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14/03/2018 | FRANCE | N°17-11193

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 mars 2018, 17-11193


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 24 novembre 2016), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 16 septembre 2014, pourvoi n° 13-24.436), qu'un arrêt a prononcé le divorce de M. Y... et de Mme X... ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de limiter le montant de la prestation compensatoire qui lui est due à la somme de 80 000 euros ;

Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale et de violation de la

loi, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, le pou...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 24 novembre 2016), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 16 septembre 2014, pourvoi n° 13-24.436), qu'un arrêt a prononcé le divorce de M. Y... et de Mme X... ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de limiter le montant de la prestation compensatoire qui lui est due à la somme de 80 000 euros ;

Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale et de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, le pouvoir souverain de la cour d'appel qui, après avoir constaté que le divorce créait une disparité dans les conditions de vie respectives des époux au préjudice du mari, a fixé comme elle l'a fait le montant de la prestation compensatoire ; qu'il ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me A... , avocat aux Conseils, pour Mme X....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR condamné M. Y... à verser à Mme X... une prestation compensatoire sous forme d'un capital d'un montant de 80 000 euros seulement ;

AUX MOTIFS QUE sur la prestation compensatoire, par arrêt en date du 16 septembre 2014, la Cour de Cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a débouté Madame de sa demande de prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 25 juin 2013 par la cour d'appel de Rennes au motif que "pour apprécier la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respective des époux, les juges du fond doivent prendre en considération toutes les composantes de leur patrimoine et notamment leurs biens propres personnels, quelle qu'en soit l'origine" ; que les articles 270 et 271 du Code civil précisément rappelés dans le jugement et l'arrêt des 5 avril 2012 et 25 juin 2013 prévoient le versement possible par l'un des époux d'une prestation compensatoire pour compenser la disparité créée dans les conditions de vie respectives par la rupture du mariage et fixe les critères que le juge doit prendre en considération ; qu'à ce titre figure le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenus, après la liquidation du régime matrimonial ; que les éléments financiers et personnels tels que retenus dans les décisions susvisées sont pour partie admis par les parties, Madame X... Y... faisant toutefois état de revenus très inférieurs à ceux de son époux pour la période comprise entre 2001 et 2008, hormis pour l'année 2004 ; que par ailleurs et depuis l'arrêt du 25 juin 2013, la vocation successorale de Monsieur Jacques Y... s'est réalisée ; que les pièces soumises conduisent la cour aux observations suivantes :
- le mariage a duré 18 ans, les époux ayant cessé toute vie commune depuis l'automne 2006,
- l'époux est âgé de 64 ans et l'épouse de 69 ans,
- l'un et l'autre ont rencontré d'importants problèmes de santé, Madame ayant souffert d'un cancer du pancréas qui a nécessité une lourde intervention en 2001 et Monsieur ayant été victime en janvier 2010 d'une crise cardiaque qui l'a amené à diminuer son activité ;
- les revenus des époux présentent une disparité certaine ;
qu'entre 2001 et 2008, les revenus de Monsieur Y... ont été supérieurs d'environ 30% à ceux de Madame X... Y..., hormis en 2004 où le ratio a été inversé ; qu'en 2009 et 2010, les revenus de chacun des époux ont été respectivement pour Monsieur de 30 332 € et 34 303 € et pour Madame de 27 649 € et 24 272 € ; qu'en 2011 et 2012, les revenus de Monsieur ont baissé de façon significative en raison de la diminution de son activité suite à son accident cardiaque ; que Monsieur Y... a fait valoir ses droits à la retraite en janvier 2012. Pour les années 2014 et 2015, ses revenus annuels ont été compris entre 23 000 € et 27 000 € ; que Madame X... Y... peut prétendre à une retraite de 2 655 € depuis Ie 1er juillet 2015 (simulation de retraite faite novembre 2009 et réactualisée le 15 novembre 2011) ; qu'elle ne justifie pas de la poursuite de son activité aujourd'hui quand bien même elle indique devoir continuer de travailler pour régler ses emprunts. Ses avis d'impôt 2015 et 2016 ne sont pas communiqués ;
- que les époux sont propriétaires en indivision :
• d'une SCI, la SCI HERMELINE créée en 2012 dans laquelle ils sont associés à hauteur de 50% chacun, qui comprend un appartement sis à Nantes et un appartement sis à Bordeaux dont les locaux de cabinets dentaires ;
• d'une maison d'habitation sise [...]                que Madame estime à 495 000 €.
- que leurs avoirs respectifs sont les suivants :
• Monsieur : la déclaration de succession de son père faite par notaire à l'administration fiscale dans les six mois suivant le décès de Monsieur Maurice Y... fait état d'un actif net successoral de 205 656,24 €, comprenant quatre assurances vie avec des primes à percevoir de 14 062 €, 19 364 €, 33 890 € et 29 714 € à l'âge de 70 ans, de 3 biens immobiliers sis à Nantes, et d'avoirs financiers ; que suivant estimation d'une agence immobilière faite le 20 novembre 2015, l'appartement boulevard Levasseur est évalué à 92 000 €, l'appartement situé rue Michel Strogoff à 140 000 €, la maison de ville avec garage sis rue d'Havelooze à 240 000 € et les locaux professionnels à 170 000 € ; que Monsieur Y... est également titulaire d'un contrat retraite (capital de 23 000 € en décembre 2014), d'un plan Nuance Grenadine (8 457 € en décembre 2012), d'une assurance vie (147 449 € en décembre 2014) et d'une épargne-retraite (3 372 € en décembre 2014) ;
• Madame : la valeur d'un demi cabinet à Bordeaux, propriété de la SCI HERMELINE (estimation de 135 000 €/2), un demi cabinet à Nantes (150 000 €/2) et la moitié du prix d'une maison d'habitation à Nantes (495 000 €/2) ; que Madame X... Y... soutient qu'elle a sacrifié son patrimoine et qu'il s'en est suivi un appauvrissement pour elle et un enrichissement pour son époux ; qu'elle expose que, pour suivre son époux à Nantes où il avait son cabinet et d'où il ne voulait pas partir, en 1984 elle a vendu la clientèle de son cabinet bordelais pour se réinstaller à Nantes, en 1987 a vendu son logement bordelais à perte pour acheter l'habitation de la famille [...]                puis, en 2001 a vendu les murs du cabinet bordelais afin d'acquérir avec son époux le nouveau cabinet dentaire voulu par celui-ci ; que le remboursement des différents prêts immobiliers qu'elle a dû souscrire et qu'elle continue de régler, de même que le placement par son époux du prix de vente de son cabinet bordelais sur le compte commun plutôt que le compte personnel de Madame X... Y..., sont à l'origine d'un appauvrissement pour elle et d'un gain pour l'époux qu'elle évalue à 390 000 € ; qu'à cet égard, s'il est un fait que le patrimoine de Madame X... Y... est aujourd'hui nettement moins important que celui de son époux, il apparaît que cette situation résulte de la succession dont Monsieur Y... a bénéficié et non des choix et opérations que celui-ci aurait imposés à son épouse ; qu'il doit en effet être considéré que, de par sa profession, son âge et son expérience lors du mariage, Madame X... Y... était en capacité d'évaluer les conséquences de ses décisions ; qu'ainsi, elle ne fait pas la démonstration qu'il y ait eu urgence pour elle de vendre rapidement sa maison de Bordeaux et qu'elle n'ait pas eu le choix de conserver le cabinet qu'elle avait acquis suite à son installation à Nantes, qui fonctionnait bien, plutôt que de participer à l'acquisition d'un nouveau cabinet dentaire, boulevard des Belges, au demeurant plus excentré qui accroissait sa charge d'emprunt ; que présentement, il a été statué par la Cour de Cassation que "pour apprécier la disparité que la rupture du mariage créée dans les conditions de vie respective des époux, les juges du fond doivent prendre en considération toutes les composantes de leur patrimoine et notamment leurs biens propres personnels, quelle qu'en soit l'origine" ; que dans un autre arrêt, la haute juridiction énonce également que "la prestation compensatoire n'a pas pour objet de corriger les effets du régime de séparation de biens choisi par les époux" ; qu'en l'espèce, il s'agit d'un second mariage et les époux ont fait le choix du régime de séparation de biens ; qu'au regard des critères de l'article 271 du Code civil, s'il a existé une disparité dans les revenus des époux, cette disparité est aujourd'hui réduite au regard de leurs droits à la retraite, les droits à la retraite de Monsieur Y... étant même inférieurs à ceux de Madame X... Y... ; que cependant, la situation patrimoniale nouvelle de Monsieur Jacques Y... suite à la réalisation de la succession de son père doit être prise en compte en ce qu'il peut être admis que la rupture du mariage va entraîner une disparité dans les conditions d'existence des époux ; que la demande de prestation compensatoire apparaît donc fondée ; que s'agissant de son montant, au vu des observations qui précèdent et compte tenu du régime de séparation de biens choisi par les époux, il y a lieu de fixer la prestation compensatoire à 80 000 € » ;

1°) ALORS QUE la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible, ce, en prenant notamment en considération « la durée du mariage », et non celle de la vie commune ; qu'en l'espèce, il est constant que les ex époux X... Y... se sont mariés le 21 mai 1988, à Nantes, et que le divorce a été prononcé par jugement du tribunal de grande instance de Nantes en date du 5 avril 2012, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 25 juin 2013 non remis en cause sur ce point par le pourvoi n° 13-24.436 formé à l'encontre de cette décision, de sorte que le mariage des ex époux X... Y... a en l'occurrence duré plus de 25 ans ; qu'examinant la situation respective des parties à l'effet de déterminer le montant de la prestation compensatoire, la cour d'appel a en l'espèce cependant tenu compte d'un « mariage ayant duré 18 ans, les époux ayant cessé toute vie commune depuis l'automne 2006 » ; qu'en retenant une telle durée, laquelle correspondait à celle de la vie commune après le mariage, et non du mariage, la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil ;

2°) ALORS en outre QUE la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible, ce, en prenant notamment en considération « leur situation respective en matière de pensions de retraite » ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu sur ce point, au vu d'une « simulation de retraite faite novembre 2009 et réactualisée le 15 novembre 2011 », que M. Y..., qui avait fait valoir ses droits à la retraite en janvier 2012, avait perçu entre 23 000 euros et 27 000 euros pour les années 2014 et 2015 et que Mme X... pouvait « prétendre à une retraite de 2 655 € depuis le 1er juillet 2015 » ; qu'en se bornant à statuer ainsi, sans rechercher, comme elle y était conviée par Mme X..., si les montants respectivement retenus s'accompagnaient d'une fin d'activité au même âge, Mme X... soulignant en effet que si elle avait cessé de travailler à 65 ans, elle n'aurait pu prétendre qu'à 2 115,02 euros mensuels, et qu'elle poursuivait son activité « malgré ses 69 ans [
] uniquement par obligation malgré son âge et son état de santé défaillant, ce qu'elle n'aurait pas eu à faire si son mariage avait duré et qu'elle avait pu compter sur son époux pour l'aider », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil ;

3°) ALORS également QUE Mme X... faisait valoir qu'elle avait quitté Bordeaux où elle était propriétaire d'une maison et titulaire d'une belle clientèle, pour rejoindre en 1983 M. Y..., qui le lui demandait, à Nantes, et vivre avec lui cinq années de concubinage au cours desquelles était né l'enfant commun du couple, avant de se marier [...] ; qu'ainsi, elle avait, pour son couple, vendu pour 440 000 Frs (67 000 euros) sa maison de Bordeaux, évaluée en 2013 à 360 000 euros, et pour 250 000 Frs (38 000 euros) son cabinet médical estimé à 135 000 euros depuis, ce, tout en continuant à payer le crédit de sa maison et en abandonnant sa clientèle de Bordeaux avec l'obligation de s'en constituer une entièrement nouvelle à Nantes, et en investissant le prix de ses biens vendus dans le logement familial de Nantes et le cabinet commun avec son époux, ainsi que souhaité par ce dernier ; que la cour d'appel a déclaré que la consistance beaucoup plus importante du patrimoine de M. Y... par rapport à celui de son épouse résultait de la succession dont M. Y... avait bénéficié « et non des choix et opérations que celui-ci aurait imposés à son épouse », laquelle devait par ailleurs, « de par sa profession, son âge et son expérience lors du mariage, [être] en capacité d'évaluer les conséquences de ses décisions et ne démontrait pas qu'il y avait eu urgence pour elle de vendre rapidement sa maison de Bordeaux et qu'elle n'avait pas eu le choix de conserver le cabinet qu'elle avait acquis suite à son installation à Nantes, qui fonctionnait bien, plutôt que de participer à l'acquisition d'un nouveau cabinet dentaire [
] plus excentré qui accroissait sa charge d'emprunt » ; qu'en se bornant à statuer ainsi, sans rechercher si les choix professionnels et personnels de Mme X... ayant engendré son appauvrissement n'avaient pas été réalisés dans l'intérêt du couple et de la famille, et si par conséquent, ils ne devaient pas être pris en compte dans l'appréciation de la disparité que la rupture du mariage avait crée, au détriment de Mme X..., dans les conditions de vie respectives des époux, la cour d'appel, qui n'a pas contesté les évaluations des biens de Mme X... à Bordeaux, ni que Mme X... avait quitté Bordeaux pour s'installer en couple avec son futur mari et y élever leur enfant commun, a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil ;

4°) ALORS enfin QUE, examinant la situation patrimoniale respective des deux époux, la cour d'appel, ayant énuméré tous les biens détenus en propre par M. Y... (actif net successoral de 205 656,24 euros, comprenant quatre assurances vie avec des primes à percevoir de 14 062 euros, 19 364 euros, 33 890 euros et 29 714 euros, des avoirs financiers et trois biens immobiliers sis à Nantes estimés à 92 000 euros, 140 000 euros, et 240 000 euros et des locaux professionnels de 170 000 euros, un contrat retraite, un plan d'épargne, une assurance vie et une épargne-retraite), a détaillé le patrimoine de Mme X... en y faisant figurer sa part dans le patrimoine commun des époux dont chacun détenait 50%, soit « la valeur d'un demi cabinet à Bordeaux, propriété de la SCI HERMELINE (estimation de 135 000 €/2), un demi cabinet à Nantes (150 000 €/2) et la moitié du prix d'une maison d'habitation à Nantes (495 000 € /2) » ; qu'en prenant ainsi en considération, pour Mme X... seule, qui était par ailleurs dépourvue de biens personnels, le patrimoine commun des époux, sans en tenir compte dans l'examen de la situation patrimoniale de M. Y..., la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-11193
Date de la décision : 14/03/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 24 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 14 mar. 2018, pourvoi n°17-11193


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.11193
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