La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/02/2018 | FRANCE | N°17-81682

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 février 2018, 17-81682


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Didier X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 13 décembre 2016, qui, pour présentation de comptes inexacts et banqueroute, l'a condamné à 15 000 euros d'amende et cinq ans d'interdiction de gérer et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 janvier 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pÃ

©nale : M. Soulard, président, Mme Zerbib, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseill...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Didier X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 13 décembre 2016, qui, pour présentation de comptes inexacts et banqueroute, l'a condamné à 15 000 euros d'amende et cinq ans d'interdiction de gérer et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 janvier 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Zerbib, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Zerbib, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Z... ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X... a été gérant d'une société par actions simplifiées unipersonnelle Cap Phone dont l'activité consistait à amener des personnes jointes par téléphone à conclure des contrats d'assurance et qui a été a placée en liquidation judiciaire par jugement du 17 août 2010 ; que la date de cessation des paiements a été provisoirement fixée au 1er juin 2010, le passif déclaré étant d'un montant de 3 743 344, 68 euros ;

Qu'aux termes de ses accords avec les compagnies d'assurance, la société Cap Phone était rémunérée, à l'occasion de chaque police souscrite, par une commission qui devait toutefois être restituée, en tout ou partie, en cas de résiliation dans les deux ans par le client ; que la certification des comptes sociaux déposés en 2007 mentionnait une incertitude quant à la continuité d'exploitation compte tenu du résultat déficitaire ; que les comptes de 2008 n'avaient pas été certifiés et ceux de 2009 non déposés, le commissaire aux comptes n'ayant pas été mis en mesure d'établir son rapport ;

Que suite à une enquête ordonnée par le procureur de la République, M. X... a été notamment poursuivi pour avoir, d'une part, entre le 31 décembre 2007 et le 1er juin 2010, présenté des comptes annuels infidèles s'étant abstenu d'inscrire dans les écritures des provisions ou des avances destinées à traduire au plan comptable le risque de remboursement des commissions versées à la société Cap Phone par les compagnies d'assurances et à préserver la trésorerie nécessaire en cas de restitution de ces rémunérations, d'autre part, entre le 1er juin 2010 et le 17 août 2010, étant dirigeant de droit de ladite société, objet d'une procédure collective, commis le délit de banqueroute par tenue d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière en ce qu'elle n'intégrait pas les probabilités de rétrocession des commissions ; qu'il a été renvoyé des fins de la poursuite par le tribunal ; que le ministère public a interjeté appel de cette décision, de même, sur ses dispositions civiles, que le mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Cap Phone, constitué partie civile ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6 2° du code de commerce, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a déclaré M. X... coupable de présentation de comptes annuels inexacts pour dissimuler la situation d'une société par actions et de banqueroute par tenue de comptabilité incomplète ou irrégulière ;

"aux motifs que M. A... a reconnu lors de l'enquête et des débats n'avoir jamais comptabilisé de provisions pour risque dans sa comptabilité mais a affirmé que ce risque était anticipé dans la facturation adressée aux compagnies d'assurance ; que le taux de résiliation appliqué à la facturation était issu des données fournies par les compagnies d'assurance elles-mêmes ; qu'il subsistait dès lors un aléa contractuel inhérent au pourcentage de ruptures anticipées, les compagnies d'assurance pouvant procéder à un rattrapage de commissions ; que M. B..., chef de bureau en charge de la comptabilité de la société Cap Phone au sein du cabinet GAEA Conseil à Dampmart, a reconnu qu'aucune provision n'avait été comptabilisée, estimant n'avoir pas eu à l'époque le recul nécessaire pour évaluer précisément le risque par rapport à la retenue forfaitaire déjà en place ; qu'il a analysé les reprises de commission par Generali début 2010 comme une « bombe à retardement » ; que sur ce point Maître C..., administrateur judiciaire de la société, a indiqué aux enquêteurs que la situation comptable qui lui avait été présentée au cours de la période d'observation ne laissait pas apparaître d'information concernant un éventuel remboursement de commissions, précisant que si tel avait été le cas il en aurait discuté avec le dirigeant puisque les comptes n'auraient pas présenté une situation viable ; que Maître Jérôme D..., concluait au terme de son rapport que les difficultés de la société étaient manifestement due à la diminution brutale de son chiffre d'affaires, résultant certes de ses contre-performances commerciales mais surtout de l'annulation de commissions ; que M. X... lui-même a admis lors de son audition par les services de police que le risque de résiliation des contrats par les clients aurait dû être pris en compte au plan comptable ; que M. A... a imputé la déconfiture de la société à des reprises de commissions par les compagnies d'assurance, le taux de résiliation s'étant révélé supérieur, au taux anticipé dans la facturation ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'en s'abstenant d'anticiper et de provisionner ce risque, les comptes annuels ne reflétaient pas, pour chaque exercice, une image exacte du résultat des opérations de l'exercice, de la situation financière et du patrimoine de la société Cap Phone à l'expiration de cette période ; que M. X..., en sa qualité de dirigeant de la société, ne saurait utilement soutenir pour s'exonérer de sa responsabilité pénale qu'il s'agissait d'une simple appréciation erronée du risque alors qu'il lui appartenait de veiller au respect de cette obligation ; que l'infraction étant caractérisée en tous ses éléments, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a relaxé M. X... et, statuant à nouveau, de déclarer M. X... coupable de ce chef de prévention ;

"1°) alors que la cour d'appel ne pouvait, pour déclarer le demandeur coupable de présentation de comptes infidèles, se borner à relever qu'il s'est abstenu d'anticiper et de provisionner le risque lié à la résiliation des contrats d'assurance sans répondre au moyen péremptoire de défense, relevé par les premiers juges pour relaxer le prévenu, selon lequel ce risque était anticipé dans la facturation adressée aux compagnies d'assurance et qu'en conséquence, la comptabilité de la société donnait une image fidèle de la situation financière et du résultat de l'entreprise ;

"2°) alors que le délit de présentation de comptes annuels infidèles n'est constitué que si son auteur a eu l'intention de dissimuler la véritable situation de l'entreprise ; qu'en se bornant à juger que M. X... ne peut pas soutenir qu'il s'agissait d'une simple appréciation erronée du risque lorsqu'il lui appartenait de veiller au respect de cette obligation, sans caractériser sa volonté de dissimuler la véritable situation de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Attendu que, pour infirmer le jugement en ce qu'il a renvoyé M. X... E... de la poursuite du chef de présentation de comptes inexacts et le déclarer coupable de ce délit, l'arrêt énonce, notamment, que selon l'administrateur judiciaire au redressement de la société Cap Phone, les difficultés de cette dernière étaient dues en grande partie à l'annulation des commissions, qu'un autre administrateur a déploré avoir été laissé dans l'ignorance de leur rétrocession affirmant que si les comptes avaient intégré ce risque de remboursement, ils n'auraient pas présenté une situation sociale viable ; que les juges ajoutent qu'en l'absence de traduction comptable du risque, les comptes annuels, qui ne reflétaient ni l'état des finances de la société, ni son patrimoine, n'affichaient pas une image fidèle des résultats de chacun des exercices visés dans la prévention et que s'étant abstenu d'établir des comptes en adéquation avec la situation sociale réelle, M. X... ne saurait soutenir s'être trompé de bonne foi quant à l'appréciation du risque de restitution de chacune des commissions ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il ressort que les dissimulations comptables avaient pour objet et ont eu pour effet de donner de la société une image fausse en ce qu'elles conduisaient à présenter dans les comptes sociaux comme faisant partie du chiffre d'affaires des commissions qui n'étaient pas définitivement acquises et que la nature même des accords conclus par le prévenu avec les compagnies d'assurance impliquait la prise en compte de leur possible rétrocession, la cour d'appel, qui a répondu à tous les chefs péremptoires des conclusions déposées devant elle, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 654-2 5° du code de commerce, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a déclaré M. X... coupable de banqueroute par tenue d'une comptabilité inexacte ou incomplète ;

"aux motifs que M. X... est poursuivi pour avoir à Reims, entre le 1er juin et le 17 août 2010, étant dirigeant de droit de la SAS Cap Phone faisant l'objet d'un redressement judiciaire ou d'une liquidation judiciaire, commis le délit de banqueroute en tenant une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales, en l'espèce et notamment en ne procédant pas à l'inscription en comptabilité de provisions ou d'avances concernant le risque de remboursement des commissions des contrats d'assurance ; qu'il convient d'observer à titre liminaire que la période de prévention est bien postérieure à la date de cessation des paiements fixée au 1er juin 2010 ; qu'au sens de l'article L.654-2 5° du code de commerce, le défaut d'inscription en comptabilité de provision ou d'avance concernant le risque de remboursement de commission suffit matériellement à rendre une comptabilité incomplète ou irrégulière ; qu'alors même que M. X... a, tant dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Cap Phone que lors de l'enquête et des débats, imputé notamment au taux d'annulation des contrats, manifestement sous évalué au cours du premier semestre 2010, la déconfiture de la société, il ne saurait sérieusement prétendre qu'il ignorait le caractère manifeste de l'irrégularité commise, situation au demeurant dissimulée tant à l'administrateur judiciaire qu'au commissaire aux comptes durant la période de sauvegarde ; qu'en poursuivant néanmoins l'activité de la société au delà de la date de cessation des paiements sans inscrire en comptabilité de provisions ou d'avance de nature à prévenir le risque de remboursement des commissions, M. A... s'est manifestement rendu coupable du délit de banqueroute, la situation comptable présentée au 30 juin 2010 dans le cadre de la demande d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire étant au demeurant inexacte ; que l'infraction apparaissant dès lors caractérisée, il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a relaxé M. X... et, statuant à nouveau, de le déclarer coupable de ce chef de prévention ;

"1°) alors que la cour d'appel ne pouvait, pour déclarer le demandeur coupable de présentation de banqueroute par tenue de comptabilité incomplète ou irrégulière, se borner à relever qu'il a poursuivi l'activité de la société au-delà de la cessation des paiements sans inscrire en comptabilité de provisions ou d'avance de nature à prévenir le risque de remboursement des commissions, sans répondre au moyen péremptoire de défense, relevé par les premiers juges pour relaxer le prévenu, selon lequel ce risque était anticipé dans la facturation adressée aux compagnies d'assurance et qu'en conséquence, la comptabilité de la société donnait une image fidèle de la situation financière et du résultat de l'entreprise ;

"2°) alors que le délit de banqueroute par tenue de comptabilité manifestement irrégulière ou incomplète n'est constitué que si son auteur a eu l'intention de nuire aux créanciers ; qu'en se bornant à juger que M. X... ne saurait sérieusement prétendre qu'il ignorait le caractère manifeste de l'irrégularité commise, sans caractériser sa volonté de dissimuler la véritable situation de l'entreprise aux créanciers, la cour d'appel a de plus fort privé sa décision de base légale" ;

Attendu que, pour infirmer le jugement en ce qu'il a renvoyé M. X... E... de la poursuite du chef de banqueroute et le déclarer coupable de ce délit, l'arrêt énonce notamment qu'il avait conscience de l'irrégularité manifeste commise ayant consisté à ne pas faire figurer en provision des commissions susceptibles de restitution, ces dissimulations n'ayant été révélées ni à l'administrateur judiciaire lors de la procédure de redressement, ni au commissaire aux comptes pendant la période de sauvegarde dont la société avait bénéficié ; que les juges ajoutent que la situation comptable de la société ainsi présentée au 30 juin 2010 à l'occasion de la demande d'ouverture d'un redressement judiciaire était inexacte ;

Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que M. X... savait que les commissions ne devaient pas être définitivement intégrées au chiffre d'affaires dans les deux années ayant suivi la conclusion, par son entremise, des polices d'assurance, sans qu'elles ne figurent en provision dans les écritures comptables, la cour d'appel, qui a caractérisé le délit en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, et répondu à tous les chefs péremptoires de conclusions, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen pris de la violation des articles 132-20, alinéa 2, et 132-1 du code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a condamné M. X... à une peine complémentaire d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale pour une durée de cinq ans ;

"aux motifs qu'à titre de peine complémentaire, il convient de prononcer à son encontre une interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale pour une durée de cinq ans ;

"alors qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'en prononçant une peine d'interdiction d'exercice pour une durée de cinq ans, sans s'expliquer sur la gravité des faits, la personnalité de son auteur et sa situation personnelle qu'elle devait prendre en considération, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision" ;

Attendu que l'arrêt énonce que M. X..., retraité, est marié ; qu'il a dissimulé à l'administrateur judiciaire et au commissaire aux comptes de la société Cap Phone, dont il était le dirigeant de droit, lors de sa demande tendant à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, la situation sociale véritable en présentant des écritures comptables faisant apparaître comme intégrées au chiffre d'affaire des commissions susceptibles de restitution qui n'ont pas été inscrites en provision, il a donné une image faussée des comptes ; que les juges ajoutent que si l'administrateur judiciaire avait été mieux renseigné au temps de la période d'observation, il aurait estimé qu'en réalité, les comptes ne présentaient pas une situation sociale viable ;

Attendu qu'en l'état de tels motifs dont il se déduit que, prononçant une peine d'interdiction de gérer de cinq années à l'encontre de M. X..., en fonction, comme elle l'énonce, de la nature des faits, de leur gravité, des circonstances de leur commission, de la situation personnelle de ce dernier, mais aussi de sa personnalité, la cour d'appel a, sans méconnaître les dispositions légales visées au moyen et sans insuffisance, justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit février deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-81682
Date de la décision : 28/02/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 13 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 fév. 2018, pourvoi n°17-81682


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.81682
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award