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01/03/2018 | FRANCE | N°16-20603

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 01 mars 2018, 16-20603


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 25 février 2016) et les productions, que la cour d'assises du Rhône, statuant sur intérêts civils, a, par un arrêt du 30 juin 1989, condamné M. Y... à payer la somme de 41 161,23 euros à titre de dommages-intérêts aux parties civiles, les consorts B... ; que ces derniers ont obtenu, en réparation de leurs préjudices, le versement par le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) de diverses indemnités d'un montant

total de 810 000 francs (123 483,70 euros) en exécution d'une décisio...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 25 février 2016) et les productions, que la cour d'assises du Rhône, statuant sur intérêts civils, a, par un arrêt du 30 juin 1989, condamné M. Y... à payer la somme de 41 161,23 euros à titre de dommages-intérêts aux parties civiles, les consorts B... ; que ces derniers ont obtenu, en réparation de leurs préjudices, le versement par le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) de diverses indemnités d'un montant total de 810 000 francs (123 483,70 euros) en exécution d'une décision d'une commission d'indemnisation des victimes d'infractions du 28 février 1991 ; que le 20 juin 2014, le FGTI a fait pratiquer une saisie-attribution sur la part disponible du compte nominatif ouvert au nom de M. Y... à la maison centrale de Saint-Maur (Châteauroux) ; que M. Y... a assigné le FGTI devant un juge de l'exécution pour obtenir principalement la mainlevée de la saisie et subsidiairement le bénéfice de délais de paiement ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution litigieuse, alors, selon le moyen, que lorsque le FGTI agit sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale, le caractère autonome de la détermination de l'indemnité fait obstacle à l'exercice du recours subrogatoire prévu par ces dispositions sur le fondement du jugement rendu par la juridiction répressive ; qu'en jugeant que le FGTI pouvait pratiquer une saisie-attribution en vertu du titre exécutoire que constitue l'arrêt rendu contradictoirement sur intérêts civils, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées, ensemble l'article 706-11 du code de procédure pénale et l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 706-11 du code de procédure pénale que le FGTI est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite des réparations à la charge desdites personnes et qu'il peut exercer ses droits par toutes voies utiles ;

Qu'ayant constaté que le FGTI agissait en vertu de l'arrêt rendu sur intérêts civils le 30 juin 1989 par la cour d'assises du Rhône et qu'il suffisait pour s'en convaincre de relever que le procès-verbal de saisie-attribution visait une dette en principal s'élevant à la somme de 41 161,23 euros correspondant au montant des condamnations prononcées, la cour d'appel en a exactement déduit que la saisie-attribution pratiquée par le FGTI, subrogé dans les droits de la victime, était fondée sur un titre exécutoire ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Attendu que M. Y... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que l'indemnisation des parties civiles concernées par les condamnations inscrites à l'écrou est assurée sur la première part du compte nominatif institué par l'article D. 320-1 du code de procédure pénale ; qu'en rejetant la demande de mainlevée de la saisie pratiquée sur la part disponible de ce compte par le FGTI, la cour d'appel a violé ces dispositions, ensemble l'article D. 325 du même code ;

Mais attendu que les dispositions de l'article D. 325 du code de procédure pénale selon lesquelles l'indemnisation des parties civiles concernées par les condamnations inscrites à l'écrou est assurée sur la première part du compte nominatif institué par l'article D. 320-1 du code de procédure pénale ne font pas obstacle à ce que ces parties civiles, de même que le FGTI, subrogé dans leurs droits, exercent, à l'instar des autres créanciers, une saisie-attribution, dans les conditions du droit commun, sur la part disponible du compte nominatif de l'auteur de l'infraction, conformément aux dispositions de l'article D. 333 du même code ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu que M. Y... fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que toutes les sommes qui échoient aux détenus ont un caractère alimentaire, dans la limite mensuelle de 200 euros et de 400 euros à l'occasion des fêtes de fin d'année ; qu'en validant la saisie-attribution de la totalité de la somme de 17 624,65 euros correspondant à la part disponible du compte nominatif du détenu, la cour d'appel a violé l'article D. 320 du code de procédure pénale ;

Mais attendu qu'il ne ressort ni des énonciations des juges du fond ni des productions, que M. Y... avait soutenu qu'une partie des sommes figurant sur la part disponible de son compte nominatif était insaisissable en raison de son caractère alimentaire et que la saisie-attribution ne pouvait être validée pour la totalité de la part disponible de ce compte ;

D'où il suit, que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la quatrième branche du moyen, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Y... de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur la part disponible de son compte nominatif ouvert à son nom à la maison centrale de Saint-Maur ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, contrairement à ce qu'il soutient, le Fonds de Garantie agit non pas en vertu de la décision de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions de Lyon du 28 février 1991, mais en vertu du titre exécutoire que constitue l'arrêt rendu contradictoirement sur intérêts civils le 30 juin 1989 par la cour d'assises du Rhône ; qu'il suffit pour s'en convaincre de relever que le procès-verbal de saisie-attribution vise une dette en principal s'élevant à la somme de 41 161,23 € correspondant bien aux condamnations prononcées sur intérêts civils par la cour d'assises du Rhône ; qu'ainsi en vertu de l'article 706-11 du code de procédure pénale, le Fonds de Garantie est subrogé dans les droits de la victime, ce qui lui permet de pratiquer des saisies-attributions sur les comptes de l'auteur de l'infraction ; que par ailleurs c'est par de justes motifs que la cour fait siens (pages quatre et cinq du jugement) qu'après avoir rappelé d'une part les dispositions du code des procédures d'exécution relatives aux mesures d'exécution et d'autre part les dispositions du code de procédure pénale relatives aux saisies-attributions pratiquées sur les sommes composant la part disponible du pécule d'un détenu, que le premier juge a débouté M. Y... de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée à son encontre ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'en application de l'article L 111-2 du code des procédures d'exécution, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution ; que l'article L 111-3 du même code prévoit notamment que constituent des titres exécutoires les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire ; qu'en l'occurrence, il est constant et non contesté par M. Y... que le Fonds de Garantie des victimes de terrorisme et d'autres infractions dispose d'un titre exécutoire constatant une créance liquide ; que pour remettre en cause l'exigibilité immédiate du solde de cette créance, M. Y... excipe d'un accord pour un règlement échelonné de paiement que lui aurait consenti le Fonds de Garantie des victimes de terrorisme et d'autres infractions, de telle sorte que cet accord aurait emporté renonciation de ce dernier à recourir à toute voie d'exécution ; qu'il ne verse toutefois aux débats aucun document signé des deux parties qui serait susceptible de valoir transaction et prévoirait la possibilité pour lui de s'acquitter de sa dette en autant d'échéances dûment chiffrées, avec clause de déchéance du terme en cas de non-respect de l'une seule de ces échéances ; que la créance du Fonds de Garantie des victimes de terrorisme et d'autres infractions à l'encontre de M. Y... était donc parfaitement exigible à la date de la saisie-attribution litigieuse ; qu'ensuite en application de l'article L 211-1 de ce même code, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent ; qu'aux termes de l'article 728-1 I du code de procédure pénale, « les valeurs pécuniaires des détenus, inscrites à un compte nominatif ouvert à l'établissement pénitentiaire, sont divisées en trois parts : la première sur laquelle seules les parties civiles et les créanciers d'aliments peuvent faire valoir leurs droits ; la deuxième, affectée au pécule de libération, qui ne peut faire l'objet d'aucune voie d'exécution ; la troisième, laissée à la libre disposition des détenus (
) » ; qu'en application de ce texte, l'article D 333 du même code précise qu'« une saisie-attribution peut, dans les conditions du droit commun, être valablement formée concernant le compte nominatif d'un détenu, entre les mains du régisseur chargé de la gestion des comptes nominatifs. – La saisie-attribution porte exclusivement sur les sommes composant la part disponible, sous réserve du cantonnement éventuellement ordonné par l'autorité judiciaire et des insaisissabilités reconnues par la loi » ; qu'il en résulte que les détenus sont soumis, concernant les dettes qu'ils ont pu contracter, aux dispositions de droit commun s'agissant comme en l'espèce des saisies sur la part disponible de leur compte nominatif ; que M. Y... n'est dès lors pas fondé, pour obtenir la mainlevée pure et simple de la saisie-attribution litigieuse pratiquée sur la part disponible de son compte nominatif, à faire valoir son objectif d'insertion sociale alors que ce dernier est précisément l'objet du « pécule de libération », épargne obligatoire précisément constituée en vue de la préparation de la libération du détenu et faisant donc l'objet au sein du compte nominatif des détenus d'un traitement spécial, en tous cas préservée de toute voie d'exécution quelle que soit la qualité du créancier en application des articles 728 et D 324 du code de procédure pénale ; qu'enfin l'article L 111-7 du code des procédures civiles d'exécution énonce que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance, avec cette précision que l'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation ; que l'article L 121-1 du même code ajoute à cet égard que le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive ; qu'en l'occurrence, eu égard à l'importance des dommages et intérêts dus par M. Y... et alors qu'en plus de 16 ans, il n'a remboursé au Fonds de Garantie des victimes de terrorisme et d'autres infractions que la seule somme de 1 990,31 € représentant à peine 5 % du recours exercé par le Fonds de Garantie des victimes de terrorisme et d'autres infractions (41 161,23 €), il ne saurait être considéré que la saisie-attribution litigieuse, permettant l'appréhension d'une somme de plus de 16 000 €, est inutile ou abusive ; qu'au total, M. Y... ne peut qu'être débouté de sa demande de mainlevée pure et simple de la saisie-attribution litigieuse ;

1°) ALORS D'UNE PART QUE lorsque le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions agit sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale, le caractère autonome de la détermination de l'indemnité fait obstacle à l'exercice du recours subrogatoire prévu par ces dispositions sur le fondement du jugement rendu par la juridiction répressive ; qu'en jugeant que le FGTI pouvait pratiquer une saisie-attribution en vertu du titre exécutoire que constitue l'arrêt rendu contradictoirement sur intérêts civils, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées, ensemble l'article 706-11 du code de procédure pénale et l'article L 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°) ALORS AU DEMEURANT QUE l'indemnisation des parties civiles concernées par les condamnations inscrites à l'écrou est assurée sur la première part du compte nominatif institué par l'article D 320-1 du code de procédure pénale ; qu'en rejetant la demande de mainlevée de la saisie pratiquée sur la part disponible de ce compte par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, la cour d'appel a violé ces dispositions, ensemble l'article D 325 du même code ;

3°) ALORS EN OUTRE QUE toutes les sommes qui échoient aux détenus ont un caractère alimentaire, dans la mesure dans la limite mensuelle de 200 € et de 400 € à l'occasion des fêtes de fin d'année ; qu'en validant la saisie-attribution de la totalité de la somme de 17 624,65 € correspondant à la part disponible du compte nominatif du détenu, la cour d'appel a violé l'article D 320 du code de procédure pénale ;

4°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'en validant la saisie-attribution de la totalité de la somme de 17 624,65 € correspondant à la part disponible du compte nominatif du détenu, ne lui laissant que son pécule de libération de 1 702 €, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée à ses chances de réinsertion et à son droit de propriété tel qu'il est protégé par l'article 17 de la Déclaration de 1789.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-20603
Date de la décision : 01/03/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

FONDS DE GARANTIE - Actes de terrorisme et autres infractions - Recours subrogatoire - Recours contre l'auteur de l'infraction - Compte nominatif du détenu - Part disponible - Saisie-attribution - Exercice - Possibilité

Les dispositions de l'article D. 325 du code de procédure pénale selon lesquelles l'indemnisation des parties civiles concernées par les condamnations inscrites à l'écrou est assurée sur la première part du compte nominatif institué par l'article D. 320-1 du code de procédure pénale ne font pas obstacle à ce que ces parties civiles, de même que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), subrogé dans leurs droits, exercent, à l'instar des autres créanciers, une saisie-attribution, dans les conditions du droit commun, sur la part disponible du compte nominatif de l'auteur de l'infraction, conformément aux dispositions de l'article D. 333 du même code


Références :

articles 706-11, D. 320-1, D. 325, et D. 333 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 25 février 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 01 mar. 2018, pourvoi n°16-20603, Bull. civ.Bull. 2018, II, n° 36
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, II, n° 36

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.20603
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