LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil ;
Attendu que, s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un litige oppose la société DCAG à la société SCCV Victor Dalbiez sur les conditions de vente d'un local commercial et d'un parking dépendant d'un immeuble à construire ; que, par un arrêt du 23 juin 2011, la société SCCV Victor Dalbiez, la société Urbat promotion ainsi que M. A... ont été déclarés coupables de diffusion de publicité mensongère sur les qualités substantielles d'un bien et ont été condamnés à réparer le préjudice de la société DCAG résultant de la diminution de l'intérêt commercial des locaux achetés ; que la société DCAG a par la suite assigné la société SCCV Victor Dalbiez pour obtenir réparation du préjudice résultant du manquement du vendeur à son obligation spécifique de renseignement et le non-respect par celui-ci du délai de livraison ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de la société DCAG, l'arrêt retient que le juge pénal a alloué une somme en dédommagement du préjudice résultant de la diminution de l'intérêt commercial des locaux achetés, que le fondement juridique des demandes concernées est indifférent dès lors que la cause est identique s'agissant pour la même victime d'obtenir du même auteur réparation des conséquences de son comportement fautif et que le fait que la juridiction pénale n'ait eu à appréhender qu'une partie des préjudices découlant des mêmes faits générateurs est sans incidence dans la mesure où il incombait au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande, l'ensemble des moyens tendant à sa totale indemnisation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la nouvelle demande d'indemnisation, qui tendait à la réparation des préjudices résultant du manquement au devoir de conseil et du retard de livraison, avait un objet différent de la demande d'indemnisation du préjudice résultant de la diminution de l'intérêt commercial des locaux achetés examinée par le juge pénal, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Urbat promotion aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Urbat promotion à payer à la société DCAG la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Urbat promotion ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société civile immobilière DCAG
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt du 16 juin 2016 tel que rectifié par l'arrêt du 26 janvier 2017 encourt la censure
EN CE QU'il a, confirmant le jugement, déclaré irrecevables les demandes de la SCI DCAG tendant à l'indemnisation de son préjudice résultant de manquements par la SCCV Victor Dalbiez à ses obligations de renseignement, au regard de livraison et en l'état de la saisie immobilière réalisée par le banquier prêteur sur le bien vendu ;
AUX MOTIFS QUE « dans des conclusions auxquelles la cour renvoie expressément pour une complète information, la SCI DCAG considère que les prétentions qu'elle formule dans le cadre de la présente procédure ne se heurtent nullement au principe de l'autorité de la chose jugée par les juridictions pénales dans la mesure où il n'existe pas d'identité de cause entre les deux instances, les préjudices dont il est actuellement demandé réparation ne découlant pas des mêmes faits ; qu'il est également indiqué qu'il est constant que l'autorité absolue de la chose jugée n'est attachée qu'à ce qui a été jugé au pénal stricto sensu, et que l'autorité de la chose jugée est relative au plan civil, le juge répressif ne pouvant statuer que sur un aspect du dommage civil ; que dans ses écritures auxquelles la cour renvoie expressément pour une complète information, la SCCV Victor Dalbiez conclut au principal à la confirmation du jugement déféré ; qu'il convient de rappeler que la prévention dans les liens de laquelle les prévenus ont été retenus était la suivante : d'avoir à Perpignan, en tout cas sur le territoire national entre octobre 2006 et février 2008 et depuis temps n'emportant pas prescription, avoir diffusé de la publicité mensongère sur les qualités substantielles d'un bien, en l'espèce d'un bien immobilier destiné à accueillir un magasin d'antiquités, en l'espèce en dissimulant un retard important et non rattrapable dans les délais de livraison ainsi que la construction d'un local poubelle occultant une partie de la vitrine, rendant ainsi le bien impropre à sa destination ; que l'élément matériel de l'infraction est ainsi clairement mentionné ; que la SCI DCAG victime des agissements trompeurs de la société de promotion immobilière, avait d'ailleurs dans le procès-verbal de déclaration établi le 8 février 2008 par les services de la DGCCRF dont le rapport est à l'origine de la poursuite pénale, précisément exposé le processus d'acquisition des locaux litigieux, décrit les préjudices subis par elle au niveau de son activité professionnelle du fait de la non-conformité du local fourni et du retard dans sa livraison et affirmé le caractère déterminant dans son acte d'achat des qualités substantielles du bien acquis qui s'avéreront défaillantes ; qu'ayant retenu la culpabilité de la SCCV Victor Dalbiez, le jugement rendu le 21 janvier 2010 par le tribunal correctionnel de Perpignan puis l'arrêt confirmatif rendu par la cour d'appel de Montpellier le 23 juin 2011 ont accordé à la SCI DCAG en qualité de partie civile une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ; que cette somme a été allouée en dédommagement du préjudice résultant de la diminution de l'intérêt commercial des locaux achetés ; que la moins-value ainsi réparée découle à l'évidence de la perte d'attractivité d'un local commercial dont les vitrines sont partiellement occultées par un local poubelle et par l'indisponibilité temporaire desdits locaux due à des retards conséquents de livraison ; que dès lors, le fondement juridique des demandes concernées (responsabilité civile délictuelle ou responsabilité civile contractuelle) étant indifférent, la cause est identique s'agissant pour la même victime d'obtenir du même auteur réparation des conséquences de son comportement fautif ; que la question de l'identité de cause a d'ailleurs été expressément évoquée devant les juridictions répressives qui ont rejeté l'exception d'irrecevabilité correspondante soulevée au visa des dispositions de l'article 5 du code de procédure pénale, au motif non que l'objet des demandes civiles aurait été différent, mais que celles-ci étaient tout à fait recevables devant le juge pénal dans la mesure où le juge civil, déjà saisi, n'avait pas encore rendu de décision au fond ; que par ailleurs, le fait que la juridiction pénale n'ait eu à appréhender qu'une partie des préjudices découlant des mêmes faits générateurs, est sans incidence, dans la mesure où il incombait au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande, l'ensemble des moyens tendant à sa totale indemnisation ; que l'arrêt confirmatif devenu aujourd'hui définitif qui a retenu la faute pénale de la SCCV Victor Dalbiez et accordé à la SCI DCAG réparation dans le cadre de l'action civile et de l'action pénale bénéficie indiscutablement, en toutes ses dispositions, de l'autorité de chose jugée ; que le jugement déféré, qui pour ce motif, a retenu la fin de non-recevoir de l'ensemble des demandes formulées par la SCCV Victor Dalbiez, sera confirmé » (arrêt, pp. 6-8) ;
AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « l'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ; que l'article 1351 du code civil dispose par ailleurs que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties et formées entre elles et contre elles en la même qualité ; qu'il a été jugé au visa des dispositions précédentes qu'en écartant la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée au motif que la juridiction pénale n'a statué que sur la responsabilité délictuelle, alors qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci et qu'elle constatait que comme la demande originaire, la demande dont elle était saisie, formée entre les mêmes parties, tendait à l'indemnisation des préjudices résultant du même fait (en l'espèce une intervention médicale), la cour d'appel a violé le texte susvisé (Cass. Civ. 2ème, 25 octobre 2007) ; qu'en l'espèce, il résulte de la lecture du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Perpignan le 21 janvier 2010 confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 23 juin 2011 que la SCCV Victor Dalbiez a été reconnue coupable d'avoir à Perpignan entre octobre 2006 et février 2008, diffusé de la publicité mensongère sur les qualités substantielles d'un bien immobilier destiné à accueillir un magasin d'antiquités en dissimulant un retard important et non-rattrapable dans les délais de livraison ainsi que la construction d'un local poubelle occultant une partie de la vitrine, rendant ainsi le bien impropre à sa destination et condamnée à payer à M. Z..., es qualités de gérant de la SCI DCAG, la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la diminution de l'intérêt commercial des locaux achetés ; qu'il y a donc lieu de juger, conformément à la jurisprudence précitée, que si la demande formée par la SCI DCAG repose désormais sur le fondement contractuel et en particulier sur la violation par la SCCV Victor Dalbiez de son obligation de renseignement, ce nouveau fondement n'est pas susceptible de faire échec à la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée dès lors qu'il incombait à la SCI demanderesse de présenter dès l'instance relative à sa première demande l'ensemble des moyens qu'elle estimait de nature à fonder celle-ci et l'ensemble des préjudices découlant de l'infraction relevée, d'autant que la présente demande est formée entre les mêmes parties (la SCI DCAG et la SCCV Victor Dalbiez) et qu'elle tend à l'indemnisation de préjudices découlant des mêmes faits, à savoir la localisation du local poubelle et le retard de livraison ; qu'il en résulte que la demande de la SCI DCAG doit être déclarée irrecevable » (jugement, pp. 7-9) ;
ALORS QUE s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes formées sur les mêmes faits ; qu'en déclarant irrecevable la demande de la société DCAG tendant à réparer certains préjudices non-évoqués devant le juge correctionnel, au motif que découlant des mêmes faits générateurs, elle aurait dû demander leur réparation dès la première instance (arrêt, p. 8 alinéa 4 et jugement, p. 8 in fine), quand l'arrêt du 23 juin 2011 ne faisait pas obstacle à ladite demande faute de s'être prononcé sur la réparation des mêmes préjudices, les juges du fond ont violé l'article 1351 ancien du code civil devenu article 1355 du même code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt du 16 juin 2016 tel que rectifié par l'arrêt du 26 janvier 2017 encourt la censure
EN CE QU'il a condamné la SCI DCAG à payer à la SCCV Dalbiez une somme de 2 000 euros en cause d'appel sur la base des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de toute la procédure
AUX MOTIFS QUE « succombant également en cause d'appel, la SCCV Victor Dalbiez devra verser à son adversaire la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que pour les motifs, elle supportera les dépens d'appel » (arrêt, pp. 8-9) ;
ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en condamnant dans son dispositif la SCI DCAG à payer à la SCCV Victor Dalbiez la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens d'appel, après avoir, dans ses motifs, retenu que la SCCV Victor Dalbiez serait débitrice de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que des dépens, la cour d'appel de Montpellier a entaché sa décision d'une contradiction entre motifs et dispositif, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile.