étaient pas déclarés ; que l'infraction de travail dissimulé par dissimulation de salariés de l'article L. 8221-1 du code du travail est donc également établie comme l'a jugé à bon droit le tribunal correctionnel ;

"aux motifs éventuellement adoptés que M. X... a reconnu gérer de fait, avec M. Thierry C..., la société EGTI, et, avec M. Florent D..., la société STM ; qu'il a également reconnu savoir que le personnel qui était employé dans ces sociétés n'était pas déclaré ; qu'iI niait les faits de marchandage et d'abus de biens sociaux qui lui étaient reprochés ; qu'il était cependant mis en cause par M. Florent D..., par les auditions des salariés et par M. Didier B... ; que les faits sont donc parfaitement établis et les prévenus seront retenus dans les liens de la prévention ; qu'il résulte des éléments du dossier que les faits reprochés à M. X... sont établis ; qu'il convient de l'en déclarer coupable et d'entrer en voie de condamnation ;

"alors que la dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi qu'elle a été intentionnelle ; qu'en l'espèce, en entrant en voie de condamnation contre M. X... du chef de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié sans constater le caractère intentionnel de ce délit, et ce tandis que, devant les enquêteurs, l'intéressé avait affirmé que les manquements aux obligations déclaratives susceptibles de peser sur lui n'étaient dues qu'à des erreurs de gestion, qui avaient été commises de bonne foi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ;

Attendu que, pour déclarer M. X... coupable de l'infraction de travail dissimulé par dissimulation de salariés l'arrêt énonce que les investigations menées ont démontré que les sociétés STM et EGTI avaient en réalité une activité exclusive de prêt de main d'oeuvre, échappant à la réglementation imposée aux sociétés de travail temporaire, ne reversant pas les charges sociales obligatoires, ne déclarant pas leurs salariés et ayant une durée de "vie" éphémère, l'activité étant aussitôt reprise par une nouvelle société animée par les mêmes personnes, sous couvert d'un nouveau "gérant de paille" ; que les juges relèvent qu'au cours de l'existence de la société STM, c'est-à-dire au cours de l'année 2004, les clients ont versé 2 318 263 euros dont on peut considérer qu'il s'agissait du chiffre d'affaire reconstitué et que celui-là représentait essentiellement le paiement du personnel puisque les sociétés STM et EGTI n'avaient quasiment pas de fournisseurs et que, sur cette masse salariale, auraient dû être payées les cotisations obligatoires à l'URSSAF et la CSG soit un préjudice d'au moins un million d'euros pour les organismes sociaux ; qu'ils retiennent enfin que M. X... était l'un des gérants de fait des sociétés STM et EGTI, comme cela ressort également des déclarations de la secrétaire qui indique qu'elle prenait ses ordres de M. X... pour la partie nord des activités, et que ce dernier a fini par reconnaître devant le juge d'instruction qu'effectivement, les salariés des sociétés STM et EGTl n'étaient pas déclarés ;

Attendu qu'en statuant ainsi, dès lors que la seule constatation de la violation en connaissance de cause d'une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l'intention coupable exigée par l'article 121-3 du code pénal, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé l'élément intentionnel du délit de travail dissimulé dont elle a déclaré le prévenu coupable et ainsi justifié sa décision ;

Que dès lors le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-1, du code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a condamné M. X... à une amende de 10 000 euros ;

"aux motifs propres que la peine de 10 000 euros d'amende est également pleinement justifiée, le mobile des infractions reprochées étant l'esprit de lucre de M. X... ;

"et aux motifs éventuellement adoptés qu'il résulte des éléments du dossier que les faits reprochés à M. X... sont établis ; qu'il convient de l'en déclarer coupable et d'entrer en voie de condamnation ;

"alors que le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait condamner M. X... à une amende de 10 000 euros sans motiver sa décision en référence à sa situation personnelle et sans tenir compte de ses ressources et de ses charges" ;

Attendu que l'arrêt, après avoir rappelé le contenu du casier judiciaire de M. X..., énonce que le prévenu est un délinquant en col blanc d'habitude et qu'il ne justifie pas de charges familiales, matérielles ou sociales particulières empêchant l'application d'une peine de prison ferme ; que la personnalité de M. X... montre une propension à détourner les règles en matière de droit du travail ou en matière financière à des fins purement personnelles, ce qui met également obstacle en l'état à tout aménagement ; que la peine de 10 000 euros d'amende est également pleinement justifiée, le mobile des infractions reprochées étant l'esprit de lucre de M. X... ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, dès lors que, d'une part, M. X... n'a ni comparu, ni fourni à la juridiction d'éléments sur sa personnalité, sa situation personnelle et sur le montant de ses ressources comme de ses charges, tandis que la citation, comportant les indications prévues par l'article 390 alinéa 3 du code de procédure pénale relatives aux justificatifs de ses revenus ainsi que de ses avis d'imposition ou de non-imposition, lui avait été régulièrement signifiée, et que, d'autre part, il n'incombe pas aux juges, en possession des seuls éléments mentionnés en procédure sur ces différents points, de rechercher ceux qui ne leur auraient pas été soumis, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-sept mars deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-82341
Date de la décision : 27/03/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 05 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 mar. 2018, pourvoi n°17-82341


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.82341
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