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07/03/2018 | FRANCE | N°16-12487

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 mars 2018, 16-12487


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Mme Y... a été engagée le 24 août 1995, en qualité d'agent technique, par la société Contrôle et prévention, puis, le 1er janvier 1996, par la société Laboratoire Boudet et Dussaix, son contrat ayant ensuite été transféré à la société Cep industrie ; que le 1er juillet 2011, suite à l'absorption de la société Cep industrie, son contrat de travail a été repris par la société Bureau Veritas laboratoires (BVL) ; qu'à la suite du transfert des services amiante et environnement de cette s

ociété à la société Eurofins analyses d'amiante Paris (EAAP) le 16 avril 2012, e...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Mme Y... a été engagée le 24 août 1995, en qualité d'agent technique, par la société Contrôle et prévention, puis, le 1er janvier 1996, par la société Laboratoire Boudet et Dussaix, son contrat ayant ensuite été transféré à la société Cep industrie ; que le 1er juillet 2011, suite à l'absorption de la société Cep industrie, son contrat de travail a été repris par la société Bureau Veritas laboratoires (BVL) ; qu'à la suite du transfert des services amiante et environnement de cette société à la société Eurofins analyses d'amiante Paris (EAAP) le 16 avril 2012, elle a été mutée sur le site des Ulis, comme les autres salariés de ces services, qu'elle a refusé de rejoindre ; qu'elle a été licenciée par lettre du 29 août 2012 pour inaptitude et refus de modification de ses conditions de travail ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société BVL :

Attendu que la société BVL fait grief à l'arrêt de juger le licenciement de la salariée nul et de la condamner in solidum avec la société EAAP à lui payer des dommages-intérêts à ce titre et pour préjudice moral, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; que le transfert d'une entité économique autonome s'opère quand des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris par un autre exploitant, peu important qu'il poursuive ensuite effectivement ou non l'activité ; qu'en l'espèce, il était constant que la société Bureau Veritas laboratoires avait cédé les fonds de commerce « amiante » et « environnement » respectivement aux sociétés Eurofins amiante Paris et Eurofins air Paris, leur transférant ainsi la clientèle attachée à chacun des fonds et le droit de se dire successeur du vendeur auprès de la clientèle, les immobilisations énumérées et valorisées pour chacun des fonds, les contrats en cours afférents, les moyens et équipements techniques afférents à chaque activité, et le personnel spécifique respectivement affecté aux analyses « amiante » et « environnement », outre que les stocks liés aux fonds de commerce avaient fait l'objet d'une vente séparée car assujettis à la TVA ; que la cour d'appel a constaté que la société Bureau Veritas laboratoires avait apporté un soutien logistique à la société cessionnaire selon un contrat de prestation en date du 13 avril 2012, et notamment mis à la disposition de cette société ses locaux de Saint-Ouen-l'Aumône jusqu'au 30 juin 2012 dans l'attente que cette dernière trouve des locaux, pour que le transfert des deux activités se déroule dans de bonnes conditions sur le plan technique et économique ; qu'il en résulte donc que des moyens corporels et incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation des deux entités avaient été repris par les sociétés Eurofins air Paris et Eurofins amiante Paris dont chacune s'était vue transférer un fonds exploitable au jour de la cession ; qu'en jugeant que les conditions de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étaient pas remplies, au prétexte inopérant que le cessionnaire n'avait pas effectivement poursuivi l'activité transmise après la cession, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que la cour d'appel a relevé que Mme Y... travaillait pour l'activité amiante ; qu'en se fondant sur la circonstance que le responsable d'opérations du service environnement, M. A..., après avoir dans un premier temps été transféré à la société Eurofins [air] Paris, avait été repris par la société Bureau Veritas laboratoires selon une convention tripartite en date du 10 mai 2012, ce qui selon elle remettait en cause le transfert de l'activité environnement, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a donc privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

3°/ que les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions oralement soutenues, la salariée se bornait à contester l'existence même d'entités économiques autonomes, et non la poursuite effective par les cessionnaires des activités cédées ; qu'en se fondant sur l'absence de poursuite effective de l'activité dans les nouveaux locaux de la société Eurofins aux Ulis en raison de l'absence d'aménagement de ces locaux et de l'absence du matériel nécessaire, pour en déduire l'inapplicabilité de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ que le juge, qui doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions oralement soutenues, la salariée se bornait à contester l'existence même d'entités économiques autonomes, et non la poursuite effective par les cessionnaires des activités cédées ; qu'en se fondant sur l'absence de poursuite effective de l'activité dans les nouveaux locaux de la société Eurofins amiante Paris aux Ulis en raison de l'absence d'aménagement de ces locaux et de l'absence du matériel nécessaire, pour en déduire l'inapplicabilité de l'article L. 1224-1 du code du travail, sans provoquer les observations des parties sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

5°/ que les juges du fond sont tenus de préciser l'origine des renseignements ayant servi à motiver leur décision ; qu'en affirmant qu'aucun travail effectif n'avait été fourni à M. B...  C... et Mme D... lorsqu'ils s'étaient présentés dans les locaux des Ulis respectivement le 10 mai et 4 juin 2012, sans préciser d'où elle tirait cette information, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en affirmant que Mme D... s'était présentée sur le site des Ulis le 4 juin 2012 sans qu'aucun travail effectif lui soit proposé, après avoir constaté qu'elle avait passé la journée à suivre une formation sur les risques de l'amiante, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a retenu la nullité, comme fondée sur le harcèlement moral et le non respect de l'obligation de sécurité, du licenciement de la salariée ; que le moyen, en ce qu'il critique des motifs erronés mais surabondants, est inopérant ;

Sur le second moyen du pourvoi principal de la société BVL :

Attendu que la société BVL fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que le cédant d'une entité économique autonome ne peut être condamné in solidum avec le repreneur à réparer le préjudice résultant pour le salarié de la rupture de son contrat par ce dernier qu'en cas de collusion frauduleuse ou s'il a commis une faute à l'origine de ce licenciement ; que le cédant n'est pas tenu d'une obligation d'information individuelle sur les conditions du transfert à l'égard de chacun des salariés et ne peut être tenu pour responsable d'une information insuffisante ou mensongère donnée par le cessionnaire, a fortiori s'il ne disposait pas lui-même de l'information entière et exacte ; qu'en l'espèce, il ressort de l'arrêt que la société Bureau Veritas laboratoires avait évoqué devant le comité d'entreprise les difficultés liées à la localisation des activités cédées au sein de la société cessionnaire et la perspective d'un transfert d'activité, sans s'engager sur le lieu de celui-ci ; que la cour d'appel a également constaté que si le cessionnaire avait eu devant le comité d'entreprise un discours tronqué et trompeur sur les conditions réelles de la cession, il n'était pas établi que la société Bureau Veritas laboratoires avait une connaissance précise du véritable projet du cessionnaire concernant le nouveau lieu des deux activités cédées ; qu'elle a également relevé que la société Bureau Veritas laboratoires avait apporté un soutien logistique au cessionnaire et notamment mis à la disposition de cette société ses locaux de Saint-Ouen-l'Aumône jusqu'au 30 juin 2012 dans l'attente que cette dernière trouve des locaux, pour que le transfert des deux activités se déroule effectivement ; qu'en se bornant ensuite à relever que les salariés avaient été obligés de réclamer à la société cédante des informations sur le sort de leur contrat de travail et sur leurs nouvelles conditions de travail et avaient déploré de ne pas avoir été invités à la réunion relative au transfert des deux services à la société Eurofins, et qu'elle avait omis de prendre en compte, sans raison valable, la candidature de Mme E... comme suppléante dans le deuxième collège des délégués du personnel lors des élections du 24 novembre 2011, pour déduire l'existence d'une stratégie mise en place par la société cédante visant à éviter tout recours des salariés protégés et du comité d'entreprise concernant la cession et d'une entente entre les deux sociétés pour distiller une information trouble et inquiétante, voire mensongère pour le personnel à propos d'un projet, en réalité vide, voire fictif, la cour d'appel, qui n'a caractérisé ni une collusion frauduleuse entre le cédant et le cessionnaire, ni une faute de la société cédante ayant contribué au licenciement du salarié prononcé par le cessionnaire, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail et de l'article 1147 du code civil ;

2°/ que la cassation à intervenir de l'arrêt du 19 mai 2015 concernant Mme E..., visé par la cour d'appel à l'appui de sa décision (pourvoi n° B 15-21796), entraînera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt, par application de l'article 625 du code de procédure civile ;

3°/ que l'existence d'un harcèlement moral suppose l'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est fondée, pour conclure à l'existence d'un harcèlement moral, sur l'insuffisance des informations données aux salariés avant et après la cession, et donc sur un fait unique ; qu'elle a donc violé le texte susvisé ;

4°/ que l'existence d'un harcèlement moral suppose que soient caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'une situation de tension ou de stress au travail ne peut s'analyser en un harcèlement moral ; qu'en retenant que les circonstances anxiogènes de la cession plaçant le personnel et notamment Mme Y... dans une situation de profonde incertitude quant à leur avenir professionnel et les tensions ainsi subies devaient être assimilées à un harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-1 du code du travail ;

5°/ que le cédant d'une entité économique autonome n'étant pas tenu d'une obligation d'information individuelle sur les conditions du transfert à l'égard de chacun des salariés et n'étant pas responsable d'une information insuffisante ou mensongère donnée par le cessionnaire a fortiori s'il ne disposait pas lui-même de l'information entière et exacte, l'incertitude dans laquelle se trouvent placés les salariés par le fait du cessionnaire ne peut constituer, de la part du cédant, un manquement à son obligation de sécurité ni un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que si le cessionnaire avait eu devant le comité d'entreprise un discours tronqué et trompeur sur les conditions réelles de la cession, il n'était pas établi que la société Bureau Veritas laboratoires avait une connaissance précise du véritable projet du cessionnaire concernant le nouveau lieu des deux activités cédées ; qu'elle a également relevé que la société Bureau Veritas laboratoires, interpellée par le médecin du travail sur la situation des salariés et notamment de Mme Y..., avait pris la décision de faire venir dans l'entreprise un psychologue du travail (jugement, p. 8, § 6 et 7) ; qu'en affirmant que la société cédante Bureau Veritas laboratoires et la société cessionnaire Eurofins amiante Paris avaient chacune contribué aux circonstances anxiogènes de la cession à l'égard des salariés transférés, à savoir le caractère imprécis et évolutif des informations données tant avant qu'après la cession et les informations tronquées données au comité d'entreprise, plaçant le personnel et notamment Mme Y... dans une situation de profonde incertitude quant à leur avenir professionnel, faits constitutifs de harcèlement moral, quand le caractère imprécis ou tronqué des informations n'était pas imputable à la société cédante, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2, L. 1152-1 du code du travail et de l'article 1147 du code civil ;

6°/ que la société cédante n'est tenue ni d'une obligation d'information individuelle sur les conditions du transfert à l'égard de chacun des salariés, ni d'une obligation de solliciter du cessionnaire resté évasif sur des circonstances postérieures au transfert, un complément d'informations ; que pour condamner la société cédante Bureau Veritas laboratoires in solidum avec la société cessionnaire Eurofins amiante Paris, à payer à la salariée des dommages-intérêts pour le préjudice moral subi avant et après la cession, la cour d'appel s'est bornée à relever que la société Bureau Veritas laboratoires avait laissé les salariés concernés par le transfert, dont l'intéressée, dans l'expectative et le doute sur leur sort jusqu'au dernier moment, qu'elle avait commis des négligences fautives et fait preuve d'un manque de réactivité vis à vis des préoccupations légitimes des salariés en n'exigeant pas du cessionnaire resté évasif des réponses plus précises sur les modalités sur transfert ce qui avait nécessairement généré de l'anxiété et causé aux salariés un préjudice moral ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble l'article 1147 du code civil ;

7°/ que lorsque le juge prononce une condamnation in solidum, il doit statuer sur la charge des réparations entre les coobligés, si cela lui est demandé ; qu'en jugeant que la société Bureau Veritas laboratoires devait être condamnée in solidum avec le repreneur à indemniser le préjudice lié à la rupture du contrat notifiée par ce dernier et le préjudice moral également subi par le salarié, sans déterminer, comme elle y était invitée, la part contributive de chacune dans les dommages subis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1213 du code civil, ensemble les principes régissant l'obligation in solidum ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté, par une appréciation souveraine des éléments de faits et de preuve qui lui étaient soumis, que les deux sociétés s'étaient entendues pour transmettre auprès du personnel une information imprécise et inquiétante, voire mensongère, sur un projet en réalité vide, voire fictif, la cour d'appel, qui a retenu la collusion frauduleuse entre les deux sociétés, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Attendu, ensuite, qu'ayant retenu que la collusion frauduleuse permettait d'échapper à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi en cas de refus du transfert du contrat de travail par les intéressés, qui étaient au moins au nombre de dix salariés, la cour d'appel en a exactement déduit que les sociétés devaient être condamnées in solidum à la réparation du préjudice causé à ces derniers ;

Et attendu, enfin, que, sous couvert de griefs pris de la violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont estimé que des faits établis permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral et que l'employeur ne démontrait pas que les agissements invoqués étaient étrangers à tout harcèlement ; que le moyen, irrecevable dans sa dernière branche comme critiquant une omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de la société EAAP :

Attendu que la société EAAP fait grief de dire le licenciement nul et de la condamner in solidum avec le Bureau Veritas laboratoire à payer à la salariée des dommages-intérêts à ce titre et pour préjudice moral, alors, selon le moyen :

1°/ que l'existence d'un harcèlement moral suppose l'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en l'espèce, pour conclure à l'existence d'un harcèlement moral la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur l'insuffisance des informations données à la salarié et donc sur un fait unique ; qu'elle a violé l'article L. 1152-1 du code du travail ;

2°/ que l'existence d'un harcèlement moral suppose que soient caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé, ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'une situation de tension ou de stress au travail ne constitue pas en elle-même un harcèlement moral ; qu'en retenant que la cession avait placé le personnel et notamment Mme Y... dans une situation de profonde incertitude quant à leur avenir professionnel et que les tensions ainsi subies devaient être assimilées à un harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'agissements répétés constitutifs de harcèlement et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail ;

3°/ qu'aucune obligation d'information individuelle sur les conditions du transfert à l'égard de chacun des salariés concernés n'est due par le cédant ni le cessionnaire ; que la cour d'appel qui a considéré que la société Eurofins avait commis une faute à l'origine du harcèlement moral à l'égard de la salariée au motif que les informations sur les conditions de transfert étaient insuffisantes ou erronées a violé les dispositions des articles L. 1224-1, L. 4121-1 et L. 1152-1 du code du travail et des articles 1134 et 1147 du code civil ;

4°/ que de plus, lorsque l'employeur a mis en place des mesures de prévention et notamment des actions de soutien propres à prévenir les difficultés des salariés transférés dans le cadre d'une cession d'entreprise, cet employeur a mis en place les mesures propres à assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale des salariés si bien qu'il n'a pas manqué à son obligation de sécurité ; que la cour d'appel qui a décidé que les sociétés Bureau Veritas Laboratoires et Eurofins analyses d'amiante à Paris avaient manqué à leur obligation de sécurité à l'égard de la salariée sans s'expliquer comme cela lui était demandé sur le fait qu'il avait été mis en place une cellule de soutien psychologique en mars 2012, que chaque salarié avait été rencontré individuellement et que cette cellule avait constaté que la difficulté soulevée par les salariés aurait été liée au fait que ceux-ci ignoraient alors qui était officiellement concerné par la cession, mais que les salariés ne pouvaient être informés par leur employeur avant l'information consultation des représentants du personnel, n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 4121-1, L. 4121-2 et L. 1152-1 du code du travail ;

5°/ que dans ses conclusions d'appel, l'exposante a fait valoir que Mme Y... avait été en arrêt de travail continu à partir du 6 avril 2012 et qu'elle n'avait donc jamais travaillé de manière effective pour la société Eurofins analyses d'amiante Paris si bien qu'elle ne pouvait en aucun cas avoir elle-même manqué à ses obligations en matière de sécurité à son égard ; que la cour d'appel qui a énoncé que les sociétés Bureau Veritas laboratoires et la société Eurofins amiante Paris avaient manqué à leur obligation de sécurité avant et après la cession sans répondre aux conclusions d'appel sur ce point, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, sous couvert de griefs pris de la violation de la loi et de défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond, non tenus de suivre le parties dans le détail de leur argumentation qui ont estimé, après avoir retenu la collusion frauduleuse des deux sociétés, que des faits établis permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement et que l'employeur ne démontrait pas que les agissements invoqués étaient étrangers à tout harcèlement ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi incident de la société EAAP :

Attendu que société EAAP fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec la société Bureau Veritas à payer à la salariée des dommages-intérêts pour préjudice moral, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aucune obligation d'information individuelle sur les conditions du transfert à l'égard de chacun des salariés concernés n'est due par le cédant ni le cessionnaire ; que la cour d'appel qui a considéré que la société Eurofins avait commis une faute ayant causé un préjudice moral à la salariée au motif que les informations sur les conditions de transfert étaient insuffisantes ou erronées a violé les dispositions l'article 1147 du code civil ;

2°/ que dans ses conclusions d'appel l'exposante a fait valoir que Mme Y... avait été en arrêt de travail continu à partir du 6 avril 2012 et qu'elle n'avait donc jamais travaillé de manière effective pour la société Eurofins analyses d'amiante Paris si bien qu'elle ne pouvait en aucun cas être considérée comme ayant manqué à ses obligations en matière de sécurité à son égard ; que la cour d'appel qui a énoncé que les sociétés Bureau Veritas Laboratoires et la société Eurofins amiante Paris avaient manqué à leur obligation de sécurité avant et après la cession sans répondre aux conclusions d'appel sur ce point, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le rejet des premier et second moyens du pourvoi principal de la société BVL et du premier moyen du pourvoi incident de la société EAAP rend sans portée ce moyen ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi incident de la société EAAP :

Vu l'article L. 1226-14 du code du travail ;

Attendu que pour condamner la société EAAP à payer à la salariée une indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude, l'arrêt retient que, dès lors qu'elle l'a licenciée pour inaptitude, celle-ci a l'obligation de lui verser cette indemnité, sauf à ce qu'elle établisse que le refus des postes proposés à titre de reclassement était abusif, ce qu'elle ne fait pas ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser si l'inaptitude de la salariée avait, au moins partiellement, une origine professionnelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il condamne la société EAAP à payer à Mme Y... la somme de 11 000,15 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude, l'arrêt rendu le 15 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne les sociétés BVL et EAAP au partage des dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société BVL à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Bureau Veritas laboratoires.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé le licenciement de la salariée nul et d'AVOIR condamné la société Bureau veritas laboratoires in solidum avec la société Eurofins analyse de l'amiante Paris à lui payer des dommages et intérêts à ce titre, des dommages et intérêts pour préjudice moral une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur le transfert des entités économiques amiante et environnement et la responsabilité de la société Bureau veritas laboratoires dans le licenciement : Selon l'article L 1224- 1 du code du travail et la jurisprudence, la cession d'une entité économique autonome d'une société (en termes de moyens, de personnels et d'organisation de la production) emporte le transfert à la société cessionnaire de tous les contrats de travail en cours au jour de la cession ; que l'article L. 1224- 2 du code du travail dispose que le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification ; que l'article L 2323- 19 du code du travail, enfin, énonce que le comité d'entreprise est informé et consulté sur les modifications de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise, notamment en cas de cession, ainsi que sur les conséquences sociales du projet ; qu'en l'espèce, la cession intervenait dans l'intérêt des deux sociétés, la société Bureau veritas laboratoires estimant nécessaire, sur le plan stratégique, de vendre des activités (amiante et environnement) - pour lesquelles elle était moins concurrentielle que le groupe Eurofins - pour lui permettre de se concentrer sur ses autres activités, tout en récupérant des capitaux pour y investir; la cession avait pour objectif de donner à Eurofins la place de leader en France pour l'analyse Amiante et Environnement ; qu'il convient d'analyser les conditions de cette cession, sur le plan économique et social, afin de déterminer si le transfert d'une unité économique et sociale a bien eu lieu, et si ces conditions sont de nature à mettre en cause la responsabilité de la société Bureau veritas laboratoires, ce que soutient Mme Y... en invoquant la collusion frauduleuse de cette société avec la société Eurofins ; que cette cession par la société Bureau veritas laboratoires des deux activités amiante et environnement à la société Eurofins a été réalisée le 30 mars 2012, ce qui emportait à compter du 16 avril 2012 le transfert à la société Eurofins amiante Paris des contrats des salariés de ces activités, dont celui de Mme Y... travaillant dans l'activité amiante composée de 10 personnes; que si Mme Y... fait observer qu'une partie des salariés étaient polyvalents, pour avoir travaillé par le passé dans un autre service, cette polyvalence n'existait pas au moment de la cession de sorte que le critère de choix des salariés transférés dans le service amiante ne saurait prêter à critique ; que concernant l'activité environnement, qui comportait 8 salariés, seuls 5 ont été finalement transférés ; que les 3 salariés non transférés incluaient un salarié dont le contrat à durée déterminée échu le 13 avril 2012 est sorti des effectifs avant la cession et une salariée dont l'activité principale ne concernait pas l'activité environnement, ce qui ne pose pas difficulté ; qu'en revanche, le responsable d'opérations M. A..., qui a été dans un premier temps transféré, a été "repris" par la société Bureau veritas laboratoires, en accord avec le salarié et la société Eurofins [air] Paris, selon une convention tripartite en date du 10 mai 2012, dont les motifs ne sont pas explicités par les deux sociétés, lesquels ne précisent pas qui devenait alors le responsable du service ; que cet élément permet de remettre en cause l'existence d'un réel transfert de l'activité environnement, qui était privée de son responsable (pièce 24 BVL) ; que par ailleurs, concernant la poursuite de l'activité transférée, Mme Y... remet en cause la réalité du transfert du matériel de ces deux services cédés (pourtant bien prévu dans le contrats de cession) dans un local qui aurait permis la poursuite des deux activités amiante et environnement ; que concernant la poursuite de l'activité, la société Bureau veritas laboratoires a apporté un soutien logistique à la société Eurofins, par la mise à disposition de ses locaux (loués selon un contrat de bail) de Saint-Ouen-l'Aumône jusqu'au 30 juin 2012, selon un contrat de prestation en date du 13 avril 2012, dans l'attente que cette dernière trouve des locaux, pour que le transfert des deux activités se déroule dans de bonnes conditions sur le plan technique et économique ; que contrairement aux affirmations de Mme Y..., l'activité des « salariés transférés » a bien cessé dans les locaux de la société Bureau veritas laboratoires à Saint-Ouen-l'Aumône à compter de la remise de leurs clés et badge soit le 13 avril 2012, et les deux activités cédées n'ont pas perduré sur ce site (l'annonce de recrutement d'un technicien de laboratoire amiante faite en août 2011 ayant été suspendue en novembre 2011), étant établi que les salariés embauchés par la suite par ladite société l'étaient pour le service air ou métallurgie (au vu du Registre Unique du Personnel et des contrats de travail des nouveaux embauchés) ; que toutefois, l'activité des salariés transférés dans les nouveaux locaux de la société Eurofins amiante Paris aux Ulis n'a pas pour autant été effective, en raison de l'absence d'aménagement de ces locaux, et de l'absence du matériel nécessaire avant le 9 mai et après le 4 juin 2012, le matériel ayant transité environ un mois dans les locaux, comme cela résulte de :
- Lors de la visite des locaux sur place le 25 avril 2012, à laquelle Mme Y... n'a pas participé car en arrêt maladie, les autres salariés ont constaté qu'il n'y avait qu'une grande pièce remplie de cartons du sol au plafond et 2 paillasses supportant des ordinateurs, alors que les salariés ayant visité les locaux de la société Eurofins Amiante à Paris ont vu des locaux parfaitement aménagés ;
- l'attestation de M. A..., qui déclare avoir assisté à deux déménagements de matériels, l'un le 9 mai 2012 vers les locaux des Ulis, mais indique que ces locaux étaient déjà occupés par des employés (10), et n'étaient pas préparés à accueillir le matériel de la société Bureau veritas laboratoires car il n'y avait que 3 postes de travail, - l'autre déménagement étant intervenu à partir de fin mai 2012, au cours duquel le matériel des Ulis était transféré dans les locaux de la société Eurofins à Saverne ;
- M. B..C...  , un des salariés transférés, s'est présenté le 10 mai 2012 dans les locaux des Ulis et aucun travail ne lui a été fourni ;
- Mme D..., qui s'y est présentée le 4 juin 2012, a passé sa journée seule dans une salle de réunion pour suivre une formation sur les risques de l'amiante, et a constaté que le matériel venu de Saint-Ouen-l'Aumône était toujours aux Ulis ;
- Après une visite collective des locaux des Ulis par les salariés effectuée le 25 avril 2012, certains salariés vont refuser d'y travailler, compte tenu de l'absence d'aménagement des locaux, du changement des horaires de travail et de l'éloignement géographique, mais M. B... Ben C... et Mme D... se présenteront sur ce site sans qu'un travail effectif leur soit proposé ; que les conditions de la cession ne respectent donc pas les prescriptions de l'article L. 1224-1 du code du travail quant au transfert d'une entité économique, en l'absence de transfert d'un salarié du service cédé (M. A...) et faute de poursuite des activités cédées, en l'absence de matériel et de locaux aménagés ;

1. ALORS QU'aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; que le transfert d'une entité économique autonome s'opère quand des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris par un autre exploitant, peu important qu'il poursuive ensuite effectivement ou non l'activité ; qu'en l'espèce, il était constant que la société Bureau veritas laboratoires avait cédé les fonds de commerce « amiante » et « environnement » respectivement aux sociétés Eurofins amiante Paris et Eurofins air Paris, leur transférant ainsi la clientèle attachée à chacun des fonds et le droit de se dire successeur du vendeur auprès de la clientèle, les immobilisations énumérées et valorisées pour chacun des fonds, les contrats en cours afférents, les moyens et équipements techniques afférents à chaque activité, et le personnel spécifique respectivement affecté aux analyses « amiante » et « environnement », outre que les stocks liés aux fonds de commerce avaient fait l'objet d'une vente séparée car assujettis à la TVA ; que la cour d'appel a constaté que la société Bureau veritas laboratoires avait apporté un soutien logistique à la société cessionnaire selon un contrat de prestation en date du 13 avril 2012, et notamment mis à la disposition de cette société ses locaux de Saint-Ouen-l'Aumône jusqu'au 30 juin 2012 dans l'attente que cette dernière trouve des locaux, pour que le transfert des deux activités se déroule dans de bonnes conditions sur le plan technique et économique (p. 6, avant-dernier §) ; qu'il en résulte donc que des moyens corporels et incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation des deux entités avaient été repris par les sociétés Eurofins air Paris et Eurofins amiante Paris dont chacune s'était vue transférer un fonds exploitable au jour de la cession ; qu'en jugeant que les conditions de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étaient pas remplies, au prétexte inopérant que le cessionnaire n'avait pas effectivement poursuivi l'activité transmise après la cession, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2. ALORS QUE la cour d'appel a relevé que Mme Y... travaillait pour l'activité amiante ; qu'en se fondant sur la circonstance que le responsable d'opérations du service environnement, M. A..., après avoir dans un premier temps été transféré à la société Eurofins [air] Paris, avait été repris par la société Bureau veritas laboratoires selon une convention tripartite en date du 10 mai 2012, ce qui selon elle remettait en cause le transfert de l'activité environnement, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a donc privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

3. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions oralement soutenues, la salariée se bornait à contester l'existence même d'entités économiques autonomes, et non la poursuite effective par les cessionnaires des activités cédées (cf. ses conclusions d'appel, p. 20 à 23) ; qu'en se fondant sur l'absence de poursuite effective de l'activité dans les nouveaux locaux de la société Eurofins aux Ulis en raison de l'absence d'aménagement de ces locaux et de l'absence du matériel nécessaire, pour en déduire l'inapplicabilité de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4. ALORS à tout le moins QUE le juge, qui doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions oralement soutenues, la salariée se bornait à contester l'existence même d'entités économiques autonomes, et non la poursuite effective par les cessionnaires des activités cédées (cf. ses conclusions d'appel, p. 20 à 23) ; qu'en se fondant sur l'absence de poursuite effective de l'activité dans les nouveaux locaux de la société Eurofins amiante Paris aux Ulis en raison de l'absence d'aménagement de ces locaux et de l'absence du matériel nécessaire, pour en déduire l'inapplicabilité de l'article L. 1224-1 du code du travail, sans provoquer les observations des parties sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

5. ALORS QUE les juges du fond sont tenus de préciser l'origine des renseignements ayant servi à motiver leur décision ; qu'en affirmant qu'aucun travail effectif n'avait été fourni à M. B...C... et Mme D... lorsqu'ils s'étaient présentés dans les locaux des Ulis respectivement le 10 mai et 4 juin 2012, sans préciser d'où elle tirait cette information, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6. ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en affirmant que Mme D... s'était présentée sur le site des Ulis le 4 juin 2012 sans qu'aucun travail effectif lui soit proposé, après avoir constaté qu'elle avait passé la journée à suivre une formation sur les risques de l'amiante, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT. GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé le licenciement de la salariée nul et d'AVOIR condamné la société Bureau veritas laboratoires in solidum avec la société Eurofins analyse de l'amiante Paris à lui payer des dommages et intérêts à ce titre, des dommages et intérêts pour préjudice moral, une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

AUX MOTIFS PROPRES QUE la société Bureau veritas laboratoires a apporté un soutien logistique à la société Eurofins, par la mise à disposition de ses locaux (loués selon un contrat de bail) de Saint-Ouen-l'Aumône jusqu'au 30 juin 2012, selon un contrat de prestation en date du 13 avril 2012, dans l'attente que cette dernière trouve des locaux, pour que le transfert des deux activités se déroule dans de bonnes conditions sur le plan technique et économique (...) ; sur l'information des salariés transférés : si la société Bureau veritas laboratoires a facilité la cession au bénéfice de la société Eurofins, en revanche elle a été bien moins attentive à l'accompagnement de ses propres salariés, qui ont été obligés de réclamer des informations sur le sort de leur contrat de travail et sur leurs nouvelles conditions de travail, en envoyant une lettre datée du 28 février 2012 au directeur général de l'agence M. F... ; qu'en effet, les salariés concernés par la cession n'avaient eu aucune réponse lors de la réunion du 21 février 2012 ; que les salariés ont également déploré, par lettre du 2 mars 2012, de ne pas avoir été invités à la réunion du 8 mars relative au transfert des deux services à la société Eurofins, où seul un délégué du personnel était présent mais non concerné lui- même par le transfert ; que M. F... leur a répondu, par lettre du 8 mars 2012, sur un ton rassurant, puisqu'il indiquait que les modalités des contrats de travail seraient inchangées ; que cette manière de procéder, excluant les salariés concernés d'une réunion importante, est d'autant plus surprenante quand on la confronte aux propos des dirigeants de la société Eurofins lors de la réunion du comité d'entreprise le 13 mars 2012: « la motivation du personnel influera énormément sur la définition du projet final », « elle désire acheter une activité et des compétences et pas seulement un chiffre d'affaires », ce qui met en évidence le fossé entre le discours et la réalité ; que dans une autre lettre, le 6 mars 2012, les salariés concernés font part à M. F... de leur surprise au sujet de la consigne de ne plus analyser les échantillons à compter du 28 mars 2012, alors qu'il leur avait indiqué ne pas avoir connaissance de la date du transfert de l'activité; les salariés attiraient son attention sur le stress engendré par l'arrêt de l'activité et la méconnaissance des conditions de transfert ; ils faisaient état des propos de M. F... tenus devant le responsable hiérarchique intermédiaire, à savoir la promesse de primes de départ si les salariés « ne faisaient pas de vagues », ce qui alimentait la suspicion sur l'opération de cession ; que le sort du personnel travaillant dans ces deux secteurs objets de la cession, a été abordé lors des réunions du comité d'entreprise ; qu'il ressort du compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise le 21 février 2012, que le directeur général de la société Bureau veritas laboratoires évoquait les difficultés liées à la localisation de l'activité amiante de la société Eurofins, qui envisageait un transfert des activités vers leurs propres laboratoires à Paris gare de l'Est pour l'activité amiante et à Saverne pour l'activité environnement, avec une possibilité de formation à l'amiante pour les salariés non mobiles ; que ces propos étaient de nature à rassurer le personnel ; que selon le compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise le 13 mars 2012, la société Eurofins amiante Paris vient exposer son histoire et son projet de reprise des deux activités : le problème principal est de trouver un local qui réponde aux contraintes techniques des deux activités et aux contraintes financières, sans exclure de trouver un site proche de Saint-Ouen-l'Aumône, la motivation du personnel étant déterminante pour la définition du projet final ; qu'aux questions posées par le comité d'entreprise de la société Bureau veritas laboratoires aux trois représentants de la société Eurofins amiante Paris (dont M. G... responsable développement acquisition, substituant le directeur général de la branche environnement M. H..., et le responsable du secteur amiante Mme I...), il sera répondu au sujet de l'existence d'accord d'entreprise en cas de mobilité: « le but est de trouver le meilleur projet pour conserver les salariés », mais aucune réponse ne sera donnée sur la question du nombre de postes à pourvoir dans chacun des secteurs cédés, et sur la possibilité de formation en cas de changement de poste, la réponse étant: « le projet doit être d'abord défini » ; que lors du comité d'entreprise, qui s'est tenu en visio-conférence le 17 avril 2012, les membres du comité d'entreprise, qui venaient d'apprendre la décision de transfert des activités aux Ulis, expriment leur colère, se sentant floués par le discours de la société Eurofins amiante lors de la réunion du comité d'entreprise le 13 mars 2012, discours leur laissant croire que les conditions de travail des salariés 'cédés' seraient peu modifiées, notamment quant au lieu de travail ; que la société Eurofins amiante Paris est mal fondée à contester la valeur probante du compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise en date du 13 mars 2012, ce compte-rendu ayant été approuvé par le comité d'entreprise suivant en date du 17 avril 2012, et la société n'ayant pas porté plainte pour faux et usage de faux ; que par ailleurs la société Bureau veritas laboratoires ne remet pas en cause ce compte-rendu du comité d'entreprise du 13 mars 2012, et le prend au contraire à son compte, pour accréditer sa thèse de la bonne information du comité d'entreprise ; que s'il n'est pas établi, en l'absence de tout élément de preuve, que la société Bureau veritas laboratoires avait une connaissance précise du véritable projet de la société Eurofins concernant le nouveau lieu des deux activités cédées, en revanche il est patent que la société Eurofins, lors du comité d'entreprise de la société Bureau veritas laboratoires le 13 mars 2012, a tenu un discours tronqué et trompeur, sur les conditions réelles de la cession des activités, ce qui a permis de rassurer le comité d'entreprise de la société Bureau veritas laboratoires, lequel, s'il a donné un avis négatif sur le projet de cession (estimant que les activités cédées pourraient être rentables avec de l'investissement, et que le projet de cession allait entraîner une perte de compétences humaines et beaucoup de changement pour les salariés), n'a pas déclenché de procédure d'alerte qui aurait retardé la vente ; qu'en effet, dans le compte-rendu du comité d'entreprise du 17 avril 2012, le comité d'entreprise s'exprime ainsi: « sans les fausses informations de M. G..., il est certain qu'une étude approfondie des conséquences sociales du projet aurait dû être menée et aucun avis n'aurait pu être rendu lors du CE du 13 mars 2012 ; notre impression est que les informations amenées par M. G... avaient pour but d'évincer le problème CE et d'éviter que le CE n'exerce son droit d'alerte et ainsi retarde la vente » ; qu'en outre, il est avéré, au vu de l'arrêt de la présente cour en date du 19 mai 2015, versé aux débats, que Mme E..., autre salariée licenciée après la cession, a vu sa candidature comme suppléante dans le 2ième collège des délégués du personnel lors des élections du 24 novembre 2011, non prise en compte pour une raison inconnue, au sujet de laquelle la société Bureau veritas laboratoires n'a apporté aucune explication valable ; qu'en outre, parmi les 4 candidats suppléants est mentionné M. J... qui se trouve aussi candidat titulaire, ce qui constitue une irrégularité évidente, alors que la candidature de Mme E... pouvait être retenue à sa place ; que c'est ainsi qu'après la mise à l'écart de la candidature de Mme E..., ne figure, parmi les candidats titulaires et suppléants lors de cette élection, aucun salarié travaillant dans les secteurs amiante et environnement, qui seront effectivement cédés par la suite à la société Eurofins amiante Paris ; que si Mme E..., qui n'a formé aucun recours au sujet de cette irrégularité, avait été lue, elle aurait bénéficié du statut protecteur, qui aurait nécessité l'autorisation de la Direccte, ce qui aurait retardé ou modifié les conditions de la cession ; qu'ainsi, l'on peut déduire de l'ensemble de ces éléments que la société Bureau veritas laboratoires, qui avait un intérêt à ne pas retarder la vente, a mis en place une stratégie pour éviter tout recours des salariés protégés et du comité d'entreprise concernant la cession ; que sa responsabilité peut être engagée, tant pour manquement à son obligation d'information loyale du comité d'entreprise que pour manquement à son obligation de sécurité à l'égard de ses propres salariés, qui ont été déstabilisés par un processus de cession manquant de transparence et de nature à engendrer des risques psycho-sociaux, ce qui a provoqué le refus des salariés (soit 10 ou 11 salariés finalement transférés) d'accepter ces modifications, 7 ayant contesté leur licenciement par la société Eurofins, Mme Y... inclue ; que les deux sociétés se sont en définitive liguées pour distiller une information trouble et inquiétante, voire mensongère, pour le personnel, à propos d'un projet, en réalité vide, voire fictif ; leur commun projet concernant, au moins, 10 salariés - dont il modifiait les contrats, comme il sera dit ci-après- aurait dû entraîner , pour l'une ou l'autre des sociétés, - en cas de refus par les intéressés des modifications envisagées- l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l' emploi auquel leur collusion leur a permis d'échapper ; que sur le non respect de l'obligation de sécurité et le harcèlement moral en lien avec l'accident de travail de Mme Y... : l'article L 4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; que selon l'article L 1152-1 et 2 du code du travail, aucun salarié ne soit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que selon l'article L 1154-1 du code du travail, il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qui permettent de présumer le harcèlement, et l'employeur doit rapporter ensuite la preuve que ces faits ne constituent pas du harcèlement ; que la preuve du harcèlement moral, qui peut aussi résulter du non respect de l'obligation de sécurité, justifie la rupture du contrat de travail et produit les effets d'un licenciement nul ; que les circonstances anxiogènes de la cession à l'égard des salariés transférés, qui viennent d'être décrites plus haut- à savoir le caractère imprécis et évolutif des informations données, tant avant qu'après la cession, et les informations tronquées données au comité d'entreprise qui les a relayées auprès des salariés, plaçaient le personnel et notamment Mme Y... dans une situation de profonde incertitude quant à leur avenir professionnel, et constituent des faits répétés constitutifs de harcèlement moral, qui ont eu sur la santé de Mme Y... des conséquences plus graves que pour les autres salariés ; qu'en effet, le 3 avril 2012 une réunion est organisée dans les locaux de la société BVL par Mme K... et Mme L..., respectivement responsable de projet et directrice des ressources humaines de la société Eurofins amiante Paris, où il est finalement précisé aux salariés que, dès l'origine du projet de cession, le déménagement aux Ulis était prévu, mais les salariés ne savent toujours pas lesquels d'entre eux vont être transférés et dans quel lieu ; que le 6 avril la direction de la société Eurofins amiante Paris vient faire l'inventaire du matériel sous les yeux de Mme Y..., qui apprend le même jour que les cadres du service et le personnel sous CDD resteront dans la société BVL, et qu'elle et d'autres salariés transférés à la société Eurofins amiante Paris, devront aller travailler aux ULIS à 2 heures de transport de St Ouen ; qu'au moment de quitter son travail le 6 avril, Mme Y..., nerveusement sous pression, pleure, en criant "nous ne sommes pas des moutons" et abaisse les disjoncteurs du couloir amenant au laboratoire ; que constatant son état nerveux alarmant, la chef de service Mme M... la conduit chez le médecin du travail, lequel lui délivre sur le champ un certificat d'inaptitude temporaire ; Mme Y..., en sortant du bureau du médecin du travail, crie : "vous aurez mon suicide sur la conscience", et se précipite au milieu de la route devant un camion qui a pu s'arrêter ; Mme Y... est conduite aux urgences de l'hôpital de Pontoise par les pompiers ; que le déroulement de ces faits n'est pas contesté par la société BVL, qui remet seulement en cause la tentative de suicide et le caractère d'accident du travail de ces faits ; qu'or, il ressort de la déclaration d'accident rédigée par le service des Ressources Humaines de la société BVL et datée du 6 avril 2012, que Mme Y... a eu une réaction incontrôlée et incontrôlable, alors qu'elle était sur son lieu de travail mais en pause ; qu'il est mentionné qu'elle n'a pas de lésions apparentes et qu'elle a été conduite à l'hôpital ; que la société soutient qu'il n'existe pas de lien de causalité entre les faits et le travail, alors que tout indique au vu de la chronologie des faits, que l'état de stress de Mme Y... était au contraire en lien évident avec les tensions subies dans le cadre de son travail, et en particulier dans le contexte d'incertitude sur son sort lié à la cession imminente, comme cela a été indiqué plus haut, et ce indépendamment du fait qu'il soit prouvé qu'elle ait voulu effectivement se suicider en se jetant sous les roues d'un camion ; que le fait que le médecin du travail Mme N... ait estimé urgent de la déclarer sur le champ inapte temporairement, est un élément suffisant pour attester de l'état de santé dégradé de Mme Y..., et du lien avec son travail ; que cela sera confirmé par la suite, tant par son médecin traitant, lequel mentionne dans un certificat médical du 12 avril 2012 qu'elle a des crises d'angoisse aigue avec retentissement comportemental, que par l'avis d'inaptitude renouvelé le 9 juillet 2012 par le médecin du travail mentionnant qu'une reprise du travail serait possible à condition que les conditions de travail et le lieu soient précisément définis afin d'éviter toute situation stressante ; que par la suite, Mme Y..., qui avait commencé à consulter une psychologue dès le 29 avril 2012, a été reçue par le docteur O..., psychiatre, le 21 mai 2012, qui indique dans sa lettre du 11 juin 2012 que Mme Y... "présente une sémiologie anxio- dépressive réactionnelle à un contexte professionnel marqué par une tension très importante ayant occasionné dans un premier temps un état d'agitation avec potentiel non négligeable de passage à l'acte suicidaire" ; Mme Y... sera également suivie par le docteur D... de l'Unité de pathologie professionnelle de l'hôpital Poincaré le 30 août 2012 ; que par ailleurs, Mme Y..., qui n'avait pas pu effectuer comme les autres salariés la visite du site des Ulis le 25 avril étant en arrêt-maladie, a eu l'écho de cette visite et de ses suites peu fructueuses, ce qui a contribué à son angoisse ; qu'il existe donc un lien certain entre les circonstances de la cession, l'information insuffisante des salariés sur leur sort, et la réaction de Mme Y... sur son lieu de travail avant la cession, laquelle a abouti postérieurement à la cession à son inaptitude temporaire (1er avis) puis définitive mais partielle (2ième avis du 24 juillet 2012 ), et enfin à son licenciement pour inaptitude ; que la société cédante Bureau veritas laboratoires et la société cessionnaire Eurofins amiante Paris ont chacune contribué aux circonstances anxiogènes de la cession et manqué ainsi à leur obligation de sécurité avant et après la cession, par leur attitude fautive que la Cour assimile à du harcèlement moral et qui a eu pour effet de dégrader l'état de santé de Mme Y... et d'entraîner son inaptitude ; qu'en conséquence, la Cour prononcera la nullité du licenciement de Mme Y..., confirmant ainsi le jugement, tout en précisant que cette nullité est fondée sur le harcèlement moral et le non respect de l'obligation de sécurité, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la demande subsidiaire au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse pour non-respect de l'obligation de reclassement ; que le montant de la demande d'indemnités de Mme Y... correspondant à 36 mois de salaire apparaît excessif, même en prenant en compte le contexte de son licenciement, eu égard à son salaire, son ancienneté de 17 ans, et au fait qu'elle a retrouvé un emploi en octobre 2012 (en changeant de type de travail), et sera donc limité à la somme de 55 000euro, comme l'a justement décidé le Conseil, que la Cour approuve sauf à préciser qu'il s'agit d'indemnités et non de dommages et intérêts ; que la société Bureau veritas laboratoires et la société Eurofins amiante Paris seront condamnées in solidum au paiement de cette somme ; que sur la demande de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi avant et après la cession : Mme Y... estime avoir subi des conditions de travail dégradées pendant plusieurs mois tout au long du processus de cession, entre février et mai 2012, préjudice distinct de son licenciement intervenu postérieurement ; qu'avant la cession, soit par lettre du 12 avril 2012, les salariés de l'équipe amiante et environnement, auxquels on avait demandé de rendre leurs clés et badges Bureau veritas le 13 avril, ont questionné Mr F..., directeur général de la société Bureau veritas laboratoires, pour obtenir la liste officielle des salariés concernés par la cession ; c'est dire que les salariés, Mme Y... inclue, ont été dans l'expectative et le doute sur leur sort jusqu'au dernier moment, ce qui a nécessairement généré de l'anxiété et leur a causé un préjudice moral ; que comme cela a été exposé plus haut, il peut être reproché à la société Bureau veritas laboratoires des négligences fautives, un manque de réactivité vis à vis des légitimes préoccupations des salariés entre février et le 15 avril 2012, en n'exigeant pas de la société Eurofins amiante Paris des réponses plus précises sur les modalités de transfert des deux activités, sur le nombre et le nom des salariés concernés, ayant entendu les réponses évasives de la société lors du comité d'entreprise du 13 mars 2012, une semaine avant l'acte de cession du 30 mars 2012 ; que de son côté la société Eurofins amiante Paris a participé au stress des salariés, en tenant un discours trompeur et en faisant croire aux salariés, Mme Y... inclue, qu'ils pourraient continuer à travailler dans des locaux proches de St Ouen l'Aumône, alors qu'elle organisait par la suite un déménagement partiel du matériel aux Ulis sans véritable accueil et possibilité de travail des salariés sur place ; qu'au vu de ces éléments, les sociétés Bureau veritas laboratoires et Eurofins amiante Paris seront condamnées in solidum à payer à Mme Y... la somme de 5000 euro au titre de son préjudice moral ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE dès janvier 2012, les salariés de BVL s'étonnent de voir leur bulletins de paie modifiés (service amiante et environnement scindé en trois nouveaux services : environnement/amiante/air intérieur) ; que dès l'arrivée de M. P... (ex salarié du Groupe Eurofins), les rumeurs sur la cession de certaines activités vers une autre entreprise ont commencé à circuler ; que ces rumeurs sont concrétisées par la tenue du comité d'Entreprise du 21 février 2012 ; que lors de ce comité d'Entreprise, il a été annoncé que la société Eurofins « envisageait de poursuivre l'activité au sein du laboratoire de Saint-Ouen-L'Aumône pendant une courte durée puis de transférer les activités vers ses laboratoires de Paris-Gare de l'Est en ce qui ce qui concerne l'amiante et Saverne, près de Strasbourg en ce qui concerne l'environnement. Les salariés non mobiles seraient formés à l'amiante pour conserver une activité au sein du laboratoire de Paris » ; que s'ouvre alors une période de doutes, de rumeurs, d'annonces et de contre annonces, une situation extrêmement difficile il vivre pour les salariés qui n'avaient pas toutes les réponses à leurs questions (échange de plusieurs courriers entre eux et la société B V L ; aucune liste officielle n'est diffusée concernant les collaborateurs concernés par cette opération de transfert d'activité ; que même l'annonce de la société Eurofins, invitée au Comité d'Entreprise du 13 mars 2012 : « La société Eurofins insiste sur le fait qu'elle désire acheter une activité et des compétences et pas seulement un chiffre d'affaires », ne calme pas pour autant l'angoisse grandissante des salariés qui contactent la médecine du travail, dont Mme Valérie Y... ; que le médecin du travail interpelle la direction de B V L sur la situation des salariés et notamment celle de Mme Valérie Y... avec un risque de suicide la concernant ; que B V L prend la décision de faire venir dans l'entreprise un psychologue du travail, le Dr Q... ; que suite à la réunion du comité d'Entreprise du 13 mars 2012, l'ambiance continue de se dégrader avec des informations contradictoires : « maintien sur le site de St Ouen l'Aumône, transfert à Paris, transfert à Saverne, le refus n'est pas une option, le refus est une option, contrat de travail reste à l'identique. les horaires seront modifiés... » ; que la réunion du 3 avril 2012 organisée avec des représentants de la société Eurofins n'apporte toujours pas les réponses attendues, bien au contraire, le site des Ulis notamment est évoqué, ce qui augmente le stress et la tension des collaborateurs ; que l'état d'anxiété de Mme Valérie Y... depuis plus de 3 mois la met dans une situation de fragilité inquiétante, comme l'atteste le médecin psychiatre qui la suit : « dans un état anxieux dépressif réactionnel installé dans un contexte de tension dans le milieu professionnel » ; que les événements du 6 avril 2012 attestent de son état avec l'entretien en urgence avec le Médecin du Travail, durant lequel, Mme Valérie Y... était accompagnée par un représentant de BVL, Mme M..., et la délivrance d'une inaptitude temporaire immédiate ; que cet entretien se termine par la perte de contrôle de Mme Valérie Y... qui s'en va en criant: « vous aurez mon suicide sur la conscience » el ensuite survient l'accident avec le camion, à l'origine de la déclaration accident de travail ; que Mme Valérie Y... verse aux débats de nombreuses pièces attestant de la dégradation de son état : attestation du Dr O..., médecin psychiatre, courrier du Dr R... dans le cadre de la consultation souffrance au travail, un article « Les ex-salariés de Bureau Veritas contraints d'aller en Essonne - Une salariée a essayé de mettre fin à ses jours », un article paru dans le Val-d'Oise mutin « Les salariés oubliés de l'entreprise revendue » avec un interview de l'époux de Mme Valérie Y..., le courrier du Maire de la ville de [...] à la Direction du Travail du Val d'Oise ; qu'aux termes de l'article L 4121-1 du Code du Travail: « l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; ces mesures comprennent ,- des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés; l'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances el tendre à l'amélioration des situations existantes » ; que la société Bureau veritas laboratoires et la société Eurofins ne pouvaient ignorer la situation et l'état de Mme Valérie Y..., comme cela a été exposé dans les différentes conclusions ; que le Conseil considère que l'état de santé de Mme Valérie Y... est lié à sa situation professionnelle tant avant le transfert qu'après le transfert de son contrat de travail et que les sociétés Bureau veritas laboratoires et Eurofins ont failli à leurs obligations en matière de sécurité à l'égard de Mme Valérie Y... ; qu'en conséquence, le conseil prononce la nullité du licenciement de Mme Valérie Y... et condamne solidairement Bureau veritas laboratoires et Eurofins amiante Paris au paiement à Mme Valérie Y... de la somme de 55 000 € nets à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1. ALORS QUE le cédant d'une entité économique autonome ne peut être condamné in solidum avec le repreneur à réparer le préjudice résultant pour le salarié de la nullité du licenciement prononcé par ce dernier qu'en cas de collusion frauduleuse ou s'il a commis une faute à l'origine de ce licenciement ; que le cédant d'une entité économique autonome n'est pas tenu d'une obligation d'information individuelle sur les conditions du transfert à l'égard de chacun des salariés et ne peut être tenu pour responsable d'une information insuffisante ou mensongère donnée par le cessionnaire, a fortiori s'il ne disposait pas lui-même de l'information entière et exacte ; qu'en l'espèce, il ressort de l'arrêt que la société Bureau veritas laboratoires avait évoqué devant le comité d'entreprise les difficultés liées à la localisation des activités cédées au sein de la société cessionnaire et la perspective d'un transfert d'activité, sans s'engager sur le lieu de celui-ci (p. 8, § 5) ; que la cour d'appel a également constaté que si le cessionnaire avait eu devant le comité d'entreprise un discours tronqué et trompeur sur les conditions réelles de la cession, il n'était pas établi que la société Bureau veritas laboratoires avait une connaissance précise du véritable projet du cessionnaire concernant le nouveau lieu des deux activités cédées (p. 9, § 3) ; qu'elle a également relevé que la société Bureau veritas laboratoires avait apporté un soutien logistique au cessionnaire et notamment mis à la disposition de cette société ses locaux de Saint-Ouen-l'Aumône jusqu'au 30 juin 2012 dans l'attente que cette dernière trouve des locaux, pour que le transfert des deux activités se déroule dans de bonnes conditions (p. 6, avant-dernier §) ; qu'en se bornant ensuite à relever que les salariés avaient été obligés de réclamer à la société cédante des informations sur le sort de leur contrat de travail et sur leurs nouvelles conditions de travail et avaient déploré de ne pas avoir été invités à la réunion relative au transfert des deux services à la société Eurofins, et qu'elle avait omis de prendre en compte, sans raison valable, la candidature de Mme E... comme suppléante dans le 2ème collège des délégués du personnel lors des élections du 24 novembre 2011, pour déduire l'existence d'une stratégie mise en place par la société cédante visant à éviter tout recours des salariés protégés et du comité d'entreprise concernant la cession et d'une entente entre les deux sociétés pour distiller une information trouble et inquiétante, voire mensongère pour le personnel à propos d'un projet, en réalité vide, voire fictif, la cour d'appel, qui n'a caractérisé ni une collusion frauduleuse entre le cédant et le cessionnaire, ni une faute de la société cédante ayant contribué au licenciement de la salariée prononcé par le cessionnaire, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article L. 1224-1 de l'article 1147 du code civil ;

2. ALORS en tout état de cause QUE la cassation à intervenir de l'arrêt du 19 mai 2015 concernant Mme E..., visé par la cour d'appel à l'appui de sa décision (pourvoi n° B 15-21796), entraînera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt, par application de l'article 625 du code de procédure civile ;

3. ALORS QUE l'existence d'un harcèlement moral suppose l'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est fondée, pour conclure à l'existence d'un harcèlement moral, sur l'insuffisance des informations données aux salariés avant et après la cession, et donc sur un fait unique ; qu'elle a donc violé le texte susvisé ;

4. ALORS à tout le moins QUE l'existence d'un harcèlement moral suppose que soient caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'une situation de tension ou de stress au travail ne peut s'analyser en un harcèlement moral ; qu'en retenant que les circonstances anxiogènes de la cession plaçant le personnel et notamment Mme Y... dans une situation de profonde incertitude quant à leur avenir professionnel et les tensions ainsi subies devaient être assimilées à un harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-1 du code du travail ;

5. ALORS en toute hypothèse QUE le cédant d'une entité économique autonome n'étant pas tenu d'une obligation d'information individuelle sur les conditions du transfert à l'égard de chacun des salariés et n'étant pas responsable d'une information insuffisante ou mensongère donnée par le cessionnaire a fortiori s'il ne disposait pas lui-même de l'information entière et exacte, l'incertitude dans laquelle se trouvent placés les salariés par le fait du cessionnaire ne peut constituer, de la part du cédant, un manquement à son obligation de sécurité ni un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que si le cessionnaire avait eu devant le comité d'entreprise un discours tronqué et trompeur sur les conditions réelles de la cession, il n'était pas établi que la société Bureau veritas laboratoires avait une connaissance précise du véritable projet du cessionnaire concernant le nouveau lieu des deux activités cédées (p. 9, § 3) ; qu'elle a également relevé que la société Bureau veritas laboratoires, interpellée par le médecin du travail sur la situation des salariés et notamment de Mme Y..., avait pris la décision de faire venir dans l'entreprise un psychologue du travail (jugement, p. 8, § 6 et 7) ; qu'en affirmant que la société cédante Bureau veritas laboratoires et la société cessionnaire Eurofins amiante Paris avaient chacune contribué aux circonstances anxiogènes de la cession à l'égard des salariés transférés, à savoir le caractère imprécis et évolutif des informations données tant avant qu'après la cession et les informations tronquées données au comité d'entreprise, plaçant le personnel et notamment Mme Y... dans une situation de profonde incertitude quant à leur avenir professionnel, faits constitutifs de harcèlement moral, quand le caractère imprécis ou tronqué des informations n'était pas imputable à la société cédante, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2, L. 1152-1 du code du travail et de l'article 1147 du code civil ;

6. ALORS QUE la société cédante n'est tenue ni d'une obligation d'information individuelle sur les conditions du transfert à l'égard de chacun des salariés, ni d'une obligation de solliciter du cessionnaire resté évasif sur des circonstances postérieures au transfert, un complément d'informations ; que pour condamner la société cédante Bureau veritas laboratoires in solidum avec la société cessionnaire Eurofins amiante Paris, à payer à la salariée des dommages et intérêts pour le préjudice moral subi avant et après la cession, la cour d'appel s'est bornée à relever que la société Bureau veritas laboratoires avait laissé les salariés concernés par le transfert, dont l'intéressée, dans l'expectative et le doute sur leur sort jusqu'au dernier moment, qu'elle avait commis des négligences fautives et fait preuve d'un manque de réactivité vis à vis des préoccupations légitimes des salariés en n'exigeant pas du cessionnaire resté évasif des réponses plus précises sur les modalités sur transfert ce qui avait nécessairement généré de l'anxiété et causé aux salariés un préjudice moral ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble l'article 1147 du code civil ;

7. ALORS subsidiairement QUE lorsque le juge prononce une condamnation in solidum, il doit statuer sur la charge des réparations entre les coobligés, si cela lui est demandé ; qu'en jugeant que la société Bureau veritas laboratoires devait être condamnée in solidum avec le repreneur à indemniser le préjudice lié à la nullité du licenciement notifié par ce dernier et le préjudice moral subi avant et après la cession, sans déterminer, comme elle y était invitée, la part contributive de chacune dans les dommages subis par la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1213 du code civil, ensemble les principes régissant l'obligation in solidum.

Moyens produits au pourvoi provoqué par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour la société Eurofins analyses d'amiante Paris.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité du licenciement de Madame Valérie Y... et d'avoir condamné in solidum les sociétés Eurofins Amiante Paris et le bureau Veritas Laboratoire à payer à Madame Y... une somme de 55.000€ à titre de dommages intérêts au titre de la nullité du licenciement et celle de 5000€ à titre de dommages intérêts au titre de son préjudice moral

Aux motifs que si la société Bureau Veritas Laboratoires a facilité la cession au bénéfice de la société Eurofins, en revanche, elle a été bien moins attentive à l'accompagnement de ses propres salariés, qui ont été obligés de réclamer des informations sur le sort de leur contrat de travail et sur leurs nouvelles conditions de travail, en envoyant une lettre datée du 28 février 2012 au directeur général de l'agence S...              ; en effet les salariés concernés par la cession n'avaient eu aucune réponse lors de la réunion du 21 février 2012, les salariés ont également déploré par lettre du 2 mars 2012 de ne pas avoir été invités à la réunion du 8 mars relative au transfert des deux services à la société Eurofins Amiante Paris où seul un délégué du personnel était présent mais non concerné lui-même par le transfert ; Monsieur F... leur a répondu par lettre du 8 mars 2012, sur un ton rassurant puisqu'il indiquait que les modalités des contrats de travail seraient inchangées ; cette manière de procéder, excluant les salariés concernés d'une réunion importante, est d'autant plus surprenante quand on la confronte aux propos des dirigeants de la société Eurofins Amiante Paris lors de la réunion du comité d'entreprise, le 13 mars 2012 : « la motivation du personnel influera énormément sur la définition du projet final » , « elle désire acheter une activité et des compétences et pas seulement un chiffre d'affaires » ce qui met en évidence le fossé entre le discours et la réalité ; dans une autre lettre, le 6 mars 2012, les salariés concernés font part à S...              de leur surprise au sujet de la consigne de ne plus analyser les échantillons à compter du 28 mars 2012, alors qu'il leur avait indiqué ne pas avoir connaissance de la date de transfert de l'activité ; les salariés attiraient son attention sur le stress engendré par l'activité et la méconnaissance des conditions de transfert ; ils faisaient état des propos de Monsieur F... tenus devant le responsable hiérarchique intermédiaire, à savoir la promesse des primes de départ si les salariés ne faisaient pas de vagues ce qui alimentait la suspicion sur l'opération de cession ; le sort du personnel travaillant dans ces deux secteurs objets de la cession a été abordé lors des réunions du comité d'entreprise ; il ressort du compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise le 21 février 2012, que le directeur général de la société Bureau Veritas Laboratoires évoquait les difficultés liées à la localisation de l'activité amiante de la société Eurofins Amiante Paris, qui envisageait un transfert des activités vers leurs propres laboratoires à Paris gare de l'Est pour l'activité amiante à Saverne pour l'activité environnement, avec une possibilité de formation à l'amiante pour les salariés non mobiles ; ces propos étaient de nature à rassurer le personnel ; selon le compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise le 13 mars 2012, la société Eurofins Amiante Paris vient exposer son histoire et son projet de reprise des deux activités : le problème principal est de trouver un local qui réponde aux contraintes techniques des deux activités et aux contraintes financières, sans exclure de trouver un site proche de Saint Ouen l'Aumône, la motivation du personnel étant déterminante pour la définition du projet final ; aux questions posées par le comité d'entreprise de la société Bureau Veritas laboratoires aux trois représentants de la société Eurofins Amiante Paris ( dont Monsieur G... responsable développement acquisition, substituant le directeur général de la branche environnement, Monsieur H... et le responsable du secteur amiante, madame I...) il sera répondu au sujet de l'existence d'accord d'entreprise en cas de mobilité : « le but est de trouver le meilleur projet pour conserver les salariés » mais aucune réponse ne sera donnée sur la question du nombre de postes à pourvoir dans chacun des secteurs cédés et sur la possibilité de formation en cas de changement de poste, la réponse étant : « le projet doit être d'abord défini » ; lors du comité d'entreprise, qui s'est tenu en visio-conférence, le 17 avril 2012, les membres du comité d'entreprise, qui venaient d'apprendre la décision de transfert des activités aux Ulis, expriment la colère, se sentant floués par le discours de la société Eurofins amiante Paris lors de la réunion du comité d'entreprise le 13 mars 2012, discours leur laissant croire que les conditions de travail des salariés cédés seraient peu modifiées, notamment quant au lieu du travail ; la société Eurofins est mal fondée à contester la valeur probante du compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise en date du 13 mars 2012, ce compte rendu ayant été approuvé par le comité d'entreprise suivant en date du 17 avril 2012 et la société n'ayant pas porté plainte pour faux et usage de faux ; par ailleurs la société Bureau Veritas Laboratoires ne remet pas en cause ce compte-rendu du comité d'entreprise du 13 mars 2012 et le prend au contraire à son compte, pour accréditer la thèse de la bonne information du comité d'entreprise ; s'il n'est pas établi en l'absence de tout élément de preuve, que la société Bureau Veritas laboratoires avait une connaissance précise du nouveau lieu des deux activités cédées, en revanche il est patent que la société Bureau Veritas laboratoires le 13 mars 2012 a tenu un discours tronqué et trompeur sur les conditions réelles de la cession des activités, ce qui a permis de rassurer le comité d'entreprise de la société Bureau Veritas Laboratoires lequel s'il a donné un avis négatif sur le projet de cession ( estimant que les activités cédées pourraient être rentables avec de l'investissement et que le projet de cession allait entraîner une perte des compétences humaines et beaucoup de changement pour le salarié), n'a pas déclenché de procédure d'alerte qui aurait retardé la vente ; en effet dans le compte-rendu du comité d'entreprise du 17 avril 2012, le comité d'entreprise s'exprime ainsi : « sans les fausses informations de Monsieur G..., il est certain qu'une étude approfondie des conséquences sociales du projet aurait dû être menée et aucun avis n'aurait pu être rendu lors du CE du 13 mars 2012 ; notre impression est que les informations amenés par Monsieur G... avaient pour but d'évincer le problème CE et d'éviter que le CE n'exerce son droit d'alerte et ainsi retarde la vente » ; en outre il est avéré, au vu de l'arrêt de la présente cour en date du 19 mai 2015, versé aux débats que Madame E..., autre salariés licenciée après la cession a vu sa candidature comme suppléante dans le 21ème collège des délégués du personnel lors des élections du 24 novembre 2011, non prise en compte pour une raison inconnue au sujet de laquelle la société Bureau Veritas laboratoires n'a apporté aucune explication valable ; c'est ainsi qu'après la mise à l'écart de la candidature de Madame E..., ne figure parmi les candidats titulaires et suppléants lors de cette élection aucun salarié travaillant dans le secteur amiante et environnement, qui seront effectivement cédés par la suite à la société Eurofins Amiante Paris ; ainsi l'on peut déduire de l'ensemble de ces éléments que la société Bureau Veritas Laboratoires, qui avait un intérêt à ne pas retarder la vente a mis en place une stratégie pour éviter tout recours des salariés protégés et du comité d'entreprise concernant la cession ; sa responsabilité peut être engagée tant pour la déloyauté et l'insuffisance d'information dispensée au comité d'entreprise, que par le manque de transparence des conditions du transfert de ses salariés qui se sont avérées plus importantes qu'annoncé par la société Bureau Veritas laboratoire, ce qui a provoqué le refus des salariés ( soit 10 ou salariés finalement transférés) d'accepter ces modifications, 7 ayant contesté leur licenciement par Eurofins ; les deux sociétés se sont en définitive liguées pour distiller une information trouble, inquiétante , voire mensongère pour le personnel à propos d'un projet en réalité vide voire fictif ; leur commun projet concernant au moins 10 salariés dont il modifiait les contrats comme il sera dit ci-après aurait dû entrainer pour l'une ou l'autre des sociétés en cas de refus par les intéressés des modifications envisagées, l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi auquel leur collusion leur a permis d'échapper ; -sur le non-respect de l'obligation de sécurité et le harcèlement moral en lien avec l'accident de travail de madame Y... ; l'article L 4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; selon l'article L 1152-1 et 2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité , d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; selon l'article L 1154 -1 du code du travail, il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qui permettent de présumer le harcèlement et l'employeur doit rapporter ensuite la preuve que ces faits ne constituent pas du harcèlement ; la preuve du harcèlement moral, qui peut aussi résulter du non-respect de l'obligation de sécurité justifie la rupture du contrat de travail et produit les effets d'un licenciement nul ; les circonstances anxiogènes de la cession à l'égard des salariés transférés qui viennent d'être décrites plus haut à savoir le caractère imprécis et évolutif des informations données, tant avant qu'après la cession et les informations tronquées données au comité d'entreprise qui les a relayées auprès des salariés plaçaient le personnel et notamment Madame Y... dans une situation de profonde incertitude quant à leur avenir professionnel et constituent des faits répétés constitutif de harcèlement moral qui ont eu sur la santé de Madame Y... des conséquences plus graves que pour les autres salariés ; en effet le 6 avril 2012 une réunion est organisée dans les locaux de la société BVL par Madame K... et Madame L... respectivement responsables de projet et directrice de ressources humaines de la société Eurofins Amiante Paris où il est finalement précisé aux salariés que dès l'origine du projet de cession, le déménagement aux Ulis était prévu mais les salariés ne savent toujours pas lequel d'entre eux vont être transférés et dans quel lieu ; le 6 avril la direction de la société Eurofins Amiante Paris vient faire l'inventaire du matériel sous les yeux de Madame Y... qui apprend le même jour que les cadres du service et le personnel sous CDD resteront dans la société BVL, et qu'elle et d'autres salariés transférés à la société Eurofins Amiante Paris devront aller travailler aux Ulis, à 2 heures de transport de Saint Ouen ; au moment de quitter son travail le 6 avril Madame Y... , nerveusement sous pression , pleure, en criant « nous ne sommes pas des moutons » et abaisse les disjoncteurs du couloir amenant au laboratoire ; constatant son état nerveux alarmant, la chef de service, Madame M... la conduit chez le médecin du travail lequel lui délivre sur le champ un certificat d'inaptitude temporaire ; Madame Y... en sortant du bureau du médecin du travail cire « vous aurez mon suicide sur la conscience » et se précipite au milieu de la route devant un camion qui a pu s'arrêter ; Madame Y... est conduite aux urgences de l'hôpital de Pontoise par les pompiers ; le déroulement de ces faits n'est pas contesté par la société BVL qui remet seulement en cause la tentative de suicide et le caractère d'accident du travail de ces faits ; or, il ressort e la déclaration d'accident rédigée par le service des ressources humaines de la société BVL et datée du 6 avril 2012 que Madame Y... a eu une réaction incontrôlée et incontrôlable alors qu'elle était sur son lieu de travail mais en pause , il est mentionné qu'elle n'a pas de lésions apparentes et qu'elle a été conduite à l'hôpital ; la société soutient qu'il n'existe pas de lien de causalité entre les faits et le travail alors que tout indique au vu de la chronologie des faits que l'état de stress de Madame Y... était au contraire en lien évident avec les tensions subies dans le cadre de son travail et en particulier dans le contexte d'incertitude sur son sort lié à la cession imminente, comme cela a été indiqué plus haut et ce indépendamment du fait qu'il soit prouvé qu'elle ait voulu se suicider en se jetant sous les roues d'un camion ; le fait que le médecin du travail Madame N... ait estimé urgent de la déclarer sur le champ temporairement inapte, est un élément suffisant pour attester de l'état de santé dégradé de Madame Y... et du lien avec son travail ; cela sera confirmé par la suite, tant par son médecin traitant lequel mentionne dans un certificat de travail du 12 avril 2012 qu'elle a des crises d'angoisse aigues avec ressentiment comportemental, que par l'avis d'inaptitude renouvelé le 9 juillet 2012 par le médecin du travail mentionnant qu'une reprise du travail serait possible à condition que les conditions de travail et le lieu soient précisément définis afin d'éviter toute situation stressante ; par la suite, Madame Y... qui avait commencé à consulter un psychologue dès le 29 avril 2012 a été reçue par le docteur O... psychiatre le 21 mai 2012 qui indique dans sa lettre du 11 juin 2012 que Madame Y... présente une sémiologie anxio-dépressive réactionnelle à un contexte professionnel marqué par une tension très importante ayant occasionné dans un premier temps un état d'agitation avec potentiel non négligeable de passage à l'acte suicidaire ; Madame Y... sera également suivie par le docteur S... de l'unité de pathologie professionnelle de l'hôpital Poincaré le 30 août 2012 ;
par ailleurs Madame Y... qui n'avait pas pu effectuer comme les autres salariés la visite au site des Ulis le 25 avril étant en arrêt maladie a eu l'écho de cette visite et de ses suites peu fructueuses ce qui a contribué à son angoisse ; il existe donc un lien certain entre les circonstances de la cession, l'information insuffisante des salariés sur leur sort et la réaction de Madame Y... sur son lieu de travail avant la cession laquelle a abouti postérieurement à la cession à son inaptitude temporaire puis définitive mais partielle et enfin à son licenciement pour inaptitude ; la société cédante Bureau Veritas Laboratoire et la société cessionnaire Eurofins Amiante Paris ont chacune contribué aux circonstances anxiogène de la cession et manqué ainsi à leur obligation de sécurité avant et après la cession par leur attitude fautive que la cour assimile à un harcèlement moral et qui a eu pour effet de dégrader l'état de santé de Madame Y... et d'entraîner son inaptitude ; en conséquence la cour prononcera la nullité du licenciement de Madame Y... , confirmant ainsi le jugement tout en précisant que cette nullité est fondée sur le harcèlement moral et le non-respect de l'obligation de sécurité sans qu'il soit nécessaire d'examiner la demande subsidiaire au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse pour non-respect de l'obligation de reclassement

1° Alors que l'existence d'un harcèlement moral suppose l'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en l'espèce, pour conclure à l'existence d'un harcèlement moral la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur l'insuffisance des informations données à la salarié et donc sur un fait unique ; qu'elle a violé l'article L 1152-1 du code du travail

2° Alors que l'existence d'un harcèlement moral suppose que soient caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé, ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'une situation de tension ou de stress au travail ne constitue pas en elle-même un harcèlement moral ; qu'en retenant que la cession avait placé le personnel et notamment Madame Y... dans une situation de profonde incertitude quant à leur avenir professionnel et que les tensions ainsi subies devaient être assimilées à un harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'agissements répétés constitutifs de harcèlement et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1152-1 du code du travail

3° Alors qu'aucune obligation d'information individuelle sur les conditions du transfert à l'égard de chacun des salariés concernés n'est due par le cédant ni le cessionnaire ; que la cour d'appel qui a considéré que la société Eurofins avait commis une faute à l'origine du harcèlement moral à l'égard de la salariée au motif que les informations sur les conditions de transfert étaient insuffisantes ou erronées a violé les dispositions des articles L 1224-1, L 4121-1 et L 1152-1 du code du travail et des articles 1134 et 1147 du code civil

4° Alors que de plus, lorsque l'employeur a mis en place des mesures de prévention et notamment des actions de soutien propres à prévenir les difficultés des salariés transférés dans le cadre d'une cession d'entreprise, cet employeur a mis en place les mesures propres à assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale des salariés si bien qu'il n'a pas manqué à son obligation de sécurité ; que la cour d'appel qui a décidé que les sociétés Bureau Veritas Laboratoires et Eurofins Analyses d'Amiante à Paris avaient manqué à leur obligation de sécurité à l'égard de la salariée sans s'expliquer comme cela lui était demandé (conclusions p 10§5) sur le fait qu'il avait été mis en place une cellule de soutien psychologique en mars 2012, que chaque salarié avait été rencontré individuellement et que cette cellule avait constaté que la difficulté soulevée par les salariés aurait été liée au fait que ceux-ci ignoraient alors qui était officiellement concerné par la cession, mais que les salariés ne pouvaient être informés par leur employeur avant l'information consultation des représentants du personnel, n'a pas justifié sa décision au regard des articles L 4121-1, L 4121-2 et L 1152-1 du code du travail

5° Alors que dans ses conclusions d'appel, l'exposante a fait valoir que Madame Y... avait été en arrêt de travail continu à partir du 6 avril 2012 et qu'elle n'avait donc jamais travaillé de manière effective pour la société Eurofins Analyses d'Amiante Paris si bien qu'elle ne pouvait en aucun cas avoir elle-même manqué à ses obligations en matière de sécurité à son égard ; que la cour d'appel qui a énoncé que les sociétés Bureau Veritas laboratoires et la société Eurofins Amiante Paris avaient manqué à leur obligation de sécurité avant et après la cession sans répondre aux conclusions d'appel sur ce point, a violé l'article 455 du code de procédure civile

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Eurofins Analyses Amiante Paris in solidum avec la société Bureau Veritas à payer à Madame Y... la somme de 5000€ à titre de dommages intérêts pour préjudice moral

Aux motifs que Madame Y... estime avoir subi des conditions de travail dégradées pendant plusieurs mois tout au long du processus de cession, entre février et mai 2012, préjudice distinct de son licenciement intervenu postérieurement ; avant la cession, soit par lettre du 12 avril 2012, les salariés de l'équipe amiante et environnement, auxquels on avait demandé de rendre leurs clés et badges Bureau Veritas le 13 avril, ont questionné Monsieur F..., directeur général de la société Bureau Veritas Laboratoires pour obtenir la liste officielle des salariés concernés par la cession ; c'est-à-dire que les salariés Madame Y... inclue ont été dans l'expectative et le doute sur leur sort jusqu'au dernier moment, ce qui a nécessairement généré de l'anxiété et leur a causé un préjudice moral ; comme cela a été exposé plus haute, il peut être reproché à la société Bureau Veritas Laboratoires des négligences fautives, un manque de réactivité vis-à-vis des légitimes préoccupations des salariés entre février et le 15 avril 2012, en n'exigeant pas de la société Eurofins Amiante Paris des réponses plus précises sur les modalités de transfert des deux activités, sur le nombre et le nom des salariés concerné, ayant entendu les réponses évasives de la société lors du comité d'entreprise du 13 mars 2012, une semaine avant l'acte de cession du 30 mars 2012 ; de son côté la société Eurofins Amiante Paris a participé au stress des salariés en tenant un discours trompeur et en faisant croire aux salariés , Madame Y..., inclue qu'ils pourraient continuer à travailler dans les locaux proches de Saint Ouen l'Aumône alors qu'elle organisait par la suite un déménagement partiel su matériel aux Ulis sans véritable accueil et possibilité de travail des salariés sur place ; au vu de ces éléments, les sociétés Bureau Veritas Laboratoires et Eurofins Amiante Paris seront condamnées in solidum à payer à madame Y... la somme de 5000€ au titre de son préjudice moral ;

1° Alors qu'aucune obligation d'information individuelle sur les conditions du transfert à l'égard de chacun des salariés concernés n'est due par le cédant ni le cessionnaire ; que la cour d'appel qui a considéré que la société Eurofins avait commis une faute ayant causé un préjudice moral à la salariée au motif que les informations sur les conditions de transfert étaient insuffisantes ou erronées a violé les dispositions l'article 1147 du code civil

2° Alors que dans ses conclusions d'appel l'exposante a fait valoir que Madame Y... avait été en arrêt de travail continu à partir du 6 avril 2012 et qu'elle n'avait donc jamais travaillé de manière effective pour la société Eurofins Analyses d'Amiante Paris si bien qu'elle ne pouvait en aucun cas être considérée comme ayant manqué à ses obligations en matière de sécurité à son égard ; que la cour d'appel qui a énoncé que les sociétés Bureau Veritas Laboratoires et la société Eurofins Amiante Paris avaient manqué à leur obligation de sécurité avant et après la cession sans répondre aux conclusions d'appel sur ce point, a violé l'article 455 du code de procédure civile

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Eurofins amiante paris à payer à Madame Y... la somme de 11.000,15 € à titre d'indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude

Aux motifs que s'agissant d'un licenciement pour inaptitude, Madame Y... doit percevoir cette indemnité, sauf à ce que l'employeur l'ayant licenciée pour inaptitude, à savoir la société Eurofins Amiante Paris établisse que le refus des postes proposés à titre de reclassement était abusif aux termes de l'article L 1226-14 du code du travail ; le médecin du travail a déclaré Madame Y... inapte définitivement au poste de technicienne mais apte à un poste d'analyste en amiante, sans modification du domaine ce qui serait trop stressant pour elle ; sur les 14 postes proposés, 12 se situaient à Saverne ( et un seul dans le domaine de l'amiante) et 2 aux Ulis, mais ces deux derniers postes dans d'autres domaines que l'amiante ( à savoir l'eau et la radioactivité) de sorte que ces propositions ne correspondaient pas aux préconisations du médecin du travail et se situaient loin de l'ancien lieu de travail de Madame Y... ( les Ulis avec un trajet de 2 heures aller et Saverne à 425 KM de Saint Ouen l'Aumône) dont le refus ne peut être considéré comme abusif ; en conséquence, la société Eurofins Amiante Paris sera condamnée à lui payer la somme de 1000,15€ à titre d'indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société de la convocation devant la conseil de prud'hommes

Alors que seul le salarié licencié à raison d'une inaptitude consécutive à un accident du travail a droit à une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité prévue par l'article L 1234-9 du code du travail ; que la cour d'appel qui a condamné la société Eurofins au paiement de cette indemnité sans s'expliquer comme cela lui était demandé sur le fait que l'inaptitude de Madame Y... n'était pas consécutive à un accident du travail, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L 1226-14 du code du travail


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-12487
Date de la décision : 07/03/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 15 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 mar. 2018, pourvoi n°16-12487


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.12487
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