LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1351, devenu 1355 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a exercé la profession de commissaire aux comptes au sein de la société Sarec dont il était associé unique et gérant alors qu'il était salarié de la société d'expertise-comptable Fimeco ; que suite au licenciement de M. X..., la société Fimeco s'est prévalue d'un préjudice résultant pour elle des conditions d'exercice de l'activité de commissaire aux comptes par la société Sarec et M. X... ; qu'après avoir saisi le tribunal de commerce, la société Fimeco a assigné M. X... en paiement de diverses sommes en réparation du préjudice subi ;
Attendu que pour déclarer irrecevable comme se heurtant à l'autorité de chose jugée, l'action exercée par la société Fimeco à l'encontre de M. X..., l'arrêt retient que par jugement du 21 février 2014 le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent, que ce jugement est devenu définitif, que force est donc de constater qu'à l'instar de la présente instance, cette dernière procédure opposait les mêmes parties prises en leurs mêmes qualités, concernait les mêmes demandes, elles-mêmes fondées sur la même cause, que M. X... est dès lors fondé à opposer l'autorité de la chose jugée du chef de ce jugement ;
Qu'en statuant ainsi alors que le jugement du 21 février 2014 se bornait à déclarer la juridiction commerciale incompétente pour statuer sur l'action dirigée à l'encontre de M. X... après avoir retenu que celui-ci n'était pas commerçant, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Fimeco.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré irrecevable l'action exercée par la société Fimeco à l'encontre de M. Bernard X... ;
AUX MOTIFS QUE s'agissant de la procédure commerciale ayant abouti au jugement du tribunal de commerce du 21 février 2014, il y a lieu d'observer que l'acte introductif d'instance visait, outre la SARL SAREC, M. X... à titre individuel ; que les prétentions étaient les suivantes :
· 230 000 euros pour perte de clientèle,
· 300 000 euros pour perte d'exploitation,
· 50 000 euros pour concurrence déloyale ;
que ces demandes sont fondées sur le fait que M. X..., en dépit des conventions l'unissant à la société Fimeco, aurait négligé son activité à l'égard de cette dernière pour se concentrer sur l'activité de la SAREC ; que, s'agissant de l'action dirigée par la société Fimeco contre M. X..., le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent ; que ce jugement est devenu définitif ; que force est donc de constater qu'à l'instar de la présente instance, cette dernière procédure opposait les mêmes parties prises en leurs mêmes qualités, concernait les mêmes demandes, elles-mêmes fondées sur la même cause ; que M. X... est dès lors fondé à opposer l'autorité de la chose jugée du chef de ce jugement ;
1° ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que, dans ses conclusions d'appel, M. X... demandait uniquement à la cour d'appel de se prononcer sur l'autorité de la chose jugée attachée aux arrêts rendus respectivement par la cour d'appel de Poitiers, le 11 janvier 2013, et par la cour d'appel de Limoges, le 23 janvier 2013 (conclusions d'appel de M. X..., p. 19, al. 9) ; qu'en retenant l'autorité de la chose jugée attachée à un jugement rendu, le 21 février 2014, par le tribunal de commerce de La Rochelle, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2° ALORS QU'en toute hypothèse, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en se fondant, pour déclarer irrecevable l'action exercée par la société Fimeco à l'encontre de M. X..., sur l'autorité de la chose jugée attachée à un jugement rendu, le 21 février 2014, par le tribunal de commerce de La Rochelle, sans avoir invité préalablement les parties à présenter leurs observations sur cette fin de non-recevoir relevée d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3° ALORS QU'en toute hypothèse, l'autorité de la chose jugée attachée à une décision par laquelle une juridiction s'est déclarée incompétente pour statuer sur une action ne fait pas obstacle à ce qu'une juridiction différente statue sur celle-ci ; qu'en se fondant, pour déclarer irrecevable l'action exercée par la société Fimeco à l'encontre de M. X..., sur l'autorité de la chose jugée attachée à un jugement rendu, le 21 février 2014, par le tribunal de commerce de La Rochelle, quand ce jugement s'était borné à se déclarer « incompétent en ce qui concerne l'action de Fimeco à l'encontre de Monsieur Bernard X... » (jugement du 21 février 2014, p. 8, al. 6), la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, dans sa version applicable à l'espèce ;
4° ALORS QU'en toute hypothèse, en retenant que l'action qui lui était soumise, qui opposait la société Fimeco et M. X... à titre personnel, opposait les mêmes parties prises en leurs mêmes qualités que celle qui avait été soumise au tribunal de commerce de La Rochelle, quand il ressortait des conclusions de la société Fimeco prises devant le tribunal de commerce que M. X... avait été assigné, devant cette juridiction, « ès qualités de gérant et d'associé unique de la SARL SAREC » (conclusions responsives n° 2, p. 1) et non pas à titre personnel, la cour d'appel, qui a dénaturé les écritures de la société Fimeco, a violé l'article 1134 du code civil dans sa version applicable à l'espèce.