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14/03/2018 | FRANCE | N°16-11562

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 mars 2018, 16-11562


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé le 4 septembre 1990 par la société Pixxent en qualité de responsable d'affaires dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée qui a ensuite été transféré à la société C... , aux droits de laquelle vient la société A... ; qu'il a été licencié pour motif économique par lettre du 30 décembre 2009 après adhésion à une convention de reclassement personnalisé ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par

une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à e...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé le 4 septembre 1990 par la société Pixxent en qualité de responsable d'affaires dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée qui a ensuite été transféré à la société C... , aux droits de laquelle vient la société A... ; qu'il a été licencié pour motif économique par lettre du 30 décembre 2009 après adhésion à une convention de reclassement personnalisé ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse et allouer au salarié une indemnité à ce titre, l'arrêt retient que l'employeur se borne à affirmer qu'il a recherché à reclasser l'intéressé et qu'il ne peut lui être reproché de ne pas y être parvenu, que toutefois cet employeur ne justifie d'aucune démarche concrète, effective et sérieuse en vue de rechercher à reclasser le salarié soit au sein de la société C... soit au sein de la société A... ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur faisait valoir dans ses conclusions, reprises oralement à l'audience, l'absence, au sein des deux sociétés du groupe, de poste disponible permettant le reclassement du salarié et versait aux débats le registre d'entrée et de sortie du personnel de chaque société, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le licenciement de M. Y... dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne la société A... à lui payer la somme de 60 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 16 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société A... .

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 16 décembre 2015 d'AVOIR condamné la société A... à payer à M. Y... la somme de 60.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE « M. Y... fait valoir que la société C... ne lui a proposé aucune offre de reclassement et qu'elle n'a pas communiqué son livre d'entrée et de sortie du personnel, ce qui ne permet pas au juge de vérifier la situation des départs et des embauches dans l'entreprise.

Que la société A... réplique qu'il n'existait aucun poste disponible ou vacant permettant le reclassement de M. Y.... Elle souligne qu'elle a proposé un poste de reclassement à un autre des salariés également concernés par le licenciement économique.

Que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi de catégorie inférieure. Cette recherche doit s'étendre, à défaut de possibilités de reclassement dans l'entreprise, et si celle-ci appartient à un groupe, ce qui est le cas en l'espèce, à toutes les entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutabilité de tout ou partie du personnel.

Qu'il appartient à l'employeur de rechercher effectivement et sérieusement à reclasser le salarié. C'est à l'employeur de prouver qu'il a cherché à reclasser le salarié avant de le licencier ou d'établir l'absence, à l'époque du licenciement, de poste disponible correspondant aux compétences et aptitudes du salarié licencié. La méconnaissance par l'employeur de son obligation de reclassement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Qu'au cas d'espèce, l'employeur se borne à affirmer qu'il a recherché à reclasser M. Y... et qu'il ne peut lui être reproché de ne pas y être parvenu.

Que toutefois cet employeur ne justifie d'aucune démarche concrète, effective et sérieuse, en vue de rechercher à reclasser M. Y..., soit au sein de C... , soit au sein de A... .

Qu'en conséquence, le licenciement de M. Y... est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Que la décision des premiers juges doit être infirmée sur ce point » ;

ALORS, d'une part, QUE les juges ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; que, dans ses conclusions d'appel, la société A... faisait valoir que dans le cadre de la réorganisation de l'entreprise, imposée par les difficultés économiques rencontrées, elle avait été contrainte de supprimer trois postes parmi lesquels figurait le poste de responsable d'affaires occupé par M. Y... et qu'il ne subsistait aucun poste de responsable d'affaires au sein de la société ; qu'elle ajoutait que si les recherches effectuées en vue du reclassement des salariés occupant les postes supprimés l'ont amenée à proposer à Mme Z... un poste d'assistante de direction au sein de la société A... , seul poste disponible au sein des deux entités du groupe, il n'existait aucun autre poste disponible ou vacant au sein des deux entités du groupe ; qu'en jugeant néanmoins que l'employeur se bornait à affirmer qu'il avait recherché à reclasser M. Y... et qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas y être parvenu, sans justifier d'aucune démarche concrète, effective et sérieuse, en vue de reclasser M. Y... au sein de la société C... ou au sein de la société A... , la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la société A... , violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, d'autre part, QUE les juges ne doivent pas dénaturer les documents de la cause ; qu'au soutien de ses conclusions d'appel tendant à démontrer qu'elle avait cherché à reclasser en vain M. Y... avant de le licencier pour motif économique la société A... produisait les livres d'entrée et de sortie du personnel de la société C... relatifs aux années 1987-2010 ainsi que ses propres livres d'entrée et de sortie relatifs aux années 2003-2012, lesquels attestaient non seulement de la suppression du poste de responsable d'affaires suite au licenciement de M. Y... mais également de l'absence de poste disponible au sein des deux entités du groupe ; qu'en considérant néanmoins que la société A... se bornait à affirmer qu'elle avait recherché à reclasser M. Y... et qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas y être parvenu, sans justifier d'aucune démarche concrète, effective et sérieuse, en vue de reclasser M. Y... au sein de la société C... ou au sein de la société A... , la cour d'appel a violé le principe sus visé et l'article 4 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 16 décembre 2015 d'AVOIR condamné la société A... à payer à M. Y... les sommes de 10.371,42 euros au titre des heures supplémentaires et 1.037,14 euros au titre des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE « M. Y... fait valoir que son contrat de travail prévoit qu'il relève, pour le calcul de son temps de travail, du forfait annuel en jours, tout en lui imposant de se conformer aux horaires collectifs de ses collaborateurs et des personnes qu'il encadre, qu'au surplus ce contrat fixe le nombre de jours travaillés à 217 par an alors que l'avenant à la convention collective des industries du cartonnage limite à 215 le nombre de jours travaillés annuellement et qu'enfin il n'existe aucun document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, le nombre d'heures de repos quotidien, ainsi que la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail, ainsi que l'exige la convention collective. Il ajoute qu'il travaillait chaque jour jusqu'à 17 heures soit une heure supplémentaire et réclame à ce titre le versement de 10 371,42 euros augmentés de 10 % au titre des congés payés afférents.

Que la société A... réplique que compte tenu de l'autonomie dont bénéficiait M. Y... dans son emploi du temps, ce salarié relevait du forfait annuel en jours et que les horaires des collaborateurs et des personnes qu'il encadrait n'avaient été indiqués qu'à titre d'information. Elle conteste l'existence d'heures supplémentaires réalisées par son salarié.

Qu'aux termes de l'article L 3121-43 du code du travail, peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixé par l'accord collectif, les cadres disposant d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auxquels ils sont intégrés.

Qu'au cas d'espèce l'article 6 du contrat de travail de M. Y... dispose à la fois que le salarié relève, compte tenu de son autonomie dans l'organisation de son emploi du temps, pour le calcul de son temps de travail du forfait annuel en jours, mais que, cependant, compte tenu de ses fonctions, ce salarié doit se conformer aux horaires collectifs de ses collaborateurs et des personnes qu'il encadre. Le contrat ajoute qu'à titre d'information, les horaires sont actuellement répartis du lundi au vendredi de 8 heures à 12 heures et de 13 heures à 16 heures.

Qu'il s'ensuit que M. Y..., en principe libre d'organiser son emploi du temps, est néanmoins tenu être présent aux horaires fixes des personnes qu'il encadre, soit heures par jour.

Que par ailleurs, le 14 octobre 2009, son employeur lui a fait reproche d'arriver le matin à 8 heures, d'être présent pendant une heure durant laquelle ses interlocuteurs ne travaillent pas et de quitter la société à 17 heures. Il lui a demandé d'adapter ses horaires de travail aux heures d'ouverture classique des bureaux afin d'être joignable et en contact avec ses interlocuteurs au moins de 9 heures à 12h30 et de 14 heures à 17h30.

Que la fixation de ces impératifs horaires est incompatible avec la conclusion d'une convention de forfait en jours sur l'année de sorte que cette convention est privée d'effets.

Que le salarié peut alors prétendre à paiement d'heures supplémentaires dont la cour doit vérifier l'existence et le nombre.

Qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accompli, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile. Le salarié doit étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Qu'au cas d'espèce M. Y... étaye sa demande par la production de son contrat de travail et de la lettre du 14 octobre 2009 selon laquelle il doit être présent 5 jours par semaine, en respectant certaines plages horaires. Il fait valoir qu'il arrive à 8 heures et quitte l'entreprise à 17 heures.

Que l'employeur ne produit aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par M. Y....

Que par rapport aux horaires indiqués dans le contrat de travail, en partant à 17 heures M. Y... travaille 8 heures par jour (8h-midi – 13h-17h) ; en tenant compte des horaires exigés par la lettre du 14 octobre 2009, M. Y... travaille également heures par jour (8h-12h30 – 14h-17h30).

Qu'il effectue donc chaque jour une heure de travail supplémentaire, soit, de 2007 à 2009, 367 heures supplémentaires qui doivent lui être rémunérées sur la base d'un salaire mensuel de 3430 euros pour un horaire mensuel de 151,67, et en tenant compte de l'augmentation de 25 % du paiement des heures supplémentaires soit un total de 371,42 euros outre 1037,14 euros au titre des congés payés afférents » ;

ALORS, d'une part, QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en constatant seulement que M. Y... étayait sa demande par la production de son contrat de travail et d'une lettre du 14 octobre 2009 lui demandant de respecter certaines plages horaires et qu'il faisait valoir qu'il arrivait à 8h et repartait à 17h, éléments qui n'étaient pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre utilement, et en condamnant ce dernier à un rappel d'heures supplémentaires, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

ALORS, d'autre part, QUE les juges ne doivent pas dénaturer les documents de la cause ; qu'au soutien de ses conclusions d'appel tendant à démontrer que M. Y... n'avait pas effectué d'heures supplémentaires, la société A... produisait de nombreux mails du salarié l'informant de son départ anticipé de l'entreprise, ce dont il résultait qu'il quittait généralement l'entreprise à 16h ou 16h15 et rarement à 17h ; qu'en considérant néanmoins que la société A... ne produisait aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par M. Y..., la cour d'appel a dénaturé, par omission, les pièces susvisées en violation du principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause et de l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-11562
Date de la décision : 14/03/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 mar. 2018, pourvoi n°16-11562


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.11562
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