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07/03/2018 | FRANCE | N°16-20600

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 mars 2018, 16-20600


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 17 mai 2016), que M. X... a été engagé le 2 juin 2008 par la société TRE, par contrat de travail à durée indéterminée en qualité de directeur commercial ; que l'employeur a rompu le contrat de travail le 29 octobre 2008 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au salarié des sommes à titre de contrepartie financière de la clause de non concurrence

et congés payés afférents, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il appartient au salarié, ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 17 mai 2016), que M. X... a été engagé le 2 juin 2008 par la société TRE, par contrat de travail à durée indéterminée en qualité de directeur commercial ; que l'employeur a rompu le contrat de travail le 29 octobre 2008 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au salarié des sommes à titre de contrepartie financière de la clause de non concurrence et congés payés afférents, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il appartient au salarié, qui conteste le contenu de l'envoi en recommandé avec accusé de réception effectué conformément aux prévisions contractuelles, d'établir l'absence du document l'informant qu'il est libéré de son obligation de non-concurrence ; qu'en l'espèce, le contrat de travail stipulait la possibilité de libérer le salarié de son interdiction de concurrence, soit à tout moment au cours de l'exécution du contrat, soit à l'occasion de la cessation dudit contrat sous réserve de notifier cette décision par lettre recommandée au plus tard un mois après la cessation effective des fonctions ; qu'il était constant qu'un terme avait été mis à la relation contractuelle le 29 octobre 2008 et qu'un courrier recommandé avec accusé de réception avait été adressé au salarié à cette date et reçu le 5 novembre suivant, l'employeur soutenant que ce pli contenait la lettre datée du 29 octobre 2008 – produite aux débats en copie – libérant l'intéressé de son obligation de non-concurrence, outre les documents de fin de contrat, le dernier bulletin de paie et le chèque en règlement du solde dû au salarié, ce dernier prétendant de son côté que s'il avait bien reçu un envoi recommandé du 29 octobre 2008, la lettre le libérant de la clause de non-concurrence ne figurait pas parmi les documents contenus dans le pli ; qu'en affirmant que la copie de la lettre produite ne permettait pas de s'assurer de l'effectivité de l'envoi de cette lettre le 29 octobre 2008 avec les autres documents de fin de contrat et que l'employeur échouait ainsi à démontrer qu'il avait libéré le salarié de ses obligations à son égard dans le délai et les formes contractuellement prévus, quand il appartenait au salarié, qui contestait le contenu du pli recommandé qu'il avait reçu, d'établir qu'il ne contenait pas la lettre le libérant de son obligation, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que la preuve d'un envoi peut être rapportée par tous moyens, y compris par voie de présomptions ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir qu'il résultait d'un ensemble d'indices que le salarié avait bien reçu, dans le pli recommandé réceptionné le 5 novembre 2008, la lettre du 29 octobre 2008 le libérant de son obligation de non-concurrence ; qu'il se prévalait ainsi, et offrait de le prouver, d'un mode de gestion particulier des clauses de non-concurrence appliqué au sein de l'entreprise et parfaitement connu du salarié qui n'aurait pas manqué de s'étonner de l'absence prétendue de la lettre le libérant de son obligation dans le pli reçu, de la particulière réactivité du salarié à réclamer diverses sommes qu'il estimait lui rester dues dès après la réception du pli litigieux sans qu'il réclame alors, curieusement, l'indemnité compensatrice de l'obligation de non-concurrence qui aurait pourtant dû lui être versée s'il n'avait pas reçu la lettre l'en libérant, de la carence du salarié, en dépit de plusieurs demandes, à produire l'offre d'emploi qu'il aurait prétendument refusée en se croyant tenu par la clause de non-concurrence, et du défaut de production, également de l'enveloppe qu'il avait reçue en recommandé avec accusé de réception le 5 novembre 2008, empêchant de vérifier le poids de son contenu ; que dès lors, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si l'ensemble des indices invoqués par l'employeur, et retenus par les premiers juges, n'étaient pas graves, précis et concordants et, partant, propres à établir que le salarié avait effectivement reçu la lettre du 29 octobre 2008 le libérant de son obligation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1349 et 1353 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu que la cour d'appel, devant laquelle le salarié contestait l'existence même de la lettre du 29 octobre 2008, sans inverser la charge de la preuve et appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a estimé que l'employeur ne rapportait pas la preuve qu'il avait libéré le salarié de son obligation de non-concurrence ; que le moyen, inopérant en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société TRE aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société TRE à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société TRE.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société T.R.E à verser à M. X... la somme de 44 994 euros à titre de contrepartie financière de la clause de non concurrence, outre la somme de 4 499 euros au titre des congés payés afférents, d'AVOIR condamné l'employeur aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à verser au salarié la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la clause de non-concurrence
Il est prévu au contrat de travail en son article 14, une clause de non concurrence, l'interdiction s'appliquant en cas de cessation du contrat quel qu'en soit la cause y compris en cas de rupture pendant la période d'essai, pendant une durée d'un an à compter de la cessation effective du contrat de travail. En contrepartie de cette obligation, la société s'engage à verser au salarié une indemnité spéciale forfaitaire égale à 50 % de la moyenne mensuelle du salaire perçu par lui au cours des 3 derniers mois de présence dans l'entreprise. Il était prévu la possibilité de libérer le salarié de cette interdiction de concurrence à l'occasion de la cessation du contrat sous réserve de notifier cette décision par lettre recommandée au plus tard un mois après la cessation effective des fonctions.
La renonciation à la clause de non-concurrence ne peut pas se déduire de la seule mention « libre de tout engagement » portée sur le certificat de travail. La renonciation de l'employeur doit être expresse, claire et sans équivoque, la renonciation au droit ne se présumant pas. La mention du certificat de travail signifie simplement que les obligations imposées au salarié en cours de contrat avaient pris fin, mais ne peut établir que l'employeur a entendu libérer le salarié de la clause de non-concurrence applicable après la rupture du contrat Selon l'article 1315 du code civil, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Il en résulte que pour être déchargé du paiement de l'indemnité compensatrice d'une clause de non-concurrence, l'employeur doit prouver qu'il a régulièrement libéré le salarié du respect de cette clause.
En l'espèce, la société TRE soutient avoir envoyé un courrier libérant le salarié de la clause de non-concurrence par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 octobre 2008 avec l'intégralité des autres documents de fin de contrat et produit une copie de cette lettre. De son côté, Monsieur X... fait valoir que s'il a bien reçu la lettre recommandée du 29 octobre 2008, la lettre le libérant de la clause de non-concurrence ne figurait pas parmi les documents de fin contrat, la copie produite ne pouvant démontrer que l'original lui a été effectivement adressé.

Ainsi, le salarié soutient que le document produit n'est pas de nature à établir que l'employeur lui a effectivement fait parvenir une lettre le libérant de l'obligation de non-concurrence.
L'employeur ne produisant aucun élément établissant qu'il a effectivement renoncé à se prévaloir de la clause de non-concurrence à l'encontre du salarié, la copie de la lettre produite ne permettant pas de s'assurer de l'effectivité de l'envoi de cette lettre le 29 octobre 2008 avec les autres documents de fin de contrat, échoue à démontrer qu'il a libéré le salarié de ses obligations à son égard dans le délai et les formes contractuellement prévus.
La clause de non concurrence insérée au contrat de travail de Monsieur X... avait donc vocation à poursuivre ses effets et à limiter la liberté de travailler du salarié postérieurement à la date de la rupture du contrat de travail à défaut pour l'employeur d'en libérer le salarié.
L'employeur ne justifiant pas d'avoir libéré Monsieur X... de son obligation de non-concurrence ni de ce que celui-ci n'aurait pas respecté la clause postérieurement à la rupture du contrat de travail, est redevable de la contrepartie financière de la clause de non concurrence prévue au contrat de travail.
Il s'ensuit que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande à ce titre et la société TRE sera condamnée à verser à Monsieur X... la contrepartie financière prévue conventionnellement, soit la somme de 44.994 euros (12 x 7.499 : 2).
La contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence ayant la nature d'une indemnité compensatrice de salaires, elle ouvre droit à congés payés. La société TRE devra verser à ce titre la somme de 4.499 euros.
Sur la demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
L'équité commande tout à la fois d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à la société TRE une indemnité de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, d'attribuer à Monsieur X... la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée par la société TRE au même titre.
En vertu de l'article 696 du code de procédure civile, la société TRE qui succombe à hauteur de cour, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel » ;

1°) ALORS QU'il appartient au salarié, qui conteste le contenu de l'envoi en recommandé avec accusé de réception effectué conformément aux prévisions contractuelles, d'établir l'absence du document l'informant qu'il est libéré de son obligation de non-concurrence ; qu'en l'espèce, le contrat de travail stipulait la possibilité de libérer le salarié de son interdiction de concurrence, soit à tout moment au cours de l'exécution du contrat, soit à l'occasion de la cessation dudit contrat sous réserve de notifier cette décision par lettre recommandée au plus tard un mois après la cessation effective des fonctions ; qu'il était constant qu'un terme avait été mis à la relation contractuelle le 29 octobre 2008 et qu'un courrier recommandé avec accusé de réception avait été adressé au salarié à cette date et reçu le 5 novembre suivant, l'employeur soutenant que ce pli contenait la lettre datée du 29 octobre 2008 – produite aux débats en copie – libérant l'intéressé de son obligation de non-concurrence, outre les documents de fin de contrat, le dernier bulletin de paie et le chèque en règlement du solde dû au salarié, ce dernier prétendant de son côté que s'il avait bien reçu un envoi recommandé du 29 octobre 2008, la lettre le libérant de la clause de non-concurrence ne figurait pas parmi les documents contenus dans le pli ; qu'en affirmant que la copie de la lettre produite ne permettait pas de s'assurer de l'effectivité de l'envoi de cette lettre le 29 octobre 2008 avec les autres documents de fin de contrat et que l'employeur échouait ainsi à démontrer qu'il avait libéré le salarié de ses obligations à son égard dans le délai et les formes contractuellement prévus, quand il appartenait au salarié, qui contestait le contenu du pli recommandé qu'il avait reçu, d'établir qu'il ne contenait pas la lettre le libérant de son obligation, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE la preuve d'un envoi peut être rapportée par tous moyens, y compris par voie de présomptions ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir qu'il résultait d'un ensemble d'indices que le salarié avait bien reçu, dans le pli recommandé réceptionné le 5 novembre 2008, la lettre du 29 octobre 2008 le libérant de son obligation de non-concurrence ; qu'il se prévalait ainsi, et offrait de le prouver, d'un mode de gestion particulier des clauses de non-concurrence appliqué au sein de l'entreprise et parfaitement connu du salarié qui n'aurait pas manqué de s'étonner de l'absence prétendue de la lettre le libérant de son obligation dans le pli reçu, de la particulière réactivité du salarié à réclamer diverses sommes qu'il estimait lui rester dues dès après la réception du pli litigieux sans qu'il réclame alors, curieusement, l'indemnité compensatrice de l'obligation de non-concurrence qui aurait pourtant dû lui être versée s'il n'avait pas reçu la lettre l'en libérant, de la carence du salarié, en dépit de plusieurs demandes, à produire l'offre d'emploi qu'il aurait prétendument refusée en se croyant tenu par la clause de non-concurrence, et du défaut de production, également de l'enveloppe qu'il avait reçue en recommandé avec accusé de réception le 5 novembre 2008, empêchant de vérifier le poids de son contenu ; que dès lors, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si l'ensemble des indices invoqués par l'employeur, et retenus par les premiers juges, n'étaient pas graves, précis et concordants et, partant, propres à établir que le salarié avait effectivement reçu la lettre du 29 octobre 2008 le libérant de son obligation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1349 et 1353 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-20600
Date de la décision : 07/03/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 17 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 mar. 2018, pourvoi n°16-20600


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.20600
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