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07/03/2018 | FRANCE | N°17-80066

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 mars 2018, 17-80066


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Luc X...,

contre l'arrêt de la cour d'assises de la HAUTE-GARONNE, en date du 9 décembre 2016, qui, pour meurtre et violences aggravées, l'a condamné à dix ans d'emprisonnement, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 janvier 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale

: M. Soulard, président, M.Stephan, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Luc X...,

contre l'arrêt de la cour d'assises de la HAUTE-GARONNE, en date du 9 décembre 2016, qui, pour meurtre et violences aggravées, l'a condamné à dix ans d'emprisonnement, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 janvier 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M.Stephan, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de M. le conseiller Stephan, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PETITPREZ ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 240 et 296 du code de procédure pénale issu de la loi du 3 juin 2016, 355, 356 et suivants, 376, 377 du même code, 592 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt criminel ne mentionne pas les noms des neufs jurés de jugement composant la cour d'assises qui ont délibéré de l'affaire avec la cour proprement dite, composée elle-même de M. Michel A..., Mme Laetitia B... et M. Alain C... ;

"alors que l'arrêt doit faire preuve de sa régularité ; que les jurés étant au même titre que la cour membres à part entière de la cour d'assises, leurs noms doivent figurer expressément dans la décision elle-même ; que dans la mesure où la loi permet depuis le 3 juin 2016 aux jurés supplémentaires d'assister sans pouvoir manifester leur opinion au délibéré, seule la mention du nom des neufs jurés ayant participé au délibéré, peut mettre la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la composition de la cour d'assises ayant délibéré et rendu la décision de condamnation ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions du procès-verbal des débats que conformément aux dispositions de l'article 296 du code de procédure pénale, le juré supplémentaire a assisté aux délibérations ; qu'en ne précisant pas la composition exacte de la cour d'assises qui a délibéré, voté et prononcé la condamnation, l'arrêt attaqué n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la composition de la cour d'assises qui a participé au jugement de l'affaire" ;

Attendu que, d'une part, aucune disposition légale n'impose à peine de nullité que le nom des jurés ayant participé au délibéré soit mentionné dans l'arrêt pénal, d'autre part, le secret du délibéré étant absolu, il doit être présumé, en l'absence d'énonciation contraire, que le juré supplémentaire, admis à assister au délibéré sans y participer, en application des dispositions de l'article 296 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, n'a exprimé aucune opinion et n'a pris part à aucun vote ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 326 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble violation des droits de la défense, du principe de l'oralité des débats, excès de pouvoir ;

"en ce que la cour, par arrêt incident, a rejeté la demande de renvoi aux fins d'entendre M. Ugo D..., témoin cité par M. le procureur général ;

"aux motifs qu'alors que tous les autres témoins présents ont été entendus de même que l'accusé et les parties civiles, la cour considère que la présence de M. D..., domicilié [...]              , n'est pas indispensable à la manifestation de la vérité ; que toutefois, afin de garantir l'équité du procès, la cour d'assises, en cours de délibéré, ne tiendra aucun compte des déclarations de M. D... défavorables à M. Luc X... qui ne seraient pas confirmées par les propres déclarations de l'accusé ou d'autres éléments contradictoirement débattus à l'audience ;

"1°) alors que tout témoin acquis aux débats doit être entendu par la cour d'assises ; que lorsqu'une partie s'oppose à ce qu'il soit passé outre à l'absence d'un témoin défaillant, la cour d'assises ne peut rejeter les conclusions tendant au renvoi de l'affaire à une session ultérieure en raison de la défaillance du témoin, à l'audition duquel elle n'a pas renoncé sans justifier de la nécessité de juger immédiatement l'accusé, de l'impossibilité d'assurer la comparution du témoin défaillant ou de la circonstance selon laquelle ce témoin ayant déjà été entendu au cours de l'instruction, son audition n'apparaît pas indispensable à la manifestation de la vérité ; qu'en se bornant à affirmer que la présence de M. D... domicilié [...]               n'est pas indispensable à la manifestation de la vérité pour rejeter la demande de renvoi, la cour d'assises a méconnu les textes et principes susvisés ;

"2°) alors que la cour d'assises ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs et méconnaître le principe de l'oralité des débats, décider qu'il ne sera pas tenu compte en cours du délibéré des déclarations de M. D... défavorables à M. X... qui ne seraient pas confirmées par d'autres éléments contradictoirement débattus à l'audience ; que la cour a excédé ses pouvoirs et privé son arrêt de tout fondement légal ;

"3°) alors que la cour d'assises ne peut passer outre à l'audition d'un témoin indispensable à la manifestation de la vérité, qui a été de surcroît localisé ; que dans ses conclusions, la défense faisait valoir que ledit témoin avait eu un rôle essentiel dans l'affaire puisqu'il était l'instigateur du cambriolage ayant mené au drame, l'un des agresseurs de M. X... et l'unique témoin des faits ; que des contradictions émaillent ses interrogatoires et certaines affirmations sont déterminantes dans l'appréciation de l'état de légitime défense dans lequel M. X... s'est trouvé au moment des faits ; qu'en rejetant la demande de renvoi sans s'expliquer sur les chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, la cour d'assises a méconnu les textes et principes susvisés ;

"4°) alors qu'aux termes de l'article 6-3 de la Convention européenne des droits de l'homme, tout accusé a droit, notamment, à interroger ou faire interroger les témoins à charge ; qu'il s'ensuit que sauf impossibilité dont il leur appartient de préciser les causes, les juges sont tenus, lorsqu'ils en sont légalement requis, d'ordonner l'audition contradictoire des témoins à charge qui n'ont à aucun stade de la procédure été confrontés avec l'accusé ; qu'en se bornant ainsi à considérer que d'autres témoins ayant été entendus, de même que l'accusé et les parties civiles, la présence de M. D... n'est pas indispensable à la manifestation de la vérité, sans rechercher si ce témoin avait déjà été confronté à M. X... et s'il était ou non possible d'assurer sa comparution, fût-ce par visio-conférence, la cour d'assises a méconnu les textes et principes susvisés" ;

Attendu que, pour rejeter la demande de renvoi présentée par la défense en raison de l'absence du témoin Ugo D..., la cour relève que l'intéressé est domicilié [...] , que les autres témoins cités et présents ont été entendus, ainsi que l'accusé et les parties civiles, et que son audition n'apparaît pas nécessaire à la manifestation de la vérité ;

Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, et dès lors que, d'une part, la cour avait délivré, à la demande de la défense, un mandat d'amener à l'encontre d'Ugo D..., que ce mandat n'a pu être mis à exécution, l'intéressé ne séjournant plus sur le territoire national, d'autre part, un renvoi du procès ne garantissait pas que ce témoin pourrait être entendu dans le cadre d'une audience ultérieure, la cour, qui a souverainement apprécié que l'audition de ce témoin n'était pas nécessaire à la manifestation de la vérité, a justifié sa décision, sans méconnaître ni les droits de la défense, ni le principe de l'oralité des débats, ni les textes visés au moyen ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 329, 330, 331, 335, 336, 378, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que le procès-verbal des débats se borne à indiquer à plusieurs reprises que les témoins présents ont été successivement appelés et introduits dans l'auditoire, où ils ont déposé oralement et séparément dans les conditions prescrites par l'article 331 du code de procédure pénale, et après avoir prêté serment de parler sans haine et sans crainte et de dire toute la vérité, rien que la vérité sans jamais mentionner le nom de chacun des témoins comparants, entendus par la cour d'assises ;

"alors que les témoins doivent, sur la demande du président, faire connaître leur nom, prénoms, etc
; s'ils sont parents ou alliés, soit de l'accusé, soit de la partie civile ; que faute de préciser le nom de chacun des témoins entendus, le procès-verbal des débats ne met pas la Cour de cassation en mesure de vérifier que tous les témoins présents et acquis aux débats ont bien été entendus, et que les témoins qui en raison de leur lien de parenté avec l'accusé ou la partie civile, ne peuvent être reçus sous la foi du serment, ne l'ont pas été ; qu'en ne mentionnant pas le nom des témoins qui ont déposé à l'audience, le procès-verbal des débats ne met pas la Cour de cassation en mesure de contrôler l'irrégularité de la procédure" ;

Attendu que le procès-verbal des débats indique, conformément aux dispositions de l'article 324 du code de procédure pénale que, sur ordre du président, l'huissier a donné lecture de la liste des témoins, lesquels étaient ou seraient présents, à l'exception de quatre d'entre eux, à l'égard desquels il a été passé outre, sans opposition des parties ou par arrêt incident ;

Attendu qu'il est indiqué que, durant les débats, les témoins présents ont été successivement appelés et ont déposé oralement dans les conditions prescrites par l'article 331 du code de procédure pénale, après avoir prêté le serment prévu par ce texte, à l'exception de deux d'entre eux, respectivement ex-épouse et conjointe de la soeur de l'accusé ;

Attendu le moyen est inopérant dès lors que la Cour de cassation est en mesure, au vu de l'ensemble des mentions du procès-verbal, de connaître les noms des témoins qui ont été entendus, de ceux qui ont prêté serment et de ceux qui n'ont pas prêté serment ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, violation de l'article 62 de la Constitution, 148, 349, 349-1 et suivants, 365-1 du code de procédure pénale, 122-5 et 122-6 du code pénal, violation des droits de la défense, défaut de motifs ;

"en ce que par arrêt incident, la cour a dit n'y avoir lieu de poser les questions factuelles suivantes :
- Le [...], MM. E... et D... sont-ils entrés par effraction, chez l'accusé M. X... ?
- Le [...], MM. E... et D... sont-ils entrés par effraction dans un lieu habité par l'accusé M. X... ?
- Le [...], MM. E... et D... sont-ils entrés, de nuit, par effraction dans un lieu habité par l'accusé M. X... ?
Par voie de conséquence,
- L'accusé M. X... est-il présumé avoir agi en état de légitime défense aux termes de l'article 122-6 du code pénal ? ;

"aux motifs que par conclusions déposées ce jour les avocats de M. X... demandent que soient posées trois questions «factuelles» relatives aux conditions d'application de la présomption de légitime défense de l'article 122-6 du code pénal, et une question générale sur la présomption de légitime défense ; que toutefois, comme l'a jugé la chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt du 28 novembre 2012 n° 11-87.692, les dispositions de l'article 349-1 du code de procédure pénale ne renvoient pas à celles de l'article 122-6 du code pénal qui ne font qu'édicter des présomptions de légitime défense ; dès lors, il n'y a pas lieu de poser les questions ;

"alors que pour que les exigences d'un procès équitable soient respectées, la feuille des questions et la motivation de l'arrêt doivent permettre aux parties de comprendre le verdict qui a été rendu et à la Cour de cassation de s'assurer que la cour d'assises a caractérisé les principaux éléments à charge résultant des débats qui l'ont convaincu de la culpabilité de l'accusé et justifié sa décision ; qu'en refusant de poser les questions factuelles de nature à déterminer les circonstances exactes des faits et de l'existence de la légitime défense, eu égard aux conditions temporelles de la nuit, matérielles de l'entrée par effraction, spatiales de lieu habité, alors même que l'accusé était en droit au regard de l'interprétation des textes donnée par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011, de demander que la liste des questions posées soit complétée, afin que la cour d'assises se prononce spécialement sur ces éléments de fait discutés pendant les débats, la cour d'assises a méconnu les textes et principes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats et de la feuille de questions que la défense, par conclusions écrites, a demandé que soient posées des questions factuelles relatives à l'application, au cas d'espèce, de la présomption de légitime défense prévue par l'article 122-6 du code pénal ; que la cour a rejeté ces demandes et qu'ont été posées des questions numérotées 2 et 4 concernant la cause d'irresponsabilité pénale de légitime défense, pour chacun des deux faits reprochés à l'accusé ; qu'il a été répondu négativement à ces deux questions ;

Attendu qu'en cet état, il a été régulièrement procédé, dès lors que les dispositions de l'article 349-1 du code de procédure pénale, qui prévoit les questions devant être posées lorsqu'est invoquée, comme moyen de défense, une cause d'irresponsabilité pénale, ne prévoit pas, s'agissant de la légitime défense, de questions spécifiques résultant de la présomption prévue à cet égard par l'article 122-6 du code pénal ;

Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 122-5, 122-6, 221-1, 222-7 et 222-13 du code pénal, préliminaire et 365-1 du code de procédure pénale, 591 et 593 du même code, défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que la cour d'assises a déclaré M. X... coupable d'avoir volontairement donné la mort à Jonathan E..., et d'avoir volontairement exercé des violences sur la personnede M. D... ;

"aux motifs qu'à l'issue des débats, la culpabilité de l'accusé est établie par les éléments suivants, débattus contradictoirement à l'audience et exposés au cours de la délibération ; que le mercredi 9 décembre 2016, M. X..., propriétaire co-gérant d'un bar-tabac, au-dessus duquel est situé son logement, découvrait que les barreaux de l'une des fenêtres de son établissement avaient été sciés, et que les auteurs avaient tenté de dissimuler grossièrement leur action avec de l'adhésif marron ; que pour les gendarmes, il s'agit là de façon de faire d'amateurs M. X... n'est pas allé déposer plainte, mais est entré en contact avec les gendarmes qui l'ont averti qu'ils mettraient en place une surveillance ponctuelle, en lui précisant clairement qu'il leur était impossible d'assurer une présence physique régulière et encore moins permanente, notamment la nuit ; que M. X... a pourtant pris la décision de ne pas faire réparer les barreaux, alors que cela aurait immédiatement fait obstacle à toute intrusion dans son bar-tabac ; qu'en plus, à aucun moment M. X... n'a envisagé, à titre de mesure efficacement dissuasive, de faire réparer les alarmes volumétriques déjà installées mais qui ne fonctionnaient pas, ou de laisser chaque nuit la lumière du commerce allumée ; que M. X... a choisi une autre option, il a choisi de ne rien tenter pour faire obstacle à l'intrusion, de mettre en place dans son bar-tabac un système d'alerte sous la forme d'un fil de pêche tendu entre deux chaises posées sur des tables, de préparer un fusil de chasse à canons juxtaposés, chargé, et de le positionner dans sa chambre à l'étage ; que M. X... a donc décidé, dès la découverte de la dégradation des barreaux, de préparer les conditions d'une inéluctable confrontation armée avec d'éventuels cambrioleurs à qui il voulait appliquer le châtiment, qu'il avait décidé à l'avance ; que si le bar-tabac et les pièces à vivre sont liés d'un étage à l'autre, et s'il peut être retenu que les deux adolescents sont entrés dans un lieu habité au sens de l'article 122-6 du code pénal, par effraction puisque le bris d'une vitre n'a jamais été contesté, et dès lors que s'applique la présomption prévue par ce texte, il n'empêche qu'il s'agit d'un lieu particulier puisque les deux intrus sont entrés pour le cambrioler dans un bar-tabac, et non dans les pièces (salon, chambre, cuisine ou autres) d'une habitation ordinaire ; que plus largement, la problématique juridique de la légitime défense, incluant la présomption, doit donc être appréciée au regard de toutes les circonstances spécifiques précitées, et en prenant en compte, à titre d'élément de réflexion quand bien même ce n'est pas le cadre juridique applicable, que le second alinéa 2 de l'article 122-5 interdit de faire obstacle à une atteinte aux biens, ce qui est le cas du cambriolage d'un commerce, par le biais d'un homicide volontaire ; que le [...], vers 2 heures du matin, M. X... a d'abord entendu un bruit quand deux adolescents de 17 ans, Jonathan E... et Ugo D... ont brisé la vitre de la fenêtre dont les barreaux avaient été sciés ; qu'alors que les deux intrus pénétraient dans le bar-tabac, M. X... a pris en main son fusil armé qui se trouvait dans la chambre à l'étage ; qu'aucun membre de la famille ne se trouvait au rez-de-chaussée ; qu'à cet instant, rien ne pouvait laisser penser à M. X... que celui ou ceux qui étaient entrés dans le bar-tabac savaient que les propriétaires habitaient au-dessus, et encore moins qu'ils auraient forcément l'envie de monter à l'étage ; que, lorsque M. X..., à l'étage, a pris son fusil, il ne subissait aucune atteinte injustifiée au sens du premier alinéa de l'article 122-5 du code pénal ; qu'au demeurant, il pouvait attendre à l'étage que le ou les cambrioleurs finissent d'explorer son commerce, prennent ce qu'ils voulaient emporter, et quittent les lieux ; qu'il pouvait aussi faire du bruit ou allumer l'éclairage du bar ou de l'étage pour faire fuir les intrus ; que M. X..., qui possédait un téléphone portable, a aussi décidé de ne pas appeler les gendarmes alors que leur caserne est située non loin de son établissement, qu'il avait déjà été en contact avec eux, et qu'il avait été envisagé, si les conditions étaient réunies, une intervention rapide pour procéder à un flagrant délit ; que M. X... a donc décidé d'aller vers les cambrioleurs à un moment où ils ne présentaient aucun danger pour lui ; que suivi de sa soeur qui n'avait aucune arme, il est descendu au rez-de-chaussée dans son commerce et dans l'escalier, a entendu le bruit des chaises renversées, ce qui a confirmé la présence d'au moins un intrus ; qu'il a tiré le premier coup de feu quelques secondes plus tard ; que cela contredit son affirmation selon laquelle l'alarme au niveau des chaises avait pour but de faire fuir les intrus puisqu'il ne leur a laissé aucun temps pour faire demi-tour et repartir ; qu'à peine entré dans le bar-tabac, M. X... a vu derrière le comptoir la silhouette de Jonathan E... qui n'a pu qu'être surpris par l'arrivée d'une personne par l'intérieur ; que M. X... a immédiatement tiré en direction de Jonathan E..., tout en proférant des injures contre lui ; que les projectiles ont pénétré dans le corps au niveau du ventre et les très graves blessures ont rapidement entraîné le décès de la victime ; que l'attitude de M. X... entre la découverte des barreaux sciés et ce soir là est en lien avec les propos qu'il a tenus à plusieurs reprises ; que plusieurs clients réguliers de son bar-tabac l'ont entendu affirmer que si un intrus entrait dans son commerce il en ferait son affaire ; que l'un d'entre eux a confirmé devant la cour d'assises que M. X... avait dit que si quelqu'un entrait chez lui pour le cambrioler il le laisserait entrer, qu'il lui mettrait un coup de fusil, et qu'ensuite il appellerait la police ; que M. Thomas H... neveu de l'accusé, a indirectement confirmé les propos de ce témoin en indiquant aux enquêteurs que son oncle M. X... avait dit que si un cambrioleur entrait, il l'empêcherait de voler ; qu'un autre témoin, client quotidien du bar-tabac, qui a décrit sans se tromper les particularités de l'arme, différente de celle utilisée le soir des faits, a indiqué que M. X... avait parfois brandi un fusil dans le bar en exprimant sa détermination à tirer sur toute personne qui entrerait dans son commerce ; qu'il ressort de ce qui précède que M. X..., mettant en cohérence ses idées, ses paroles et ses actes, a décidé, sachant que se préparait le cambriolage de son commerce, de mettre en place un stratagème afin de pouvoir tirer sur tout intrus qui entrerait ; que de fait, l'étage où il entendait le bruit dans le bar-tabac du rez-de-chaussée, M. X... pouvait, sans aucun risque pour lui-même ou les membres de la famille, attendre simplement que les cambrioleurs quittent les lieux ; qu'en conséquence de quoi, quand bien même M. X... bénéficie dans un premier temps d'une présomption de légitime défense, les circonstances rappelées, qui démontrent la totale disproportion entre d'un côté la présence dans le commerce du rez-de-chaussée de cambrioleurs non agressifs et de l'autre la décision préméditée et immédiate de M. X... d'utiliser son fusil et d'aller leur tirer dessus, imposent d'écarter la légitime défense (
) en conséquence de quoi, quand bien même la légitime défense aurait été retenue pour le premier tir, elle ne pouvait à l'évidence pas l'être pour le second ;

"1°) alors que constitue nécessairement une atteinte injustifiée envers soi-même ou autrui faisant présumer la légitime défense, l'entrée d'un intrus de nuit par effraction, violences ou ruses dans un lieu habité peu important que l'intrus en connaisse ou non l'usage d'habitation ; qu'en considérant dans sa motivation que M. X... bénéficiait bien de la présomption de légitime défense au regard des dispositions de l'article 122-6 du code pénal et que deux adolescents sont bien entrés de nuit dans un lieu habité par effraction, tout en indiquant ensuite que lorsque M. X... à l'étage a pris son fusil, il ne subissait aucune atteinte injustifiée au sens du 1er alinéa de l'article 122-5 du code pénal, et en répondant par la négative à la question sur l'existence de la cause d'irresponsabilité pénale prévue par l'article 122-5 du code pénal, la cour d'assises s'est contredite et a méconnu les textes susvisés ;

"2°) alors que la motivation ne s'explique pas sur l'élément intentionnel du meurtre reproché à M. X... ; que l'intention homicide n'est pas justifiée par la circonstance selon laquelle M. X... a pris en main son fusil qui se trouvait dans sa chambre en entendant les cambrioleurs et qu'il a tiré pour les mettre en fuite, ce qui n'implique pas l'intention homicide qui suppose établie la volonté de tuer ; que la réponse affirmative à la question interrogeant la cour et le jury sur le point de savoir si M. X... a volontairement donné la mort à Jonathan n'est donc pas corroborée par la motivation qui n'explicite pas les éléments à charge qui ont conduit à retenir un homicide volontaire, privant ainsi la décision de toute base légale au regard aux textes susvisés ;

"3°) alors qu'en se déterminant par des motifs hypothétiques et contradictoires relatifs aux circonstances mêmes de l'agression et à la réaction de M. X... et sur l'existence ou non de la légitime défense, la cour d'assises a privé sa décision de toute base légale" ;

Attendu que les énonciations de la feuille de questions et celles de la feuille de motivation mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'assises, statuant en appel, a caractérisé, les principaux éléments à charge, résultant des débats, qui l'ont convaincue de la culpabilité de l'accusé, en écartant la cause d'irresponsabilité de légitime défense invoquée, et justifié sa décision, conformément aux dispositions conventionnelles invoquées et à l'article 365-1 du code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par la cour et le jury, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil, que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour et le jury ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. X... devra payer à Mme Elsa E..., Mme Estelle I..., Mme Elisabeth F... et Mme Azedine G..., au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept mars deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-80066
Date de la décision : 07/03/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'assises de la Haute-Garonne, 09 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 mar. 2018, pourvoi n°17-80066


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.80066
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